La politesse de Rome était toute autre que n’est celle de Londres : les prostituées dans Plaute et dans Térence ne sont que de la lie du peuple. […] Et pour le trancher net : les prostituées de Rome seraient des Vestales à Londres. […] Térence parut lorsque Rome était devenue plus polie ; et il se conforme à cette politesse de son temps. […] Mais quel que fût son fonds personnel, et son goût particulier, il n’ignorait pas qu’à Rome on ne violait point impunément les lois de l’honnêteté dans le langage. […] Rome avait d’autres sentiments sur ce point, dont elle prévoyait les conséquences : le Gouvernement qui éclairait de près les Poètes n’eût pas vu d’un œil indifférent le déshonneur d’une famille travesti en Comédie.
Tantôt c’est Gustave qui sort des cavernes de Dalécarlie avec un habit bleu-céleste à paremens d’hermine ; tantôt c’est Pharasmane, qui, couvert d’un habit de brocard d’or, dit à l’Ambassadeur de Rome : La nature marâtre, en ces affreux climats.
Alype, à qui je ne pensais pas, prit ces paroles pour lui, et en profita si bien par votre grâce, ô mon Dieu, qu’il s’arracha au profond abîme où il aimait à se plonger et à s’aveugler, et n’y revint plus : « Proripuit se ex fovea tam alta in qua libenter mergebatur, et miserabili voluptate cæcabatur. » Etant allé à Rome étudier le droit, quelques-uns de ses condisciples entreprirent de le mener au spectacle, dont il avait une horreur extrême. […] Aussi depuis la chute de cette puissante rivale de Rome, toute sorte de guerres et de calamités ont désolé et enfin perdu la République. […] Si quelque étincelle de raison vous fait préférer l’âme au corps, jugez qui mérite mieux votre culte : « Pontifex propter animarum cavendam pestilentiam scenum construi prohibebat. » Mais ce que la postérité aura peine à croire, la corruption était si grande, l’aveuglement si profond, qu’après le sac de Rome les amateurs du théâtre, fugitifs, étant venus à Carthage, allaient en foule se passionner au spectacle : « Animos miserorum tantis obcacavit tenebris, tanta deformitate fœdavit, ut Romà vastata, quos pestilentia illa possiderat, in theatris quotidie certatim pro Histrionibus insanirent. » O insensés, l’univers entier est étonné et affligé de vos malheurs, et vous, quelle fureur ! […] Le ch. 20. fait le portrait de la licence des mœurs de Rome, introduite avec le théâtre, inconnue pendant quatre cents ans dans les beaux jours de la République.
On aura beau chercher dans les descriptions de Rome et d’Italie, les plus détaillées, même les plus malignes, comme le Voyage de Misson, on ne trouvera de théâtre papal que dans la tête de Boursault. […] Il est vrai que les Centuriateurs ne parlent que du théâtre Romain, sur lequel le Pape, comme Souverain de Rome, pouvait donner des places d’honneur à l’Empereur et au Doge, mais non, comme dit Boursault, d’un théâtre papal pour Sa Sainteté, qui n’y eût pas été trop bien placée. Ce trait serait curieux, il éclaircirait la chronologie du théâtre, il montrerait dès le douzième siècle un spectacle régulier à Rome et à Venise, tandis que toutes les histoires ne font renaître le théâtre en Europe, depuis la domination des Goths, que plusieurs siècles après. […] La dissipation, le goût du luxe et du plaisir, firent du mal à l’Eglise ; Dieu ne bénit pas leur pontificat, il fut très malheureux, l’un par l’hérésie de Luther, qui ravagea toute l’Allemagne, l’autre par le sac de la ville de Rome par le Connétable de Bourbon et les troupes de Charles Quint.
