Accordons à la coutume qu’on peut aimer les divertissements et les rechercher ; mais aussi ne saurait-on dénier que les plaisirs criminels ou dangereux, tels qu’on a prouvé qu’est celui de la Comédie, ne soient défendus. Outre les raisons que nous en avons apportées, l’on peut encore considérer que ce plaisir est contre la nature des divertissements licites, qui est de fortifier l’esprit en le relâchant, et de le rendre propre à exercer avec plus de vigueur ses fonctions ordinaires, et particulièrement celles où la Religion l’engage. […] » Cette seule défense, quand elle ne serait soutenue d’aucune raison, ne devrait-elle pas suffire à des Chrétiens pour les détourner de la Comédie, puisque nous devons une obeissance aveugle à l’autorité de l’Eglise, et que nous avons renoncé à ces divertissements dans le Baptème ?
La Comédie, selon lui, est donc moins un divertissement qu’une école de vertu et de crainte salutaire. […] Quand on se fait de son opprobre un divertissement, ou qu’on prend plaisir à se reprocher en diverses manières les uns aux autres un mal dont tous sont également accablés, ce mal ne peut pas être plus désespéré qu’il est. […] Les doux mots de « remède », et de « divertissement » ne lui imposent point ; elle déteste tout ce qui est un mal en soi, tout ce qui nous lie à autre chose qu’au Créateur. […] Où est l’homme sage qui voudra s’exposer à perdre la paix intérieure, et à éteindre l’esprit qui anime un vrai Chrétien, pour un divertissement frivole N'est-il pas écrit que celui qui aime le danger y périra ? […] Il débite des paradoxes, et au lieu de faire de la Comédie un divertissement agréable, comme il la toujours considérée, il en fait un exercice de contention, capable de rebuter les esprits les plus fermes et les plus propres à résister à leurs mouvements.
Il n'y a guère eu que ce siècle-ci où l'on ait entrepris de justifier la Comédie, et de la faire passer pour un divertissement qui se pouvait allier avec la dévotion. […] Car comme il n'y a guère de divertissement plus agréable aux gens du monde que celui-là, il leur était fort important de s'en assurer une jouissance douce, et tranquille, afin que rien ne manquât à leur satisfaction.
Il est vrai, l’Ecriture sainte ne la defend pas expressément ; & ce fût ce prétexte, dont on se servoit du tems de saint Cyprien, pour authoriser le divertissement du theatre : mais ce ne fût qu’un faux prétexte : car l’Ecriture, répond ce grand Saint, Verecundiam passa plus interdixit, qui tacuit ; veritas, si ad hæc usque descenderet, pessimè de fidelibus suis sensisset. […] On en doûte dans le monde ; puisque chez la plûpart ce divertissement passe pour legitime. […] « interrogé ceux que Dieu nous a donnés pour Maîtres » ce sont les Peres de l’Eglise : j’ai rapporté leurs termes, je les ai pésés : ils nous disent d’un consentement digne des organes de la verité éternelle, que la Comedie est un divertissement indigne du Chrêtien. […] Madame, cette excuse, que l’amour dereglé pour le divertissement suggere, est une erreur, une illusion. […] Or ce sont les personnes en question, qui doivent prudemment juger, que leur présence authorisera ce divertissement, dont on a au moins tout sujét de se defier.
Il n'y a plus lieu d'y craindre l'apostasie des Fidèles ; on ne saurait plus les accuser d'entrer dans la société des Idoles, que l'on ne voit plus au Théâtre qu'avec des sentiments dignes des Chrétiens, je veux dire qu'avec horreur ou avec mépris ; et ce qui fut autrefois un sacrilège, n'est plus maintenant qu'un divertissement public, agréable et sans crime à cet égard. […] Pourquoi voudrait-on les traiter avec plus de rigueur que les autres Spectacles de l'antiquité que les Empereurs Chrétiens ont entretenus longtemps après leur avoir ôté tout ce qu'ils avaient du Paganisme ; ils en firent les divertissements de leur Cour et de leurs Peuples, quand les Fidèles y purent assister sans entrer dans la société des Idolâtres. […] Il ne faut donc plus employer contre le Théâtre de notre temps ces grandes paroles de zèle et de foudre que les anciens Pères de l'Eglise ont autrefois prononcées, et l'on ne doit pas condamner un divertissement que les Papes et les Princes Chrétiens ont approuvé depuis qu'il a perdu les caractères de l'impiété qui le rendaient abominable.
« Illud etiam præmonemus, ne quis in legem nostram, quam dudum tulimus, committat : nullum solis. die populo spectaculum præbeat, nec divinam venerationem confecta solennitate confundat. » C’est-à-dire par la danse, ou par la Comédie, ou par quelque autre divertissement profane, « et en causant par ce moyen de la confusion, et du désordre dans nos solennités ». […] C’est pourquoi s’il s’en trouve parmi eux quelques-uns qui suivent encore la folie des Juifs, ou qui imitent l’erreur et l’extravagance des Païens, par les danses et par d’autres divertissements indignes ; qu’ils apprennent que c’est abuser d’un temps, qui est tout consacré à la prière, que de l’employer à la recherche de son plaisir ; et que c’est irriter Dieu, que de s’occuper à des exercices qui ne servent qu’à la satisfaction des sens ; lorsqu’on devrait être prosterné devant sa majesté, pour l’adorer, et pour invoquer sa miséricorde. […] Mais remarquez encore avant de passer aux lois Ecclésiastiques, que ces Empereurs ont ajouté le temps Pascal à celui de l’Avent, et ont commandé aux Chrétiens de le passer saintement, et dans un retranchement entier de tous les divertissements du siècle.
