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51. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — PREMIERE PARTIE. Quelle est l’essence de la Comédie. » pp. 11-33

Le but de la satire est de corriger les mœurs quand elles sont mauvaises ; & je crois que pour les corriger, il suffit de les peindre d’après nature, sans les charger d’un ridicule que les hommes savent bien y attacher d’eux-mêmes. […] On a cru jusqu’à present que les ridicules des vices étoient le fondement essentiel sur lequel devoient porter toutes les instructions comiques, & l’on n’a pas fait attention que cette méthode étoit diamétralement opposée au but de la Comédie ; car en s’attachant principalement à ne jouer que les ridicules des vices, il est évident qu’on néglige le son du vice : il est encore évident qu’on n’inspire aux hommes de l’horreur que pour les ridicules, pendant qu’il faudroit leur en inspirer pour les vices. […] Je demande maintenant s’il est de l’essence d’une action vertueuse ou d’une action vicieuse, de faire rire ceux devant qui elle se passe ; je ne crois pas qu’on se range du côté de l’affirmative, à moins qu’on ne soutienne qu’il est risible de voir une fille allaiter son pere, ou bien qu’il est plaisant de voir un homme qui, après s’être ruiné au jeu, va se précipiter dans le fleuve. […] Marmontel de prouver que Tartuffe est ridicule, ou il peut se flatter d’avoir une grande disposition à saisir le ridicule, s’il en trouve dans ce personnage : pour moi je ne crois pas être seul de mon avis, quand je dis que Tartuffe est odieux d’un bout de la piece à l’autre ; la Comédie de l’Imposteur est cependant, à ce que je crois encore, une vraie Comédie ; donc les vices odieux sont du ressort de la Comédie. […] On me demande maintenant quelle figure je crois que fera la Comédie, si on la travaille d’après mes principes ; je réponds qu’elle tiendra dans l’esprit des gens raisonnables le rang qu’elle mérite ; je n’empêche pas qu’on ne donne des Comédies bouffonnes pour ceux qui aiment que la Comédie les fasse rire, mais je prétends que ces Comédies sont contraires au but que doit se proposer la bonne Comédie ; au lieu que celle-ci a au-moins la gloire de travailler à la correction des Mœurs.

52. (1838) Principes de l’homme raisonnable sur les spectacles pp. 3-62

Comment, après cela, aller aux Spectacles, et se croire innocent ? […] Or, quelle présomption, de croire que l’on résistera à un danger auquel on s’expose volontairement ! […] Plus vous êtes pieux et réglé dans vos actions, plus ils se croient autorisés à vous imiter en celle-là, et à citer même votre exemple. […] Il faut bien qu’ils la connaissent tôt ou tard… C’est ce que je suis très-éloigné de croire : on doit toujours ignorer le libertinage. […] Il ne croit pas, comme bien des penseurs de nos jours, que des Spectacles et des Mœurs puissent jamais être choses compatibles.

53. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XVII.  » pp. 471-473

Je l'ai vu, j'ai vengé mon honneur et mon père; Je le ferais encor, si j'avais à le faire. » C'est par la même corruption d'esprit qu'on entend sans peine ces horribles sentiments d'une personne qui veut se battre en duel contre son ami, parce qu'on le croyait auteur d'une chose dont il le jugeait lui-même innocent. […] A l'erreur du public c'est peu qu'il se refuse, Vous êtes criminel tant que l'on vous accuse, Et mon honneur blessé sait trop ce qu'il se doit Pour ne vous pas punir de ce que l 'on en croit... […] Meurs ou tue. » Et cependant en les considérant selon la raison, il n'y a rien de plus détestable ; mais on croit qu'il est permis aux Poètes de proposer les plus damnables maximes pourvu qu'elles soient conformes au caractère de leurs personnages.

