Une fait autre chose que de se mettre à la place des héros que le Poëte introduit sur la scène. […] Remond de Sainte-Albine, ne se fait jamais mieux remarquer, qu’en paroissant avoir emprunté le génie de l’Auteur, auquel elle prête sa voix, & l’ame de l’héroine (ou du héros) qu’elle représente.
Il y auroit de l’ingratitude aux Protestans & aux Incrédules de ne pas faire une héroïne de cette célébre Philosophe. […] L’héroïne Angloise vit le jour au milieu de ces horreurs. […] Quelle farce plus ridicule que les éloges de la virginité & de la doctrine des Protestans & des Philosophes dans leur plus celebre héroïne ! […] Il a tant de goût pour le théatre, qu’il place souvent la comédie dans les amours de son héroïne, même avant qu’elle montât sur le trône. […] Le héros François, honnête homme, plein de probité, ne fut jamais pyrate ; l’héroïne prenoit de toute main, sans scrupule.
Ainsi tout le dessein d’un Poëte, tout son travail, c’est qu’on soit comme son héros, épris des belles personnes ; qu’on les serve comme des divinités ; en un mot qu’on leur sacrifie tout, si ce n’est peut-être la gloire, dont l’amour est plus dangereux que celui de la beauté même.
Maurice était un grand capitaine, d’accord ; mais était-il un grand saint, était-il un homme d’Etat, un guerrier sage, un grand homme, un vrai héros ? […] Dans les anciens tournois les Chevaliers allaient prendre l’ordre, la devise, les couleurs de leurs maîtresses, et après le combat venaient mettre les lauriers à leurs pieds, et recevoir le prix de leur victoire : c’est à une Actrice que s’offrent aujourd’hui les hommages et secrets et publics, et depuis que le Maréchal de Saxe s’est paré d’une couronne présentée, non par une Amazone, par une Princesse, par une Duchesse, mais par une … par une … par une Actrice, tout le monde dramatique a retenti et tout le monde militaire a applaudi à cette espèce de triomphe de l’Actrice, plutôt que du Héros, si différent de ceux des Scipion, des Paul-Emile, des Pompée, qu’on ne vit jamais, passant du Capitole au théâtre, faire flétrir leurs lauriers, en les laissant toucher à des mains infâmes. […] Tels sont en effet ces Héros que produit la scène : l’Alexandre de Racine avec son Eriphile n’eût jamais fait la conquête des Indes.
Corneille parut à l’aurore du siècle de Louis XIV, et son influence créa des poètes, des orateurs et des héros. […] Les héros de Racine sont plus aimables que ceux de Corneille, mais ils étonnent moins ; leurs discours sont plus classiques, mais ils ont moins de verve et d’autorité. Le public voulait que les demi-dieux et les héros de l’antiquité judaïque et païenne eussent ses formes, et si Racine, pour plaire à la cour et au public, en altéra les images en leur donnant la couleur des mœurs françaises, il réagit simultanément sur les générations à venir, par la pureté de son goût, l’élégance de son langage et la perfection de ses tableaux.
Et ces monumens achetés par l’enthousiasme sont-ils bien glorieux aux héros du vice, que le vice y honore ? […] 46, il rapporte un endroit des tragédies de Shakespear, très-beau, selon lui, où pour exprimer la grave attention que donne un de ses héros au récit de quelque évenement tragique, ce poëte divin fait cette sublime comparaison : L’autre jour en passant je vis un forgeron ; un marteau à la main & la gueule béante, avaler à longs traits d’un tailleur fanfaron le récit surprenant qui l’entraîne & l’enchante. […] Aulieu du héros ou de la beauté qu’ils célebrent, on ne trouve dans leurs vers que Vénus, Jupiter, Apollon, les exploits des satires & des furies. […] Homere & Hesiode relevent par la danse le mérite de leurs héros. […] Son langage est obscur, incorrect, ignoble, son style d’une familiarité basse, la plus populaire ; boursouflé & gigantesque quand il veut s’élever, plein de rebus, de jeux de mots, de mauvaises pointes, de bouffonneries de Tabarin jusques dans la bouche des héros de ses tragédies les plus sublimes.
Il n’avait à la vérité ni le zèle d’Hercule, ni la douceur d’Orphée, ni la vigilance d’Argus, ni la charité d’Esculape, ni la science d’Apollon, dont vous composez le caractère du Héros de votre Ballet ; mais il possédait en un degré éminent les qualités que doit avoir un Evêque selon S.
