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42. (1678) Maxime LXXXI « LXXXI » pp. 39-41

C’est une peinture si naturelle & si délicate des passions, qu’elle les anime, & les fait naître dans nôtre cœur, & sur tout celle de l’Amour, principalement lors qu’on se represente qu’il est chaste & fort honneste : car plus il paroît innocent aux ames innocentes, & plus elles sont capables d’en estre touchées. […] Ainsi on sort de la Comedie le cœur si rempli de toutes les douceurs de l’amour, & l’esprit si persuadé de son innocence, qu’on est tout préparé à recevoir ses premieres impressions, ou plûtost à chercher l’occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu’un, pour recevoir les mesmes plaisirs & les mesmes sacrifices que l’on a veûs si bien representez sur le theatre.

43. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « REMARQUES. SUR LE LIVRE DE J.J. ROUSSEAU, CONTRE LES SPECTACLES. » pp. 21-65

Comme si les vives images d’une tendresse innocente étaient moins douces, moins séduisantes, moins capables d’échauffer un cœur sensible, que celles d’un amour criminel à qui l’horreur du vice sert au moins de contrepoison ? […] « Pour moi je crois entendre chaque Spectateur dire en son cœur à la fin de la Tragédie : Ah ! […] Les animaux ont un cœur et des passions ; mais la sainte image de l’honnête et du beau, n’entra jamais que dans le cœur de l’homme. […] Rendre ridicule les vices et les défauts, ce qui est l’effet du Comique, c’est fortifier et rendre agréables les vices du cœur humain. […] Rousseau accorde aux animaux un cœur et des passions comme aux hommes, voilà la ressemblance que l’on veut établir ; il oublie le démenti qu’il vient de donner.

44. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VI. Euphemie. » pp. 129-148

Un cœur ne suffit pas, mes transports, mon bonheur. […] Voilà, j’en fais serment, l’épouse de mon cœur. […] le ciel frappera-t-il sans ébranler ton cœur ? […] Qu’ai-je dit à mon cœur ? Mon cœur l’a pu former.

45. (1686) Sermon sur les spectacles pp. 42-84

L’amour, et toujours l’amour, comme un tyran qui captive les esprits et les cœurs, paraît et reparaît sous mille formes diverses, parle, pleure, gémit, s’agite, et se tourmente, jusqu’à ce qu’il ait tout soumis aux lois de son empire. […] Les vers se gravaient dans votre mémoire, et les sentiments dans votre cœur, de sorte que vous ne respiriez plus que les mêmes vices et les mêmes erreurs qu’on mettait sur la scène, et qu’on travestissait. […] Aussi voyons-nous que ces incrédules dont le cœur est corrompu, sont les plus grands partisans des Spectacles, les plus célèbres Apologistes du Théâtre. […] Le cœur séduit commence à désirer qu’il n’y ait point d’enfer, et à la fin il se le persuade. […] Si vous ne les trouvez pas assez touchants, et si vous aimez ces événements qui intéressent l’âme qui remuent le cœur et qui arrachent des pleurs, ah !

46. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

Attacher incessamment son cœur sur la scène, c’est annoncer qu’il était mal à son aise au-dedans de nous. […] Que signifie cela, sinon qu’on tremble qu’elle ne soit renvoyée ; qu’on sent d’avance la douleur dont son cœur sera pénétré, et que chacun voudrait que Titus se laissât vaincre, même au risque de l’en moins estimer ? […] Une si douce image amollit insensiblement le cœur : on prend de la passion ce qui mène au plaisir, on en laisse ce qui tourmente. […] Et comment ne s’intéresserait-on pas pour une passion si séduisante, entre deux cœurs dont le caractère est déjà si intéressant par lui-même ? […] Quelles impressions peuvent faire sur le cœur novice et tendre d’une jeune fille les exemples séducteurs que lui montrent tant de drames, à la représentation desquels ses parents ont eux-mêmes la folie de la conduire ?

47. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VII. Sentimens des Prédicateurs. » pp. 168-180

Le langage y est plus châtié, mais il n’en ternit pas moins l’esprit, n’en corrompt pas moins le cœur. […] L’amour y captive toujours les cœurs, y reparoît sous mille formes, parle, pleure, s’agite jusqu’à ce qu’il ait tout soumis. […] Le cœur séduit se fait un Dieu de ses passions, désire qu’il n’y ait point d’enfer, & enfin se le persuade. Ce n’est point une affaire de hasard ; le spectacle est une attaque du cœur réfléchie, combinée, soutenue. […] Bienheureux les pauvres d’esprit, bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui ont le cœur pur, bienheureux ceux qui souffrent persécution.

48. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Dixième Lettre. De madame D’Alzan. » pp. 242-243

ma sœur, qu’on les laisse ; mais que je règne seule sur le cœur de monsieur D’Alzan ! Que m’importe à moi qu’elles aiment, qu’elles soient aimées de tout l’Univers : je ne veux qu’un cœur ; lui seul suffit à ma félicité… Oui, si je le vois encore hésiter ; s’il balance entre ma Rivale & moi ; j’y suis résolue ; je connais un moyen… je l’emploierai. […] Cet attachement si naturel ne suffirait-il pas pour me rendre son cœur !

49. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XVII. On y risque tout par une seule assistance. » pp. 40-44

On plaça Alipe à l’Amphithéâtre ; il défend à son cœur de prendre part à ces plaisirs criminels. […] Augustin dont ce récit est tiré, & c’en fut assez pour faire à son cœur une plaie bien plus mortelle que celle qu’un des combattans venoit de recevoir…. Ce fut par-là que son cœur, où il y avoit bien plus de présomption que de force, & qui étoit d’autant plus foible, qu’il avoit compté sur lui-même, au lieu de ne rien attendre que de vous, ô mon Dieu, se trouva blessé tout d’un coup. […] Le cœur est-il impénétrable aux attraits empoisonnés qui partent du Théâtre ?

50. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « V. Si la comédie d’aujourd’hui purifie l’amour sensuel, en le faisant aboutir au mariage.  » pp. 19-24

Croyez-vous en vérité, que la subtile contagion d’un mal dangereux demande toujours un objet grossier, ou que la flamme secrète d’un cœur trop disposé à aimer en quelque manière que ce puisse être soit corrigée ou ralentie par l’idée du mariage, que vous lui mettez devant les yeux dans vos héros et vos héroïnes amoureuses ? […] Que ce soit ou de plus loin ou de plus près, il n’importe ; c’est toujours là que l’on tend : par la pente du cœur humain à la corruption, on commence par se livrer aux impressions de l’amour sensuel : le remède des réflexions ou du mariage vient trop tard : déjà le faible du cœur est attaqué s’il n’est vaincu, et l’union conjugale trop grave et trop sérieuse pour passionner un spectateur qui ne cherche que le plaisir, n’est que par façon et pour la forme dans la comédie. […] Si l’on ne propose pas dans nos comédies des violences semblables à celles-là, on en fait imaginer d’autres, qui ne sont pas moins dangereuses ; et ce sont celles qu’on fait sur le cœur qu’on tâche à s’arracher mutuellement, sans songer si l’on a droit d’en disposer, ni si on n’en pousse pas les désirs trop loin.

51. (1768) Observations sur la nécessité de la réforme du Théatre [Des Causes du bonheur public] «  Observations sur la nécessité de la réforme du Théâtre. » pp. 367-379

S’il le devenoit, toutes les passions pourroient s’y montrer à découvert ; une seule en seroit bannie ; car même l’extrême circonspection avec laquelle on la présenteroit ne seroit peut-être qu’un piége de plus pour perdre les cœurs innocents. […] Offrez en quelque sorte un cœur que cette passion a blessé, au milieu des rochers escarpés, déchiré par le vautour. Craignez lorsque le dangereux Auteur de Phedre, d’Andromaque, de Titus, vous montre l’amour comme sous des berceaux de fleurs, sortant du fond des cœurs avec des soupirs attendrissants, des larmes & toutes les marques de sa victoire. […] Le dévouement des héros de Calais a remué tous les cœurs de la Nation. […] Il savoit mieux que personne jusqu’à quel point un cœur pouvoit être sensible sans danger.

52. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXXIII.  » p. 493

Elle sait, comme dit saint Paulin, que toute la figure du monde passe et que toutes les créatures corporelles qui attirent nos cœurs par l'entremise de nos yeux, sont autant de rets dont le diable se sert pour nous prendre, autant d'épées dont il tâche de nous percer le cœur. […] Esprit entre dans le cœur, et qu'il y entretient tant qu'il y demeure.

53. (1675) Traité de la comédie « XXXIII.  » pp. 328-329

Elle sait, comme dit saint Paulin, que toutes les créatures corporelles qui attirent nos cœurs par l'entremise de nos yeux, sont autant de rets dont le Diable se sert pour nous prendre ; autant d'épées dont il tâche de nous percer le cœur. […] De sorte que lorsqu'elle s'y abandonne, il faut que ce soit en s'aveuglant elle-même, en perdant le souvenir de ses dangers, et en étouffant ainsi cette disposition par laquelle le saint Esprit entre dans le cœur, et qu'il y entretient tant qu'il y demeure.

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