C'est pourquoi ce même Prophète à qui Dieu avait donné ce goût spirituel pour sa parole témoigne incontinent après qu'il ne pourrait souffrir les assemblées de jeux et de divertissement, et qu'il mettait toute sa gloire et toute sa joie à considérer les merveilles des œuvres de Dieu : « Non sedi cum concilio ludentium, et gloriatus sum a facie manus. […] Tous ces divertissements qui sont si agréables aux gens du monde leur sont une viande fade, dont ils ne sauraient manger, parce qu'ils n'y voient que du vide, du néant, de la vanité et de la folie; et qu'ils n'y trouvent point le sel de la vérité et de la sagesse.
C'est pourquoi ce même Prophète à qui Dieu avait donné ce goût spirituel pour sa parole, témoigne incontinent après qu'il ne pouvait souffrir les assemblées de jeux et de divertissements; et qu'il mettait toute sa gloire et toute sa joie à considérer les merveilles des ouvrages de Dieu : « Non sedi cum concilio ludentium, et gloriatus sum a facie manus tuae. […] Tous ces divertissements, qui sont si agréables à ceux qui aiment le monde leur sont une viande fade, dont ils ne sauraient manger; parce qu'ils n'y voient que du vide, du néant, de la vanité et de la folie, et qu'ils n'y trouvent point le sel de la vérité et de la sagesse; ce qui leur fait dire avec Job, qu'ils n'en sauraient goûter : « An poterit comedi insulsum quod non est sale conditum ?
Les raisons de douter, sont que les spectateurs de la Comédie sont comme en possession de jouir d’un divertissement, qu’ils trouvent déjà établi. […] L’homme a besoin de divertissement pour ne pas succomber dans les occupations sérieuses auxquelles il est engagé par son état, et pour être dans la disposition de les reprendre dans la suite. […] Enfin saint François de Sales dans cet endroit de la 3e Partie, met tant de conditions pour assister à ces sortes de divertissements, qu’il est plus facile de n’y point aller que d’y aller avec tant de restrictions. […] S’il n’est pas permis d’aller à la Comédie, au moins quelquefois, dira-t-on, il ne reste presque plus de divertissement dans une grande Ville comme Paris, où il y a beaucoup de gens qui sont occupés à des travaux purement d’esprit. Le Spectacle est un des divertissements qui le délassent davantage.
Car l’on a toujours cru dans l’Eglise que les spectacles étaient des divertissements interdits aux Chrétiens ; et qu’ils ne s’accordaient nullement avec l’esprit, et les maximes de l’Evangile. […] Il a paru dans Paris depuis quelques mois une Lettre ; où l’on entreprend de justifier la Comédie, qui est un divertissement fort au goût des gens du monde, et de la faire passer pour une chose bonne, honnête et permise.
Je ne pense pas qu’en tout autre divertissement on trouve unies ensemble et les paroles et les actions : mais écoutez encore un peu ce grand Docteur, il achèvera de vous convaincre par une objection qu’il se fait à lui-même, et vous verrez comme il y répond. […] , que les Comédiens passent les bornes du divertissement, eux qui ne destinent toute leur vie qu’à jouer. […] « Le divertissement, répond cet excellent Docteur« Quod sicus dictum est, etc. »Ibid. […] La première, que sous le nom général de jeux et de divertissements il entend aussi la Comédie, et qu’il l’approuve en même temps, qu’il trouve de la vertu dans les premiers. […] Qu’on ne me dise point que c’est parce que les derniers jouent par intérêt, et pour en retirer du profit, au lieu que tous les autres ne le font que pour leur divertissement ; car cette raison fait pitié.
Car comme il n’y a guere de divertissement, ni de spectacle plus agreable aux gens du monde, quelque soin qu’on ait pris de la rendre plus honnête, n’y voit-on pas encore le plaisir le plus criminel paré de tous ses attraits ? […] Et bien, me direz-vous, il est à propos que ces personnes sacrifient leur plaisir & leur divertissement à l’interêt public, & au salut de leurs freres. […] Mais enfin, il me semble que j’entends quelqu’un qui me dit, que toutes ces raisons ne le regardent point, qu’il se connoît assez pour ne point apprehender les mauvaises impressions que cela peut faire, qu’il luy reste encore assez de temps aprés avoir vaqué à ses devoirs & à ses affaires, pour le donner à quelque divertissement, & qu’il n’est pas d’un rang si distingué, que son exemple puisse authoriser les desordres que les autres y peuvent commettre ; & pourquoy donc, dira-t-il, m’interdire un divertissement que nous ne voyons pas défendu par les Lois ni divines, ni humaines ? […] Si donc c’est un crime & une espece d’Apostasie, comme nous avons déja dit, d’aimer & de rechercher les vanitez de ce monde, n’est-ce pas un sujet de craindre qu’on ne les aime, & qu’on ne s’y attache, que de s’y plaire, d’y courir avec ardeur, & d’en faire son plus grand divertissement ? […] N’est-ce pas plûtôt déja une marque qu’on y est fortement attaché, que d’y demeurer avec plaisir, d’y courir avec empressement, d’y passer les jours & les nuits, & de n’avoir point de plus grand divertissement ?