Dans ces siecles grossiers, où le poids de l’ignorance commençoit à se faire sentir, où le besoin & l’avidité de sçavoir concouroient à rendre utile & respectable tout homme un peu plus instruit que les autres, si ceux-ci eussent été aussi sçavans qu’ils sembloient l’être, s’ils avoient eu toutes les qualités qu’ils faisoient briller avec tant de pompe, ils eussent passé pour des prodiges ; ils auroient été recherchés de tous ; chacun se seroit empressé pour les avoir, les posséder, les retenir chez soi ; & ceux qui n’auroient pu les fixer avec eux, les auroient plutôt suivis par toute la terre, que de perdre une occasion si rare de s’instruire & de devenir des Héros pareils à ceux qu’on leur faisoit admirer*. Convenons donc que tous les Poëtes, à commencer par Homere, nous représentent dans leurs tableaux, non le modèle des vertus, des talens, des qualités de l’ame, ni les autres objets de l’entendement & des sens qu’ils n’ont pas en eux-mêmes, mais les images de tous ces objets tirées d’objets étrangers ; & qu’ils ne sont pas plus près en cela de la vérité, quand ils nous offrent les traits d’un Héros ou d’un Capitaine, qu’un Peintre qui, nous peignant un Géometre ou un Ouvrier, ne regarde point à l’art où il n’entend rien, mais seulement aux couleurs & à la figure. […] Quand Homère ou quelque Auteur tragique nous montre un Héros surchargé d’affliction, criant, lamentant, se frappant la poitrine : un Achille, fils d’une Déesse, tantôt étendu par terre & répandant des deux mains du sable ardent sur sa tête ; tantôt errant comme un forcené sur le rivage, & mêlant au bruit des vagues ses hurlemens effrayans : un Priam, vénérable par sa dignité, par son grand âge, par tant d’illustres enfans, se roulant dans la fange, souillant ses cheveux blancs, faisant retentir l’air de ses imprécations, & apostrophant les Dieux & les hommes ; qui de nous, insensible à ces plaintes, ne s’y livre pas avec une sorte de plaisir ? […] Et cependant lorsqu’une affliction domestique & réelle nous atteint nous-mêmes, nous nous glorifions de la supporter modérément, de ne nous en point laisser accabler jusqu’aux larmes ; nous regardons alors le courage que nous nous efforçons d’avoir comme une vertu d’homme, & nous nous croirions aussi lâches que des femmes, de pleurer & gémir comme ces Héros qui nous ont touchés sur la scène.
Les Poètes qui ont retranché Créon de cette Tragedie n’ont pas senti de quelle importance était ce personnage, sans lequel ils ne peuvent suivre la maxime généralement embrassée et établie par les premiers Maîtres de l’art : ils prétendent, ces Maîtres (mais en ce point je ne sais si leur avis est bien sûr) ils prétendent, dis-je ; que lorsque le Héros de la Pièce doit succomber à une infortune qu’il n’a pas méritée, il faut adroitement mettre des bornes à la compassion des Spectateurs, en la diminuant par quelque trait qui donnent atteinte ou à la vertu, ou au caractère de ce personnage. […] Les Poètes Grecs n’ont pas voulu contraindre le cœur humain ; et ils ont laissé aux Spectateurs toute la liberté de s’attendrir et de fondre en larmes de compassion pour tous les Héros qu’ils faisaient mourir innocents : ce n’était que l’ordre du Destin qui les condamnait, et cet ordre était le seul point que les Spectateurs envisageaient. […] Je changerais donc entièrement le caractère de Créuse : loin de la faire amoureuse de Jason, ce serait une fille modeste, soumise aux volontés de son père : tout au plus, je lui donnerais de l’ambition et de la vanité ; et ce serait par ces motifs qu’elle consentirait à devenir la femme d’un Héros tel que Jason ; non sans de grandes agitations, par la crainte que ce même Héros ne vint à l’abandonner un jour comme il abandonnait Médée ; enfin je lui mettrais à la bouche mille traits contre la cruauté des hommes de son temps, qui, après avoir abusé de la simplicité et de la bonne foi des filles, ont recours au divorce pour les quitter et les rendre malheureuses à jamais.
Un aveugle entousiasme ne veut laisser rien échaper du héros qu’il célébre ; c’est le mal servir. […] On joua devant lui, & toute la Cour une mauvaise farce, où il étoit grossiérement joué avec les Officiers de justice, comme on avoit joué Louis XII ; car souvent les auteurs, soit pour embellir leurs ouvrages, soit pour éléver leur héros, soit pour ne pas perdre quelque chose d’agréable dont ils se souviennent, font libéralement présent des actions d’autrui ; quoiqu’il en soit, les Magistrats choqués firent mettre les comédiens en prison. […] Que cette passion d’un héros si célebre, auroit produit de belles scénes ! […] Plus de voyage en France, nulle troupe Françoise, plus de révolution ; le Prince d’Angleterre se trouve là je ne sai comment, & fait tout ; c’est le héros de la piéce. […] Il est juste de payer de rètour ces Héroïnes philosophes qui font valoir les piéces, & qui de leur côté ne sont pas ingrates.
Est-ce ce Roi qui se fait passer pour sage, pour héros, pour grand homme ? […] Voulez-vous passer pour héros ? […] Vous ne savez pas que ce philosophe est écouté à Paris comme un oracle, qui ne parle que de mes talens & de mes vertus, & soutient que je suis un héros. […] Voilà dans le vrai ce qui forme les héros & les immortalise. […] Je n’aurois rien entrepris si j’avois été gêné par la justice ; je passerois pour homme de bien, mais non pour héros.