54. (1675) Traité de la comédie « XVII.  » pp. 297-299

Je le ferais encor, si j'avais à le faire. » C'est par la même corruption d'esprit qu'on entend sans peine ces horribles sentiments d'une personne qui veut se battre en duel contre son ami, parce qu'on le croyait auteur d'une chose, dont il le jugeait lui-même innocent. […] Et mon honneur blessé sait trop ce qu'il se doit Pour ne vous pas punir de ce que l'on en croit. […] Mais on croit qu'il est permis aux Poètes de proposer les plus damnables maximes pourvu qu'elles soient conformes au caractère de leurs personnages.

55. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quatorzième Lettre. De madame D’Alzan. » pp. 260-274

Croyez, ma sœur, que je m’étais préparée. […] Il a fallu l’accompagner au Spectacle : en partant, elle m’a dit : Vous allez tout effacer ; mais croyez que nous n’en serons pas moins amies. […] Cependant, je crus m’appercevoir que les femmes se refroidissaient un peu. […] Comme ils me croyaient son Elève, ils trouvèrent ma réponse sensée, & me pressèrent seulement de recevoir leurs visites. […] l’on n’en vit jamais de pareille. — C’est la chose la plus naturelle : mille fois on a vu… — En vérité, lorsqu’elle s’exprimait, je croyais vous entendre ; & maintenant que vous parlez, je crois que c’est elle : ce ton intéressant… Pardonnez, Madame, cette attention à vous chercher dans une autre pourrait m’attirer de votre part…  — Ah Monsieur !

56. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

Enfin la Tragédie d’Atrée et de Thyeste est remplie de beautés ; et l’imagination du Poète a tiré partie de certaines choses qu’on n’aurait jamais cru pouvoir paraître avec agrément sur la Scène. D’un autre côté, cette Tragédie est tout à fait exempte de ces faiblesses, qui pourraient empêcher qu’on ne la conservât pour le Théâtre de la réforme, dont je la crois extrêmement digne. […] Au seul nom de cette Tragédie, je crois m’entendre objecter que, si j’ai rejeté le Mithridate de M. […] Je n’ai jamais songé à retrancher les femmes du Théâtre de la réforme ; quoique j’eûsse souhaité le pouvoir faire : mais j’ai cru que cette entreprise ne pourrait réussir de nos jours. […] Je ne crois donc pas qu’il y ait rien à changer pour la rendre digne du Théâtre de la réforme.

57. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Voilà, Monsieur, de quoi vous croyez le Théâtre incapable ; vous lui attribuez même un effet absolument contraire, et vous prétendez le prouver. […] Si elle n’en a pas de plus marqués, croyez-vous que la morale réduite aux préceptes en produise beaucoup davantage ? […] Ce serait, je crois, pour elle un grand bien et un grand mal. […] L’amour, si on en croit la multitude, est l’âme de nos Tragédies ; pour moi, il m’y paraît presque aussi rare que dans le monde. […] Je ne saurais croire que ce reproche soit sérieux.

58. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre II. Regrèts de ce qu’ARISTOTE n’en a rien écrit de considérable. » pp. 94-100

La raison qui me le fait croire ést toute simple, c’est qu’ordinairement les Auteurs ne traitent que des sujets analogues au goût de leur tems. […] Quand j’avance qu’il n’en a point parlé, l’on aurait tort de me croire à la lettre, il est très-possible qu’il l’ait connu. […] On ne les connaissait pas du tems d’Aristote, puis qu’il dit dans sa Poétique ; « Les noms ne signifient rien, même doubles & séparés, comme Théodore, si l’on désunit les deux noms qui le forment, ni l’un ni l’autre ne signifient rien12. » Je crois avoir prouvé le contraire ; je vais le faire sentir encore mieux par ce même mot Théodore, que notre Philosophe soutient ne signifier qu’un simple nom d’homme. […] Je le supplie de croire que je n’avance point sans preuve une pareille chose.

59. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE XII. De la Déclamation Théatrale des Anciens. » pp. 336-381

Il est malheureux pour moi de n’être pas du sentiment de M. l’Abbé Vatry, qui croit que les Tragédies anciennes se chantoient d’un bout à l’autre, à peu près comme nos Opéra. […] Voila donc une Déclamation naturelle, puisqu’on croit entendre la personne même ; ce ne sont donc point des Chants qu’on entend, & ce ne sont point des cris. […] Je crois que dans les Représentations Tragiques la Flutte pouvoit faire un véritable accompagnement ; mais je crois aussi que ce n’étoit que dans les endroits tristes, dans les lamentations. […] Je crois donc qu’excepté quelques plaintes lugubres dans les Tragédies, & les endroits où la voix de l’Acteur avoit besoin d’être soutenue, la Flutte n’accompagnoit que le Chant & la Danse. […] Ce seul mot prouve la fausseté de l’opinion de l’Abbé du Bos : il est étonnant qu’il veuille persuader une opinion si inconcevable, & encore plus étonnant qu’il la croie autorisée par le Passage suivant de Saint Augustin.

60. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre I. Convient-il que les Magistrats aillent à la Comédie ? » pp. 8-25

On la cite à tous propos, on la sait par cœur, elle a formé nombre de proverbes, ce qui sans doute fait son éloge, mais non pas celui de l’état auquel tout le monde se croit en droit d’en faire l’application. […] Ils firent revenir les Sénateurs, et y en employèrent des centaines, selon Suétone : nombre que je ne crois pas vraisemblable, et je croirais avec Juste Lipse (Saturnal. […] Croirait-on que Ménochius, célèbre Jurisconsulte (de Arbitr. […] ) Croirait-on que cet ouvrage, imprimé pendant la vie de l’Auteur, en 1572, avec privilège du Roi, a été réimprimé à Paris dix-huit ans après sa mort, en 1595, et dédié par son neveu à M. […] Je ne crois pas qu’on soit tenté de m’opposer l’autorité de ce Jurisconsulte en faveur du théâtre.

61. (1777) Des divertissements du Carnaval « Des divertissements du Carnaval. » pp. 92-109

Dieu ne veut point de notre cœur, s’il ne le possède toujours : et vous croyez qu’il agréera des jours que le monde partage avec lui ? […] Un Prince n’oserait faire le Comédien, un simple Bourgeois croit qu’il y a des divertissements indignes de sa condition : un Religieux se rendrait infâme en se divertissant comme la plus grande partie des Chrétiens ; et un Chrétien se persuade qu’il n’y a rien de messéant à un si grand nom, il n’a point de honte de se divertir en Païen. […] Crut-on qu’on avait eu tort de condamner ce que nous approuvons aujourd’hui, et qui alluma la colère du Dieu vivant ? […] J’ai toujours cru les bals dangereux, disait un des plus beaux esprits de son temps, et le Courtisan le plus poli de son siècle :* j’ai toujours cru les bals dangereux ; ce n’a pas été seulement ma raison qui me l’a fait croire, ç’a encore été mon expérience ; et quoique le témoignage des Pères de l’Eglise soit bien fort, je tiens que sur ce chapitre celui d’un Courtisan doit être d’un plus grand poids. […] Ainsi je tiens qu’il ne faut point aller au bal quand on est Chrétien, et je crois que les Directeurs feraient leur devoir, s’ils exigeaient de ceux dont ils gouvernent les consciences, qu’ils n’y allassent jamais.

62. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre II. Utilité des Spectacles. » pp. 8-21

Qui croirait que les faibles progrès de la Tragédie sous le règne de François I & de Louis XIII, annonçaient le siecle brillant de Louis XIV, père des Arts & des Lettres ? […] D’ailleurs, les folies dont il nous guérit, ou qu’il nous fait craindre d’étaler au grand jour, sont plus importantes que l’on ne croit. […] Je crois en avoir assez dit, pour ceux qui savent réfléchir. […] On ne croira jamais que le Théâtre soit le centre du bon goût, & le réformateur de nos travers, tandis qu’on verra ceux qui y montent rejettés du rang de citoyens. […] Il falut jadis deux Théâtres pour nous produire une foule de grands hommes ; pourquoi croyons-nous en avoir assez d’un ?

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