Il y a cinquante ans que le seul soupçon d’une fortune si éclatante eût été pris pour une injure ; on rendait encore justice au métier de Comédien, on le méprisait ; aujourd’hui c’est un état brillant dans le monde : un Acteur est un homme de conséquence, ses talents sont précieux, ses fonctions glorieuses, son ton imposant, son air avantageux ; on est trop heureux de l’avoir, on se l’arrache. […] Un bon Acteur est toujours un riche et puissant Seigneur ; il ne le cède qu’au Financier, qui véritablement joue aux dépens du public, une comédie, ou plutôt une tragédie plus lucrative ; mais aussi, par un juste retour, il fait dériver d’abondantes saignées du Pactole sur les états de Thalie. […] D’ailleurs je ne me borne pas à la morale, je sais que l’Evangile a depuis longtemps prononcé, je ne pense pas qu’il rétracte jamais ses arrêts : l’état du théâtre, la vie que mènent les acteurs, les auteurs, les amateurs, ne les fera pas si tôt rétracter ; écoute-t-on l’Evangile ? […] Nous nous proposons de parler des professions et des états différents des hommes, et d’examiner sur chacun si le théâtre lui convient. Ce ne seront point des généralités de morale, que personne ne s’applique ; l’application détaillée à chaque état fera mieux sentir la vérité.
L’Eglise l’a toujours regardée avec abomination, et si elle n’a pas absolument rejeté de son sein ceux qui exercent ce métier infâme et scandaleux, elle les prive publiquement des Sacrements, et n’oublie rien pour marquer en toutes rencontres son aversion pour cet état et pour l’inspirer à ses Enfants. Des Rituels de Diocèses très réglés les mettent au nombre des personnes que les Curés sont obligés de traiter comme excommuniés ; celui de Paris les joint aux Sorciers et aux Magiciens, et les regarde comme manifestement infâmes : les Evêques les plus saints leur font refuser publiquement les Sacrements ; nous avons vu un des premiers Evêques de France ne vouloir pas par cette raison recevoir au mariage un homme de cet état ; un autre ne vouloir pas leur accorder la Terre sainte ; et dans les Statuts d’un Prélat bien plus illustre par son mérite, par sa piété et par l’austérité de sa vie que par la pourpre dont il est revêtu, on les trouve avec les concubinaires, les Usuriers, les Blasphémateurs, les Femmes débauchées, les Excommuniés dénoncés, les Infâmes, les Simoniaques et autres personnes scandaleuses mis au nombre de ceux à qui on doit refuser publiquement la Communion. Il est donc impossible de justifier la Comédie sans vouloir condamner l’Eglise, les saints Pères, les plus saints Prélats ; mais il ne l’est pas moins de justifier ceux qui par leur assistance à ces spectacles non seulement prennent part au mal qui s’y fait, mais contribuent en même temps à retenir ces malheureux ministres de Satan dans une profession, qui les séparant des Sacrements de l’Eglise, les met dans un état perpétuel de péché et hors de salut s’ils ne l’abandonnent.
En ouvrant ta Lettre, j’ai cru que ton mari, affichant le desordre, profitait de notre absence ; pour avouer publiquement une de ces Créatures dont le crime est l’état, que l’impudence annoblit, & dont les hommes mesurent la gloire, par l’atrocité du scandale qu’elles ont donné. […] …Ames pusillanimes, qui ne sont pas en état de supporter l’abondance… Mais aussi, il est d’une grande inconséquence dans nos mœurs, d’avoir une multitude d’établissemens ou de choses tolérées, qui contredisent directement le but de la Religion & des Loix. […] Il y aura des femmes dont l’état est de plaire, de tout soumettre, de tout charmer, qui nous feront à tout moment trembler de perdre le cœur d’un époux !
Cyprien admoneste Eucratius de retirer de cette vilaine et déshonnête manière de vivre, un bateleur qui était parmi son peuple, pour suivre un plus honnête état, et mener une vie d’innocence. […] Car on ne peut estimer que celui-là cesse de suivre un tel état, qui en constitue d’autres en sa place : et qui au lieu de lui seul, en met plusieurs pour ses lieutenants, contre l’ordonnance de Dieu, enseignant, et instruisant, comment le mâle se déguisera en femelle, et que le sexe soit changé par art, et qu’on plaise au diable, qui souille la créature de Dieu, en offensant par tels déguisements d’un corps efféminé et contrefait. […] Et de notre temps tels personnages sous prétexte de Comédies et Moralités, ou Farces ont semé plusieurs hérésies, et dénigré l’état Ecclésiastique, et par ce moyen étrangée plusieurs de l’union et du troupeau de notre Seigneur.