Après le plus grand éloge de Vadé, Auteur Poissard, le plus bas & le plus licencieux des héros des Boulevards, couru par la populace, ose dire, avec aussi peu de goût que de décence : Ces aimables mortels, dont les noms adorés Sont aux faîtes des jeux à jamais consacrés ; Arbîtres délicats des plaisirs de l’autre âge, De la divine Orgie avoient admis l’usage. […] Chaque actrice a sa couronne : mais il s’arrête sur-tout pour les acteurs à Bellecour & à Baron, l’un héros de crapule & l’autre de galanterie : tous les deux avec dignité ont ennobli le vice. […] Il fait descendre les Dieux de l’Olympe, les Rois de leur Thrône, les Héros de leur Char de triomphe, tous viennent rougir à ses pieds de leurs vices & de leurs foiblesses. […] Il ajoute, pour faire sa cour sans doute, ou pour se faire valoir, la familiarité des grands, quelque depravés qu’ils puissent être, est très-utile à un Ecrivain, (pour le rendre dépravé aussi ;) on y trouve cette aisance, cette politesse, cette aménité, ce vernis de l’esprit, ces fleurs de l’imagination, (assaisonnement de la dépravation ;) c’est toujours avec distinction qu’ils sont vicieux & ridicules, (belle noblesse ;) c’est à Claude, (Empereur crapuleux,) & à Messaline, (dont il vient de parler, une héroïne du vice,) que Petrone est redevable de son immortalité , (quelle école ! […] Quoique Voltaire soit son héros, il en dit plus de mal que de bien sur sa licence & la méchanceté.
On est charmé de voir que l’ambition, que le desir de la vengeance, que les foiblesses de l’amour ne soient pas toujours incompatibles avec ces vertus, qui nous plaisent d’autant plus dans les héros du Théâtre, que nous les y trouvons souvent jointes à nos défauts. […] Ou s’il va encore plus loin, s’il veut nous effrayer, suivant le but & les loix de la Tragédie, par une catastrophe qui nous montre sensiblement les funestes effets d’un amour criminel, ou d’une ambition démesurée, nous ne manquons guères d’attribuer le malheur du Héros à son imprudence plutôt qu’à sa passion ; nous nous flattons que nous serons plus sages ou plus heureux ; peut-être même toutes ces pensées sont-elles souvent bien éloignées de l’esprit du spectateur. […] C’est par-là que la Tragédie suspend l’impression du vice qui le domine ; elle en interrompt le cours par un mouvement contraire ; il s’anime à la vûe de la gloire qui environne les Héros ; il aime à se laisser enflamer d’une noble émulation ; il s’applaudit en secret de ce sentiment, dont le cœur le plus corrompu est toujours agréablement flatté, & peu s’en faut qu’il ne se croye vertueux, parce qu’il admire la Vertu. […] Nous croyons les reconnoître dans les Héros que le Poëte fait parler ; nous nous approprions leurs pensées, ou nous nous imaginons qu’ils empruntent ou qu’ils expriment les nôtres ; & ces deux différents tours de notre amour propre réussissent également. […] C’est donc dans la beauté du sujet même & de toutes ses circonstances, c’est dans la grandeur singuliere de l’événement, dans les caracteres des Héros de la piece, dans leurs sentiments, dans leurs expressions, en un mot, dans ce que le Poëte imite, qu’il faut chercher la principale source du plaisir qu’il fait goûter.
J’ai toujours pensé que la Tragédie ne doit pas être un simple spectacle, qui touche le cœur sans le corriger : qu’importe au genre humain les passions et les malheurs d’un Héros de l’Antiquité, s’ils ne servent pas à nous instruire.
*** Ici vient se mêler un héros dans nos Scènes, Qui, par son ton superbe, ébranle tous les cœurs, Et nous fait, bien souvent, répandre bien des pleurs : Il semble avoir en main de l’Empire les rênes.
