L’exposition de nos Tragédies me parait pourtant trop lente, trop grave ; il faut bien qu’elle soit un récit, mais ce récit ne doit pas avoir l’air d’un discours Etudié. […] On voit des événemens accumulés souvent sans choix, dans les Pièces de Lopès de Véga, Auteur Espagnol, & sur-tout dans celles de Shakespéar chez les Anglais ; Leurs Tragédies finissent souvent par le massacre des principaux personnages. […] Dans la Comédie ou dans la Tragédie, les événemens aboutissent tous, pour ainsi dire, au premier Acteur ; comme on voit les rayons du soleil se rassembler au centre d’un miroir concave. […] Du dénouement de la Comédie & de la Tragédie. […] Il n’appartient qu’à la Tragédie de rendre tout-à-fait malheureux quelques uns de ses personnages.
Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs, bien loin de les réformer. […] La Tragédie n’est point si dangereuse que la Comédie ; mais elle l’est néanmoins beaucoup.
Vous verrez dans les Théâtres des choses qui vous donneront de la douleur, et qui vous feront rougir; c'est le propre de la Tragédie d'exprimer en vers les crimes de l'antiquité: On y représente si naïvement les parricides et les incestes exécrables des siècles passés, qu'il semble aux spectateurs qu'ils voient encore commettre électivement ces actions criminelles, de peur que le temps n'efface la mémoire de ce qui s'est fait autrefois ; les hommes de quelque âge, et de quelque sexe qu'ils soient entendant réciter ce qui s'est déjà fait, apprennent que cela même se peut encore faire ; les péchés ne meurent point par la vieillesse du temps. […] Que dirai-je des vaines et inutiles occupations de la Comédie, et des grandes folies de la Tragédie ? […] Dans la Tragédie l'on expose avec éclat aux yeux du Peuple, les parricides, les incestes, et toutes sortes de crimes.
que Platon fut Poète, et qu’il composa premièrement des Dithyrambes, et quelque Poésie d’amour et depuis une Tragédie. […] Presque toute Tragédie doit être chassée. […] Et certainement ce n’est point sans cause, que la Tragédie doit être bannie de tout spectacle civil. […] Or nous pouvons conjecturer, combien vile et légère est tant la Tragédie, que la Comédie, ayant égard à leur dénomination. […] Satur Presque toute Tragédie doit être chassée.
Ne sera loisible aux Fidèles d’assister aux Comédies, Tragédies, Farces, Moralités, et autres jeux joués en public ou en particulier, vu que de tout temps cela a été défendu entre les Chrétiens, comme apportant corruption de bonnes mœurs, mais surtout quand l'Ecriture Sainte y est profanée. […] Quel mal d’assister à des Tragédies qui enseignent à fuir le vice, duquel on représente le châtiment ?
Epître du premier livre écrivant à Eucratius, montre assez en quelle horreur et détestation les Chrétiens avaient anciennement les Bateleurs et joueurs de farces, Comédies et Tragédies, et autres choses semblables, jusqu’à priver de la sainte Communion ceux qui s’adonnaient à cet art : Il déclare le semblable en cette Epître, que le Chrétien doit fuir tous Spectacles et Jeux publics, de quelque sorte que ce soit : où de premier coup il s’attache à ceux qui abusaient des témoignages de la S. écriture pour approuver telles folies : puis discourant par toutes les espèces des Spectacles, en fait le diable auteur, et l’Idolatrie mère : rappelant les Chrétiens à contempler plutôt les œuvres de Dieu, et les saintes écritures, comme les vrais spectacles des vrais enfants de Dieu. […] Les autres jeux ont été institués pour amassert le peuple, lorsque la famine avoit saisi la ville, comme Comédies, et Tragédies, et ces jeux furent puis après dédiés à Cérès et Bacchus, et aux autres Idoles et morts. […] Des comédies, et Tragédies. […] des fureurs et insaniesai merveilleuses de ceux, qu’on introduit ès Tragédies ? […] Des comédies, et Tragédies.
Il a vu cette Tragédie, il l’a applaudie malgré son penchant à l’usurpation. […] Voilà aussi l’effet que produit la Tragédie. […] Ne peut-on représenter à Londres une Tragédie sans y mal parler des François ? […] Soyez donc tranquille sur les effets de la représentation de cette Tragédie. […] Nous avons une Tragédie d’Électre.
L’erreur est mère de cette fureur aveugle, et c’est dans sa source que l’attaque la Tragédie de Mahomet. […] Les Tragédies de ce dernier genre sont toutes tirées du Théâtre ancien. […] Voilà quel est le but et l’objet de la Tragédie ; et quoi qu’en dise M. […] C’en est assez, je crois, sur l’article de la Tragédie. […] M. de Voltaire, que vous n’accuserez pas d’exercer un métier infâme, était-il semblable à lui-même en écrivant ses tragédies ?
Moliere n’a fait ni tragédie ni opéra, il ne dansoit, ni ne chantoit ; il étoit mauvais versificateur, & acteur médiocre. […] Je ne m’attendois point de voir dans la troupe bruiante, Melpomene, Muse de la tragédie. […] Les deux Roses dont il a été souvent fait mention dans la tragédie, firent naître à l’auteur l’idée de la petite farce des trois Roses, qu’il fit jouer peu de tems après. […] La tragédie des Druides, du sieur Blanc, semble dictée par l’irréligion ; elle fut réfusée par le Censeur des Belles-lettres, renvoyée aux Théologiens pour en juger. […] Bergier approuve une tragédie où M.
En voici un trait singulier, tout récent sur le théatre de Londres : on y a joué une tragédie nouvelle qui a été extrêmement applaudie, quoique médiocre. […] Cet assemblage fait de la plus belle tragédie une farce, & des parodies de l’héroïsme, l’Arlequin un Mars, Colombine une Pallas. […] Il se sentir de la facilité & des talens : le voilà poëte, & peu après compositeur de tragédies qui réussirent. […] Un chien mordu par ses camarades joue très-bien son rôle, sa mort est un dénouement de tragédie. […] La plupart des tragédies sont aussi terminées par quelque mort ; souvent par le suïcide, de toutes les morts la plus horrible : le goût du théatre anglois en offre même à découvert le spectacle révoltant.
La tragédie n’expose que l’ambition, l’orgueil, l’emportement, les amours des grands. […] Cette pensée est tournée et retournée douze fois dans la tragédie de Pompée, et mille fois dans le théâtre de Corneille. […] Le mépris des rois qu’on appelle grandeur romaine, est le style ordinaire du père de la tragédie et de tous ses imitateurs. […] Retranchez des tragédies les plus belles ces affreuses beautés qui ne peuvent que gâter l’esprit et le cœur, que reste-t-il de bon ? […] Point de tragédie où quelques acteurs ne parlent des rois, des grands de l’Etat sur un ton à se faire mettre à la Bastille, s’il tenait dans le monde le même propos.
Les tragédies des Grecs sont bonnes pour les mœurs, & quoique leur comédie ait souffert bien des variations, il y règne un fonds de vertu. […] De ces cinquante-trois pieces il a d’abord mis celles qu’il approuve, seize tragédies & cinq comédies, dont quatre de Moliere, ensuite celles qui ont besoin de correction, & qui corrigées peuvent être jouées ; douze tragédies & 16 comédies, dont deux de Moliere ; enfin celles qu’il croit incapables de correction & qu’il livre aux flammes. […] Dans Bérénice, au lieu de la tristesse majestueuse qui fait la beauté de la tragédie, je n’entends dans les plaintes qui échappent à la Reine qu’une fille abandonnée de son amant. […] Si l’Auteur de cette tragédie y a fait paroître beaucoup d’esprit & d’imagination, il les a bien mal employés. […] maxime insoutenable & pernicieuse, qui doit faire proscrire cette tragédie.
Vous imaginez-vous, m’allez-vous dire, que ce point d’honneur pointilleux subsisterait avec moins de force, quand on aurait vu votre Comédie ou votre Tragédie et qu’un homme qui aurait reçu un soufflet en serait moins méprisé, quelque sage qu’il fut, s’il négligeait d’en tirer raison ; pourquoi non ? […] Je me trompe fort si vous n’avez imaginé un très beau dénouement pour quelque Tragédie ou Comédie dans laquelle le point d’honneur mal entendu serait l’objet de la critique. […] Gresset n’a pas cru s’exposer à la mauvaise humeur du Public, en faisant entendre ces beaux vers de la Tragédie d’Edouard III. […] Je reviens donc à ce qui concerne le spectacle de la Comédie et pour mieux vous convaincre qu’il est bon en lui-même, je vais maintenant distinguer les objets que j’ai confondus jusqu’à présent et commencer par la Tragédie. […] [NDE] Le Duc de Worcestre ou Vorcestre (Worcester), Ministre d’Angleterre, personnage de la Tragédie de Gresset à qui l’on doit la tirade précédente.
Ce sont des tragédies & des comédies muettes. […] A quoi il ajoute les effets vrais ou prétendus, des danses grecques, aux deux tragédies ! […] Je dis même que les héros des tragédies, étant presque toujours boursouflés, ne feroient que des Dom Quichote, si l’on s’y conformoit. […] L’histoire du Théatre fourniroit à la Comédie autant de matiere, & une matiere aussi intéressante que l’histoire grecque & romaine en fournissent à la Tragédie, & la mythologie à l’Opéra. […] Est-ce bien là l’époque du dégoût de la tragédie, & de la connoissance des profondeurs de Moliere, si même on peut appeler Moliere profond ?
De là le mot tragédie, qui malgré l’élévation de tant de Rois & de Héros, qu’elle barbouille de la lie du vice, signifie en Grec chanson de bouc, & dont encore les vices, qui n’en deviennent pas plus nobles, pour être habillés de pourpre & montés sur de grands mots, sont le fruit ordinaire. […] 8.), savoir, la satyre, la tragédie, la comédie. La satyre est le principe & l’ame de tout, la tragédie est la censure des grands, & la comédie le ridicule des petits. […] La Grèce avoit un genre de drame inconnu parmi nous, la tragédie satyrique, que le seul plaisir de la médisance avoit introduit. C’étoit un mélange de comédie & de tragédie.