Plusieurs troupes de différents Comédiens s’étant établis au Marais et ailleurs, Louis XIV. par un simple Brevet les remit tous en 1680. en une seule troupe : et c’est là l’unique titre de l’établissement des Comédiens d’aujourd’hui, qui n’a pas été suivi de Lettres Patentes ; parce qu’ils ne font aucun corps dans l’Etat ; d’où ils peuvent être chassés, comme le furent par saint Louis, ceux qui se trouvèrent alors dans le Royaume, où ils ne sont tolérés encore à présent que par des raisons de pure politique, comme d’autres maux y sont soufferts, aussi bien qu’à Rome même et ailleurs. […] » Ce sont les termes de ce Concile ; et il n’y a pas lieu de s’étonner de cette ancienne sévérité de l’Eglise à l’égard des Comédiens, et de ceux qui assistaient, ou qui participaient à leurs spectacles ; puisque les Païens mêmes, comme Sénèque, ont regardé les Comédies, comme la chose la plus contraire aux bonnes mœurs : « Nihil tam moribus alienum, dit ce Philosophe, quam in spectaculo detineri » ; et qu’il y eut même quelques Empereurs, du nombre desquels est Domitien, qui chassèrent de Rome tous les Comédiens, comme autant de gens, dont il regardait la profession, comme pernicieuse au bon Gouvernement de ses Etats : en quoi certainement il ne se trompait pas dans cette pensée. […] Ils ajoutent tous deux, qu’ils n’y vont que dans le seul dessein de se récréer et de se délasser l’esprit par un divertissement, qui leur paraît innocent : les Comédies d’aujourd’hui étant beaucoup châtiées et beaucoup plus sérieuses et plus honnêtes, que ne l’étaient les pièces de Théâtre des siècles passés : et qu’enfin c’est une coutume reçue dans tous les pays les mieux policés, sans même excepter Rome, où est le premier Siège de la Religion. […] déplore le malheur de la Ville de Carthage, d’avoir reçu les Comédiens, que le Roi Alaric avait chassés de Rome : et il appelle la Comédie, une peste encore plus pernicieuse que celle des gladiateurs et du Cirque, et que la ruse du démon a fait succéder à l’idolâtrie
Le Seigneur Algarotti, dans ses lettres, dit aussi justement que plaisamment, pour peindre les nations de l'Europe : « On parlait de guerre dans l'ancienne Rome, on parle de religion dans la nouvelle, de commerce à Cadix, de politique à Londres, de comédie et de romans à Paris. […] ) peint par la frivolité du théâtre deux militaires bien différents, Marius, l'un des plus grands Capitaines de Rome, Metellus, l'un des plus efféminés. […] » Marius au contraire se moquait des petits-maîtres de Rome, en disant : On me trouve crasseux et sauvage, parce que je ne m'entends guère à ordonner des repas élégants, et que je n'ai point de Comédiens à mes gages : « Sordidum me et incultis moribus aiunt, quia parum scitè convivium exorno, neque ullum Histrionem habeo.
Sur les Théâtres de Rome & d’Athènes, l’expression du visage était interdite aux Comédiens par l’usage des masques ; & quel charme de moins !
Ainsi dans toutes les Eglises, on pratiqua un terrein élevé, auquel on donna le nom de Chœur ; c’était un espèce de Théâtre séparé de l’Autel, tel qu’on le voit encore à Rome, dans les Eglises de Saint-Clément & de Saint-Pancrace. […] Il ne fut plus question à Rome, que des Spectacles de Pylade* & de Bathylle.
Il y avait plus d’un cirque à Rome. […] Fleuri dans son Histoire Ecclésiastique faisant l’analyse du traité des spectacles de Tertullien, suppose que cet auteur parle de ce qu’il n’avait peut-être jamais vu. « Tertullien, dit-il, montre l’origine de chaque espèce de jeux ; et parlant de ceux du cirque en particulier, il fait entendre qu’il n’était pas à Rome, et peut-être qu’il n’y avait jamais été.