Ils ne seront pas Citoyens : ce seront des hommes & des femmes destinés à nous donner les plaisirs de l’imitation de la nature : ce seront des Esclaves publics, qui mettront en action, l’ouvrage d’un homme libre, d’un Citoyen distingué : on ne verra plus que l’Auteur dans le Drame ; la vileté de l’Acteur & de l’Actrice ne préjudicieront en rien à la sublimité des maximes, au pathétique des situations, à la grandeur des Héros, à la noblesse de l’ensemble ; parce que l’Acteur disparaîtra. […] Mais, je le répète, voila quels doivent être nos Acteurs, pour ne plus être dangereux, si nous ne voulons pas ennoblir & légitimer le Comédisme : il faut, ou qu’ils soient honnêtes, nos frères, nos égaux, nos amis ; bien plus, des Citoyens, élevés au-dessus du vulgaire, par leur mérite, leurs grâces, leurs talens ; que leurs mœurs soient les plus honnêtes ; qu’ils soient réellement des modèles enchanteurs : ou que les Comédiens soient si bas, qu’on ne puisse sans rougir descendre jusqu’à eux ; qu’avec une pureté de mœurs volontaire ou forcée, les Actrices soient pourtant avilies, & nous obligent, lors de la Représentation, à ne voir que l’Héroïne, parce qu’il ferait trop desagréable d’arrêter ses yeux sur l’être dégradé qui lui prête son organe : en un mot, qu’on voye le Comédien & la Comédienne presqu’aussi desintéressément que s’ils étaient des automates. […] Des Esclaves représenteront des Héros ; les précautions infamantes & les punitions choqueront la délicatesse de la Nation &c. il ne convient donc pas à nos mœurs, & ne serait admissible qu’en Pologne, chez les Russes, en Turquie, & parmi toutes ces Nations barbares & demi-civilisées, qui aiment à faire rentrer dans le néant, d’un geste ou d’un regard, les objets de l’admiration publique… Mais, pourra-t-on dire, en prenant ces Enfans-trouvés, d’où vient ne pas les traiter comme nos Acteurs d’aujourd’hui ? […] Non, mon ami : comme on n’y représente que des Dieux, des Héros, des Magiciens, des Forcenés, la voix humaine par excellence y conviendrait peu.
Corneille s’étant avisé de représenter sur le Théâtre le martyre de quelques Saints, comme l’on avait accoutumé d’y faire paraître auparavant les Héros et les Héroïnes de l’antiquité ; cela a donné occasion à ceux qui ne connaissaient pas assez le danger de la Comédie, d’en faire de grands éloges. […] Il faut donc que les vertus dont il prétend parler, et dont il dit que la Comédie est l’Ecole, soient celles-ci : une fierté pleine d’orgueil ; un mépris dédaigneux de tout le monde, un amour prodigieux de soi même, un désir insatiable du bien, de l’estime et de la gloire ; ces vices que Dieu punira éternellement dans l’enfer, sont les vertus éclatantes qui plaisent aux Amateurs de la Comédie, dans leurs Héros et leurs Héroïnes, et dont ils ne tâchent que trop, à la perte de leurs âmes, de se rendre les copies vivantes.
Le Théatre est un tableau aussi dangereux : il présente les mêmes désordres, & avec les mêmes couleurs, dans les dieux & les déesses, dans les héros, dans les princes ; l’élévation du coupable semble les ennoblir, en effacer la bassesse & le crime. […] de la Harpe, qui la rapporte, en a supprimé une partie peu honorable pour son héros. […] Je ne sai si le Mercure, octobre 1774, a cru s’embellir, en rapportant comme bonne une Epître de près de quatre-vingts vers de l’Abbé de Chaulieu, & faire honneur au talent de son héros : il ne pouvoit lui rendre un plus mauvais office, & il s’est mal servi lui-même ; c’est bien la piece la plus plate & la plus basse. […] La profession des comédiens n’est qu’un égoisme perpétuel : monter sur un théatre, c’est parler de soi sous le masque, étaler ses graces, ses talens, son geste, sa danse, à la faveur d’un rôle : on est plus occupé de soi-même que du héros qu’on représente ; la Dubois, la Hus, &c. se montrent plus que Phedre, Angélique, Armide, &c. […] Le célebre Farinelli jouoit le rôle d’un héros captif ; il imploroit d’un air si touchant sa grace & celle de sa maîtresse, auprès d’un tyran farouche qui les avoit fait prisonniers, que l’acteur qui représentoit le tyran fut tellement attendri, qu’au lieu de refuser, conformement à son rôle, la demande du héros, il fondit en larmes, l’embrassa tendrement, & lui rendit la liberté.
Mais l’heure approche où sur un Théâtre bouffon,2 Confident d’un héros et vainqueur d’un griffon, Au mépris de Cothurne Arlequin doit paraître ; C’est là qu’on voit Favarte , maîtresse de son maître, Pour s’en faire épouser contredire un vieillard ; Où déguisant sa voix sous l’habit savoyard, Tête-à-tête au Café le soir à la sourdine, Vis-à-vis son mari surprendre Coralinef . […] Successeur de Dufresnel ; héritier séduisant De son rare talent ; toi qui représentant Les vertus des héros, leurs crimes, leur faiblesse, Au jeu le plus brillant joins l’âme et la noblesse, Lekainm , que tu me plais, quand maître de mes sens Tu me fais éprouver tout ce que tu ressens !
Ce grand trait de patriotisme n’est qu’une fable, ces héros prétendus sont des lâches, ces brillans sentimens de pures rodomontades. […] Elle a dû déplaire à la maison d’Harcout, en dégradant ce Héros. […] Ainsi ce Héros si vanté n’est qu’un homme ordinaire qui s’accommode au tems, & sert tour-à-tour la France & l’Angleterre. […] L’Empereur Galien, héros de la piece, donna, dit-on dans la Préface, le célebre édit de liberté de conscience. […] Le Héros de la piece est un jeune Guebre ou Parsis, dont l’Empereur a défendu la religion.