… Si donc, l’Actrice fait souvent éprouver au Spectateur demi-vertueux, des mouvemens dérèglés dans les Drames les plus sérieux tels que la Tragédie, les Comédies les plus instructives, comme le Tartufe, le Dissipateur, &c. que veut on qu’il ressente durant la Représentation des Pièces que je viens de citer ? […] A la vérité, lorsqu’Auguste voulut amollir les Romains par le plaisir, il abusa des Spectacles, des Arts, des Sciences en tout genre qu’il protégea ; il parut encourager un Pylade, un Bathylle, dont les Mimes licencieuses achevèrent d’anéantir la pudeur, la décence, & même la pudicité Romaine : mais en sera-t-il moins vrai, que la Tragédie Grecque était plus propre à échauffer le patriotisme, qu’à corrompre les mœurs ? […] Ce fut peut-être, depuis Sylla, la politique des Grands qui priva seule les Romains de Tragédies patriotiques, comme celles des Grecs, dont quelques-unes sont les plus beaux monumens, qui nous restent de l’antiquité. […] La Tragédie nationale aurait ici le même effet, si nous célébrions nos grands hommes ; ces Drames ne pourraient qu’échauffer dans nos jeunes Citoyens l’amour de la gloire, du Prince* & de la Patrie. Oui, loin que la Tragédie & la bonne Comédie ne puissent s’allier avec l’austérité Républicaine, ce n’est que dans les Etats, ou Républicains, ou libres sous un Monarque, qu’elles peuvent se montrer, la première avec une majesté, la seconde avec une liberté inconnues par-tout ailleurs.
Lamothe-Houdart, qui a donné quelques tragédies en prose, n'a pas si bien réussi. Ce qui fait percer partout d'une manière singulière l'esprit de théâtre qui dirigeait cette plume ingénieuse, c'est que rien n'y est plus fréquemment répété que ces mots, théâtre, scène, rôle, personnage, acte, nœud, dénouement, tragique, tragédie, spectacle, Acteur. […] L'Auteur le voit partout dans les choses les plus saintes, dans les plus grands événements ; la fournaise de Babylone est un théatre, la montagne du Thabor un spectacle, la reconnaissance de Joseph une scène, la mort de Coré, Dathan, Abiron, d'Holopherne, un dénouement de tragédie, David, Salomon de grands Acteurs ; la tentation de Suzanne, l'adultère de Bethsabée une intrigue, etc. […] Qu'on juge par là s'il est difficile de rendre la tragédie innocente, et si les maîtres de la morale évangélique ont prononcé avec raison, que le théâtre le plus épuré aux yeux du monde, sera toujours incompatible avec la vraie piété, et ne servira jamais qu'à réveiller des passions d'autant plus dangereuses, que nous en portons le germe dans la corruption du cœur. […] 42.), les plus sav ants d'entre eux composèrent des tragédies dont le sujet était tiré des livres saints(et même des comédies) et on ne le trouva pas mauvais.
Réponse à la préface de l’abbé Boyer qui défend les tragédies saintes. […] Remarques sur un « Discours de l’imitation par rapport à la tragédie » de Valincour. […] XVI, 1765, p. 227-231, ARTFL) ; • « Tragédie » [Poésie dramatique] (Jaucourt, t. […] Louis Racine sur le théâtre en général et sur les tragédies de Jean Racine en particulier » [texte daté du 9 novembre 1751], p. 375-450, in Louis Racine, Remarques sur les tragédies de Jean Racine, suivies d’un Traité sur la poésie dramatique ancienne et moderne, t. […] Racine sur le théâtre en général et sur les tragédies de son père en particulier, par M.
A l’égard de la passion d’amour, pour la rendre instructive sur le Théâtre, on trouvera plus de difficulté dans la Comédie que dans la Tragédie. […] Autant cette passion est étrangère à la Tragédie, autant on peut dire qu’elle est naturelle à la Comédie.
Dans Electre, Tragédie d’Euripide, l’Héroïne est peinte avec de fortes couleurs, & de plus grandes touches que le reste des personnages, quoiqu’ils soient pourtant considérables par eux-mêmes, tels que Clitemnestre, Egiste, Oreste. […] La plus-part des Hèros des Tragédies Grecques sont vraiment grands & fiers, quoiqu’ils se montrent avec une certaine simplicité ; parce que les Grecs ne s’attâchaient qu’à peindre leurs mœurs. […] Enfin, les personnages de nos Tragédies sont toujours amoureux, parce que l’amour est une des passions qui nous animent le plus fortement.
Il a composé à peu de frais une Tragédie historique ; mais comme ce grand Poëte n’a de modele que lui-même, il a été son propre copiste, & a avoué de bonne foi son plagiat. […] Une parodie n’est qu’un travestissement, où en changeant quelques mots, on tourne en bouffonerie la tragédie la plus lugubre. […] Ses descendans rougirent de ses foiblesses, & mériterent d’être chassés, ce qui contraste étrangement avec le gouvernement de leur pere & avec la tragédie. […] Les Déistes ont beau faire, tous leurs écrits, leurs tragédies, leurs systèmes n’ouvriront à personne la porte du Paradis. […] La tragédie bourgeoise est une idée fausse qui confond les genres, comme le seroit la comédie royale.
Aristote n’aurait point fait une Poétique en faveur de la Tragédie, si lorsqu’il vivait, les Euripide & les Sophocle n’avaient été généralement applaudis. […] Aristote est aussi fort éxcusable ; on fesait bien de son tems des Tragédies sublimes, mais non pas des Énigmes comme les notres.
Les vertus morales persécutées sur notre Théâtre, 248 Les Héroïnes de nos Comédies aussi vertueuses que les Héros avec le même succès qu’eux, 250 Les jeunes personnes de condition ont des mœurs plus saines dans Plaute et dans Térence, 251 Vaine Justification de l’Astrologue Joué, dans sa Préface, 254 Sentiment d’Horace contraire à celui de l’Astrologue joué, 256 Exemple de Ben Jonson inutile pour justifier l’Astrologue Joué, 260 Autorité de Shakespeare opposé à l’Astrologue Joué, 263 Erreur de l’Auteur de l’Astrologue Joué, sur la différence qu’il met entre la Tragédie et la Comédie, 265, 266 Le divertissement n’est point la fin principale de la Comédie, 267 La Comédie et la Tragédie, quoique par une route différente, doivent tendre à une même fin ; qui est la réformation des mœurs, 268, et suiv.
On devient bientôt acteur secret dans la tragédie ; on y joue sa propre passion. […] La comédie et la tragédie mettent toujours l’amour en jeu. De plus de quatre cents tragédies qu’on a données au théâtre, c’est la remarque de Voltaire, depuis qu’il est en possession de quelque gloire en France, il n’y en a pas dix qui ne soient fondées sur une intrigue d’amour. » D’Alembert lui-même avoue que l’amour règne dans toutes les tragédies de Corneille. […] Or, quelles atteintes mortelles ne doivent pas donner à leur innocence le nombre infini de maximes empestées, qui se débitent dans les tragédies, dans les opéras, et les expressions, les images licencieuses, que présentent les comédies ?
Platon dans sa jeunesse composa des pieces de théatre, il donna aux comédiens une Tetralogie, c’étoit un spectacle composé de trois tragédies & une comédie, sur lequel on donnoit des prix. […] Lagourcée, Avocat célebre du Parlement de Paris, qui plaida devant le Roi de Dannemarc, a fait jouer à Auteuil, sur le magnifique théatre du Comte de Rohan, une tragédie de sa façon, intitulée Aurelie ; les comédiens l’avoient d’abord reçue, mais n’avoient pas voulu la jouer. […] On a toujours fait dire à Aristote, que le but de la tragédie est d’employer la terreur & la pitié, pour purger les passions ; doctrine que Corneille ne comprenoit pas, M. […] Aristote dit donc, selon lui, le but de la tragédie est de préserver les hommes des malheurs répresentés sur la scéne, en excitant la terreur & la pitié ; ce qui est intelligible & raisonnable Marmontel Poëtq. […] Voiture, Balsac, Benserade qui furent l’aurore du beau jour du siécle de Louis XIV, étoient plus Espagnols que François ; sur-tout le théatre François doit au théatre Espagnol ses plus belles pieces, & tout ce qu’il a de sublime, de noble, de grand dans la tragédie, & de bien peint dans la comédie ; mais il ne lui doit pas les farces des tabarins.
« Demander si les Spectacles sont bons ou mauvais en eux-mêmes, c’est faire une question trop vague ; c’est examiner un rapport avant que d’avoir fixé les termes. »e Point du tout : puisque par le mot de « spectacle » on n’entend ordinairement que ceux où des Auteurs ingénieux s’efforcent de punir le vice et de faire aimer la vertu, des Tragédies et des Comédies et non pas tous les autres spectacles frivoles qui ne font rien pour le cœur ni pour l’esprit : on peut donc alors avancer la question et conclure en faveur des spectacles. La Tragédie et la Comédie sont bonnes aux hommes en général, et je ne suis de votre avis qu’en partie sur l’influence des religions, des gouvernements, des lois, des coutumes, des préjugés et des climats sur les spectacles. […] Les tragédies de Sophocle et d’Euripide sont assurément bien différentes des chansons bachiques de Thespis.
Noms des Comédies ou Tragédies. […] Cependant, Messieurs, ne faut-il pas avouer que ces Tragédies sont plus chastes que celles qu’on représente aujourd’hui ? […] Cela confirme assez que les Tragédies faites par de telles personnes, étaient très chastes. Mais qui est-ce parmi les connaisseurs qui n’ait reconnu, que les Tragédies des Anciens n’avaient point d’autre but que d’exciter des sentiments de terreur, ou de compassion, et qu’on a changé le vrai caractère de la Tragédie, en y faisant entrer l’Amour ? […] Commencement des Tragédies et des Comédies réglées en France, et ce que l’Eglise et le Parlement firent à cette occasion.
