Ce soin même que prennent les auteurs des pièces de théâtre, de couvrir leurs mensonges de l’apparence de vérité, afin qu’elles puissent être agréables rend témoignage à ce que j’avance, et prouve invinciblement que l’esprit de l’homme est créé pour la vérité ; mais cet attachement prodigieux à des fictions et à des chimères, fait voir d’autre part qu’il est devenu plus vain que la vanité, puisqu’il préfère l’image à la réalité, des mets en peinture à une viande solide, et qu’il consume misérablement ses forces et sa vigueur à poursuivre des fantômes, et courir après l’ombre de la grandeur. […] ) qui agacent les dents de ceux qui en mangent, c’est-à-dire qui se repaissant de ces joies déplorables, leurs sens spirituels s’engourdissent, et deviennent incapables d’entendre les choses de Dieu. […] Tertullien dans un ouvrage exprès qu’il a composé contre cet abus, entreprend de faire voir qu’il est incompatible avec la sainteté de la religion que nous professons, car il est certain dit ce docte Africain, que la recherche des plaisirs sensuels est une des passions la plus violente et la plus tyranniquec de l’homme, et qu’entre les plaisirs, celui des spectacles transporte davantage, ils font revivre les passions dans les cœurs les plus mortifiés, les animent, les fortifient, et après avoir comme extasiés ceux qui se repaissent de ces funestes divertissements, et avoir excité des mouvements d’amour, de haine, de joie, de tristesse, le cœur se ferme à ceux de la grâce plus calmes et plus modérés, et y devient impénétrable. […] L’instinct du Christianisme va si fort à en éloigner, que les Païens reconnaissaient qu’un homme était devenu Chrétien dés qu’ils ne le voyaient plus dans ces lieux, et la curiosité y ayant un jour conduit une Chrétienne, le démon prit possession d’elle aussitôt, et comme on le conjurait dans les exorcismes de dire ce qui l’avait rendu assez insolent pour s’emparer du corps de cette servante de Jésus-Christ, il répondit par sa bouche qu’il l’avait trouvée dans sa maison, in meo inveni. […] Comment sortir innocent de ces assemblées profanes où Dieu est déshonoré, où le démon préside, où la raison entraînée par les sens devient incapable d’éclairer et de conduire la volonté, où la concupiscence sans mord et sans frein, ne voit rien qui ne l’irrite, où la modestie et la retenue devient un vice, ô combien de fois dans la suite ces réjouissances séculières ont-elles été changées en deuil par les événements les plus tragiques que produit le transport furieux de la jalousie.
A leur place, il fait venir les plus petites bourgeoises, il en devient amoureux, & veut les épouser. […] Quoique tous les deux fussent mariés, il en devint passionnément amoureux. […] Il devint amoureux d’une fille de la Reine ; le mariage n’étoit pas sortable, on craignit qu’il ne devînt nécessaire. […] Le Confident devint infidele, & fut épris d’une belle passion pour la Napolitaine qu’il retrouva à Madrid, que le Duc inconstant & dégoûté lui abandonna. […] Malgré le peu de temps qu’il fut à Madrid, & les affaires importantes qui l’appeloient ailleurs, il forma une intrigue avec la fille d’un Grand d’Espagne, dont il devint subitement amoureux.
Comment on devient Philosophe. […] Mais ils seraient bien fâchés que ce qu’ils disent fût vrai, et que les hommes devinssent sages. […] Mais un homme encore un coup, qui ne connaît que le sensible, qui n’a point été élevé dans les principes de raison, en sera ébloui, et deviendra esclave sans connaître son malheur. […] Car qu’est-ce que devenir Philosophe ? […] Votre fils n’aimera que les choses qui pourront lui servir à remplir 1es devoirs de son état, et à devenir solidement heureux.