Ce sont des héros qu’ils produisent sur la scène, et les sentiments impies qu’ils leur prêtent charment les spectateurs et attirent leurs suffrages.
Jamais on ne vit de comédien dans la liste des héros, on n’en voit pas même parmi les honnêtes gens, parmi les gens distingués d’une ville, non plus qu’une honnête femme parmi les actrices, ni une actrice parmi les honnêtes femmes. […] Cette chanson est du moins dans l’esprit de la fête, dans le caractère du héros, j’ aime mieux Moliere, ou que j’aime mieux Moliere ; ce refrain est assurément plus convenable que tous les traits augustes, que la couronne des mœurs, que l’immensité, que l’éternité, que l’espace attendus, que l’immensité resserrée, l’aîle du tems qui plane, la demeure du sort, & tout ce fatras où l’auteur ne s’entend pas lui-même, & dont Moliere seroit bien étonné de se voir offrir le burlesque hommage : Quid dignum tanto feret hic promissor hiatu, Parturient montes, nascetur ridiculus mus. De telles apothéoses, rendent un très mediocre service au héros, & un très-mauvais à l’auteur, elles ne seront pas adorer l’un, elles seront mépriser l’autre. […] Dans la Parisaïde, une infinité de fictions & de portraits, la plupart ingénieux, donnent en peu de mots, le caractère des habitans des Provinces de France ; l’abrégé de l’histoire de plusieurs Rois, enfin, après en long voyage on arrive à Paris, où le héros établit son séjour. […] Le héros est obligé de faire le siége de la Capitale : voici quelques articles de la capitulation.
Le Latin habille son héros en homme, celui du Grec paroît un Dieu. […] Ils furent donc nécessités à commencer par la tragédie, parce qu’elle eut pour objet des Héros, ou des révolutions qui intéressoient alors uniquement.
Le Héros pour qui le Spectateur s’intéresse, tombe dans un malheur atroce, effrayant : on sent avec lui les malheurs de l’humanité, on est pénétré, on souffre autant que lui. […] La Tragédie sera moins majestueuse, moins vénérable, si l’on choisit son héros dans un temps trop proche du nôtre ; mais elle sera plus utile.
Le mal a plus de force que le bien sur l’esprit de l’homme, et s’il se trouve une personne qui imite quelqu’une des vertus des Héros des Poètes, il y en a mille qui sont les imitateurs de leurs vices.
Catilina n’est rien moins qu’un héros dans les tragédies de Messieurs de Crebillon & de Voltaire. […] Les Anciens avoient des Héros , dites-vous, & mettoient des hommes sur la scene ; nous n’y mettons que des Héros, & à peine avons-nous des hommes. […] Toutes les tragédies des Anciens abondent en vaines déclamations ; ils mettoient sur leurs Théatres des Héros souvent montés sur des échasses ; les nôtres se rapprochent plus de l’homme. Ils avoient des Héros sans doute ; mais en dépit du vœu que vous semblez avoir formé d’être æternus laudator temporis acti , il me seroit facile de vous prouver que notre siécle peut fournir des exemples d’héroisme en tous genres, qui ne nous rendent point inférieurs aux Anciens, si ce combat de siécle à siécle, où chacun se consume en efforts inutiles pour faire triompher le siécle qu’il semble avoir pris sous sa protection, n’étoit la plus frivole de toutes les disputes littéraires. […] Un Héros dont la France regrette encore la perte, qui pouvoit compter les opérations de ses campagnes par ses succès, à qui l’on ne peut refuser la supériorité des vertus militaires, juste appréciateur du courage, le Maréchal de Saxe, étoit si éloigné de penser que les spectacles pussent diminuer l’intrépidité, qu’il vouloit même qu’ils accompagnassent nos guerriers à l’armée.
C’est à l’histoire, généreux Héros, que vous et nous tout ensemble devons mille millions de grâces, lui présentant les plus zélés de nos vœux, pour nous conserver ce que la longueur du temps pouvait ensevelir dans un injuste oubli.
Sur le théatre où regne , disent-ils, l’illusion, où les Dieux, les Démons, les Héros, les Fées, les Magiciens, se reproduisent sans cesse, une tête sortant de nos mains, est tantôt celle d’une Divinité, tantôt celle d’une Héroïne, tantôt celle d’une simple Bergere. […] Homere qui connoissoit le foible des femmes, peint ainsi les Déesses avec leurs cheveux frisés, bouclés, agités par le zéphir, parfumés d’ambroisie, à l’exception de Minerve, (la Sagesse) couverte d’un casque, qui fait son ornement ; il ne peint point ainsi les Héros. […] Mais au moindre revers funeste, Le masque tombe, l’homme reste ; Et le héros s’évanouit.