Le premier principe sur lequel agissent les Poètes tragiques et comiques, c’est qu’il faut intéresser le spectateur, et si l’auteur ou l’acteur d’une tragédie ne le sait pas émouvoir et le transporter de la passion qu’il veut exprimer, où tombe-t-il, si ce n’est dans le froid, dans l’ennuyeux, dans le ridicule, selon les règles des maîtres de l’art ? […] On se voit soi-même, dans ceux qui nous paraissent comme transportés par de semblables objets : on devient bientôt un acteur secret dans la tragédie ; on y joue sa propre passion, et la fiction au dehors est froide et sans agrément, si elle ne trouve au-dedans une vérité qui lui réponde.
Toutes les Histoires peuvent-elles fournir rien de plus élevé et de plus propre pour la grande Tragédie que l’Histoire de Judith ? […] Si j’étais d’humeur de grossir cette Préface, je pourrais faire une dissertation de l’unité de la Scène qu’on ne trouve point dans ma Tragédie.
« La belle école, s’écrie Cicéron, que la Tragédie et la Comédie ! […] Or, quelles atteintes mortelles ne doivent pas donner à leur innocence le nombre infini de maximes empestées qui se débitent dans les Tragédies, dans les Opéras, et les expressions, les images licencieuses que présentent les Comédies ? […] Dans la Tragédie, les personnages avancés en âge, sont des tyrans, des usurpateurs ; dans la Comédie, des jaloux, des usuriers, des pédants, des pères insupportables, que tout le monde conspire à tromper. […] Quel jugement porterons-nous d’une tragédie, où, quoique les criminels soient punis, ils nous sont présentés sous un aspect si favorable, que tout l’intérêt est pour eux ? […] Dissertation sur la Tragédie de Semiramis.
A seize ans il composa la tragédie de Jugurtha, qui est imprimée. […] Ces vers sont infiniment au-dessus de ses tragédies. […] Malgré toutes ses fanfaronades Quinault est fort supérieur à la Grange, non seulement pour les opéras, où la Grange n’a eu aucun succès, & même pour les tragédies & comédies, où Quinault a montré bien plus de talent, mais pour le génie & la facilité. […] Malgré sa causticité, la Grange n’a fait que des tragédies, où rarement elle a lieu ; & Destouches, malgré sa complaisance, n’a fait que des comédies, où tout est raillerie & malignité. […] L’Ambitieux n’est pas propre pour la même raison ; aussi n’ai-je prétendu faire qu’une tragi-comédie d’un goût nouveau, qui alliat les traits sublimes de la tragédie avec le plaisant de la comédie.
Ce fut l’objet de la tragédie. […] En faisant passer dans la tragédie l’excellente morale de ce juste, le touchant Eurypide laissa les hommes tels qu’ils étoient. […] Les déclamations de Seneque, qu’on a honorées du nom de tragédies, ne sont pas faites pour changer les cœurs. Après un long sommeil la tragédie se réveilla dans toute l’Europe. […] Demandez aux Curés & aux Damés de Charité si toute la pitié qu’excite la tragédie a diminué le nombre des pauvres, & si elle diminue les occupations de la Chambre Tournelle.
150 L’Article deux est pour la Tragédie. […] 202 Article neuf, Comment représenter les Tragédies. […] La Note [C] remplit le même objet quant à la Tragédie.
« La tragédie, disait S. […] On apprend au siècle présent des crimes auxquels peut-être il n’aurait jamais pensé : on l’avertit que ce qui s’est fait autrefois se peut encore faire aujourd’hui ; ainsi l’on fait des exemples de ces actions qui avaient cessé d’être des crimes. » Cependant c’est la tragédie de laquelle on peut avec le plus de couleur défendre l’innocence.
Il faudrait, ajoute-t-il, pour représenter ce spectacle, les tragédies d’Echyle et de Sophocle, encore même ne pourraient-elles pas atteindre à l’excès de ces maux : « Quæ Carthaginenses passi sunt Æschilis et Sophoclis tragediis egerent, atque horum quoque linguam vinceret malorum magnitudo. » Cette ville si puissante, si riche, qui a longtemps disputé à Rome l’empire du monde, qui a mis Rome à deux doigts de sa perte, qu’à peine Rome a pu vaincre après trois grandes guerres, est aujourd’hui le jouet des barbares : « Illa a Romanis vix capta, quæ cum maxima Roma de principatu certaverat, eamque in summum discrimen deduxerat, modo facta est ludibrium barbarorum. » Ses célèbres Sénateurs, errants et fugitifs dans toute la terre, attendant pour vivre quelque aumône des gens charitables, arrachent les larmes des yeux, et présentent le plus triste tableau de l’instabilité des choses humaines : « Orbe toto errantes, vitam ex hospitalium manibus sustentantes, cient spectantibus lacrimas, et rerum humanarum instabilitatem declarant. » Cet Auteur ajoute que peu de temps auparavant, les habitants de Trèves, après avoir vu trois fois piller, saccager et brûler leur ville par les Francs, eurent la folie de demander des spectacles pour toute consolation et tout remède à leurs maux : « Quis æstimare hoc genus amentiæ possit qui excidio superfuerant quasi pro summo deletæ urbis remedio, circenses postulabant ? […] Le propre de la tragédie est d’inspirer la terreur et la pitié : elle manque son but, si elle n’excite ces mouvements tendres qui arrachent les larmes, ces violentes agitations qui font frémir à la vue d’un grand danger ou d’un grand malheur. […] On a beau plâtrer la tragédie, eût-elle sur le visage tout le rouge des Actrices, elle n’enseigne pas moins et ne doit pas moins enseigner à pâlir et à trembler : elle ne peut qu’efféminer le guerrier, si elle est bonne, ou le faire siffler, si elle est mauvaise. Les pièces que le guerrier doit le moins voir jouer sont les bonnes tragédies, elles sont pour lui les plus mauvaises.
L’inquisition sit bruler dans la place de la Minerve le 28. 7btre 1768, une Tragédie infame en langue Françoise, intitulée les Royaumes en interdit. […] Bien de tragédies offensent d’anciens Princes étrangers, aucun Ambassadeur ne s’en embarasse ; il meprise les comédiens. […] Voilà le fond de l’histoire sur lequel le sieur Belloy a bâti la tragédie de Pierre-le-Cruel, qui n’a eu aucun succès. […] C’est donner à corps perdu dans l’héroïsme des romans & des tragédies. […] Dans la tragédie qu’on joua à la Cour pour le mariage de Mr. la Clairon célébre actrice qui avoit quitté le théatre, fut choisie pour jouer le premier rôle.
Mais, ce qu’Horace dit du Chœur ne regarde que la Tragédie ? […] Mais Falstaff est un personnage de Tragédie : et les lois de la Justice sont plus austèrement observées en ce genre de Poème ? Je dis à cela que l’on peut appeler Henry IV. et Henry V. des Tragédies, si on veut. […] Il met « une différence infinie entre les règles de la Tragédie et celles de la Comédie : et c’est que dans la Tragédie le vice doit être persécuté sans ménagement, parce que ce sont de grands personnages, etc. […] « Dans la Tragédie, continue M.
peut-on plus grossièrement manquer le but même de la tragédie, qui consiste 1.° à montrer les héros estimables par la grandeur d'âme et les victoires qu'ils savent remporter sur leurs faiblesses ; 2.° à renvoyer les spectateurs avec le goût, l'amour, l'impression de la vertu et la haine du vice. […] Le libertinage a dressé quatre batteries contre la Trappe, un roman, une tragédie, et deux héroïdes. […] Dans une estampe de l'héroïde on voit Adelaïde maîtresse du Comte, tenant et baisant le portrait de son amant, qu'elle avait conservé sous son habit religieux, comme dans la tragédie le Comte a conservé celui d'Adelaïde, et le baise. […] La tragédie est imparfaite, si elle ne produit cet effet : partout du sang, des morts, des forfaits. […] La tragédie place d'Orvigni auprès d'Adelaïde dans un château voisin de la Trappe.
Les masques les plus ordinaires étaient ceux que l’on nommait Prosopées ; ils représentaient les personnes au naturel : deux autres espèces moins communes, étaient les Mormolycées & les Gorgonées : la seconde espèce, ne servait qu’à représenter les ombres : l’usage en était fréquent dans la Tragédie, & ils avaient quelque chose d’effrayant. […] Dans les Tragédies, Niobé paraît avec un visage où se peint le desespoir ; Médée nous annonce son caractère, par l’air atroce de sa physionomie ; la force & la fierté sont dépeintes sur le masque d’Hercule ; le masque d’Ajax est le visage d’un homme hors de lui-même.
Il ne sait pas que la Tragédie a été portée au plus haut point chez les Romains, et que Marcus Paccuvius était regardé comme un Tragique inimitable par Cicéron même, qui était parfaitement instruit de la Littérature des Grecs. […] Vos Tragédies mêmes, surtout les modernes, qui semblent être seules en droit d’attirer la foule, et d’être applaudies avec fureur. […] Je voudrais que ce fût une Comédie chantée, comme l’Opéra sérieux est une Tragédie en Musique.
Or quelles atteintes mortelles ne doivent pas donner à leur innocence le nombre infini de maximes empestées qui se débitent dans les Tragédies, dans les Opéras, & les expressions & les images licentieuses que présentent les Comédies ! […] Quel jugement porteront-ils d’une Tragédie, où le criminel est représenté sous un aspect favorable, où un Catilina, bouleversant sa patrie, est triomphant au milieu de ses forfaits ; tandis que le paisible Cicéron, sauveur de la République, est montré comme un vil Rhéteur & un lâche ? […] De là ces effets déplorables des Tragédies & des Comédies qui devroient suffire pour en inspirer de l’horreur, si on étoit assez sincere pour convenir qu’ils sont la véritable cause des désordres de notre siecle. […] Les Comédies & les Tragédies ne sont donc qu’un recueil de stratagêmes pour faire réussir tous les crimes, favoriser toutes les passions, ménager toutes les intrigues, traverser & inquiéter tous les peres, les maris, les maîtres, & goûter librement tous les plaisirs. […] La Tragédie est également pleine de scélérats du haut rang, il n’y a presque point de scene où il ne soit question de quelque forfait.