Effrayé de sa trop funeste indulgence, le législateur multiplie vainement les obstacles ; il ne saurait nous préserver d’une frénésie si coupable, et dont n’eut pas même à rougir l’ancienne Rome, encore asservie sous le joug du paganisme. […] Mais il ne s’agit point ici d’examiner lequel du peuple de Rome ou de celui d’Athènes eut raison d’honorer ou de flétrir leur profession. […] En peignant dans les Horace la grandeur et les vertus d’Albe et de Rome, Corneille était-il inquiet de l’autorité du Monarque puissant qui gouvernait l’empire ? […] A Rome, du consentement tacite de tout le peuple, les décisions des jurisconsultes avaient toute la force et toute l’autorité des lois. […] Ainsi le barreau français, rétabli dans son ancienne et véritable splendeur, pourra, comme celui de Rome et d’Athènes, donner un nouvel éclat à celle même de sa nation.
La France même qui avoit paru l’admirer, & qui à la prière de son successeur Charles XI l’avoit reçue magnifiquement, perdit toute l’estime qu’elle avoit eue pour elle, ses indécences l’y firent mépriser, elle voulut y faire un second voyage, on y consentit avec peine, on la fit rester à Fontainebleau, sans paroître à la Cour, elle s’y rendit odieuse par l’assassinat de Monadelschi, le Roi lui fit dire poliment qu’elle avoit été assez long-temps dans le Royaume ; elle s’en retourna à petit bruit mourir obscurément à Rome, où même le Pape qui l’avoit d’abord reçue en triomphe pour faire honneur à la religion Catholique de la conversion d’une grande Reine, s’en dégoûta, & n’avoit presque plus pour elle que des égards d’étiquettes. […] Langage non-seulement impie, mais très-indécent dans la bouche d’une Reine, d’une Héroïne de la Religion, d’une Savante, dans un pays, dans une Cour très-Catholique ; on n’en étoit pas moins mécontent à Rome qu’à Paris, Le Pape en fut choqué, & pensoit à la mortifier, elle fit quelque voyage en Allemagne pour laisser passer l’orage, & revint un peu plus circonspecte mourir à Rome. […] Son goût pour les arts , dit Voltaire, la fixa à Rome au milieu d’eux, dans cette vue elle avoit quitté la Religion Luthérienne pour la Catholique, indifférente pour l’une ou pour l’autre ; elle ne se fit point scrupule de se conformer en apparence aux sentimens du peuple chez lequel elle voulut passer sa vie. […] Sa morale, selon Madame de Montpensier, ne valoit pas mieux que sa conduite ; elle proposa à Madame de Thianges de la suivre à Rome, & de quitter sa famille ; que c’étoit une sottise de s’amuser à son mari, que le meilleur n’en valoit rien . Elle parla fort & d’une manière fort libertine contre le mariage & les dévotions de Rome, elle avoit entendu parler des amours du Roi pour la Mancini, nièce de Mazarin ; elle alloit toujours se mettre entre le Roi & elle pour leur parler de leurs amours, leur disant qu’il falloit les marier ensemble, qu’elle vouloit être leur confidente : A votre place , disoit-elle au Roi, j’épouserois une personne que j’aimerois.
Cyriaque, Patriarche de Constantinople, meurt de chagrin de voir donner le nom d’Œcuménique aux seuls Evêques de Rome. […] A Rome ils sont autorisés, permis ainsi que dans toute l’Italie : (j’en ai dit quelque chose) toutes les Cours en ont, & comblent les Acteurs de bienfaits. […] N’a-t-on pas vu un Charles-Quint, après le saccagement de Rome, exécuté par ses ordres, faire des processions, des prières publiques dans ses Etats, pour la délivrance de Clément VII qu’il retenait captif. […] Tite Live dit que les Jeux scéniques furent introduits à Rome l’an 390, à l’occasion d’une peste qu’il s’agissait de faire cesser. […] Personne n’ignore que les Médecins furent chassés de Rome comme infâmes : de nos jours leurs Enfans remplissent des places considérables dans la Robe, dans l’Epée & dans l’Eglise.