Le héros, l’héroïne des romans sont toujours des gens accomplis. […] La scéne se passe chez un Chanoine, l’actrice est sa niéce, ou selon quelques uns, sa fille naturelle : elle devient Réligieuse, elle est faite Abbesse, & avec le héros fondatrice d’une Abbaye. […] Moliere qui ne s’embarrassoit guerre des unes ni des autres, l’a souvent fait ; plusieurs de ses piéces sont des comédies personnelles, sous des noms emprantés, & celle de Pourceaugnac en est une sans déguisement, puisque c’étoit le vrai nom du héros.
Qui peut attaquer ces Héros dans ce retranchement ? […] Les Héros de la scène se déclarèrent les Dom Quichottes pour redresser ses torts. […] On prend le parti de donner une autre piece où les Héros & l’Héroïne n’eussent point de rôle.
Le dévouement du Héros de Calais a remué tous les cœurs de la nation Qu’en conclure ? […] Elle a beaucoup valu à l’Auteur, mais on ne la joue plus, & elle est devenue ridicule depuis qu’on a découvert que le prétendu Héros, Eustache de S. […] Le sang de tant de Héros qui devoit animer une postérité florissante & nombreuse, va se perdre dans les lieux de la corruption, & s’y engloutir pour jamais. […] Hommes illustres (c’est-à-dire Grands libertins), que vous sert d’admirer sur le théatre les fameux Héros de la Grèce & de Rome, si l’élévation de vos sentimens n’a aucun pouvoir sur vos ames (excepté ceux de l’amour, qui en ont beaucoup) ?
Je vis des Filles & des Histrions singer des Héros qu’ils deshonoraient ; j’entendis un Parterre tumultueux, se passionner pour quelques-unes de ces Princesses & deux ou trois de ces Pantins. […] La Tragédie, fût-elle vicieuse, influera peu sur les mœurs : un particulier ne prend guères les vertus, ou les vices des Héros, à moins qu’il ne soit héros lui-même ; & ces gens-là sont rares ; première différence : la seconde consiste, en ce que la Tragédie n’employant pas le ridicule, il suffit qu’elle peigne assez fortement le vice, pour qu’il effraye : le scélérat impuni, au comble de la gloire, y fait horreur ; tel est Mahomet. […] Les Eloges seront précédés d’une Pièce patriotique, dont les Français seront les Héros. […] Voila les Héros de la Société naissante ; ceux envers qui la postérité ne peut jamais s’acquitter. […] Il semble néanmoins que, pour rendre cet usage tout-à-fait irrepréhensible, il serait essenciel que les Pièces fussent choisies, & que des Militaires ne fissent parler que des Héros.
« Comme la galanterie et les aventures extravagantes sont le sujet le plus ordinaire de ces productions, comme d’ailleurs le style qu’on y emploie est loin de ressembler au style des affaires sérieuses, il s’ensuit que nous y puisons insensiblement des sentiments extraordinaires et romanesques ; bientôt la tête n’est pleine que de héros et d’héroïnes. […] Les passions extravagantes des amants que des obstacles séparent, l’expression désordonnée de l’amoureux délire des héros, les joies et les tourments de l’amour, les descriptions enflammées et les actions immorales, les amoureux transports des acteurs, toutes choses qui entrent pour beaucoup dans la composition de nos tragédies les plus sages et les plus décentes, tout cela, je le demande, est-il compatible avec une religion qui fait une obligation de la pureté du cœur ?
Les Acteurs, qui jouent son rôle, ne prennent pas ce vêtement peu galant, qui donne un air féroce & feroit peur aux Déesses, mais ils prennent l’air doucereux de ce héros devant sa maîtresse, qui leur est en tout naturel. […] Quel est le plus singulier, dit Lopes de Vega, un héros plus foible qu’une femme, une femme plus dangereuse qu’un lion ? […] Les éloges qu’on leur prodigue ne sont pas plus réels que les Héros qu’on fait parler c’est un avilissement qui déshonore, une tache qui flétrit les plus grandes actions, & jette un nuage épais sur la plus belle vie. […] Un Héros libertin n’est pas moins damné qu’un autre ; il devroit dès ce monde être aussi méprisé. […] L’empire du Mexique dans l’Amérique septentrionale, peut être aussi puissant que celui du Pérou, n’étoit pas aussi bien policé quand il fut conquis par Fernand Cortez, soit que les peuples y fussent moins spirituels & moins traitables, soit que les Princes eussent été moins heureux, & moins Philosophes que les Incas ; peut-être que n’ayant pas eu d’Historien comme Garcilasso de Vega, du sang royal, fort instruit des affaires du Pérou, nous ne connoissons point l’histoire du Mexique ; du moins est-il certain par tout ce que nous en savons, qu’on n’avoit point à Mexico, comme à Cusco & à Lima, un théatre régulier, où l’on représentât de vrais drames selon les regles de l’art, soit dans le genre noble entre des grands & des Héros, les seuls que permettoient les Princes Péruviens, soit dons le genre subalterne, bourgeois & bousson, comme en ont tous les théatres d’Europe.