Les Négociants François, qui sont ici (Smirne) ont exécuté sur le théatre national, une tragédie en cinq actes, composée par M. […] que ces gens-là voulant se donner un air de littérature & de beaux esprits, & se mettre à la mode de Paris, ont bâti un théatre qu’ils décorent du grand nom de Théatre National, qu’ils y représentent des pieces, qu’un d’entr’eux, qui fait des vers, a composé une tragédie, qu’ils ont jouée ; mais quelle piece, mais quel succès, mais quels applaudissements ! […] Rien n’est plus dévot que le théatre Grec & Latin ; il n’est point de livre de piété qui parle plus de Dieu & de ses Saints, que les tragédies de Sophocle, d’Eschile & de Séneque, ne parlent de la Mithologie payenne ; ce sont par-tout les actions des Dieux, des prieres, des offrandes, des cantiques ; les Dieux font tout, on en espére, on en craint tout. […] Pour tout le reste, il y a plus de piété dans une tragédie d’Eschile, que dans tous le théatre de Corneille, de Racine, de Crébillon & de Voltaire. […] Térence est en ce genre, un livre de dévotion, en comparaison de Moliere, de Dancourt, de Gerardhi, &c. que dans une tragédie d’Eschile ou d’Euripide, à la place du nom de Jupiter, d’Apollon, de Minerve, on mette le nom du Dieu véritable, sans rien changer dans les pieces & les sentiments ; on en fera un ouvrage si pieux, que notre théatre ne pourra souffrir la bigotterie de ces chefs-d’œuvres.
LETTRE Du Même au Même Je vous envoie les quatre premiers Actes de ma Tragédie, & je vous enverrai le cinquième, dès que je l’aurai transcrit.
Nous avons déjà dit que les bonnes Tragédies se déclamoient d’elles-mêmes. […] On ne joue pas tous les jours les Tragédies de Corneille, & tous les jours on les lit avec admiration. […] Le sujet de Phédre dont nous venons de parler, est une Tragédie d’Euripide.
S’ils disent que la leur n’est point mercenaire, à quelle occasion exigent-ils argent à bonne et grosse somme de ceux auxquels ils donnent leur tragédie à représenter, somme qui se monte le plus souvent à trois et quatre cents écus ? […] Mais, comme il y a douze heures au jour, elles se peuvent tellement diviser que nous pouvons et prier Dieu et nous récréer de quelque honnête passetemps, entre tous lesquels je n’en sache point de comparable à la comédie, ou plus tôt à la tragédie, puisque c’est l’unique poème où nous avons arrêté nos graves et sérieuses actions, laissant la comédie (cloaque d’impudicité) en l’état où les étrangers l’ont réduite aujourd’hui, à ceux qui la voudront voir ou exercerm. […] Et les Italiens, avec leur commedia dell’arte, font déjà de l’ombre aux tragédies françaises.
J’entends dire que la Tragédie mène à la pitié par la terreur ; soit, mais quelle est cette pitié ? […] Pour moi, je crois entendre chaque Spectateur dire en son cœur à la fin de la Tragédie : ah ! […] La Tragédie nous représentera des tyrans et des héros. […] Alors quels seront les héros de nos Tragédies. […] [NDA] J’ai lu dans ma jeunesse une Tragédie de l’Escalade, où le Diable était en effet un des Acteurs.
Jugeons-en par les Tragédies, qui nous restent des prémiers siécles… Elles furent composées & représentées sous un Empereur, aussi impie, & aussi débauché, que l’étoit Néron. […] Ecoutons-le dans sa traduction des Tragédies d’Eschyle, en 1770. […] Il n’y a point en cela, de distinction à faire de nation, ni d’Auteur ; François, Italiens, Anglois, Espagnols… Corneille, Racine, tous se réunissent à consacrer à l’amour, la Muse de la Tragédie. » Qu’on ne s’excuse point, dit encore le Pere Lebrun, sur ce qu’on n’entend pas de mauvais mots dans les Tragédies. […] Le prémier Parlement de France ne pensoit pas autrement, quand le 20 janvier 1765, il défendit les Tragédies & Comédies dans les colléges. […] D’ailleurs, au commencement de la Tragédie la plus pure, n’y a-t-il pas un Prologue, qui quelquefois ne l’est gueres ?
Sa Tragédie de Judith fut à la vérité applaudie pendant un Carême. […] On a dans le Recueil de ses Dissertations sur les Tragédies de Corneille & de Racine, un Dialogue, dont l’objet est de prouver la possibilité de faire avec succès une Tragédie sans amour. […] Tout ce qui pouvoit avilir l’ame, étoit banni des anciennes Tragédies Grecques. […] Les mœurs de nos Tragédies opposées aux mœurs de la Tragédie Athénienne, ont un caractere mou qui se fait jour à travers le pathétique & la terreur dont nos meilleures Pieces sont remplies. […] Voilà les mœurs de la Tragédie chez le plus grave & le plus sublime de nos Poëtes.
Nous ne répéterons point ici ce que tant d’Auteurs ont écrit sur les sujets propres à la Tragédie, sur ceux que le Poéte invente, & sur ceux qu’il tire de la Fable où de l’Histoire, sur les changemens qu’il peut faire aux uns & aux autres, soit en retranchant des événemens, soit en y en ajoutant. […] Voilà le premier acte de la Tragédie de Zaïre, où les personnages sont sans cesse opposés à l’âge, à l’état, aux intérêts qu’on leur donne, & à eux-mêmes. […] Le nœud de la Tragédie en est la partie principale.
Saint Isidore de Seville qui vivoit au VII. siécle, appelle le Théatre un lieu de prostitution, les Historiens sont, dit-il1, ainsi nommés, parce qu’ils racontent des événemens comme les Historiens ; mais ce sont des faits qu’on devroit passer sous silence : ils mettent sous les yeux du peuple2 toute la conduite d’un scélerat illustre, en la décorant des Vers plaintifs de la Tragédie. […] Quelle régularité peut inspirer le chef des Argonautes, qui se produit en une Tragédie, enflammé d’amour & animé d’une fausse gloire ? […] Platon, le maître d’Aristote, est bien plus rigoureux, il a banni tout-à-fait le Théâtre de sa république : nous ne recevons, dit-il2, ni la Tragédie ni la Comédie en notre Ville, ce genre de poësie voluptueuse est capable de corrompre les gens de bien, par ce que n’excitant que la colere ou l’amour, ou quelqu’autre passion qu’elle arrose les mauvaises herbes qu’il falloit laisser entierement secher*.
et de Stolon les Jeux Scéniques, que nous examinerons ailleurs, et qui dans ce temps-là ne comprenaient point les Comédies ni les Tragédies furent établis à Rome par l'ordre de leurs Oracles pour obtenir des Dieux la cessation d'une grande peste qui infectait la Ville. […] ayant remporté le prix de la tragédie aux Fêtes Lénéennes, en rendit grâces aux Dieux par des Sacrifices ; où assistèrent ceux qui en avaient fait le chœur. […] Voyons maintenant si l'on en peut dire autant des Comédies et des Tragédies.
Arguments pris de la Matière des Comédies et Tragédies.
.), parlant du Roi de Babylone : « Il ne garda pas longtemps, dit-il, la réputation d’un bon Prince ; il donna des fêtes plus longues que la loi ne le permettait, il représenta des comédies qui faisaient pleurer, et des tragédies qui faisaient rire ; ce qui était passé de mode à Babylone. » Comment ce même homme qui dans le siècle de Louis XIV fait un mérite à ce Prince d’avoir favorisé le théâtre, d’y avoir lui-même paru, et ajoute que ce serait une idée d’Attila, Roi des Huns, de vouloir le supprimer, comment a-t-il pu faire un crime au Roi de Babylone d’avoir fait représenter des comédies ? […] Il a cru dire un bon mot dans l’antithèse « des tragédies qui font rire, et des comédies qui font pleurer », et lancer un trait de satyre contre « le comique larmoyant » de Nivelle. […] Les Jésuites ne manquèrent pas non plus, selon leur louable coutume, de la régaler d’une tragédie de leur façon. […] Du moins Oreste ne s’est pas oublié jusqu’à monter sur la scène : « In scena nunquam cantavit Orestes. » Quand Néron fit mettre le feu à Rome, il prit son habit de Comédien, monta sur la haute tour de Mécène, pour mieux voir ce qu’il appelait un bel embrasement, une vive image de l’incendie de Troie ; et pour mieux représenter le premier rôle qu’il jouait dans cette affreuse tragédie, il chanta un poème qu’il avait composé sur la prise de Troie.
La Comédie & la Tragédie mettent toujours l’amour en jeu ; notre Opéra, plus hardi dans ses entreprises, met l’indécence en action, ou du moins peu s’en faut. […] Les Anciens étaient scrupuleux dans la Tragédie, ils en bannissaient toute idée obscène ; les passions, les éffets de l’amour n’y paraissaient qu’avec les plus grands ménagemens : c’est qu’ils y peignaient l’innocence de leurs mœurs, & que la tendresse ne fut jamais l’unique occupation de leur vie. Où peut-on trouver plus de délicatesse & de bienséance que dans le procédé d’Oreste, dans la Tragédie Grecque d’Iphigénie en Tauride ? […] Voici les propres termes de l’Auteur immortel de tant de Tragédies célèbres : « Ce n’est pas même connaître le cœur humain de penser qu’on doit plaire davantage en présentant des images licencieuses ; au contraire, c’est fermer l’entrée de l’ame aux vrais plaisirs. […] L’Abbé Nadal, Préface de sa Tragédie de Mariamne.
C’est ce qu’on reprochait à Euripide dans la tragédie d’Ixion, dont la comédie du Festin de Pierre est la copie. […] Les farces du Pont neuf ont du moins de la vraisemblance : ces pompeuses tragédies n’ont pas même le bon sens. […] Cette pensée, tournée et retournée, est répétée en mille endroits dans ses tragédies : a-t-elle pu être admirée ? […] « Les livres de la Bible, soit canoniques ou autres, ne seront transformés en comédies et tragédies. » Voilà contre les pièces prétendues saintes, Esther, Athalie, Abraham, etc. « Ne sera loisible aux Fidèles d’assister aux comédies, tragédies, farces, moralités, jouées en public ou en particulier.