(Les dangers des spectacles, ou les mémoires de Mr. le duc de Champigny, dédiés à Mgr. le prince de Montbarey, ministre d’état et de la guerre, etc. […] La nature de l’homme ne comporte point un état exempt de cette espèce de commotion qui troublant sa situation habituelle, renforce l’énergie de ses facultés et en affermit l’usage. […] Voyez l’état physique et animal des individus qui constituent la population actuelle des plus belles provinces de l’Europe. […] Voyez l’état de nos armées de terre et de mer. […] Un philosophe à tête exaltée, a fait un livre sur l’an 2440, et s’est beaucoup occupé de l’état des hommes à cette époque ; mais je crois qu’il est raisonnable de demander si à cette époque il y aura encore des hommes.
Toutefois, si nous étions parvenus au dernier degré de corruption, et qu’il n’y eût pas à présent plus d’espoir de retour que l’affreux état de guerre, et de folles illusions n’en laissaient concevoir dernièrement, je préférerais me taire pour ne pas grossir inutilement le nombre des moralistes déclamant et prêchant dans le désert depuis tant d’années ; mais autant l’on a été découragé à la vue de la contagion du mauvais exemple, et des lois d’un despote bataillard qui ne respectait rien, qui a attiré sur nous tous les fléaux avec la malédiction du ciel et des nations ; autant l’on doit espérer de l’influence des lois sages qui vont nous régir, de cette Charte, si long-temps disputée, que nous venons de recevoir d’un Roi juste qui la secondera encore par l’exemple de toutes les vertus, d’un Roi qui recommande et protège tout ce qui est respectable, dont le cœur est véritablement bon, les vues sages et paternelles, les promesses sincères ; puisque rien ne le détourne de sa mission sacrée, et qui ne forcera donc pas les écrivains de désirer, à la fin de son règne, pouvoir déchirer les pages où ils en auraient trop loué le commencement trompeur. […] … Oui, jugez-moi, hommes éclairés et vertueux que je révère : je vous le demande, soyez de bonne foi, parlez librement ; je veux tirer de votre réponse une conséquence tout opposée à celles qu’en voudront déduire les pessimistes systématiques qui blâment la philosophie et les lumières qu’elle répand ; qui prétendent que les hommes s’égarent et tombent dans le fossé, parce qu’ils y voient clair, tandis qu’il est si naturel de penser que cela leur arrive parce qu’ils n’y voient pas assez ; je vous le demande, dis-je, comment envisagez-vous l’état actuel de la société ? […] prospérez-vous dans un état sans être entourés d’envieux malfaisants ? […] faites-vous de bonnes œuvres impunément, vous acquittez-vous exactement des devoirs de votre état et de votre religion, ou les recommandez-vous sans être taxés d’hypocrisie, soupçonnés d’être fourbes et de vouloir en imposer par ce moyen ? […] C’est sous ce point de vue, particulièrement, que je considérerai l’action du théâtre ; je rappellerai cependant et confondrai avec les miennes, pour les fortifier les unes par les autres, une partie des raisons apportées et déjà bien répétées contre cette institution dans son état actuel.
Qu’on compare sans prévention deux familles, de même état, de même fortune, dont l’une fréquente, l’autre fuit le spectacle : quelle différence, je ne dis pas pour la religion et les mœurs, la probité, la sagesse, elle est immense, je dis pour l’éducation des enfants, l’union des époux, l’arrangement des affaires, le crédit, l’aisance, l’estime, la confiance du public, celle-ci fût-elle moins riche. […] Je m’étonne cependant que le théâtre favorise si fort le peuple de tous les états. […] C’étaient des femmes qui se présentaient au public dans un état indécent : qu’on regarde, ou plutôt qu’on ne regarde pas nos Actrices, qu’on n’écoute pas leurs conversations, qu’on ne suive pas leurs démarches, on rougirait des Majuma Français, célébrés, non au mois de mai, mais toute l’année. […] La prétendue brèche qu’y fait la loi de la continence, que le Clergé s’impose, est un de ces lieux communs qu’opposent tous les jours ces livres innombrables de politiques, qui semblent être les arbitres du sort des états, et les législateurs des nations. […] Rien n’est plus contraire à ce saint état que la licence des mœurs.