Les Poëtes, disoit-il, en nous présentant des Héros qui se lamentent, amolissent les ames, & font perdre à la Vertu tous ses nerfs. […] N’est-il pas vrai que tout tant que nous sommes, je dis même les plus raisonnables, lorsque nous voyons représenter dans Homere ou dans les Tragiques, quelques-uns des Héros dans l’affliction, & que nous les entendons se lamenter, pousser des cris, & se frapper l’estomach, nous sentons du Plaisir & nous abandonnant à ces représentations, nous nous y laissons entraîner. Et compatissant & nous affectionnant à ces Héros ainsi affligés, nous louons & nous regardons comme un excellent Poëte celui qui sait nous mettre dans cette disposition ? […] Un homme qui commence la lecture d’un long Poëme, ne continue cette lecture, que quand il s’intéresse au Héros, & il ne veut pas voir tomber par une Catastrophe funeste celui pour qui il s’est toujours intéressé : il aime au contraire à le voir sortir de ses périls & devenir heureux. Il n’en est pas de même de celui qui va au Spectacle ; il n’y va point pour admirer un Héros, il n’y va que pour être occupé pendant quelques heures, & se distraire de l’ennui qui nous saisit toujours quand nous sommes oisifs.
S’il parvient à nous faire goûter ses Héros, ce n’est sûrement point en les déguisant.
Les Parodies de nos Opéras demandent moins de précautions que celles des Tragédies ; l’amour est ordinairement l’âme des premières ; l’héroïsme de la vertu s’y montre rarement, quoiqu’à tout moment on y voye des Dieux & des Héros : dans les dernières au contraire, à côté d’une fadeur, il peut se rencontrer une maxime sage, qu’il faudra bien se donner de garder de présenter sous une face ridicule, en fût-elle susceptible.
Ce qui, dans tous les temps, a fait condamner les galanteries des Angéliques, Lucindes, Colombines, & autres héroïnes des comédies, qui dans la vérité ne sont qu’un diminutif des Courtisannes, tendent les mêmes piéges à l’innocence, & entretiennent dans les spectateurs la même dépravation. […] Celle qu’il a pieusement intitulée le Héros Chrétien, la moins mauvaise peut-être, est fort au-dessous des médiocres : c’est une Clytemnestre qui fait assassiner son mari, & ne rachette son crime par aucune beauté théatrale, encore moins par quelques traits de religion ou de morale. […] On y ajoute l’horreur d’un amour incestueux & bigame du père pour sa propre fille, qu’à la vérité il ne connoit pas ; mais qu’il veut épouser, quoique marié, par une infidélité odieuse qu’il cache à la fille qu’il a enlevée, trompée & deshonorée par un mariage apparent : voilà le héros que le succès couronne. […] Revenons aux griefs de nos héroïnes. […] Nous jouons les rois, les héros, les maris, les amans, les honnêtes-gens : ce dernier rôle est celui dont on s’acquitte le plus mal.
nous représentons sur le Théâtre les fureurs de Medée, les vices d’un grand nombre de personnes que l’on métamorphose en Héroïnes ou en Héros, sans aucun égard pour la raison qu’elles n’ont jamais respectée : nous récréons notre esprit par la méditation de leur sceleratesse !
Un mari en revient la têté remplie de Héros & d’Héroïnes ; il imprime si fort dans son esprit toutes ces chimeres, que ses affaires domestiques lui deviennent importunes.
Les anciens avaient des héros et mettaient des hommes sur leurs Théâtres ; nous, au contraire, nous n’y mettons que des héros, et à peine avons-nous des hommes. […] Si vous vous rappelez le Héros de cette Pièce, voilà le vrai Misanthrope. […] Personne ne se croit obligé d’être un héros, et c’est ainsi qu’admirant l’amour honnête on se livre à l’amour criminel. […] La Tragédie nous représentera des tyrans et des héros. […] Alors quels seront les héros de nos Tragédies.
Les héros de la morale naturelle n’ont jamais eu qu’une vertu apparente, dont les passions étoient le principe & le ressort. L’héroïne de ce roman finit par une sorte de conversion ; dégoûtée de son métier par des vols, des mépris, des infidélités, forcée par la misere, elle accepte une pension viagère de quinze cents livres que lui fournit la femme de son amant, partie par générosité, partie pour se débarrasser d’une rivale dangereuse, & va vivre pensionnaire dans un couvent. […] c’est du haut comique ; je vais être l’Héroïne de la troupe, &c.
Quand ce partage essentiel eut été fait, les Poëtes crurent ne devoir chercher les exemples des Passions réservées pour-la Comédie, que parmi les hommes du commun : non que les Rois & les Héros en soient exempts, mais parce qu’ils cachent leurs foiblesses aux yeux du Public, ne voulant y paroître que pour inspirer l’admiration ou le respect. Les Poëtes chercherent les exemples des Passions réservées à la Tragédie parmi les Rois & les Héros, non seulement parce que leurs Passions ayant des suites que n’ont pas celles des Particuliers, causent le bonheur ou le malheur des Peuples, & les révolutions des Etats ; mais parce que les exemples frappent bien davantage, quand ils sont pris parmi ceux dont on craint le pouvoir, dont on respecte la dignité, ou dont on admire les grandes qualités. […] Comme il voulut qu’un Acteur représentant un Dieu ou un Héros, parût plus grand que les autres hommes, il voulut aussi qu’il parlât dans un stile plus pompeux : le stile d’Eschyle est si ampoullé, ses mots si longs, qu’il est appellé par Aristophane, Homme qui éleve de grands termes en monceaux.