Les observations faites avec goût relevent les beautés & les fautes de ce pere de la Tragédie Britannique, que les anglois mettent sans façon au-dessus de Corneille, & que les françois, depuis qu’ils sont anglomanes, placent modestement à côté. […] On dit en France que c’est la seule bonne tragédie italienne. Il est vrai que le génie du pays, tourné à la bouffonnerie & aux concetti, est moins propre au tragique : aussi les italiens ne donnent point de tragédies. […] Le Comte Campi a beaucoup étudié le Théatre françois ; &, à l’exemple de Corneille, a mis à la tête de ses pieces des observations sur la tragédie, qui annoncent un homme d’esprit & de goût : mais son patriotisme le trahit, il prodigue des éloges au grand nombre de dramatiques italiens qui le méritent peu. […] Dans cette idée, il composa une tragédie, pour opposer à celle de Corneille, que la faveur de Son Eminence fit mettre fort au-dessus de celui-ci, avec le même goût qu’il paya 600 liv. six vers de Colletet, les plus grossiers & les plus maussades : liberalité dont Colleret lui-même se moqua.
Les Tragédies sont sanglantes & remplies d’impiété, les Comédies sont lascives, elles inspirent tantôt la prodigalité, tantôt l’amour des richesses ; vous y rencontrez l’aiguillon des passions & la théorie de tous les crimes. […] Nous ne nous proposons pas, dit M. de la Mothe en son discours sur la Tragédie, d’éclairer l’esprit sur le vice & la vertu, en les peignant de leurs vraies couleurs, nous ne songeons qu’à émouvoir les passions par le mêlange de l’un & de l’autre, & les hommages que nous rendons quelquefois à la raison, ne détruisent pas l’effet des passions que nous avons flattées.
LA Tragédie, Mademoiselle, que l’on supposoit gratuitement l’école des vertus en est donc bien plutôt la ruine, ainsi que la mere des vices : l’amour criminel s’y trouve annobli, c’est l’ambition, la vengeance & l’orgueil qui font les grands hommes. […] Si la Tragédie représente des parricides, il faut convenir avec Lactance2 que la Comédie n’est qu’un tissu de galanteries scandaleuses ; on y voit des intrigues ingenieuses & séduisantes, un jeu de passions qui gagnent le cœur des Spectateurs, en charmant leur esprit par la pompe & les graces de leur langage.
Aucuns diront que le mot est trop bas, à cause de ce qui fut représentéf: voire que la fin requiert qu’on lui donne le nom de tragédie. […] [NDE] « Catastrophe » n’a, en 1607, qu’un sens poétique et désigne le dénouement de la tragédie (voir Richelet, 1680).
vieillards dans les Tragédies sont représentés comme des tyrans, des usurpateurs : dans les Comédies, des jaloux, des usuriers, des pédants, des pères insupportables que tout le monde conspire à tromper. […] d’une Tragédie est tout à fait indépendant de celui du dénouement.
Catilina n’est rien moins qu’un héros dans les tragédies de Messieurs de Crebillon & de Voltaire. […] Il vous seroit impossible de citer une seule de nos tragédies qui ne produise cet effet. […] Toutes les tragédies des Anciens abondent en vaines déclamations ; ils mettoient sur leurs Théatres des Héros souvent montés sur des échasses ; les nôtres se rapprochent plus de l’homme. […] Les Asiatiques n’ont rien de semblable à nos Tragédies & nos Comedies ; cependant cette passion devient le plus souvent chez eux une agitation violente, qui degénere presque toujours en fureur, & qui avilit la nature humaine. […] Quelle morale de Tragédie avoit pû leur apprendre à souiller leur triomphe ?
Car pour ce qui est de mes Tragédies, je les abandonne très volontiers à sa critique.
Réponse à la Préface de la Tragédie de Judith. page 109.
Ne verrons-nous paraître que des Tragédies & des Opéras-Bouffons ?
Dans l’usage ordinaire, on entend par le mot de spectacles tous les divertissemens que l’on donne au public, & plus particulierement les représentations du théâtre, opéra, comédie, tragédie, tragi-comédie, pastorale, ballets, &c. […] que la comédie & la tragédie ! […] Voici l’aveu public qu’a fait sur le même sujet M. de la Motte dans son discours sur la tragédie : Nous ne nous proposons pas d’éclairer l’esprit sur le vice & la vertu en les peignant de leurs vraies couleurs.
Le plan, les vers, les pensées sont du ressort de l'esprit, surtout la tragédie, dont le genre est noble. […] point de tragédie où quelque Acteur ne parle des Rois, des Grands de l'Etat, d'une manière à se faire mettre à la Bastille, s'il tenait dans le monde les mêmes propos : point de comédie où quelqu’un ne prenne la même licence contre son père, son mari, son maître. […] Cela n'est jamais dans la tragédie, où les rebelles jouent les premiers rôles, ni toujours dans la comédie, où les amis et les parents donnent de mauvais conseils.
Dans toutes les Pièces nouvelles qui seront écrites pour le Théâtre de la Réformation, soit Tragédies, Comédies, ou autres de quelque genre que ce puisse être, la passion d’amour, telle qu’il est d’usage de la représenter aujourd’hui, sera entièrement exclue : bien entendu, cependant, que, si quelque nouvel Auteur trouvait le secret de donner des instructions utiles sur cette passion, en sorte que les Spectateurs puissent en devenir meilleurs, il faudrait admettre sa Pièce, comme on admet celles où sont représentées la haine, la vengeance et les autres passions ; lorsque ces passions, loin d’être approuvées ou victorieuses, ne peuvent inspirer aux Spectateurs qu’une horreur salutaire. […] Les Actrices, dont les rôles se bornent à représenter dans les Tragédies ou dans les Comédies, peuvent conserver dans leurs habillemens toute la modestie et toute la décence que le sexe et la société exigent : il n’en est pas de même des Danseuses ; en supposant du moins qu’elles sont forcées de faire ce qu’elles font, c’est-à-dire de porter des habits très courts, et souvent d’avoir la gorge découverte, c’en est assez, sans en dire d’avantage, pour prouver que la modestie ne peut s’accorder avec cette profession.
Les Mahométans ni les Tartares n’avoient pu leur communiquer les ouvrages Grecs & Romains ; ils inventerent donc l’art, (cette conséquence n’est pas juste, les Indiens, les Japonois ont eu de tous les tems, des théatres, peut-être avant eux ;) mais par la tragédie Chinoise qu’on a traduite, on voit qu’ils ne l’ont pas perfectionnée. Cette tragédie intitulée l’Orphelin de la Chine, est du quatorzieme siécle, on la dit la meilleure qu’ils aient faite. […] Cette tragédie est dans le goût de celles d’Eschile (qui dans le fond ne sont pas grand chose, malgré les éloges outrés de ses traducteurs). […] Si toutes les tragédies étoient mises au même creuset, qu’on en séparât tous les mensonges, que deviendroient nos plus fameux théatres ? […] La Cour s’occupoit de jeux, de ballets, de la comédie, qui n’étoit pas encore un art, & de la tragédie dont Corneille fit un art sublime ; ce ne fut qu’un enchaînement de plaisirs, de fêtes, de galanteries, de spectacles, & pour en faire part à tout le monde, il y eut à la comédie un banc distingué, pour l’Académie Françoise, un autre pour les Evêques, Mazarin y ajouta des opéras Italiens qu’il fit exécuter à ses dépens, disoit-il, par des voix venues d’Italie.
Mais tandis qu’on est si délicat sur les justes craintes qu’inspire la religion, on ne veut pas voir que les machines de l’opéra présentent les mêmes choses : démons, magiciens, fées, enfer, &c. que la plupart des tragédies offrent des choses horribles. […] M. de Tourreil dans la Préface des Philippiques, décrivant les mœurs des Lacédémoniens, dit : Les plaisirs du theatre n’avoient point de privilege chez eux, au contraire une raison capitale les avoit rigoureusement proscrits ; on ne représentoit ni comédie ni tragédie, afin de n’accoutumer jamais les yeux ni les oreilles à voir l’image, à entendre les noms de ce que la loi condamne, ni l’apologie des passions & des crimes. […] Cet Auteur croit pourtant qu’on peut permettre aux jeunes-gens la lecture des comédies & des tragédies, qu’on doit même les leur faire lire, que le Précepteur doit les lire avec eux, leur en faire sentir la beauté, l’utilité, les mettre au fait de la pratique du théatre, & leur en expliquer toutes les parties, & les regles de l’art dramatique, quoiqu’il veuille qu’on les éloigne des spectacles. […] Le serieux & les pleurs de la tragédie, qui causent la tristesse par l’idée des malheurs, le plaisant & le rire de la comédie, qui excitent la joie par l’idée du bonheur donnent des idées fausses, des biens & des maux, entretiennent fortifient, augmentent des sentimens déraisonnables. […] La tragédie, la comédie sont donc la parodie des Béatitudes évangéliques.
Les Tragédies sont toutes pleines d’Idoles et Ombres des Ames des morts représentées sur le Théâtre.
Elles n’excitent point des tragédies, ains des prières et dévotions.
« Ne voyez-vous pas l’amour traité de cette manière si impie dans les plus belles Tragédies et Tragicomédies de notre temps ? […] Hédelin qu’on en croit l’Auteur, s’applique à faire voir que les Spectacles des anciens ont fait une partie de la Religion Païenne, et que la représentation des Comédies et des Tragédies était un Acte de Religion. […] Enfin cet Auteur s’est retranché à dire dans le 12me et dernier Chapitre, que la représentation des Comédies et des Tragédies ne doit pas être condamnée tant qu’elle sera modeste et honnête ; pourquoi il cite saint Thomas. […] Il dit qu’on jouait au Théâtre les Tragédies et les Comédies, qu’à l’Amphithéâtre se faisaient les combats des gladiateurs ou des bêtes, et qu’au Cirque on voyait les courses des chariots.
de Voltaire, sur la Tragédie de Mahomet. […] Combien ne devons-nous pas, à plus forte raison, nous prévenir contre nos Tragédies, où il n’est question, selon M. […] Mais on sçait qu’une Tragédie chantée ne differe d’une Tragédie déclamée, que par une plus grande rapidité dans sa marche, & par une plus parfaite concision dans son langage. […] J’entends dire que la Tragédie mene à la pitié par la terreur. […] Pour moi j’ai toujours cru entendre chaque Spectateur dire en son cœur à la fin de la Tragédie : Ah !