Avant de quitter le monde pour l’Eternité faites de moi un prosélyte ou devenez le mien ; mais que la conversion de l’un ou de l’autre soit le fruit d’une discussion bien réfléchie. […] Voyez ce que dit Tertullien : « N'allons point au Théâtre qui est une assemblée particulière d’impudicité où l’on n’approuve rien que l’on n’improuve ailleurs, de sorte que ce que l’on y trouve beau, est pour l’ordinaire ce qui est de plus vilain et de plus infâme ; de ce qu’un Comédien par exemple y joue avec les gestes les plus honteux et les plus naturels ; de ce que des femmes oubliant la pudeur du sexe, osent faire sur un Théâtre et à la vue de tout le monde, ce qu’elles auraient honte de commettre dans leurs maisons ; de ce qu’on y voit un jeune homme s’y bien former et souffrir en son corps toutes sortes d’abominations dans l’espérance qu’à son tour, il deviendra maître en cet art détestable etc . »d Croyez-vous Monsieur que si les spectacles du temps de ces Saints hommes eussent ressemblé à ceux d’aujourd’hui ils se seraient élevés si fort contre eux et qu’ils n’auraient pas été de l’avis de S. […] Que de siècles n’a-t-il pas fallu à tous les arts pour devenir ce qu’ils sont ! […] Molière a montré qu’on pouvait être aussi amusant que Plaute, aussi spirituel que Térence sans choquer la bienséance, c’est ainsi que le Théâtre Français peut se glorifier d’être devenu un spectacle digne de tous les hommes, puisqu’il a acquis le degré de perfection qui le rend utile à tous, au lieu que les spectacles des autres nations ne sont bons que pour elles-mêmes et seront toujours bornés à ne plaire qu’à chacune en particulier, tant que les règles établies par Aristote et respectées des seuls Français n’auront pas acquis le crédit qu’elles méritent dans l’esprit des Dramatiques de toutes les nations, et que ceux-ci ne s’attacheront pas comme les Auteurs Français à se rendre utiles, encore plus qu’agréables. […] Le Théâtre a paru même à des saints, pouvoir devenir une excellente école de morale.
Ainsi dans le cas où l’exécution du Projet utile que nous avons lu serait différée, le Nouveau-Théâtre pourra devenir une Ecole, où se formeront de jeunes Elèves pour les trois Spectacles de la Capitale. […] Les Comédiens se croiront toujours en droit de circonscrire le Néomime dans les bornes les plus étroites : Mais le Gouvernement donc la sagesse est toujours au-dessus des petites vues des particuliers, verra sans doute que le Théâtre-Ephébique, loin de nuire aux autres Spectacles, peut leur devenir utile : il verra que pour opérér cette utilité, il est nécessaire que le Néomime puisse faire jouer les Pièces Tragiques, Comiques, & des Opéras, mais toujours par des Enfans ; qu’il serait à propos que le premier Acte de l’Ambigu fût, par exemple, un rapproché, intelligemment fait d’une Pièce du Théâtre Français, où, en conservant les plus beaux vers, les situations les plus intéressantes, on réduise la Pièce à la longueur d’un seul Acte ; que le second fût une Pièce en un Acte (ou si elle était en plusieurs, réduite comme la première) du Théâtre des Ariettes ; que le troisième fût un Opéra, une Pastorale en un Acte comme le Devin-de-Village, on réduit, si c’était Roland, Armide, &c. enfin que la Pantomime simple & dansante précédât & suivît ces trois Pièces. […] Cette nouvelle forme, qu’il s’agirait de donner au Théâtre-Ephébique, exigerait à la vérité plus de dépenses & une Troupe nombreuse : néanmoins des raisons assez fortes, & que je dirai plus bas, empêchent qu’on ne permette au Néomime d’aggrandir sa Salle : le même motif me porte à croire qu’il serait à propos que l’Ambigu-comique ne pût avoir ni Machines, ni un Orquestre complet : on le priverait de tout ce qui ne serait pas essenciel pour former la Jeunesse : j’opinerais même encore à ce que son Orquestre fût composé, comme son Théâtre, de jeunes Sujets, distingués par des talens déja supérieurs, qui de-là passeraient aux autres Spectacles, afin que tout le nouveau Théâtre devînt un Ecole, dont le Public serait le Professeur : ainsi lorsque la Représentation serait achevée, les jeunes Acteurs rangés dans la Salle de Répétition, seraient obligés d’écouter durant une demi-heure, les avis que les Spectateurs éclairés jugeraient à propos d’aller leur donner, & de recevoir également bien le blâme & la louange : & pour fournir au surcroît de dépense, les Places seraient à 3 l ; I. 1.16 f ; I 1.4 f ; & 12 f. […] Ce Spectacle peut devenir charmant, mais il faudrait encourager les Elèves par des ménagemens & de la douceur.
