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73. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « Avertissement. » pp. -

Je n’ignore point combien le prémier est estimable par la délicatesse, l’élégance de son stile, & les beautés qu’il répand dans ses productions ; l’autre par l’art avec lequel il peint la Nature ; le troisième par plusieurs pièces charmantes, sur-tout par l’Ecole de la jeunesse, où l’on voit des Scènes dignes de la bonne Comédie, remplies de sublime & de pathétique.

74. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

 7, se moque du fard, sous le nom d’un Compositeur qui a obtenu, dit-il, un privilége exclusif pour le débit d’un secret admirable qu’il a trouvé, d’un fard à l’épreuve de tous les tems, qui appliqué sur le teint, dure autant que la peau, il a tant de pratique, qu’il ne peut y suffire, il a sept à huit douzaines de visages à rendre ; c’est un peintre sur cuir, au lieu que les autres peignent sur toile ; il appelle son laboratoire, la Manufacture des visages. […] Après avoir débuté par l’aveu sincere, dont ces Vestales, loin de rougir, se font gloire : Qu’elle est entretenue par un homme riche , elle ajoute, je ne fais point consister ma parure dans l’art de peindre mon visage, j’ai horreur d’un visage couvert de blanc & de rouge ; les femmes qui se peignent n’ont ni teint ni fraîcheur à vingt ans, & font peur à trente : quoi, vous mettez à soixante ans le fard, les pompons, les rubans & tout l’uniforme galant d’une habitante de Cithere ! […] Le sculpteur, dit-il, prend un morceau de bois, son ciseau le travaille avec soin, & ensuite il le polit & l’enlumine, le peignant en rouge avec du vermillon, comme les femmes se peignent le visage, & par son art il en couvre avec adresse, les taches, en remplit les creux & les rides comme les femmes remplissent les creux qu’a laissé la petite vérole, les rides que l’âge, l’infirmité, le fard lui-même ont répandu : Perliniens faciem rubricam omnem maculam quæ in ipsâ est operiens. […] Il est des hommes aussi insensés, qui, dans leur parure semblent des femmes ; ils enferment leurs cheveux dans une bourse, & les tiennent frisés & bouclés avec des aiguilles : reticulum comis imples  ; ils peignent leurs yeux & leur visage : pingit tremenies oculas, supercilium faligine tinctum  ; ils s’habille de bleu & de vert, couleur propre aux femmes.

75. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE II. Théatres de Société. » pp. 30-56

.), qu’eu égard aux mœurs peintes dans cet ouvrage avec trop de liberté, l’Auteur demande par son épigraphe de l’indulgence à ses lecteurs. […] On dit naïvement : Le prologue est trop gai (trop libre) pour que nous nous y arrêtions ; mais il peint bien le goût actuel : le siecle dans les mots veut de la modestie, sur tout le reste il vous absout. […] Je ne vous peindrai point cette sublime Actrice, non, je ne suis pas si téméraire ; mais qu’il est difficile d’éprouver en silence son magique pouvoir (la Dumesnil est donc sorcière) ! […] Quelque châtié que soit le théatre, les ouvrages les plus dangereux sont ceux où l’amour est représenté comme la vertu des belles ames, & les maximes des gens vertueux traitées de contes de vieille, où l’on établit que la raison ni la sagesse ne sont pas faites pour le bel âge, où les passions, au lieu d’être peintes d’une maniere à en donner de l’horreur, sont déguisées & revêtues de tous les charmes qui peuvent les insinuer dans un cœur sans expérience, & le faire tomber dans ces agréables rêveries, source ordinaire de la corruption. […] Celui qui commettroit dans la société ce qu’on représente sur le théatre, seroit un scandaleux : celui qui peint en action sur le théatre ce qui est un scandale dans la société, ne donne pas moins le scandale.

76. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

Il fit peindre une grande nuée, sous laquelle la Reine étoit cachée dans une machine d’où il se tenoit fort proche. […] Ces couleurs si vives peignent le feu de la passion, & dispensent de rougir aux approches du vice. […] Elle lui applaudit, ainsi que le Duc de la Roche-Foucant qui s’y trouva, & après eux tout le monde, on plutôt tout le monde se moqua de lui, & il eut la foiblesse de croire qu’on l’approuvoir, ne quitta plus ces habits peu décens, se fit peindre en femme, appeler Madame, &c. […] il ne craint rien tant que d’être démasqué : expression proverbiale, qui en peint vivement le danger & le mal : Qui male agis odit lucem. […] Comment dans une si grande distance sentir cette délicatesse d’inflexion de voix, ce souris, ce coup d’œil, cette finesse de traits, qui peignent sur le champ toutes les nuances des sentimens qu’éprouve l’Acteur ?

77. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — ESSAI SUR LES MOYENS. De rendre la Comédie utile aux Mœurs. » pp. 7-10

En effet, est-il rien de plus utile pour la jeunesse, que de lui proposer des exemples frappans à suivre ou à éviter ; de lui peindre les ravages du vice dans l’ordre moral ou politique, & de lui représenter les heureux effets de la vertu ?

78. (1759) Lettre à M. Gresset pp. 1-16

Vous nous peignez dans votre Lettre avec énergie, et en même tems avec douleur, ce combat intérieur, cette guerre continuelle que nous livre l’opposition de nos actions, avec notre croyance et nos principes, et vous nous développez en même temps une vérité bien humiliante. […] Quels tableaux touchés avec plus d’art, que ceux de l’esprit tortillé, inconséquent, et sans nulle vigueur de nos frivoles déclamateurs dans la Chartreusea, et surtout dans le style ingenu que vous leur opposez du Curé de la Seigneurie, peint avec une naïveté ravissante !

79. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE II. Melanie. » pp. 29-71

C’est un Philosophe, un Sage du temps, qui se peint parfaitement. […] C’est peut-être ce qu’il y a de mieux dans la piece, parce qu’il peint au naturel. […] Quel enfant a jamais eu des rêveries si rafinées, a peint avec ces couleurs une secrette incontinence ? […] On la peint aussi méprisable par le cœur que par l’esprit, aussi foible dans la vertu que fausse dans ses jugemens. […] Mais l’Auteur ne sait que peindre le crime, & décrier la vertu, ébranler la religion.

80. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Le projet enfin de l’Acteur est de nous rappeller, de nous rapporter, de nous peindre : il échoue sans doute, si nous ne nous y reconnoissons pas. […] C’est l’homme ; ce sont ses mœurs, ses sentimens qu’on peint ; les traits sous lesquels on les rend sont-ils empruntés, les couleurs étrangeres, les organes inconnus ? Non : on peint l’homme par l’homme même, les mœurs par leur caractére, les sentimens par leur ton, les passions par leur langage. […] Comme ce sont des choses de sentiment, & qu’en cette matiere, l’expérience est toujours plus éloquente, que les difinitions les plus heureuses ; on me pardonnera si je lui laisse le soin de vous peindre & de vous développer. […] Si l’amour est peint avec ses graces, sa noblesse & sa pureté ; loin sans doute de nuire à nos mœurs, il n’est capable au contraire que de les embellir.

81. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre dernier. Conclusion. » pp. 345-347

que ce soit celui de peindre la Nature ; mais d’adoucir ce qui pourrait révolter : ne confondons point le Théâtre moderne avec celui des baladins où tout est permis.

82. (1751) Avertissement (Les Leçons de Thalie) pp. -

Si nous cherchons parmi les Modernes de quoi appuyer encore ce sentiment, Rousseau nous dira : « Des fictions la vive liberté, Peint souvent mieux l’austère vérité, Que ne ferait la froideur monacale, D’une lugubre et pesante morale. » Ce n’est pas qu’on prétende ici justifier la Comédie dans toutes ses parties : il est un juste milieu entre deux excès également opposés ; les uns sans aucun examen condamnent absolument ce genre d’écrire comme contraire aux bonnes mœurs.

83. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre prémier. De l’éxcellence du nouveau Théâtre. » pp. 68-93

Il aime le changement continue notre Aristarque ; dégoûté de la Comédie qu’on croit n’avoir plus rien à peindre, & des Tragédiés qui se ressemblent toutes, il adopte un Spectacle nouveau ; non parce qu’il a quelque mérite ; mais parce qu’il satisfait son inconstance : oui, s’il aime tant l’Opéra-Bouffon, c’est parce qu’il y trouve le frivole & le futile, dont sans cesse il fait ses délices. […] S’ils ne mettent dans la bouche de leurs personnages que des pensées basses & populaires, c’est parce qu’ils s’appliquent à peindre la Nature. […] Quelqu’un qui parlerait du triste sort de la Comédie dans le dix-huitième siècle n’en peindrait-il pas la cause avec les mêmes termes dont se sert d’Aubignac ?

84. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Huitième Lettre. De la même. » pp. 100-232

Comment vous peindrais-je ce que j’éprouve ? […] D’après cette règle, que doit-on penser de quelques Pièces comiques où le vice est quasi peins en beau, ou bien sous le vernis d’un léger ridicule, qui ne suffit pas pour le rendre odieux ? […] Il regrettait que les Vers du Poète Quinaut, eussent en pure perte, tant de délicatesse, de finesse, de douceur ; c’est l’Albane, nous répétait-il souvent, qui met tout le fini de son art & les grâces de sa touche, à peindre un plafond. […] Ils seront moins Comédiens & plus Acteurs : ils peindront la nature. […] Si l’on me demandait, quel est le défaut de nos Danses, je répondrais que le seul que j’y trouve, c’est de n’exprimer rien, de ne peindre rien : l’art est encore dans l’enfance.

85. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  RACINE. A Mlle. Le Couvreur. » pp. 77-80

 C’étoit le vôtre, & l’amour l’avoit peint.

86. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE IV. Apologie des Dames. » pp. 119-155

En vain Horace et Despréaux chanteraient que vous n’avez produit que des caractères ignorés ou entièrement négligés par les Anciens, en vain ils applaudiraient à l’usage que vous avez fait de l’Amour, en vain vous aurez justifié cette passion en ne lui donnant que la Vertu pour principe, en vain vous aurez peint des couleurs les plus noires toute passion qui n’a pas la Vertu pour objet, votre Censeur atrabilaire trouvera que tous vos ouvrages sont des Romans, il le dira, il l’écrira, et ses zélés Catéchumènes l’en croiront sur sa parole. […] C’est ce qu’il n’a pas dit : au contraire, il trouve mauvais que vous donniez tant d’appas à cette vertu ; ce n’est pas là selon lui le moyen de la faire aimer : ce n’est pas, à son avis, savoir faire une Pièce que d’y proposer à détester un scélérat, que d’y faire rire aux dépens d’un vicieux ou d’un ridicule, que d’y proposer à imiter un homme d’une vertu extraordinaire : notre bilieux Genevois ne veut pas vous permettre de peindre les miracles de la nature, ni le triomphe de la raison, il veut au contraire que l’un et l’autre soient renfermés dans les bornes étroites où l’extravagance des hommes et leurs passions les resserrent ordinairement. […] C’est alors, Messieurs les Tragiques, que vous aurez des Héros à peindre, jusque-là vous ne peindrez que des Don Quichottes. […] Leur naïveté peint leur candeur ; mais les hommes ont grand soin de ridiculiser cette naïveté. […] Madame de Tagliazucchi donc peint en miniature de façon à ne craindre ni rivaux ni rivales en cet art.

87. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre IV [III]. La Grange & Destouches. » pp. 90-114

Il s’est peint lui-même dans la comédie du Philosophe marié, qui a honte de l’être ; & cache autant qu’il peut son mariage. […] Sa belle-sœur, sa femme, ses parents, ses enfans, sont peints d’après nature sous les personnages qu’il introduit. […] Il est vrai que quelquefois, pour peindre plus au naturel, même les nobles, dont le tres-grand nombre est tout-à-fait peuple par les discours & les mœurs, il leur prête des bassesses, des satires, des juremens qu’il auroit pu & dû supprimer, qui ne sont point des traits caractéristiques, mais des traits roturiers très-dégoûtans. […] Il s’est peint dans son style.

88. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE VII. Suite de l’Indécence. » pp. 138-160

Gresset l’a vivement peint dans un mot, dans le dérangement d’une jeune Religieuse qui faisoit son oraison dans Racine. […] Virgile, le plus sage des Poëtes Latins, peint si vivement, quoique décemment & même en le condamnant, l’amour de Didon, même en vûe d’un mariage, que S. Augustin s’accuse dans ses confessions, d’en avoir été touché jusqu’aux larmes, seulement en le lisant, & senti le feu de l’impureté s’allumer dans son cœur ; & l’on voudra faire croire que le même événement joué cent fois sur tous les théatres, peint avec les mêmes couleurs, avec tous les vers de Virgile qu’on se fait honneur de traduire, embelli par la décoration, la danse, la musique, l’action, la parure, la modestie des Actrices, fait moins d’impression sur des spectateurs tous bien inférieurs en sévérité, & la plûpart plus corrompus dans leurs mœurs, que ne le fut jamais Augustin ! […] Jamais on n’a ni plus vivement peint, ni plus pernicieusement autorisé les passions.

89. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — PREMIERE PARTIE. Quelle est l’essence de la Comédie. » pp. 11-33

Le but de la satire est de corriger les mœurs quand elles sont mauvaises ; & je crois que pour les corriger, il suffit de les peindre d’après nature, sans les charger d’un ridicule que les hommes savent bien y attacher d’eux-mêmes. […] Le moyen le plus sûr pour y parvenir, est sans doute de leur prouver qu’ils ont tort d’être comme ils sont : la méthode la plus efficace pour faire cette preuve, est d’exposer d’après nature le vice avec ses suites funestes, & de laisser les Spectateurs les maîtres d’y ajouter le ridicule, s’ils en ont envie : j’ai donc eu raison d’établir qu’il est de l’essence de la Comédie de peindre les Mœurs d’après nature, & qu’elle s’éloigne de son but, lorsque ses traits tombent plutôt sur la maniere d’être des Mœurs, que sur le fond des Mœurs.

90. (1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « A Monseigneur de Nemours » pp. -

Mais s’il faut le plan d’une ville Tu peins et en ligne subtille Tu sais comprendre l’univers, Et comme un second Archimède, Bien qu’à toi-même tu ne cède Pour écrire en prose et en vers.

91. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — IX. La Comédie donne des leçons de toutes les passions. » pp. 18-21

Il ne cesse de réprésenter des objets propres à révolter les sens, que pour en peindre d’autres aussi criminels & presque aussi contagieux.

92. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre VI. Les spectacles produisent et favorisent l’incrédulité. » pp. 86-89

On y fait semblant de n’en vouloir qu’aux abus, et sous ce prétexte on y peint des plus noires couleurs les dogmes et les pratiques les plus respectables.

93. (1753) Compte rendu de Ramire « Compte rendu de Ramire » pp. 842-864

Pour se peindre, elles empruntent des couleurs allégoriques ; à l’ombre des allusions ingénieuses, sous le voile des équivoques fines, elles exhalent une contagion pestilente, elles canonisent jusqu’à leurs désordres. […] Le Docteur Espagnol peint & déplore ces scandales & leurs ravages avec les couleurs & les larmes de tous les SS.

94. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « EXTRAIT Du Journal de Trevoux ; Mois d’Avril 1753. Art. XXXIX. » pp. 59-70

Pour se peindre, elles empruntent des couleurs allégoriques ; à l’ombre des allusions ingénieuses, sous le voile des équivoques fines, elles exhalent une contagion pestilente, elles canonisent jusqu’à leurs désordres. […] Le Docteur Espagnol peint & déplore ces scandales & leurs ravages avec les couleurs & les larmes de tous les SS. 

95. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre VI. De ce qu’un Poète dramatique doit sçavoir pour être en état de travailler dans le nouveau genre. » pp. 142-158

Peignez le caractère des habitans du village, leurs mœurs, leurs actions ; faites-nous passer en revue les derniers Artisans de nos Villes. […] Ceux-là, composant des discours qui peignent leurs Heros toujours subalternes, feraient l’action de scier des Planches, de battre le Fer, de Pecher, de tirer le pain du four.

96. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXIII. Si les Comédiens doivent prendre le titre de Compagnie. » pp. 122-128

C’est lui qui a employé les mots les plus chastes à peindre les déréglemens d’une imagination licencieuse.

97. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XIV. La comédie considérée dans ses Spectateurs. » pp. 30-33

Les Spectateurs sont-ils innocens, lorsqu’ils ferment les oreilles au précepte du Sage qui leur prescrit de fuir les femmes dont la parure porte à la licence, qui enlévent les cœurs des jeunes gens, qui les engagent par la douceur de leurs lèvres, par leur chant, par leur habileté à peindre les passions, à se jetter dans leurs lacets , comme un oiseau dans les filets qu’on lui rend ?

98. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre IV. Si la Musique Française est plus agréable que la Musique Italienne. » pp. 287-291

Les intervales de prose dans une Pièce mêlée d’Ariettes, sont comme les ombres qu’un Peinte habile répand sur un tableau.

99. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre V. Que le Musicien doit seconder le Poète, & que le Poète doit s’entendre avec le Musicien. » pp. 292-296

Il est pourtant nécessaire que le Musicien soit instruit, pour être en état de sentir ce qu’éxigent telle pensée, telle situation ; & pour peindre avec de vives couleurs ce que le Poète ne fait souvent qu’indiquer.

100. (1668) Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs bien loin de les réformer. La représentation qu’on fait des Comédies et des Tragédies sur les Théâtres publics en augmente le danger. On ne peut assister au spectacle sans péril « Chapitre X. Les Comédies et les Tragédies corrompent les mœurs, bien loin de les réformer. » pp. 185-190

Mais tous les autres vices, comme la haine, la vengeance, l’ambition, l’amour, y sont peints avec des couleurs qui les rendent aimables, comme nous avons remarqué.

101. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre IIbis. Autre suite du Fard. » pp. 61-89

Le Traducteur a adouci cet hideux tableau, en disant qu’elle peignit ses yeux avec du fard : Pinxit oculos suos stibio. […] Un livre Chinois peint ainsi une autre sorte de fard. […] Une femme entre les mains du Baigneur & des femmes de chambre, que l’on peigne, que l’on lave, que l’on rabotte, que l’on polit, que l’on plâtre, que l’on recrépit, que l’on peint, que l’on blanchit, que l’on enlumine, que l’on tresse, que l’on poudre, que l’on frise, que l’on tapisse, que l’on parfume, est-elle quelque chose de beau ? […] Tous les voyageurs rapportent que les Sauvages de l’Amérique se barbouillent le visage quand ils vont au combat ; non seulement pour faire peur à l’ennemi par les figures hydeuses qu’ils y peignent, mais encore pour lui cacher la paleur & les mouvemens que la crainte du péril pourroient y occasionner.

102. (1705) Sermon contre la comédie et le bal « II. Point. » pp. 201-218

Sinon un vain plaisir qui sera d’autant plus vif que la pièce tracera plus fidèlement le portrait de nos maladies secrètes, dont elle est l’attrait et la pâture, « plena, comme dit saint Augustin, fomitibus miseriarum mearum », j’avoue que l’histoire intéresse de même le lecteur dans les actions qu’elle représente, et qu’il est malaisé de lire la Romaine, sans détester les cruautés de Marius et de Sylla, la profonde dissimulation de Tibère, aimer la clémence d’Auguste, sans grossir le parti de Pompée contre César, mais quelle erreur de ne savoir pas distinguer entre l’art de décrire les méchantes actions pour en inspirer de l’horreur, et celui de peindre des passions tendres, agréables, délicates, d’une manière qui en fasse goûter le plaisir, ne doit-on pas avoir quelque honte de confondre deux choses si opposées ? […] Plusieurs excès qui excluent du Ciel y sont transformés en vertus, la passion de vengeance qui a si longtemps entretenu la fureur brutale des duels s’y voit non seulement justifiée, mais louée, la patience qui ferait souffrir une injure sans la repousser, serait traitée de lâcheté, de bassesse d’âme et d’infamie, des sentiments impies ou dénaturés qui ne seraient capables que d’inspirer de l’horreur s’ils étaient représentés tels qu’ils sont, produisent un effet tout contraire, et attirent l’affection plutôt que l’indignation par le tour ingénieux de l’auteur et par le moyen du fard dont il les peint.

103. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIV. La fréquentation des spectacles ne peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un véritable chrétien. » pp. 118-132

« Or, pour savoir si cette idée peut s’allier avec celles des spectacles, il suffit d’examiner ce que c’est que le spectacle ; il suffit de remarquer, avec Tertullien, que c’est une assemblée d’hommes mercenaires, qui, ayant pour but de divertir les autres, abusent des dons du Seigneur, pour y réussir, excitent en eux-mêmes les passions autant qu’ils le peuvent, pour les exprimer avec plus de force : il suffit de penser, avec saint Augustin, que c’est une déclamation indécente d’une pièce profane, où le vice est toujours excusé, où le plaisir est toujours justifié, où la pudeur est toujours offensée, dont les expressions cachent le plus souvent des obscénités, dont les maximes tendent toujours au vice et à la corruption, dont les sentiments ne respirent que langueur et mollesse, et où tout cela est animé par des airs qui, étant assortis à la corruption du cœur, ne sont propres qu’à l’entretenir et à la fortifier : il suffit de comprendre que c’est un tableau vivant des crimes passés, où on en diminue l’horreur par la manière de les peindre : il suffit de considérer, avec tous les saints docteurs, que le théâtre est un amas d’objets séduisants, d’immodesties criantes, de regards indécents, de discours impies, animés toutefois par des décorations pompeuses, par des habits somptueux, par des voix insinuantes, par des sons efféminés, par des enchantements diaboliques. […] « En effet, c’est là que la volupté, l’ambition, la haine donnent tour à tour des leçons de tendresse, de perfidie, de vengeance ; qu’elles enseignent à réaliser ce qu’elles ne font que peindre ; c’est là que, le cœur s’exprimant en mille façons touchantes, on est frappé par des expressions d’autant plus faciles à retenir, qu’une poésie profane leur prête des charmes corrupteurs.

104. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre V. Autres Mêlanges. » pp. 121-140

Le systême de l’amour physique est fort bien expliqué dans la comédie des Courtisannes, scèn. 2, que les actrices ont refusé de jouer, parce qu’elles y sont trop bien peintes. […] Les Médecins supprimerent leur ouvrage, on n’en a plus parlé : mais Moliere s’en vengea par deux farces, le Médecin malgré lui, & le Malade imaginaire, où il se déchaîne grossierement contre la Faculté, & une fort bonne comédie, le Misantrope, où il peint un hypocondriaque, homme d’esprit d’ailleurs, & honnête homme, qu’il donne pour son vrai caractere, dont il ne rougit pas. […] Goesman, où tons les trois ont joue les rôles les plus dignes de l’Opéra bouffon, & dans ses écrits, très-longue farce qui fourniroit la matiere de dix ou douze à joindre aux Plaideurs de Racine ; ensuite dans son Barbier de Séville, où il a peint la Magistrature qu’il avoit attaquée au Palais.

105. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Remarques Angloises. » pp. 133-170

Le Pape qui y fut toujours un objet de vénération & de confiance, y est devenu un objet de défiance & d’aversion ; & tous les jours, pour fortifier ces fausses idées, l’irréligion & le libertinage s’attachent à peindre la dévotion de nos peres avec les couleurs les plus outrées. […] Il y auroit de tous côtés, sur des piedestaux, des poupées représentant des actrices habillées à la mode, dont on leur donneroit le nom, qu’on tâcheroit de peindre au naturel, pour conserver leurs traits à la postérité. […] Ne peut-on pas peindre la douceur de la vie pastorale, sans peupler les bois, les campagnes, les ruisseaux, de Naïades, de Faunes, de Satyres, & faire défiler toute la bande des dieux & des déesses champêtres. […] La danse peint & corrige les caracteres, la niaise, la badine, la légere, la voluptueuse ; elle peint & redresse les états, le militaire, le magistrat le paysan, l’Arlequin, le petit-maître, elle s’accommode à tout & s’approprie tout ; vraie pharmacopée,, c’est un remede à tous les maux ; vraie pierre philosophale, c’est un trésor, une source de tous les biens.

106. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre premier. De la Musique. » pp. 125-183

La marche pressée & rapide de nos grands airs ou de nos chansons est un signe de joye ; leur mouvement progressif & faible, nous peint la douleur ou la tendresse. […] Elle peint le ramage des oiseaux ; le murmure d’un ruisseau qui roule lentement dans la campagne ; le calme de la mer, ses flots irrités, & les vents qui mugissent. […] La Musique instrumentale ne peint pas tout-à-fait les passions. […] L’imagination travaille donc plus à nous séduire que tout autre chose ; car enfin, il n’est pas réellement vrai que des accords doux, ou bien aigus, ayent de l’analogie avec ce qui se passe en nous-mêmes : ils peuvent peindre à peu près le phisique de notre monde ; mais non un sentiment. […] Les partisans de la musique en général s’écrient tous à la merveille, & seraient tentés de conclure qu’elle peint jusques au sentiment, parce qu’on croit qu’elle éxcite en nous le chagrin, la fureur, la pitié, la tendresse.

107. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

« Tout Auteur qui veut nous peindre des mœurs étrangères a pourtant grand soin d’approprier sa pièce aux nôtres »r  : pourquoi ne le ferait-il pas ? S’il est contraire aux mœurs des Français, ou s’il répugne de voir sur leur scène les horreurs communes aux Théâtres Anglais, c’est que les crimes de l’espèce de ceux qu’on leur offrirait ne leur sont pas familiers, que l’esprit, toujours ami de la vérité et de la vraisemblance, rejette des images dont le cœur n’est pas capable de se peindre les originaux. […] Ils transforment au contraire cette passion en sentiment, ils veulent toujours qu’elle soit subordonnée à la Vertu, qu’elle soit justifiée par le mérite et la sagesse de la personne aimée : si cette passion est telle dans les mœurs des Français, assurément les Auteurs auraient grand tort de la peindre comme criminelle, mais si cette passion n’est pas encore telle et n’est qu’un tribut que les Auteurs imposent aux cœurs bien faits en faveur de la Vertu, loin de changer les mœurs, ils veulent apprendre ce qui manque à leur perfection. […] Dans les pièces du Théâtre Français et du Théâtre Italien, que nous appelons Farces, la charge peut être regardée comme l’abus de l’esprit, et aux dépens du sens commun, et l’on ne perdrait pas beaucoup à la privation de ce genre de spectacle burlesque : dans les pièces régulières, la charge est la multiplication des traits dont l’Auteur compose le portrait du sujet qu’il veut peindre : cette charge est le chef-d’œuvre de l’art et du génie. […] Des Chanteurs habitués à voir le Public en larmes quand ils peignent par leur chant la tendresse ou le désespoir dans les Tragédies, qui, par la naïveté, le goût et la légèreté de leurs sons portent la joie la plus vive ou la délicatesse la plus pure du sentiment dans l’âme des spectateurs, lorsqu’ils chantent des Pastorales ou des Poèmes comiques, ont-ils pu lire avec plaisir un gros livre pour prouver qu’ils n’étaient capables de rien, et que le Public était imbécile de se laisser toucher ?

108. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « IV. » pp. 17-22

Despreaux : « De n’oser de la fable employer la figure, De chasser les Tritons de l’Empire des eaux, D’ôter à Pansa flûte, aux Parques leurs ciseaux, D’empêcher que Caron dans la fatale barque, Ainsi que le Berger, ne passe le Monarque ; C’est d’un scrupule vain s’alarmer sottement, Et vouloir aux Lecteurs plaire sans agrément, Bientôt ils défendront de peindre la prudence : De donner à Thémis ni bandeau ni balance, De figurer aux yeux la Guerre au front d’airain, Où le temps qui s’enfuit une horloge à la main : Et par tout des discours comme une idolâtrie, Dans leur faux zèle iront chasser l’allégorie.

109. (1756) Lettres sur les spectacles vol. 2 «  HISTOIRE. DES OUVRAGES. POUR ET CONTRE. LES THÉATRES PUBLICS. — NOTICES. PRÉLIMINAIRES. » pp. 2-100

» Enfin ajoutons à ces solides réflexions ce coup de pinceau du Citoyen de Geneve1 qui a peint l’objet d’après nature : « La Tragédie ne nous présente presque toujours que des scélérats d’un haut rang ; vengeance, assassinats, empoisonnement, ambition, révolte, fureur, désespoir. […] La volupté étoit presque le seul arbitre qu’on consulta sur l’usage qu’on devoit faire de l’une & de l’autre ; & le Théatre devint une école de toutes sortes de vices, d’autant plus dangereuse qu’en perfectionnant l’imitation, l’on s’étoit mis en état d’y peindre ces mêmes vices des couleurs les plus vives & les plus capables de porter la contagion dans les cœurs. […] On les aime à cause des passions qu’elles peignent, & de l’émotion qu’elles excitent. […] En voulant peindre les hommes au naturel, on y fait des portraits trop charmans de leurs défauts ; & loin que de pareilles images puissent inspirer la haine du vice, elles en cachent la difformité pour le faire aimer ». Concluons cette digression, en disant que la lecture de tous nos Romans doit être redoutée comme l’étoit celle de ces histoires dont Horace disoit que le vice s’y trouve peint de maniere à l’enseigner : Et peccare docentes, Fallax historias monet.

110. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Procès des Comédiens. » pp. 169-224

Tout cela peint parfaitement l’orgueil & la mauvaise foi des comédiens, & la servile bassesse des auteurs, qui se mettent à leur discrétion, pour une vaine fumée de gloire dramatique. […] Le sieur Palissot peint les vices & l’irréligion avec une vérité, une force, une énergie qui ne peut manquer de déplaire à la cour de Thalie. […] Je doute pourtant que l’auteur gagne son procès, qu’aucun Juge puisse ni veuille forcer les comédiens à se jouer eux-mêmes, peindre sur leur Théatre leur impiété & leurs vices, & prononcer leur propre condamnation : & quand même on les y forceroit, l’auteur en seroit très-mal jouée. […] Verroit-on encore sur vos répertoires le Théatre entier de Dancourt, qui n’a peint que des chevaliers d’industrie, des femmes d’intrigue, en un mot que des courtisannes & des fripons ? […] Comment vous est-il échappé que la Baronne, dans la comédie de Turcaret, n’est qu’une courtisanne peinte avec des couleurs infiniment plus fortes que celles que j’ai employées, & que cette courtisanne cependant n’éprouve dans le cours de la piece, ni revers, ni humiliation ?

111. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre III. De la Fable Tragique. » pp. 39-63

Elle peint à Fatime la bonne grace, les exploits, le pouvoir d’Orosmane, & ne veut l’aimer que pour lui-même. […] En sortant avant elle, Nérestan lui avoit jetté un regard, où sa douleur étoit peinte.

112. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VIII. Sentiment de S. Thomas. » pp. 178-198

La vue des spectacles ne doit pas être une curiosité mauvaise : c’est un amusement agréable & naturel ; l’homme aime naturellement à voir peindre & représenter, comme le dit Aristote. […] Qui chante, qui danse, qui peint la passion comme des Actrices ? […] De toutes ces discussions théologiques il résulte que la comédie, envisagée dans la spéculation, par une abstraction métaphysique, n’étant que la représentation des actions humaines, est par elle-même indifférente, comme la peinture, la sculpture, l’histoire, le chant, &c. tout peint, tout imite : les enfans même savent contrefaire.

113. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De la Musique Française & Italienne. » pp. 252-286

Il s’en suit toujours que nous possédons une musique perfectionnée, telle que nos mœurs l’éxigent, & qui nous peint au naturel : sa marche grave & quelquefois légère, est l’image du Français tout-à-la-fois raisonnable & frivole. […] Il suffit aussi de lire nos bons Poètes pour connaître que notre langue sait même très-souvent peindre les choses qu’elle èxprime. […] Peu de Notes nous suffisent pour attraper ce chant simple & gracieux, qui peint au naturel un sentiment.

114. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre II. Des différens genres qu’embrasse le nouveau Théâtre. » pp. 14-20

Le haut comique, où l’on voit un caractère relevé, tels que le Misantrope, le Dissipateur ; & le comique ordinaire, qui peint en se jouant les moindres ridicules, tels que le Malade imaginaire, Turcaret ?

115. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CONCLUSION, de l’Ouvrage. » pp. 319-328

Or, il arrive quelquefois que les Auteurs au lieu de copier la nature la défigurent : et de l’autre côté que les Acteurs la font tellement grimacer que le Spectateur qui la cherche ne peut la reconnaître ; Mais lorsqu’un Auteur est parvenu à bien peindre la nature et que les Acteurs récitent la Pièce dans son véritable ton, en sorte que l’esprit séduit agréablement, prenne la fiction pour la vérité même : alors on est obligé de convenir qu’une représentation Théâtrale est un amusement supérieur à tout autre Spectacle public tel qu’il puisse être, parce qu’en satisfaisant les yeux, il intéresse le cœur et l’esprit.

116. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VII. Autre suite de diversités curieuses. » pp. 173-202

Ainsi le peint leur mémoire ; l’intégrité inflexible, les lumieres supérieures, le goût infaillible des Comédiens l’emporte sur tous les gens de lettres, & toutes les Académies. […] Un Acteur, une Actrice sont paîtris d’amour propre : il n’y a qu’a le voir, à l’entendre : ses regard, ses gestes, sa démarche, sa parure, son style, son ton de voix, tout en lui ne parle qu’orgueil ; & si un Peintre avoit à faire le portrait de cette partie de la corruption, superbia vitæ, il n’auroit qu’à peindre une Actrice, comme Appelles, pour représenter. […] Il n’est pas permis de peindre le vice, il faut le fuir. L’acteur ne peint la passion que pour l’exciter dans le spectateur. 2.° Crime ; il n’est pas permis d’exciter les passions dans les autres.

117. (1760) Lettre à M. Fréron pp. 3-54

Vous Auteurs, à qui le Ciel n’a accordé que du Génie et de l’esprit, ne prêchez que que la morale et la sagesse et vous ferez bien ; mais lorsque vous ne craindrez plus que votre Plume n’altère par sa faiblesse, la sublimité des idées de notre Sainte Religion, consacrez lui vos talents ; perfectionnez, peignez comme Racine, l’enthousiasme divin des Prophètes, et vous ferez encore mieux. […] Vous Acteurs à qui le Ciel n’a départi d’autre talent que celui de vous approprier les idées d’autrui, l’art de les exprimer avec toute l’énergie extérieure qu’elles exigent, peignez aux hommes leurs vices et leurs ridicules ; soyez les organes de la Morale et de la Raison, vous ferez bien. […] Mes Parents s’en apperçurent avec peine : mais mon inclination plus forte que leurs scrupules me peignait le Théâtre comme une profession si aimable que je ne perdis jamais l’occasion de m’essayer dans des parties de plaisir, sur le talent que je voulais exercer un jour. […] Vous n’avouerez donc pas, me dira-t on, qu’on peint sur le Théâtre la passion de l’amour comme une vertu et que par conséquent, loin d’apprendre à régler cette passion, on l’encourage par des peintures agréables et flatteuses, ce qui est absolument contraire à la Religion. […] Mais puisque le Zèle Apostolique n’autorise pas même un Orateur Sacré à peindre trop sensiblement certains vices, j’exhorte nos Auteurs Dramatiques à s’imposer la même retenue pour que le Théâtre à l’avenir soit absolument exempt de tous reproches.

118. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VII. De la Diction. De la Poësie dans la Tragédie. » pp. 122-130

Il faut bien peindre ; mais le grand art du Peintre, c’est de faire voir une vaste étendue de pays, dans un petit espace.

119. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « Corrections et additions. » pp. 364-368

C’est à la Tragédie à peindre l’horreur du crime, ainsi que tout ce qui peut nous attendrir, nous déchirer.

120. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE IV. Spectacles singuliers. » pp. 106-127

On a peint dans la voussure un ordre en portique, qui fait l’illusion la plus complette. […] Si les comédiens Romains avoient fait peindre des Anges à leur théâtre, les Chrétiens l’auroient pris comme une dérision de la Réligion Chrétienne. […] On veut voir, peindre, imiter, & réaliser en quelque sorte ce qui est absent, & leur donner par la réprésentation, une sorte d’existance.

121. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Sixième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 40-72

Notre Spectacle est le grand miroir moral où les deux sexes se voient au naturel ; tantôt jeunes, charmans ; tantôt laids à faire peur : ils doivent s’aimer, applaudir à leurs charmes, lorsqu’on les peint en beau ; se haïr, rougir d’eux-mêmes, quand on ne leur présente que leurs vices. […] Il y a bien de la différence entre peindre aux yeux, comme on le fait dans nos plus mauvaises Comédies, un jeune fou, qu’une jeune folle aime en dépit d’un père ou d’un tuteur ; entre, les voir tout employer pour parvenir à leurs fins par des tromperies ; & aller soi-même s’occuper à leurrer une fille, fourber d’honnêtes parens, pour les forcer à légitimer par leur consentement une union tout-à-fait opposée à leurs vues. […] Le Public regarde comme une chose indifférente, que celle qui lui peint la Vertu, soit estimable par la pureté de ses mœurs, ou la maîtresse d’un Mondor, vil oppresseur des Peuples ; d’un Magistrat inique qui vend la justice ; d’un Seigneur débauché qui deshonore sa naissance & trahit ses ayeux.

122. (1690) Entretien sur ce qui forme l’honnête homme et le vrai savant « VII. ENTRETIEN. » pp. 193-227

Et que pensez-vous de ceux qui peignent les passions, et qui expriment les beaux sentiments ? […] Je veux qu’alors on lui fasse tout remarquer ; qu’à l’occasion d’une campagne qu’on voit semée de fleurs et entrecoupée d’arbres et de ruisseaux, on lui fasse entendre qu’un peu de matière poussée vers nos yeux, et qu’on appelle des rayons, peint tous ces divers objets sur notre nerf optique ; que les ébranlements divers de cette partie de l’œil sont suivis de diverses perceptions, par lesquelles nous découvrons la différence des objets, et leurs diverses distances.

123. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. L’Arétin, le Tasse, l’Arioste. » pp. 38-79

Il savoit dessiner : son coup d’essai fut de peindre un luth dans un tableau de la Magdelaine aux pieds du Sauveur, qu’il vit dans une église. Quoiqu’il fut bâtard, & selon l’opinion commune adultérin, il eut l’audace de faire peindre sa mere sous la figure de la très-sainte Vierge recevant l’annonciation de l’Ange. […] Arétin se fit peindre plusieurs fois. […] Quoiqu’il en soit de la vérité de ce mot, on ne peut du moins disconvenir de sa justesse : il peint au naturel ce cahos. […] Quand mon pere a commencé à me gronder, il m’est venu dans l’esprit de l’observer avec soin, pour peindre d’après nature.

124. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — [Introduction] » pp. 2-6

Mercier a joint à sa piece, pour mieux peindre son héros, un long commentaire qui forme un gros livre : il a prévenu la postérité, & s’est rendu à lui-même le même service que les interprêtes rendent à Sophocle, à Euripide, &.

125. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre prémier. De la Comédie-Bourgeoise, ou Comique-Larmoyant. » pp. 6-13

Pourquoi me peindre vivement la situation douloureuse de tel Personnage ?

126. (1684) Epître sur la condemnation du théâtre pp. 3-8

Cet amour, nous dit-on, que l’on peint si puissant, Dans ses plus grands transports n’a rien que d’innocent.

127. (1661) Le monarque ou les devoirs du souverain « SIXIEME DISCOURS. Si le Prince peut apprendre les Arts Libéraux, comme la Peinture, la Musique, et l’Astrologie. » pp. 195-201

 » y a je ne sais quoi de trop vil et de trop bas dans cet Art, pour le permettre à un Roi, et après qu’on a reproché à Néron qu’il savait peindre, je ne pense pas qu’il y eût personne qui le voulût conseiller à un Monarque.

128. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Voltaire lui a fait de jolis vers, qui peignent parfaitement la chimere d’un Magistrat octogenaire, qui fait imprimer des farces, des opéras, &c. […] Des erreurs instructives, des erreurs amoureuses, forment le fonds de ce Roman ; mais nous doutons qu’elles soient instructives, à moins que le tableau du libertinage ne soit matiere d’instructions, & la vue du vice puni, ne fasse naître l’horreur, ce qui n’arrive pas toujours, sous quelque forme qu’on présente le vice, s’il est peint avec chaleur, il réveille nos penchans naturels, & développe le levain caché de nos passions. […] Il excelle à peindre les désastres & les malheurs. […] On aime à voir ses triomphes représentés avec l’appareil théâtral & peint avec les couleurs de la poésie.

129. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre I. De la Pudeur. » pp. 4-35

Elles pourront bien avec le temps se faire peindre en noir, pour mieux déguiser la couleur de leurs grâces. […] Les yeux, les mains, les mouvemens, les traits du visage, tout sert à peindre le cœur, qui s’échappe de tous côtés. […] Je porte mon cœur sur mon visage, sur toute ma personne ; je le porte sur mon rouge ; le rouge peint mon cœur plus que mon visage. […] L’un sert à peindre la blancheur de leur tein, l’autre à consulter comment le fard peut en relever l’éclat ; c’est-à-dire, que contre leur destination naturelle, ils sont employés à détruire cette même pureté dont ils devroient être l’image & donner des leçons.

130. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE V. De la Parure. » pp. 107-137

La passion renverse tous l’édifice que l’hypocrisie voudroit étayer ; chaque vertu au coutraire lui donne son prix & en reçoit son ornement ; c’est un tissu de pierres précieuses que sa main enchasse & distribue dans un beau jour, elles forment la physionomie de la vertu, pour ainsi dire, la douceur, l’humilité, la patience, la charité, le recueillement, la simplicité, la chasteté, la prudence ; on voit tout d’un coup d’œil sur un visage modeste, il peint de l’abondance du cœur, il développe tout le cœur ; la passion le dérange & le trahit. […] Une Actrice qui peint la galanterie, fût-elle la plus chaste du monde (ce qui est impossible), du moins dans le moment qu’elle prend les apparences du vice n’est pas modeste. […] ils-sont peintres, ils peignent le visage des Dames. […] Une femme ne se fait peindre, buriner, chanter, qu’après s’être mise dans la meilleure posture, par l’adresse de son Coëffeur.

131. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. De la Dédicace de la Statue de Voltaire. » pp. 71-94

Pierre Casimo, peintre Florentin, dans le seiziéme siécle, avoit des idées extraordinaires, se plaisoit à peindre des monstres, des sayres, des Bacchantes ; il avoit un talent décidé pour le comique & les mascarades. Après avoir préparé secretement tout ce qui lui étoit nécessaire ; la nuit du dimanche au lundi gras, il fit rouler, dans les rues de Florence, un grand char peint de noir, semé de croix blanches, de têtes & d’ossements de morts, comme on en met aux enterrements. […] Du char sortoient nombre de grands drapeaux ainsi peints, qui pendoient jusqu’à terre après chacune des pauses déterminées par la trompette, la troupe chantoit en marchant, d’une voix tremblante, entrecoupée de soupirs, Miserere mei.

132. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre II. Du Philosophe de sans souci. » pp. 36-60

    Une Nimphe à quinze ans de sa beauté parée, A vos visages peints doit être preférée. […] Voici comme il peint en grand guerrier le combat amoureux où ce grand Atlhete fut pourtant vaincu par une femme. […] Le sujet de cette querelle nous est absolument étranger ; mais ce qui ne l’est pas, ce sont les grands traits avec lesquels un des plus grands amateurs peint un des plus grands ornemens du théatre, dans une belle épitre sur son compte.

133. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

.° Nous adorons les sublimes mystères que renferme le livre des Cantiques & la sainteté du mariage que cette épithalame célèbre ; mais nous remarquons que pour peindre les attraits de l’amour, l’épouse a sans cesse recours à un parfum, elle en est attirée, in odorem unguentorum currimus . […] le Franc dans ses poésies peint aussi la volupté d’une Déesse : Sur son corps rafraîchi dans un bain d’ambroisie, elle verse des flots, d’une essence choisie, & la douce vapeur d’un parfum précieux embaume au loin la terre & le Palais des Dieux. […] Malgré tout le clinquant de la parure, cette Actrice feroit déserter le théatre, si la Civette ne venoit à propos chasser la puanteur qu’elle y répand ; ce n’est pas la moindre partie de la toilette, on n’employe pas moins de temps à se parfumer qu’à se peindre ; la jeunesse, la santé, la vertu n’ont pas besoin de bergamote, la meilleure odeur d’une femme est de n’en avoir aucune ; qui s’affable de tant d’odeurs en a beaucoup à cacher, elle se trahit elle-même, mulier bene olet cum nihil olet .

134. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre I. Continuation des Mêlanges. » pp. 7-31

Dans sa préface, ou peut-être celle du Traducteur, qui paroît du moins y avoit mis beaucoup du sien, Gesner se peint au naturel. […] Peignez à vos éleves les vices à la mode, faites leur sentir le ridicule qui les accompagne, versez sur eux le mépris à pleines mains. […] On y voit ces vers ridicules où l’on n’a cherché que des rimes, & qui seuls peignent les sentimens du Prince Tarare-Pompon, qui, chez le Lord Hamilton, sont très-comiques.

135. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Moliere. » pp. 4-28

On l’a bien peint en habits d’Auguste Empereur Romain, donnant des loix au monde, couronné de laurier avec les attributs de souverain Pontife, & une pompeuse inscription. […] Elle peint le ridicule des nations, mais ne donna jamais des mœurs. […] Un trait fin, une répartie naturelle peignent le caractère d’un Acteur.

136. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

Que devaient penser du théâtre ces deux Philosophes, où ils voyaient qu'on avait la sottise de représenter des sottises, la cruauté de peindre des cruautés, le crime de s'occuper des crimes ? […] Cet esprit ne pense point, il rêve ; c'est un miroir à facettes, où dans mille points de vues différents tout se peint et s'efface, un de ces coureurs qui sous le cri pompeux de rareté, de curiosité, en tournant une manivelle, fait parcourir toute la terre dans un quart d'heure. […] Ce n'est pas moi, c'est l'Ecriture qui les peint sous ces traits : « Homo inutilis graditur ore perverso, annuit oculis, digito loquitur, terit pede.

137. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre premier. Du Theatre. » pp. 73-99

Ceux de la Scene representoient quelque chose de la Fable qui se joüoit ; & pour ne rien oublier de ce qui a esté mis en question par les Doctes, qui soit digne de quelque observation : Il y en avoit vne versatile un triangle suspendu, & facile à tourner, qui portoit des Rideaux où estoient peintes certaines choses qui pouvoient avoir raport, ou au sujet de la Fable, ou du Chœur, ou des Intermedes, & qui donnoient par ce moyen quelque intelligence aux choses ignorées, ou quelque éclaircissement aux douteuses. […] Neron nonseulement les fit teindre en pourpre, mais y adjoûta encor des Etoiles d’or, au milieu desquelles il étoit peint monté sur un chariot : le tout travaillé à l’éguille avec tant d’adresse & d’intelligence, qu’il paroissoit comme un Apollon dans le Ciel serain, qui moderant ses rayons ne laissoit briller que le jour agreable des belles nuits & des Astres subalternes.

138. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IV. Les spectacles inspirent l’amour profane. » pp. 32-50

Quand il serait vrai qu’on ne peint au théâtre que des passions légitimes, s’ensuit-il de là que les impressions en soient plus faibles, que les effets en soient moins dangereux ? […] Pourront-ils le dire, lorsque tout dans ces assemblées contribue à faire naître de mauvais désirs en nous ; des tons de voix languissants et voluptueux, des chants lascifs, l’art de peindre le visage, d’animer les yeux et la figure par des couleurs étrangères, une parure fastueuse et immodeste, les gestes, les postures, tout l’extérieur de la personne et mille autres moyens propres à attirer et à séduire les assistants ?

139. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IV. Le Peuple doit-il aller à la Comédie ? » pp. 60-74

Et on ne compte pas des milliers d’acteurs et d’amateurs qui passent une partie de leur vie à sentir, à goûter, à peindre, à inspirer les passions ! […] Un bel esprit dramatique est un Poète affamé qui attend une portion d’une représentation pour avoir du pain, ou un libertin qui satisfait par le portrait du vice son cœur dépravé, comme un Peintre, qui peint des nudités, pour débiter sa marchandise ou repaître sa passion.

140. (1733) Theatrum sit ne, vel esse possit schola informandis moribus idonea « Theatrum sit ne, vel esse possit schola, informandis moribus idonea. Oratio,  » pp. -211

Malheureusement pour elle on la contraint de peindre souvent le contraire. […] Ce n’est plus, Messieurs, l’Histoire sacrée ou profane qui vous peint l’horrible destinée des impies, des parricides, des incestueux, des traîtres, des scelerats de toute espece. […] Voulez-vous des autorités sur le parallele de la Scene telle que je viens de la peindre, & de l’histoire telle qu’elle est ? […] L’Opera tel que je viens de le peindre & que vous l’admettez, formeroit donc les mœurs ? […]   Peut-être seroit on excusable de le peindre sur la Scéne Françoise avec ces couleurs.

141. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [K] » pp. 421-424

Dans les Tragédies, Niobé paraît avec un visage où se peint le desespoir ; Médée nous annonce son caractère, par l’air atroce de sa physionomie ; la force & la fierté sont dépeintes sur le masque d’Hercule ; le masque d’Ajax est le visage d’un homme hors de lui-même.

142. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIII. L’Opéra est le plus dangereux de tous les spectacles. » pp. 111-117

Comme on met dans les opéras bouffons, dans les comédies à ariettes l’indécence en action ; comme tout conspire à faire perdre la pudeur, d’abord par le sujet qui est contre la décence, ensuite par l’intrigue et l’action qui forment des images séduisantes, par des détails qui respirent la passion même ; comme enfin tout peint et célèbre la volupté, ou la fait pénétrer par les yeux et par les oreilles jusque dans le fond de l’âme ; l’harmonie d’une musique voluptueuse achève de porter l’ivresse dans les sens des spectateurs.

143. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

Voici quelques uns de ces vers qui peignent la fête & ses Acteurs. […] Peindre les choses les plus licencieuses de la maniere la plus séduisante & la plus vive, témoin la peinture du Serrail & des amours du Sultan, que nous avons rapporté d’après Cahusac dans le chap. de la Danse ; dans la religion c’est un scandale horrible ; c’est au théatre avoir des mœurs & de la décence. […] La danse est un peu pantomime, elle peint bien des choses, & quoique les actions humaines ne suivent pas une mesure musicale, & n’offrent point de cadence réglée, il n’est pas impossible de réunir les pantomimes à la danse. […] J’ai vu, il y a quarante ans, une mode charmante de peindre des têtes humaines sur le corps d’un animal ; un amant ne manquoit pas de faire faire le portrait de sa maîtresse sur ce piedestal.

144. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

Un Peintre qui n’est que médiocrement habile, se contente de rendre fidellement les traits du visage de la personne qu’il peint ; un habile Peintre sait peindre le visage & l’ame. Dans un Tableau où seront ensemble Helene & Penelope, on distinguera du premier coup d’œil l’une de l’autre, si le Peintre est du nombre de ceux qui savent peindre les Mœurs. […] Une telle peinture ne seroit pas assez vive pour frapper la multitude qui s’assemble dans les Théâtres, parce que ce seroit leur peindre une chose très-éloignée de leurs Mœurs : le Poëte Dramatique se sent peu de génie pour exprimer cette tranquillité d’ame.

145. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Ce sont tous ces traits répandus, qui forment le caractère des personnages ; ainsi dans l’Iphigénie tout ce qui entre dans la représentation d’un homme amoureux, mais violent, tel qu’était Achille ; tout ce qui sert à nous peindre un Roi fier et ambitieux, tel qu’Agamemnon ; une mère tendre, une jeune Princesse courageuse, telles que Clytemnestre, et Iphigénie ; c’est précisément ce que nous appelons mœurs. […] Le spectateur fait bon gré au Poète, de lui épargner la vue des corps sanglants de ces Héros blessés à mort, et expirants sur le Théâtre ; mais un Auteur qui se défie de la faiblesse de son génie, et qui craint de ne se pas assez soutenir dans sa narration, pour produire de grands sentiments dans l’esprit de ses auditeurs, leur met sous les yeux, des corps percés de coups, et mourant, pour les émouvoir par la vue de ces horribles spectacles : Il imite en cela certains Avocats, qui manquant d’art et de génie pour exciter la compassion dans l’esprit de leurs Juges, faisaient peindre les malheurs de leurs Clients, pour obtenir par ces représentations muettes, ce qu’ils ne croyaient pas pouvoir obtenir par la force de leurs raisons, et de leur éloquence. […] Il faut, pour faire le portrait d’un Vieillard, le peindre grondeur, de mauvaise humeur, d’un commerce difficile, louant le passé, censurant tout ce que font les autres, et craignant toujours de manquer de biens pour l’avenir, quoiqu’il regorge de richesses. […] Pour bien peindre les mœurs, il faut connaître au juste, ce qui convient à chaque état, à l’âge, au sexe, au rang que l’on tient.

146. (1804) De l’influence du théâtre « DE L’INFLUENCE DE LA CHAIRE, DU THEATRE ET DU BARREAU, DANS LA SOCIETE CIVILE, » pp. 1-167

D’abord, il me semble que le spectateur ne saurait faire un retour sur lui-même, et se réformer qu’autant qu’il supposerait que ce sont ses mœurs que le poète a voulu peindre. […] Le rôle de Sainte-Luce peint bien le caractère d’un aimable étourdi qui peut plaire à beaucoup de monde ; il est au-dessus de celui du Colonel, que sa passion rend quelquefois fade et langoureux. […] Ainsi de piège en piège et d’abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image. […] Si je me sentais le talent des auteurs qui nous consolent encore quelquefois de la perte de notre plus grand comique, j’essayerais, sous le titre du vicieux par hypocrisie, j’essayerais de peindre sur la scène ce défaut propre à notre siècle inconséquent, j’en développerais toute la turpitude et les funestes effets dans l’ordre social. […] Quel plaisir a pu prendre l’auteur, à peindre un tableau si dégoûtant, et qui réellement soulève le cœur de tous les hommes honnêtes ?

147. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre III. But que le Spectacle moderne doit se proposer. » pp. 123-132

Il ne ressemble en rien à la Pastorale, quoique son intrigue soit ordinairement champêtre ; elle ne nous peint que les amours des Bergers, au lieu qu’il nous représente tout à la fois les mœurs naïves des gens de la campagne & les actions du menu Peuple de nos Villes.

148. (1846) Histoire pittoresque des passions « RELIGION » pp. 158-163

Dès qu’on s’écarte des bornes de la sainte morale pour suivre des exercices qui n’en sont ordinairement que les signes, on hâte les graves progrès du fanatisme, qui dévore le cœur d’une ardeur sacrilège, et nous mène au crime ; on néglige insensiblement la raison pour embrasser la cause, et on ne recherche plus l’exercice de la sainte vertu qui nous porte à faire le bien, pour s’appliquer à fuir les moyens qui peuvent nous conduire au vice ; devenant ainsi inutile à la société et à soi-même, et ressemblant parfaitement à ces hommes que Le Dante, dans ses chants, nous peint indignes du paradis, parce qu’ils n’ont rien fait pour le mériter, et que l’enfer même refuse d’admettre parmi les siens, parce qu’il n’aurait aucune gloire de les posséder.

149. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Henri IV. » pp. 121-168

Tel Henri IV, que tout le monde respecte : c’est en quelque sorte le peindre avec des haillons à la place Maubert. […] Ce mot les peint tous les deux. […] Voltaire s’est peint lui-méme dans son héros : il a voulu étayer sa morale & sa religion par un grand nom, sans s’apercevoir qu’il affoiblit, qu’il renverse son appui, par l’idée qu’il en donne. […] C’est l’ouvrage d’un Libraire, qui, pour gagner de l’argent, profite de la mode & de la faveur qu’accorde le public à tout ce qui peint ce grand Prince : ouvrages qui ne font que se répéter. […] Il y a une répartie pareille faite au Parlement, en faveur des Jésuites qu’il rétablit : elle est beaucoup mieux faite, & peint mieux l’esprit & le cœur de Henri.

150. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE IV. Pieces singulieres. » pp. 107-153

C’est la satyre de tout le monde, du Maréchal, qu’on dit sorcier, libertin, sans religion, mauvais Capitaine, qui pilloit par-tout, & ne dût ses victoires qu’au hazard & à la supériorité du nombre de ses troupes, qu’il menoit brutalement à la boucherie ; des Maréchaux de France, qu’on pourroit employer après lui, sur le choix desquels le Roi le consulte, & qu’il décrie tous comme incapables de commander ; du Roi lui-même, qu’il peint comme ambitieux, dur, insensible, immolant à sa vanité les biens & la vie de ses sujets ; du Dauphin, qui est un lâche ; de Madame de Maintenon, femme intéressée, qui demande un legs pour la maison de S. […] Ils peignent leurs caracteres & celui de leurs contemporains, racontent les événemens, les bons & les mauvais succès, développent les intrigues & les secrets ressorts qui ont fait agir la machine, expliquent les coutumes, les loix, les mœurs du temps. […] Le Président est un bon Peintre ; mais ce n’est qu’une Galerie où on les expose, & non les Acteurs qui se peignent par leurs actions. […] La ville de Calais, osant presque lutter avec le Monarque, lui a donné des lettres de Bourgeoisie, comme l’on donnoit le droit de Citoyen Romain, si parva licet componere magnis, l’a fait peindre, & au lieu de la statue qu’on élevoit à Rome, a mis son portait dans la salle d’assemblée de l’Hôtel-de-ville au milieu de ses Magistrats municipaux les plus distingués, car la magistrature la plus auguste, & le plus grand service à rendre à une ville, c’est d’avoir fait une piece de théatre ; le chaperon vaut-il la scene ? […] On peut même distinguer quelques gestes ; mais on n’apperçoit pas les traits de la physionomie, il faut avertir, c’est un tel mort, encore moins le langage des yeux, les passions peintes sur le visage.

151. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  LETTRE A M. RACINE, Sur le Théatre en général, & sur les Tragédies de son Père en particulier. » pp. 1-75

Qu’un Peintre veuille exprimer la tristesse ou la joie, le plaisir ou la douleur, il peindra d’abord le visage ou doit règner l’un de ces sentimens. […] C’est celle qui domine dans ses Tragédies, & comme en la traitant avec toute la vérité possible, il n’y a point mêlé assez de traits de mœurs nationales, je dirois qu’il a peint l’humanité en général, mais qu’il n’a pas suffisamment distingué dans ses tableaux le caractère particulier des peuples dont il emprunte ses sujets. […] L’art du Poëte consiste à peindre les passions de couleurs si vraies, que tout homme s’y reconnoisse, de quelque Religion, de quelque pays qu’il soit, Chrétien, Musulman, Asiatique, Américain. […] On n’y peint pas les Romains avec cette emphase qui dégénère assez souvent en vaine déclamation. […] Ainsi de piége en piége, & d’abyme en abyme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image : Hélas !

152. (1772) Sermon sur les spectacles. Pour le Jeudi de la III. Semaine de Caresme [Sermons pour le Carême] « Sermon sur les spectacles » pp. 174-217

Autrefois, dites-vous… Oui, j’avoue qu’il étoit autrefois des spectacles infames par eux-même, spectacles même d’une infamie groffrere, spectacles qui eussent fait rougir les fronts les plus endurcis au crime, spectacles crimes plutôt eux-mêmes que représentations de crimes ; les ai-je peint de couleurs assez noires ? […] A les peindre avec les couleurs les plus adoucies, que peut-on donc en dire autre chose, sinon ce qu’en disoit un grand Docteur, que l’on y fait du moins un jeu du vice, & un pur amusement de la vertu ? […] Et plût à Dieu que des plumes hardies & téméraires n’eussent pas même osé nous peindre la sainteté sous ces traits ; faire languir & soupirer (Seigneur, où étoit votre foudre ?)

153. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE XII. De la Déclamation Théatrale des Anciens. » pp. 336-381

On m’objectera Lucien qui peint l’Acteur Tragique, chantant des Iambes, modulant des calamités. […] Ce Passage ne nous présente jamais que les Acteurs prenant des masques convenables aux Personnages qu’ils ont à faire, un masque où la fureur soit peinte, pour jouer le Rôle de Médée, & c’est ainsi que l’Abbé Gédoin traduit : C’est pour cela qu’au Théâtre les Acteurs peignent leurs sentimens jusques sur leurs masques.

154. (1789) Lettre à un père de famille. Sur les petits spectacles de Paris pp. 3-46

Le Parvenu, au lieu d’être comme ses pareils, si bien peints dans Turcaret, un homme dur, hautain, sans mérite, est un agréable qui joint à son élégance la probité délicate et les sentimens philosophiques. […] Leur teint est livide ; leurs yeux sont caves ; l’audace et la menace sont peintes dans tous leurs traits. […] Mais comment un homme (je peins les faits) qui tous les jours vient publiquement savourer l’infamie, qui, a la face de ses connoissances, de ses amis, de ses parens peut-être, se jette parmi cent prostituées, les attaque de conversation, répond à leurs apostrophes, leur donne le bras, les promène par la ville, à pied ou en voiture ; comment un homme qui ne se respecte plus lui-même, repecteroit-il encore quelque chose ?

155. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IX. Spectacles de la Religion. » pp. 180-195

l’ouvrage de Dieu qui se peint dans la nature. […] On auroit pû lui répondre : Ces hommes n’ont point de femmes, ils entretiennent des Actrices ; ils n’ont point d’enfans, ils sont célibataires ; ils n’ont point d’amis, ils se lient avec des compagnons de débauche ; ils n’ont point de campagne, ils la voient peinte dans des décorations ; ils n’ont point d’exercices, ils regardent des danseurs, &c.

156. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre III. De l’Unité de lieu, de Tems & de Personne. » pp. 211-238

L’homme de goût ne va point à la Comédie pour admirer des toiles peintes ; mais pour contempler l’action sérieuse ou enjouée qu’on y représente. […] Divers incidens forment une grande action ; pour la représenter, il faut la peindre avec ses circonstances ; voilà ce qu’on appelle unité d’action.

157. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Avertissement. » pp. -

Voulez-vous peindre en grand ?

158. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VII. De la Vraisemblance. » pp. 277-286

Un Frère est assez barbare pour envoyer à son Frère une boète remplie de poudre, & disposée de façon qu’en s’ouvrant elle fasse périr le malheureux objet de sa rage ; nous en sommes assurés ; pourtant un pareil tableau mis sur la Scène, révolterait tous les Spectateurs ; parce qu’il peindrait des choses trop éloignées de la Nature : il est possible qu’un Père, livré au fanatisme, ait pendu lui-même son Fils, mais on refusera toujours de croire une pareille probabilité.

159. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « DISCOURS PRELIMINAIRE. » pp. -

Nos Erostrates modernes, cherchant sans pudeur la célébrité, prétendent créer un homme nouveau : ils nous ont effrayés par les couleurs hideuses dont ils ont peint nos penchants naturels, et sont parvenus à nous faire honte des propriétés de notre être. « Vous êtes dans l’erreur, » nous crient-ils incessamment ; « détruisez vos passions ; cessez d’être ce que vous êtes, et devenez les fantômes de nos imaginations. » Infidèles Rhéteurs qui embarrassez notre simplicité dans vos sophismes, quand cesserez-vous de nous alarmer vainement ?

160. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre premier. Remarques Littéraires. » pp. 11-51

Peignons l’Amour comme on peint une belle, d’un jour aimable éclairons son tableau, vrai, mais flatté, tel qu’il est, mais en beau. […] Mais, quoique peint en beau, & par conséquent flatté, c’est toujours l’Amour tel qu’il est, c’est le même fonds du vice, & un plus grand danger pour la vertu. […] Hogard est un Moliere : ces tableaux peuvent produire un bon effet, pourvu que la décence y soit gardée ; car si l’on peint à découvert les crimes de la courtisanne, ils feront beaucoup de mal : & tel est le poison de la comédie.

161. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre II. De l’Opéra-Sérieux. » pp. 184-251

Lorsqu’on peint par des gestes, par des pas lents ou précipités, le trouble, l’amour, l’abattement, la fureur ; pourquoi la phisionomie serait-elle toujours la même ? […] Qu’ils disposent leurs trapes de manières qu’en s’ouvrant elles semblent former un gouffre ; que des toiles peintes trompent les yeux des Spectateurs : & quand Médée, par éxemple, perce la voûte d’un Palais en s’envolant dans son char, que le Machiniste fasse disparaître une partie des toiles qui représentent cette voûte, & qu’il fasse entendre un certain bruit, comme si véritablement tout le Palais s’entre-ouvrait avec violence. […] Il est certain que les Hèros de la Scène lyrique sont trop tendres & trop langoureux ; il faudrait les peindre avec des couleurs plus mâles, & leur donner la grandeur, la magnanimité de la Tragédie en récit : on éviterait par là ces maximes d’amour, qui révoltent les gens scrupuleux. […] Voici un des traits que décocha notre satirique : « On ne saurait, (dit-il) jamais faire un bon Opéra, parce que la musique ne saurait narrer, que les passions n’y sauraient être peintes dans toute l’étendue qu’elles demandent ; & que d’ailleurs elle ne saurait souvent mettre en chant les èxpressions vraiment sublimes & courageuses ».

162. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre II. L’Exposition, le Nœud & le Dénouement. » pp. 183-210

Notre Opéra n’est que la représentation des mœurs de la populace ; son but est rempli en mettant sur la Scène un Bucheron, un Serrurier ; il lui suffit de les peindre tels qu’ils sont toujours. […] Je trouve encore d’autres défauts dans la Pièce dont il s’agit ; c’est que le titre me fait attendre un Fermier : j’ai lieu de croire qu’il sera peint tel que je me représente les gens de la campagne ; & point du tout.

163. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

C'est une véritable peinture, les paroles y peignent les pensées ; et l'action, les actions et les choses; et si cette définition peut convenir en quelque sorte à l'Histoire et à la fable, le Poème Dramatique a cela de différent d'elles, qu'outre qu'elles ne lui servent que de matière; il nous fait voir les choses comme présentes, que l'Histoire et la fable nous racontent comme passées, et qu'il les représente d'une manière vive, animée, et pour ainsi dire, personnelle; au lieu que l'histoire et la fable ne nous les font voir que d'une manière morte et sans action. […] Le désir de plaire est ce qui conduit le premier, et le second est conduit par le plaisir d'y voir peintes des passions semblables aux siennes: car notre amour-propre est si délicat, que nous aimons à voir les portraits de nos passions aussi bien que ceux de nos personnes.

164. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre I. Convient-il que les Magistrats aillent à la Comédie ? » pp. 8-25

Toutes ces passions sont peintes sur le visage, et exprimées avec une éloquence qui n’en est que plus vive pour être muette. […] J’ai beau lui exagérer le sacrifice que je lui ai fait, il se met à rire, et me soutient qu’il m’a trouvée très profane. » » Je demanderais volontiers à M. de Montesquieu en quel de ces endroits qu’il peint avec tant d’agrément et de vérité, il voudrait placer un Officier de Cour souveraine.

165. (1789) La liberté du théâtre pp. 1-45

De quels traits de feu n’eût-il pas sû peindre les usurpations & les fureurs du Sacerdoce ; l’établissement de l’Inquisition ; les forfaits d’un Alexandre VI ; les guerres longues & sanglantes que le Fanatisme-allumoit, tour-à-tour, dans tous les coins de l’Europe ; des millions d’hommes égorgés pour des querelles Théologiques ; &, malgré tant d’atrocités, les Peuples courbant toujours la tête sous un joug imbécille & cruel, que leur sang avoit tant de fois rougi ! […] Non, sans doute, un ouvrage où le fanatisme est peint des couleurs les plus noires, c’est-à-dire de ses véritables couleurs, non sans doute, un ouvrage où la tolérance est prêchée sans cesse, ne sauroit nuire à la Religion, à moins que la Religion ne soit essentiellement fanatique, & prodigue du sang des hommes. […] Fénélon ne sera point flétri, lorsque dans une Tragédie on aura peint le Cardinal de Lorraine, comme un Prélat séditieux & intolérant.

166. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre I. Mêlanges Dramatiques. » pp. 8-39

C’est un peintre qui donne à son portrait des couleurs plus vives, plus fraiches, plus agréables que celles de la personne qu’il peint. […] C’est une actrice qu’on peint en négligé & demi-nue. […] Sur la porte on a peint un Suisse avec une hallebarde, qui en est le concierge & le seul habitant.

167. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VI. Suite de la Danse. » pp. 140-167

 13.) pour peindre l’affreux débordement de Babylonne, & son épouventable punition, la fait voir renversée de fond en comble, couverte de ronces, livrée aux bêtes féroces, qui y dansent ; il y met des animaux de toute espèce, des serpens, des hyboux, des monstres aquatiques, &c. ainsi que dans le C. […] Que les couleurs empruntées dont on peint le visage, que les baisers qu’on y reçoit, sont différens des crachats qui souillèrent le sien, des soufflets qui le meurtrirent ! […] La salle en est magnifique ; tableaux, marbre, bronze doré, tapis les plus riches, & rideaux de velours en crépines & galons d’or, lustres de cristal, girandoles, statues, colonnes, pilastres, plafonds peints à fresque, sur-tout glaces sans nombre artistement placées pour répéter dans toutes les faces les nudités & les graces des danseurs & des spectateurs, le tout accompagné de la musique la plus brillante, une forêt de bougies, & aux environs une infinité de lampions, pots à feu, &c.

168. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Que serait-ce, s’il donnait un masque à Abraham, s’il peignait la Madeleine, la Sainte Vierge, fardées et découvertes comme nos actrices, si dans un coin du tableau il mettait des danseurs et des danseuses ? […] On peut parler des crimes, peindre des criminels, pourvu qu’on le fasse décemment ; les paroles, les couleurs ne font ni bien ni mal. […] Qu’ils peignent toutes les passions, à la bonne heure ; ils les sentent, ils y sont livrés, leur cœur en est le premier théâtre, de l’abondance du cœur la bouche parle, la nature agit et tient le pinceau ; les intrigues, les galanteries font tout le tissu de leur vie ; ils font sur la scène ce qu’ils font ailleurs.

169. (1759) Lettre d’un professeur en théologie pp. 3-20

Vous paroissez trop éloigné des maximes de ces gens qui mettent des injures à la place des raisons 2 ; & vous nous peignez certains événemens des trois derniers siécles avec des couleurs trop odieuses, pour que l’on vous soupçonne d’avoir eu le dessein de les reproduire.

170. (1715) La critique du théâtre anglais « AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. » pp. -

 « Heureux, si le Théâtre au bon sens ramené, N’avait point, de l’amour aux intrigues borné Cru devoir inspirer d’une aveugle tendresse Aux plus sages Héros la honte et la paresse : Peindre aux bords de l’Hydaspe Alexandre amoureux, Négligeant le combat pour parler de ses feux, Et du jaloux dessein de surprendre une ingrate Au fort de sa défaite occuper Mithridate : Faire d’un Musulman un Amant délicat Et du sage Titus un imbécile, un fat, Qui coiffé d’une femme et ne pouvant la suivre Pleure, se désespère, et veut cesser de vivre … … … … … … … … … … … … Mais on suppose en vain cet amour vertueux : Il ne sert qu’à nourrir de plus coupables feux L’amour dans ces Héros plus prompt à nous séduire, Que toute leur vertu n’est propre à nous instruire. » Au regard des Anglais, que la paix multiplie chaque jour dans le Royaume, ils seront bien aises d’avoir un excellent Auteur de leur nation traduit dans une langue qu’il leur est nécessaire de savoir pour vivre en un pays étranger avec quelque plaisir et quelque satisfaction.

171. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE III. De la comédie et des comédiens chez les païens et chez les chrétiens. » pp. 101-112

Ils récitaient et représentaient des pièces de théâtre, la plupart tragiques et imaginaires, dans lesquelles ils peignaient de grandes actions ; ils en composaient des tableaux frappants, capables d’émouvoir leurs spectateurs.

172. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « PENSEES SUR LES SPECTACLES. » pp. 1-12

On lui cache son véritable bonheur, on l’amuse par des choses frivoles, et au lieu de satisfaire sa faim par une nourriture solide, on la trompe en lui donnant des viandes peintes, ou en l’empoisonnant par l’erreur et le mensonge.

173. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « EXTRAIT DE QUELQUES PENSEES SAINES. Qui se rencontrent dans le livre de J.J. Rousseau contre le Théâtre, ou condamnation de son système par lui-même. » pp. 66-77

 » « Il était tard, les femmes étaient couchées, toutes se relevèrent : bientôt les fenêtres furent pleines de spectatrices qui donnaient un nouveau zèle aux acteurs : elles ne purent tenir longtemps à leurs fenêtres, elles descendirent ; les maîtresses venaient voir leurs maris, les servantes apportaient du vin, les enfants même éveillés par le bruit accoururent demi-vêtus entre les pères et mères : la danse fut suspendue ; ce ne furent qu’embrassements, ris, santés, caresses : il résulta de tout cela un attendrissement général que je ne saurais peindre, mais que dans l’allégresse universelle on éprouve assez naturellement au milieu de tout ce qui nous est cher.

174. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Ce qui devrait, ce me semble, vous déplaire le plus dans l’amour que nous mettons si fréquemment sur nos Théâtres, ce n’est pas la vivacité avec laquelle il est peint, c’est le rôle froid et subalterne qu’il y joue presque toujours. […] L’amour dans Corneille, est encore plus languissant et plus déplacé : son génie semble s’être épuisé dans Le Cid à peindre cette passion, et il faut avouer qu’il l’a peinte en maître ; mais il n’y a presque aucune de ses autres Tragédies que l’amour ne dépare et ne refroidisse. […] J’avoue que ce talent de peindre l’amour au naturel, talent propre à un temps d’ignorance, où la nature seule donnait des leçons, peut s’être affaibli dans notre siècle, et que les femmes, devenues à notre exemple plus coquettes que passionnées, sauront bientôt aimer aussi peu que nous et le dire aussi mal ; mais sera-ce la faute de la nature ?

175. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Il savait qu’une erreur ancienne devient sacrée ; qu’avec de l’esprit, on peut faire goûter aux hommes quelques vérités ; mais qu’avec plus d’esprit encore, on s’abstiendrait de les leur découvrir toutes : il savait que ces préjugés de naissance, que cette chimère, plus ridicule que celle des Fables, née de l’orgueil, nourrie par la flatterie, défendue par l’opinion, et couverte du voile épais des siècles, ne pouvait être attaquée impunément : il savait que les Grands lui pardonneraient de peindre leurs vices et leurs ridicules, et non de les dépouiller d’un éclat étranger, mais imposant, qui leur tient lieu du mérite qu’ils n’ont pas : il savait enfin qu’on aimait le merveilleux au théâtre, et c’est peut-être ce qui l’a déterminé à donner au vertueux Dom Sanche un père couronné. […] L’humble vertu est-elle peinte, dans ce tableau, sous des traits qui vous semblent peu dignes d’elle ?

176. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

La religion de cette femme n’est point un titre dans l’idée du Poëte ; Pulcherie tient le même langage, malgré qu’on la peint vertueuse, & qu’elle est chrétienne, elle ne respire que la vengeance, s’obstine à la mort de Phocas1.

177. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [M] » pp. 426-430

Le plaisir & la douleur en se fesant sentir à l’âme, ont donné au corps des mouvemens qui peignaient au dehors ces différentes impressions : c’est ce qu’on a nommé geste.

178. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre VII. Que les Acteurs des Poèmes Dramatiques étaient distingués des Histrions et Bateleurs des Jeux Scéniques. » pp. 145-164

les distingue encore agréablement, quand il dit, « il faut prendre garde à ce que l'on voit dans le Théâtre ; Car si c'est un Mime on rira ; si c'est un Danseur de Corde on craindra pour lui ; si c'est un Comédien on applaudira. » Mais ce qui doit nous assurer de la distinction de ces Acteurs, est que l'Echafaud qui était dressé dans le Théâtre chez les Grecs, c'est-à-dire dans l'aire, la cave ou l'espace libre de ce grand lieu nommé Théâtre, était composé de deux principales parties ; La première que l'on nommait proprement la scène, et que nous appelons communément le Théâtre, était fort élevée, et c'était où les Acteurs des Poèmes Dramatiques paraissaient au-devant des toiles peintes, et des tapisseries qui en faisaient la décoration, selon la qualité de la pièce que l'on jouait dans l'espace libre nommé Proscenium ou avant-scène ; et l'autre était plus basse, nommée Orchestre, c'est-à-dire un lieu pour danser, où les Histrions faisaient leurs dansesαὕτη δὲ ἔστιν ὁ τόπος, ὁ ἐκ σανίδων τὸ ἔδαφος.

179. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V bis. Le caractère de la plus grande partie des spectateurs force les auteurs dramatiques à composer licencieusement, et les acteurs à y conformer leur jeu. » pp. 76-85

Ils peignent les vices avec le cortège des grâces, avec tous les pièges des sentiments délicats, et avec tout le venin de l’enchantement.

180. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies à conserver. » pp. 276-294

Les mœurs des hommes en général sont l’objet naturel de la Comédie qui les critique pour les corriger ; mais il y a pourtant une espèce de mœurs, que la Comédie ne saurait peindre sans se dégrader, et qui n’appartient qu’à la farce ; si l’on savait traiter comme il faut la bonne critique, et distinguer ce qui convient à la farce, on ferait des ouvrages fort utiles à la République.

181. (1758) P.A. Laval comédien à M. Rousseau « P.A. LAVAL A M.J.J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE. » pp. 3-189

Pour laisser au public une idée de l’héroïsme d’Alexandre, il faut le peindre au-dessus de lui-même, afin qu’il gagne par cette exagération ce qu’il perd à n’être que représenté. […] C’est donc à tort que vous accusez Mr. de Crébillon d’avoir obligé les Spectateurs à accorder toute leur estime au scélérat qu’il a peint tel que Ciceron lui-même dans ses Catilinaires. […] Vous remarquez judicieusement « qu’il y a un si grand nombre des propres maximes de Moliere dans la bouche d’Alceste que plusieurs ont cru qu’il vouloit se peindre lui-même. » Si cela est, il a eu raison de le faire. […] Je vous avouerai qu’elle m’a toujours paru trop basse et; trop triviale dans la bouche d’une personne de condition, mais encore une fois, le Poëte a voulu peindre un homme réellement ridicule. […] peindre les passions, exciter l’admiration, émouvoir, attendrir, étonner, corriger, instruire son siécle, amuser, divertir les honnêtes gens, seroit une bassesse ?

182. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE III. L’insolence du Théâtre Anglais à l’égard du Clergé. » pp. 169-239

d’un cerveau creux : elle n’a pour garants ni la nature ni l’exemple : Sophocle ne peint point Œdipe dans une tempête de joie ; il ne le guinde point aux étoiles. […] Mais il ne m’importe nullement que ce soit ici fiction ou bien réalité : ce qu’il y a de sûr, c’est que si les Prêtres eussent été des gens aussi méprisables que notre Théâtre s’efforce de nous les rendre, Homère et Virgile auraient dû les peindre bien différemment de ce que nous les venons de voir ; ou plutôt, ils les auraient rejetés comme de trop bas personnages pour jouer les premiers rôles dans le Poème Epique. […] de les peindre sous des traits qui n’y ont pas le moindre rapport ?

183. (1757) Article dixiéme. Sur les Spectacles [Dictionnaire apostolique] « Article dixiéme. Sur les Spectacles. » pp. 584-662

En effet, c’est-là que la volupté, l’ambition, la haine donnent tour à tour des leçons de tendresse, de perfidie, de vengeance, qu’elles enseignent à réaliser ce qu’elles ne font que peindre. […] Or, sans m’arrêter ici à vous retracer les tristes effets dont ces représentations sont les suites ; sans vous dire qu’on n’eût jamais connu parmi nous l’art odieux de laver une injure dans le sang, si le théâtre ne l’avoit peint avec tant d’avantage, revenons à notre principe. […] & appellerez-vous honnêtes, ces intrigues odieuses dont certaines pieces sont remplies, & même celles de cet Ecrivain si célébre parmi vous, à qui vous faites un mérite singulier d’avoir saisi & sçu peindre les mœurs de son siécle ; cet Ecrivain que vous osez nommer le Réformateur de vos théâtres, cet Ecrivain d’autant plus dangereux, qu’il couvre quelquefois de fleurs les piéges qu’il tend à la vertu, & qui souvent attaque l’innocence, sans allarmer la pudeur ? […] Mais je fais que vous opposez d’abord à tous les traits d’autorité, un bouclier que vous croyez impénétrable, c’est la différence prétendue que vous affectez d’exagérer entre les spectacles anciens & les spectacles de nos jours : j’avoue qu’il étoit autrefois des spectacles infâmes par eux-mêmes, spectacles même d’une infâmie grossiére, spectacles qui eussent fait rougir les fronts les plus endurcis aux crimes ; spectacles, crimes plutôt eux-mêmes, que représentations de crimes : les ai-je peint de couleurs assez noires ? […] & plût à Dieu que des plumes hardies & téméraires n’eussent pas même osé nous peindre la sainteté sous ces traits, faire languir, soupirer, (Seigneur où étoit votre foudre ?)

184. (1783) La vraie philosophie « La vraie philosophie » pp. 229-251

L’intrigue & l’action forment des images révoltantes : les détails respirent la passion même ; en un mot, tout peint & célebre la volupté. […] L’objet de la plupart des drames même les plus estimés, n’est-il pas de nous peindre sans cesse des intrigues amoureuses, des vices que l’on s’efforce de rendre aimables, des désordres faits pour séduire la jeunesse inconsidérée, des fourberies capables de suggérer les moyens de mal faire ?

185. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE VII. De la Dévotion des Comédiens. » pp. 160-179

Parmi bien des Contes assez peu moraux de Marmontel il y en a un sage, bien fait, où l’on peint au naturel une Actrice qui avoit ruiné un homme riche, & lui avoit attrapé pour 50000 écus de billets. […] Un des théatres de Londres étoit autrefois un monastère ; on a fait la salle du spectacle dans une grande piece qui servoit d’Eglise ou de chapitre : on voit de toutes parts des Evêques & des Moines peints sur les murailles, qu’on a négligé d’effacer ; on y a appliqué les décorations & les loges avec des peintures analogues.

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