Je dois vous donner une notion générale ; &, pour y mieux parvenir, voyons ce qui constitue l’essence de la tragédie. […] Léon X, le restaurateur des lettres en Europe, fit représenter des tragédies dans son palais.
la belle école, s’écrie Cicéron, que la Tragédie & la Comédie ! […] La Motte Houdart s’en explique ainsi dans son Discours sur la Tragédie : « Nous ne nous proposons pas d’éclairer l’esprit sur le vice & la vertu, en les peignant de leurs vraies couleurs.
» En vain lui diroit on que la réprésentation de ces passions trop amies de la corruption du cœur ne les excite qu’indirectement ; il prétend que le soutenir, c’est combattre les régles des grands maîtres. « Le premier principe, ajoûte-t-il ; sur lequel agissent les Poëtes tragiques & comiques, c’est qu’il faut intéresser le Spectateur ; & si l’Auteur ou l’Acteur d’une Tragédie ne sait pas l’émouvoir & le transporter de la passion qu’il veut exprimer, où tombe-t-il ?
Il suit à la lettre le précepte d’Aristote qui dit ; « La seconde chose qu’il y a à observer dans les mœurs, c’est qu’elles soient convenables7. » Les passions des Héros de la Tragédie ont une certaine convenance ensemble ; elles se rapportent également au Prince & à son Confident.
, dit Platon, ni la tragédie ni la comédie dans notre ville ».
J’en suis certain, le Père de notre Tragédie, s’il avait vécu de nos jours, l’aurait aussi été de l’Opéra-Bouffon ; le passage que je viens de rapporter en est une preuve, Boileau nous apprend pourquoi ce Spectacle nous fait tant de plaisir. […] On sera honteux un jour de l’avoir regardé d’un œil favorable, ainsi que l’on a rougi des applaudissemens prodigués aux Tragédies de Pradon ». […] Soiez-en sûrs, vous applaudissez un genre ridicule, il se répand alors, chacun veut avoir la gloire d’y travailler ; il coute moins de peine qu’une Tragédie, rapporte autant d’honneur & presqu’autant de profit ; c’en est assez pour que tous les Poètes vivans l’adoptent d’un commun accord.
Ce sont sans doute les motifs qui font préférer ce genre extraordinaire à nos chefs-d’œuvre et aux tragédies de M. […] J’appelle influence expansive ce qui développe le germe d’une passion ou d’un goût ; et il est incontestable que les sujets dramatiques actuels, par eux-mêmes et les formes qu’on leur donne, substituent l’horreur à la terreur qui suffisait autrefois pour émouvoir profondément : la conséquence de cette innovation s’aperçoit par la préférence que le public accorde aux nouvelles compositions sur nos premiers chefs-d’œuvre : si quelquefois encore on représente au Théâtre Français une tragédie de Corneille ou de Racine, la salle est toujours vide, ce qui pourrait faire craindre que la licence de la scène ne se glissât un jour dans les mœurs et qu’on ne sifflât pas toujours sur la place publique ce qu’on tolère aujourd’hui au théâtre. […] Je ne puis m’empêcher de citer ici ce que le tragique le plus soumis aux sentiments de ses contemporains pensait du devoir des auteurs dramatiques envers le public ; en parlant de sa tragédie de Phèdre, Racine disait : « Les moindres fautes y sont sévèrement punies, la seule pensée du crime y est regardée avec autant d’horreur que le crime même.
Cette sorte d’esprit n’est pas plus nécessaire pour jouer le rôle d’Ariane, qu’il ne l’a été pour composer les Fables de Lafontaine & les Tragédies de Corneille.
Evremont dit dans ses Réflexions sur la Tragédie : Si, à l’exemple des anciens, on introduit des Anges & des Saints sur la scène, on scandalise les dévots, & on paroît un imbécille aux libertins. […] L’ancienne tragédie eût dû abandonner ses Dieux & ses oracles ; ils faisoient regner une superstition & une terreur capables d’infecter le genre humain de mille erreurs, & de l’affliger de mille maux. La tragédie excitant alors des mouvemens excessifs de crainte & de pitié, n’apprenoit qu’à s’alarmer des périls & se désoler des malheurs, ce qui avilissoit le courage & causoit la déroute des armées. […] Cette faute contre l’amour, l’amitié, & même l’humanité, est commune à toutes les tragédies où il y a un suicide sur la scène.
Si on dit que les Grecs et les Romains le permettaient, je réponds que c’était par superstition pour leurs Dieux ; mais les plus sages les ont toujours blâmés, car quoique les tragédies corrompent moins, Solon ayant vu jouer une tragédie de Thespis, le trouva fort mauvais. […] Il eût bien plus blâmé la comédie, qui était encore inconnue, et maintenant on met à la fin d’une tragédie le poison d’une comédie. […] Il faut bannir la tragédie d’une ville bien polices ; elle a quelque chose de violent, d’emporté, de forcené, qui peut rendre furieux et insensé : « Tragædia penè omnis ab optima civitate explodenda ; habet enim quamdam violentium et desperationem, quæ facilè insanos reddere potest, et in furore compellere. » Il ne fait pas plus de grâce aux comédies.
Je ne serois pas surpris que cet habile Orateur eût favorisé le théatre ; il avoit composé des tragédies & des comédies, toutes très-décentes. […] La distribution des prix ne pourra être précédée que des exercices de réthorique ou d’humanité, sans qu’ils puissent en aucun cas, conformément aux statuts de l’Université de Paris, être représenté dans les Colléges aucune tragédie ou comédie. […] Les articles 29 & 35 des statuts de l’Université portent expressément : Afin d’ôter aux Ecoliers l’occasion de se détourner de leurs études, ou de se porter ou mal, que tous les Comédiens soient chasses du quartier de l’Université, & rélégués au-delà du Pont ; que les Principaux & Modérateurs des Colléges prennent bien garde qu’on ne représente ni tragédie, ni comédie, ni fable, ni satyre, ni autres jeux, en Latin ou en François, ces exercices dramatiques étant très-dangereux pour les mœurs. Le célèbre Garde des Sceaux M. du Vair avoit prévenu l’Université, & dès l’année 1616, qu’il fut élevé à cette dignité éminente, il fit défendre aux Principaux & aux Recteurs des Collèges les représentations des comédies & tragédies, & ordonna que pour former les jeunes gens à l’art de la prononciation, on ne s’éloigneroit pas des usages des anciens Recteurs. […] Un roman est une comédie ou tragédie en récit, un drame est un roman en action.
Vous convient-il, Messieurs, d’oser faire des Tragédies, vous qui n’êtes ni Ministres, ni employés dans les affaires d’Etat, vous qui par conséquent ne pouvez imaginer des situations analogues à des intérêts d’Etat ? […] Elle fait des Vers par lesquels elle prouve que le génie n’est pas réservé seulement aux hommes : que ne puis-je traduire dignement une Tragédie qu’elle achève maintenant ! […] Je me contenterai de vous traduire, ou plutôt de vous paraphraser une scène de cette Tragédie, pour vous faire juger, sinon de la sublimité de son style, au moins de la majesté de ses idées. […] Fremer sento al suo pié tuoni, e saette, L’odo dar legge ai secoli futuri, E regolare delle sfere il corso ; E veggo a un cenno suo da’ loro oscuri Antri uscir gli Acquiloni che sul dorso Portan gli strali delle sue vendette. » ed Si ce Sonnet dont le style a paru à Rome avoir quelque conformité avec le style de David ; si le morceau de Tragédie traduit ci-dessus ne vous font l’un et l’autre accorder que de l’esprit à Mme de Tagliazucchi, vous conviendrez qu’elle a du génie, si vous voulez consulter le recueil poétique de L’Arcadie ; vous y trouverez un bon nombre de morceaux de tous genres, et dans le goût et le style de tous les différents poètes les plus célèbres de l’Italie, mais surtout du Dante, de Pétrarque, de l’Arioste. […] Est-il plus facile de confondre la Politique d’un Philippe II et de se faire admirer dans l’art de bien gouverner par Henri IV et Sixte Quint, que de faire une Tragédie comme Corneille ou Racine ?
Or, quelles atteintes mortelles ne doivent pas donner à leur innocence le nombre infini de maximes empestées qui se débitent dans les tragédies, dans les opéras, et les images licencieuses que présentent les comédies ?
Machiavel, nommé secrétaire & historiographe de Florence, en composa l’histoire, bien écrite, mais qui n’est qu’une tragédie perpétuelle, un tissu de factions, de conjurations, d’assassinats, de crimes de toutes especes. […] Il étoit très-opposé à la faction des Médicis, qui vouloient asservir Florence, & y réussirent enfin, perfas & nefas, à force de guerres civiles, d’assassinats, d’intrigues sans nombre, qui forment l’histoire la plus chargée & la plus odieuse : on pourroit en tirer vingt tragédies. […] Le Machiavélisme joue sur le théatre quelques rôles à chaque scène : il n’est point de piece où on ne trompe, où l’on ne dépouille quelqu’un par violence ou par artifice ; la tragédie le fait en grand par des princes, des seigneurs, des ministres, des troupes, par l’effusion de sang.
Elles donnérent à la Tragédie le nom de satyrique.
Il n’y a qu’une seule Scène dans la Tragédie d’Ajax où l’on ne suppose plus de Spectateurs ; mais le Poète est quelquefois forcé de ne les rendre témoins qu’en esprit de son action dramatique.
La moitié des Tragédies est un tissu d’invectives contre les puissances, & de leçons d’ambition & d’orgueil. […] & cela doit être ; le nœud de toutes les tragédies est la passion de quelque Prince, quelque conjuration formée contre lui : le dénouement, la mort de quelqu’un ; plusieurs rôles exigent nécessairement des plaintes ameres, des discours licentieux, des entreprises audacieuses. Tout cela est dans l’ordre de la tragédie, & on ne veut pas s’appercevoir du danger. […] A l’occasion du spectre qui sort du tombeau de Ninus, dans la tragédie de Sémiramis, que Voltaire avoit envoyée au Cardinal Quirini, & qui l’avoit reçue favorablemeut, voici ce qu’on dit des Catholiques & du Cardinal, l’un des plus savans du sacré College, d’ailleurs le plus honnête homme & le plus aimable, mais point Déiste.