Après avoir associé les Farceurs, Bateleurs & Comédiens, aux Magiciens, aux Devins, aux Usuriers publics, aux Simoniaques, aux Hérétiques dénoncés, & aux Schismatiques ; il ajoute : Toutes ces personnes demeureront excommuniées, jusqu’à ce qu’elles rentrent en elles-mêmes, & qu’elles reconnoissent l’énormité de leurs crimes, & qu’elles en demandent l’absolution à l’Eglise. […] Soyez assidus à vos paroisses, & vous y recevrez toutes les instructions, dont vous avez besoin sur une matiére, qui devient l’objet de leur zéle. […] & si dans l’yvresse des amusemens & des plaisirs on étouffe tous les remords de la conscience, ne doit-on pas craindre qu’ils ne se réveillent & qu’ils ne deviennent plus cuisans, mais trop tard, à l’heure de la mort ?
Pour vous devenir utile, j’ai essayé de tous ces poisons. […] Se voyant en train de devenir riche, il demande en mariage la petite Colette, aimée de Basile qu’elle aime. […] Cassandre, dans la seconde pièce, devient amoureux d’une jeune fille que madame Prud’homme, femme dont la morale est fort peu scrupuleuse, a recueillie chez elle par charité, quoiqu’elle sçût bien déjà ses fredaines ; cette honnête matrone prend la peine d’enseigner à sa pupille les moyens d’inspirer de la passion au vieillard. […] Le prince Zulica, et son amante, sont deux enfans auxquels la fée Diamantine, défend de se voir, et qui se voient, d’où il arrive que le prince, de blanc qu’il étoit, devient noir ; et puis au dénouement, et par la protection de l’amour, il redevient blanc. […] Desirez-vous de savoir ce que deviennent à la fin ces enfans de l’un & de l’autre sexe ?
Je n’ai pour but, dans mon Livre, que d’annoblir et de rendre utile un amusement qui deviendrait même une Ecole de vertu, si le vice et la mollesse en étaient bannis. […] [NDE] Pierre Ier (1672-1725), connu sous le nom de Pierre le Grand, devient tsar de Russie en 1682 et empereur de toutes les Russies en 1721.
Pour vous dire mon véritable sentiment, je crois que la Tragédie des Anciens aurait fait une perte heureuse en perdant ses Dieux avec ses Oracles et ses Devins. C’était par ces Dieux, ces Oracles, ces Devins, qu’on voyait régner au Théâtre un esprit de superstition et de terreur, capables d’infecter le genre humain de mille erreurs, et de l’affliger encore de plus de maux. […] C’est peut-être par là que les Athéniens devinrent si susceptibles des impressions de la peur ; et que cet esprit d’épouvante inspiré au Théâtre avec tant d’art, ne devint que trop naturel dans les Armées. […] J’espère que nous trouverons un jour le véritable usage de cette passion, devenue trop ordinaire.
Il y a une autre sorte de plaisirs mondains desquels le monde soutient l’innocence, parce que le crime n’y est pas si visible : quelques innocents qu’on les dise, et qu’ils pussent être, ils deviennent bientôt criminels par l’abus, et tous peuvent être de grands obstacles à la dévotion, pour peu qu’on y devienne sensible. […] « Ô impiété, disait Clément d’Alexandrie, vous avez fait descendre le Ciel sur le théâtre, et Dieu est devenu une Comédie !
Ils ajoutent que ces mêmes Pères ne pouvaient imaginer, pour lors, que les Spectacles prendraient quelque jour une autre forme et deviendraient des Ecoles de la vertu, tels enfin que des Chrétiens pourraient les représenter ou y assister, sans blesser en rien ni leur conscience, ni leur religion : d’où ils concluent que les vives déclamations des Anciens Pères, contre le Théâtre de leur temps, ne prouvent rien contre les Spectacles d’aujourd’hui. […] D’ailleurs, je suis convaincu que ces recherches auraient coûté bien moins de travail et seraient devenues bien plus utiles, si les Modernes avaient consulté, avec attention, les usages et les coûtumes de leur siècle ; car ils auraient trouvé, à chaque pas, des traces de cette antiquité qu’ils veulent expliquer. […] Ce Théâtre, dira-t-on, qui, par tant de motifs, est devenu un divertissement si nécessaire et si chéri du Public, doit donc toujours être soutenu et protégé par les Souverains, et par les Magistrats.
Combien de choses qui présentées par la nature, n’ont absolument rien qui frappe, & qui relevées par l’art deviennent précieuses ? […] L’admiration : comme c’est un mouvement pénible & laborieux, il est difficile qu’il nous devienne agréable & familier. […] L’esprit en devient-il plus léger, la raison plus active, le caractére plus liant, les mœurs plus douces ? […] Le goût acquiert de son côté en ce qu’il devient & plus pur & plus sûr. […] La Musique devient pitoresque, la Peinture éloquente, la Poësie parlante.