Un Pasteur des âmes, l’esprit plein des futilités qu’il vient d’entendre, serait-il bien en état d’administrer les derniers sacrements, d’exhorter un moribond et le préparer à son dernier passage ? Les Chanoines, ce sénat né des Evêques, chargés par état de la prière publique et du culte divin, pourraient-ils s’en acquitter dignement ? […] Ces hommes sages savent trop se respecter eux-mêmes et respecter leur état. […] 38.), défend la comédie aux Ecclésiastiques par diverses raisons prises de l’Ecriture et de leur état, et assure que les mêmes vérités regardent les laïques : « Cum ab omnibus Christianis, juxta Apostoli documentum, scurrilitas et statiloquium sint cavendæ, multo magis Sacerdotibus, qui aliis exemplum et condimentum salutis esse debent. […] Tharaise, Patriarche de Constantinople, exécutait et faisait exécuter à son Clergé les canons des Conciles, et l’engageait à chercher dans le chant des psaumes un divertissement plus convenable à son état que des amusements pernicieux qui ne sont pas permis même aux laïques.
Il y a dans le monde une conjuration formée contre l’état religieux. […] Est-il d’état où quelques particuliers ne s’oublient ? […] Elle est amoureuse & fort aimée d’un homme de son état qui la demande. […] Il renonce à son état, il apostasie. […] Au cloître, à mon état, à Dieu trop méconnu.
Ce petit état se conserve libre, & met la France à de fortes contributions. […] Il est peu de livres plus licencieux, il est plein d’obscénités, d’impiétés, de sarcasmes, contre le Clergé & l’état Religieux, pour le rendre odieux & ridicule. […] Cette piece est une satyre des hommes dans tous les états ; mais le fond de lubricité sur lequel est semée cette broderie légère, hardie & piquante, est un écueil pour la vertu. […] Jamais on n’a tant parlé contre le célibat des Religieux, en faveur de la population, on travaille même à détruire tout-à-fait ce saint état, & jamais il n’y a eu tant de célibataires. Le célibat de la débauche, plus contraire à la population que tout l’état Religieux, se multiplie à l’infini dans ceux mêmes qui frondent le plus cet état de sainteté, conseillé par l’Evangile.
L’état actuel des Comédiens est un problème : car n’en déplaise à ceux qui les rejettent hors du corps des Citoyens, ces sévères censeurs ne forment pas le général ; il s’en trouve au moins autant qui les y admettent) : décidons cet état. […] Je ne vois que les Enfans-trouvés, qui, nourris par le Prince, n’apartenant qu’à lui, étant sans biens, sans famille, puissent être destinés à un état où l’on n’est pas à soi-même ; où l’on ne vit, où l’on ne respire que pour plaire aux autres & les amuser. […] Après chaque Représentation, l’Actrice qui aura fait le principal Rôle, quittera ses habits de Théâtre, déposera tout ce qui pouvait l’embellir, & viendra sur le Théâtre avec des haillons de bure, en sabots, gros linge, &c. elle demeurera dans cet état debout sur le devant de la Scène jusqu’à ce que la petite Pièce commence. […] Dangeville fille ; excellente dans les Rôles de Soubrette : elle eut tous les talens de son état ; toutes les vertus de son sexe : Jeunes Actrices, qui nous charmez par vos attraits, prenez-la pour modèle, si vous voulez que le bonheur & l’estime publique couronnent votre brillante carriere : début 1730 ; quitté en 1763. […] Un Acteur dont l’état est de plaire, & qui n’est rien s’il ne plait, doit réunir la convenance dans la taille, l’agrément de l’organe, la noblesse de la figure, à l’intelligence, aux entrailles : Si les dons naturels n’étayent en vous le talent, & ne lui donnent le lustre de l’amabilité, quittez un état où l’on paie de sa personne, & prenez un de ceux où la Société n’a droit de nous reprocher que nos vices.
Un Ecclésiastique, quoique Ecolier, y est bien déplacé : y prend-il l’esprit de son état ? […] La Tourneuse est sortie de son état : plus dangereuse que les autres, elle a voulu épouser. […] Son état est une occasion prochaine continuelle. […] Une autre condition qui ne porte pas sur la validité, c’est un renoncement sincère à leur métier de Comédien ; sans quoi leur mariage, comme fait en état de péché mortel, public et certain, serait une profanation dans les contractants et dans le Ministre. […] Sa mort mit fin à ses variations ; mais le procès subsista entre la fille, dont l’état était un problème, et les parents, qui demandaient la succession de la mère.