Racine converti était si persuadé que la tragédie la plus sainte suffisait pour le damner, que si on ne l’eût retenu, il allait brûler, comme indigne d’un Chrétien, son Athalie, la plus belle et la plus honnête des pièces de théâtre, seule capable de réconcilier le théâtre avec la religion, si cette paix était possible. […] III. sur les Jeux du Théâtre, où il traite la même question, donne en preuve des altérations de l’Ecriture la tragédie de Judith, qui venait de paraître, et qui composée par un Ecclésiastique (l’Abbé Boyer), devait moins qu’un autre s’écarter du respect dû aux livres saints. […] Les Auteurs s’imaginent qu’ils ne sauraient plaire, s’ils se renfermaient dans la vérité historique, et la Baumelle (Vie de Madame de Maintenon) prétend que la tragédie d’Esther, si brillante à S. […] Il chante des chansons galantes et des cantiques, il passe de la tragédie d’Athalie aux fourberies de Scapin ; c’est un homme ivre qui ne sait ce qu’il fait : « Sicut spinæ in manu temulenti, sic in ore stulti parabola. » Est-ce au mondain à faire l’éloge de la vertu ?
On lui est redevable de la suppression des grossièretés qui jusqu’alors avaient souillé la tragédie. […] Cette tragédie est au-dessus de l’envie, et par son propre mérite, et par une protection qu’on serait plus que sacrilège de violer. […] Enfin si on n’eût consulté que l’intérêt des mœurs, il fallait supprimer, brûler cette tragédie, non pas y chercher des défauts de composition ; mais on la voulait livrer au ridicule, non aux flammes, et faire triompher, non la religion, mais les ouvrages d’un rival sur les productions de Corneille. […] Il a même survécu à la critique ; toute belle qu’elle est, elle est peu connue ; le Cid subsiste, quoique sa vogue ait bien diminué, peut-être même que la haine qu’on avait pour le Ministre, et le mépris qu’on faisait de sa basse jalousie, donnèrent un nouveau lustre à ce qu’on persécutait avec tant d’acharnement : « En vain contre le Cid un Ministre se ligue, Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue ; L’Académie en corps a beau le censurer, Le public révolté s’obstine à l’admirer. » Je doute qu’aujourd’hui une tragi-comédie pût produire ni ce mouvement dans le ministère, ni cette jalousie dans les Poètes, ni cet enthousiasme dans le public ; on a trop de goût et de lumières, on a trop vu de bonnes tragédies, pour admirer avec cet excès un petit nombre de traits vraiment sublimes déparés par bien des défauts, et noyés dans un tas de choses médiocres et triviales.
Il est vrai que ce sont des tragédies & que la comédie se donne bien plus de licence. […] C’est une vieille question agitée entre les auteurs, si la tragédie doit toujours être écrite en vers : car pour la comédie, il n’est pas douteux qu’elle ne puisse & peut être ou doive être écrite en prose. […] Lamothe, qui a fait des tragédies en prose, d’ailleurs quoique bonnes, n’a pas réussi, non-plus que quelques-autres qui l’ont suivi. […] La tragédie grecque a dû être en vers : les dieux y jouent toujours quelques personnages, on doit les faire parler majestueusement comme les oracles, & on leur parle par des hymnes & des cantiques. […] Il n’y a pas la deux-centieme partie de la nation qui le fréquente, il n’y a pas la deux-centieme partie de la nation qui le fréquente, il n’y a pas la deux-centieme partie dont une tragédie échauffe le cœur, éleve l’ame à l’héroïsme.
Il dit dans sa Poétique Françoise, chap. 15 de la Comédie, que de la disposition des hommes à saisir le ridicule, la Comédie tire sa force & ses moyens : que le vice n’appartient à la Comédie, qu’autant qu’il est ridicule & méprisable, & que dès que le vice est odieux, il est du ressort de la Tragédie… Veut-on savoir maintenant quels sont les vices qui, selon M. […] Moliere a sans doute entrepris sur la Tragédie, quand il a composé la Comédie de l’Imposteur ; car je défie M.
Sauvigny à Bordeaux, où l’on représenta Gabrielle d’Estrées, Tragédie en 5 Actes, en vers ; & M. *** à Rouen, où l’on donna le Siége de Rouen, Tragédie en cinq Actes, en vers.
[NDE] Muse du chant, de l'harmonie musicale et de la tragédie. […] [NDE] Armide est une tragédie en musique de Jean-Baptiste Lully sur un livret de Philippe Quinault en 1686 ; la magicienne Armide aime d'un amour malheureux le chevalier Renaud.
Il l’étoit si fort, que la seule idée d’une Courtisanne fit tomber la tragédie de Théodore, vierge & martyre, de Pierre Corneille, quoique bonne & pieuse, & même la condamnation de ces désordres. […] Ce n’est pas que dans ses drames il n’y ait bien du sang répandu, des crimes attroces, des fureurs épouvantables : avec tout cela, ses tragédies, absurdement terribles, n’inspirent que le plus froid & le plus léthargique ennui. […] La même aventure encore plus intéressante est arrivée au sieur Beaussol, auteur de la tragédie des Arsacides. […] Il a consigné son mémoire jusques dans le titre, Tragédie récitée au Théatre. […] (Vers de la tragédie de Tancrede.)
Mais il n’est pas nécessaire de donner le secours du chant et de la musique à des inclinations déjà trop puissantes par elles-mêmes ; et si vous dites que la seule représentation des passions agréables dans les tragédies d’un Corneille et d’un Racine, n’est pas dangereuse à la pudeur, vous démentez ce dernier, qui, occupé de sujets plus dignes de lui, renonce à sa Bérénice, que je nomme parce qu’elle vient la première à mon esprit ; et vous, qui vous dites Prêtre, vous le ramenez à ses premières erreurs.
» Il passe ensuite aux Spectacles de Musique, dans lesquels il ne dit pas qu’il s’y commît ou représentât rien de mauvais, et parlant plus particulièrement des Comédies, il les appelle « comicas et inutiles curas », les occupations vaines et inutiles de la Comédie ; pour ce qui est des Tragédies, il les nomme « magnas tragica vocis infanias », les clameurs insensées de la Tragédie. La manière particulière dont il parle des Tragédies et des Comédies, nous fait voir qu’il en avait une autre idée que vous, et qu’il les croyait plus honnêtes que les autres Spectacles. […] Ceux qui dans ces derniers temps ont écrit contre la Comédie ont rapporté des Vers de Tragédies les plus dangereux et les plus capables d’exciter dans le cœur de l’homme toute sorte de passions. […] Ainsi pour ce qui regarde les Tragédies, je renvoie le Lecteur à ce que d’autres en ont déjà dit. […] Après que ce Père a condamné les Comédies et les Tragédies, il passe aux Farceurs et aux Bouffons.
Le succès de cette traduction, quoique bien faite, n’a pas approché de celui de ses tragédies. […] L’Abbé de Voisenon, dont nous avons souvent parlé, étoit si entousiasmé du Théatre, que l’Almanach des Spectacles 1777 rapporte que Voltaire lui ayant lu sa Mérope, cet Abbé transporté s’écria : c’est un chef-d’œuvre dramatique, c’est la meilleure de vos Tragédies. […] Garik imagina une piece singuliere en fragment, composée des lambeaux de chacun des Drames de son héros ; Tragédie ou Comédie, il en détacha les Scènes les plus intéressantes, le principal personnage, & les autres Acteurs habillés comme l’exigeoit leur rôle, le représenterent ; la décoration changea de même à chacune. […] Qu’on essaye pareille chose en France, qu’on prenne une Scêne de chaque Comédie de Moliere, de chaque Tragédie de Corneille, qu’on représente de suite ces trente Scènes, ce spectacle seroit ridicule & insupportable. […] On a ramené les Scènes d’Arlequin qui successivement est Empereur, Médecin, Héros, Suisse, savant, Paysan, & c’est encore un Comédien nommé Houart qui a composé le second Amphigourri, comme le Comédien Garik avoit composé le premier, malgré le profond respect qui est dû au pere de la Tragédie Angloise & à son immortel Panégyriste.
Ne semblant destiné qu’à servir de passe-tems aux laquais, qu’à végéter dans un état obscur, il franchit par dégrés l’espace immense qui s’opposait à son triomphe ; il parvint, du milieu des Baladins & des Danseurs de cordes, à l’honneur d’égaler, & même de surpasser les succès de la Tragédie. […] Je demanderai à mon tour surquoi l’on décide que Thespis barbouillé de lie soit l’inventeur de la Comédie telle qu’elle est à présent, & même de la Tragédie ?
Ce Comédien Romain était si naïf en ses personnages, et si violent en ses actions, qui semblaient requérir quelque affection, qu’il tua d’un coup de Sceptre un importun sur le Théâtre, rendant la comédie tragique, ou la tragédie plus funeste.
Au reste, on ne prétend pas ici blâmer les Tragédies qui se représentent dans plusieurs Colleges, 1°.
[NDE] Tragédie de Voltaire m.
Et, quoi qu’on nous cite cette Actrice qui reparut sur la Scène dans une grande vieillesse, je n’assurerais pas que ce fut une Actrice de la Tragédie, ou de la Comédie Latine ; et je serais plus porté à croire que c’était une Actrice des Pantomimes, ou des Farces Atellanes.
Abaillard avance qu’Héloïse qui faisoit le bel esprit, & avoit lu quelques poëtes, récita à haute voix, pendant la cérémonie de sa profession, quelques vers de Lucain, sur la mort de Pompée, dont elle faisoit l’application à ses amours, à ses malheurs, à sa profession forcée, qu’elle faisoit par désespoir ; c’est donner une bien mauvaise idée de sa vertu, de la prudence, de la décence de son amant ; mais l’écrivain de la lettre à Philinte en donne-t-il une bien avantageuse de lui-même, en rapportant la traduction de ces vers, pris de la tragédie de Corneille, sur la mort de Pompée. Abaillard devoit être un grand Prophête, pour avoir connu ces vers d’une tragédie qui n’a été composée que cinq cens ans après lui. […] Pour le faire commencer, comme toute l’Eglise, & parce que ça toujours été une ruse, & comme les filets du diable, que l’invention si pernicieuse des comédies, tragédies & spectacles prophanes & deshonnêtes, desquels les esprits remplis de diverses idees & representations, se départent, enflammés & frappés d’une ardeur diabolique. […] Le Gazettier prétend que les Jésuites donnoient des comédies dans ce Seminaire, & que le carnaval dernier ils firent jouer le Malade imaginaire de Moliere ; il ajoute que dans ce même tems de carnaval où selon leur usage ils avoient dans leur Eglise des Oratorio, c’est-à-dire, l’Oraison de quarante heures, ils faisoient jouer, dans la même Eglise, une tragédie sainte, Daniel dans la fosse aux lions, d’où il sortit sain & sauve, à la honte de la calomnie, qui l’y avoit fait jouer.
De trois théatres de Paris, les Italiens ne donnent jamais de tragédie. Les Opéra se passent presque tous en fêtes & divertissemens, & dans le petit nombre de tragédies qu’ils donnent, le chant, la danse, les décorations éteignent tous les sentimens tragiques. Les François jouent beaucoup plus de comédies que de tragédies, & toujours après la piece il faut une petite comédie pour délasser de la grande. Il y a dans les Auteurs vingt comédies pour une tragédie.
Vous les avez conduits aux tragédies de Corneille, & de Racine ; ils ont vu jouer Moliere ; mais votre sagesse ne vous a pas permis de leur laisser voir toutes ses comédies. […] S’ils ne faisoient que corrompre le langage en le remplissant de calambourgs, en augmentant sans cesse le dictionnaire de nos expressions basses ; s’il n’y avoit à déplorer que cette manie des pointes et des jeux de mots, qui a subjugué tous les états sans en excepter les plus distingués ; si les suites de ce vertige se bornoient à un excès d’admiration pour des platitudes, à la décadence de la Tragédie et de la Comédie ; à des innovations malheureuses dans les arts, on plaindroit une nation chez qui tout devient peuple. Dans le dessein de bien apprécier et d’humilier les classes inférieures qui doivent aux vices des autres ordres l’extrême ascendant qu’elles ont pris, on compareroit la multitude françoise avec ces soldats d’Athènes prisonniers chez les Siciliens, auxquels ils récitoient les tragédies d’Euripide ; avec la populace d’Angleterre qui sent les vraies beautés de Skaspeare, avec le paysan Italien qui improvise en musique et en poësie, avec l’ouvrier Suisse qui a une bibliothèque ; on attendroit que la satiété des mauvaises choses ramenât les petits et les grands aux bonnes, ou l’on feroit des efforts pour se consoler de n’avoir perdu que le goût, quoiqu’il ne soit rien moins qu’étranger au bonheur des hommes policés. […] Nulle part le libertinage n’est aussi favorisé qu’à ces spectacles ; ce n’est pas qu’il ne le soit beaucoup trop aux autres ; mais enfin, l’opéra est un genre si fade, la comédie est devenue si épurée, la tragédie est par elle-même si austère, que les mœurs courent bien moins de dangers aux grands spectacles qu’à ceux dont il s’agit ici, et qui sont, puisqu’il faut le dire, autant de temples consacrés à la déesse de Paphos ou même au dieu de Lampsaque.
Le Sérail à l’Encan 40, la Vierge du Soleil 41 et le Château du Diable 42, sont je crois les trois premiers enfants de cette bâtarde43, qui accoucha quelques années après de deux enfants, l’un avoué par le malheur, et l’autre par le bonheur44, et d’un Diable et d’une Bohémienne 45, qui furent à leur tour, avec une certaine Marguerite46, servante chez un moine, les pères et mères du tendre comique, pathétique ou cruel, quelquefois même féroce ; mélodrame de nom, tragédie en prose avec toutes licences. […] Théâtre du Ranelagh : quoi, m’écriai-je, en lisant l’annonce, une tragédie et une comédie ? […] [NDA] Tragédie burlesque. […] [NDE] Melpomène et Thalie, muses de la tragédie et de la comédie, sont les demi-soeurs d’Apollon.
« Vous en gémirez, dit-il, et vous en rougirez. » La tragédie exprime en vers les crimes de l’antiquité, on y fait revivre par la représentation les parricides et les incestes. […] Puis revenant aux folies de la comédie et de la tragédie, comme il l’appelle, « tragicæ vocis insanias » ; tout cela, dit-il, ne fût-il pas même dédié aux idoles, ne serait pas d’ailleurs permis aux Chrétiens, à qui, à raison du vice, ils conviennent si peu : « Obeunda tamen non essent Christianis. » N’y eût-il pas de crime, ce serait encore la plus répréhensible frivolité. […] Plus les auteurs de ces fables ont de talents, plus ils sont dangereux ; ils s’insinuent par leurs grâces, se gravent plus profondément, et se font mieux retenir par l’harmonie et la beauté des vers : « Facilius intrant in memoriam versus numerosi et ornati. » Des tragédies ne représentent que les fureurs et les amours des mauvais Rois ; ce ne sont que des forfaits montés sur le cothurne : « Regum malorum cothurnata scelera. » Les gestes et les mouvements licencieux des Acteurs, la mollesse de leurs corps efféminés, leurs déguisements en femmes, à quoi servent-ils ? […] Il montre que la justesse, la précision, la clarté, sont les plus belles qualités d’un ouvrage ; en quoi surtout excelle l’Ecriture sainte qui dit les plus belles vérités dans un mot ; au lieu que la tragédie par une gravité empesée, la comédie par les molles caresses, « gravite tragica, blanditiis et lenociniis comicis », sont absolument éloignées de cette perfection divine : « Quid sunt, si ad hanc perspicuitatem, virtutem, brevitatemque conferas ?
Le Drame des Bergers, s’il m’est permis de m’èxprimer de la sorte, est certainement plus ancien que la Comédie & la Tragédie. […] Loin de vouloir en convenir, nous la forçons de paraître dans la Comédie, dans la Tragédie même, & dans l’Opéra-sérieux & bouffon.
Parmi cette foule de méchantes raisons, je m’arrête aux principales, car il serait impossible de les rapporter toutes, on allègue que la comédie ou tragédie est une peinture, et une représentation fidèle d’une action, ou plutôt de quelque événement dans sa substance et dans ses circonstances, et qu’elle n’est différente de la lecture de l’histoire, que nul ne s’avisera de soutenir être défendue, qu’en ce qu’elle représente d’une manière vive animée, et pour ainsi dire personnelle, ce que l’autre ne raconte que comme passé, et d’une manière morte et sans action. […] Quant aux indécences et aux libertés de l’ancien théâtre contre lesquelles on ne trouve pas étrange que les Saints Pères se soient récriés, je dirai encore à notre confusion que les tragédies des anciens Païens surpassent les nôtres en gravité et en sagesse, ils n’introduisaient pas de femmes sur la Scène, croyant qu’un sexe consacré à la pudeur ne devait pas ainsi se livrer au public, et que c’était là une espèce de prostitution, j’avoue qu’il y avait souvent de l’idolâtrie mêlée et que leurs pièces comiques poussaient la licence jusqu’aux derniers excès, mais les nôtres sont-elles fort modestes, ce que vous appelez les farces n’a-t-il rien qui alarme les oreilles pudiques ?
Aussi y a-t-il incomparablement plus d’auteurs comiques que d’auteurs tragiques, de comédies & de bonnes comédies que de tragédies. Les traités dramatiques, les règles, les unités, les observations roulent plus sur la tragédie que sur la comédie. […] Nous avons, dit-il, des tragédies, comédies, tragi-comédies (comi-tragédies), comédie bourgeoise, comique l’armoyant, tragédies divines ou opéra pastoral, opéra comique, piece d’intrigue, piece de caractere, piece de l’état de nature, farce, parades, marionnetes, débit d’orviétan, &c. […] On réunit tous les plaisirs dans cette fête célèbre, tragédie, comédie, pastorale, musique, danse, masque, amour, chasse, promenade, bouffon de Cour.
Les Parodies de nos Opéras demandent moins de précautions que celles des Tragédies ; l’amour est ordinairement l’âme des premières ; l’héroïsme de la vertu s’y montre rarement, quoiqu’à tout moment on y voye des Dieux & des Héros : dans les dernières au contraire, à côté d’une fadeur, il peut se rencontrer une maxime sage, qu’il faudra bien se donner de garder de présenter sous une face ridicule, en fût-elle susceptible.
Le troisième Discours sur les Pièces de Théâtre tirées de l’Ecriture Sainte, qui paraît ici pour la première fois, fut prononcé en 1695. à Saint Magloire à l’occasion de la Judith, Tragédie de M.
On nous a montré les défauts de la conduite, & du style de cette Tragédie, mais on n’a pu diminuer le plaisir qu’elle fait. […] Nous avons en notre Langue des Poëmes bien écrits, qui n’ont pas réussi ; la Tragédie de Bérénice est, comme l’assure Racine lui-même, une de ses Piéces les mieux versifiées.
Le théatre s’est souvent approprié ce spectacle dans plusieurs comédies & tragédies, où l’on fait plaider & prononcer des jugemens les plus fameux sont le Cid & Horace où Corneille, fait comparoître le vainqueur devenu coupable, devant le Prince qui doit le juger, & où il plaide sa cause, au risque de voir flétrir ses lauriers par une mort infame, & quelques fois dans les Opéras, faisant venir Minos, Æacus, Radamante pour juger les ombres. […] Une tragédie de Racine vaut-elle moins pour être mal jouée ?
Si on faisoit une tragédie de Charles XII, toutes ses belles qualités y seroient louées en beaux vers, les spectateurs y applaudiroient, mais pas un seul ne l’imiteroit. […] De toutes les tragédies françoises, dit Voltaire, Mithridate étoit celle qui lui plaisoit le plus.
Les tragédies, comédies, opéra, bal, sont les pompes de Satan. […] La tragédie, dit-on, rend compatissant, elle fait pleurer.