Ils ont une difficulté à vaincre que n’avaient pas les Tragiques Grecs, & que n’éprouvent point les Auteurs modernes des grands Poèmes Dramatiques ; leurs Héros étant pour ainsi dire sous nos yeux, nous pouvons comparer la copie à l’original, nous en sentirions bientôt les défauts.
Voltaire, le docteur à la mode, qui fait quelquefois montre de bel esprit, aux dépens du jugement, auroit embouché la plus bruyante trompette, & crié, du ton de son frere Sourdis, dans le Poëme de la Pucelle, Français rougissez de honte, & voyez les judicieux Anglois mettre au nombre de leurs législateurs, un de ces héros que vous condamnez à l’infamie, on l’auroit cru, ou auroit vu suppliques & mémoires présentés au Roi, pour obtenir qu’il fit ouvrir l’Eglise & le Palais aux comédiens, & donner à la nation le glorieux avantage de les compter au nombre des Magistrats & des Chanoines : le Parlement auroit fait des remontrances, le Clergé des mandemens, les arrêts & les excommunications du vieux tems paroîtroient habillées à neuf, les Avocats du bon ton feroient imprimer des factums, les beaux esprits chamailleroient en prose & en vers ; les Gaffés de Paris, & les antichambres de Versailles fairoient passer la cause des foyers aux boutiques, & des boutiques aux halles. […] Les Magistrats se rendirent à l’Hôtel-de-Ville, où ils trouverent Garrik, le représentant du Héros, lui firent un compliment, & lui remirent le buste de Shakespear, gravé sur un morceau de bois de mûrier qu’il avoit planté, il étoit enrichi d’or. […] Tant il est vrai, dit Madame des Houlieres, que tous les héros ont toujours quelque mais, ou quelque si, qui les barbouille. […] Le même livre en rapporte un autre du Marquis de Bussi contre la Mereuil ou Lécluse, aussi danseuse de l’opéra, qui lui vouloit donner un enfant qu’elle avoit eu, on ne sait de qui ; il y déclare les manœuvres de cette héroïne pour faire des conquêtes, & voler leurs amans tandis qu’elle se livroit à d’autres, en grand nombre.
S’ils avaient une autre fin, choisiraient-ils pour héros de leurs pièces, pour leurs personnages favoris des libertins et des Athées ? […] Dans L’Amour sans Intérêt, Valentin est le héros de la pièce ; s’il est permis de lui donner un si beau nom. […] Les héroïnes de nos Poètes sont d’un choix aussi criminel que leurs héros.
Tout cela est pris de sa vie donnée en 1724 : ces traits injustes déshonorent plus le théatre que la beauté de ses pièces ne lui fait honneur, ils font l’éloge & justifient les sentimens de ce Héros qu’on a si injustement attaqué. […] La vraie guerre est celle des passions, elle cause toutes les autres ; les Héros sont des galans masqués en guerriers. […] Rien ne rend plus petit que le vice, il dégrade tout ; naissance, fortune, talent, exploits, on se dégrade en l’estimant, qu’on se rend petit en l’admirant, en traitant de grand, d’illustre, de héros, ce que le vice met au-dessous de la populace ! […] Cette idée dictée par l’enthousiasme d’un amateur, cette comparaison de deux hommes grands, chacun dans son genre, sont absolument fausses, soit en comparant esprit à esprit, objet à objet, travail à travail ; il s’en faut bien qu’il faille autant de pénétration, d’étendue, de précision, de justesse, de force pour faire parler les Héros de Corneille, que pour embrasser le système du monde. […] Louis XV au sortir d’une pièce où l’Héroïne disoit qu’elle vouloit mourir, langage trivial au théatre, dit-il en riant, à son premier Médecin : J’ai été sur le point de vous appeler pour servir une Princesse qui mouroit je ne sais comment.
Adieu, courageuse héroïne : j’ai peine à me persuader que tout ceci n’est pas un songe : mais non ; c’est réellement, que monsieur D’Alzan a pu… Ma chère Ursule, tu es heureuse, & je le suis aussi.
C’est à ce titre que, rempli d’espérance à la vue des miracles qui chaque jour se développent à nos regards étonnés, j’ose m’élever moi-même contre tout ce qui pourrait encore arrêter l’effet des desseins magnanimes du Héros qui les produit.
Nous ne parlons point en Héros, mais notre vie est exemplaire.
Peut-on disputer ce héros au théatre ? […] Le théatre qui gâte tout ce qu’il touche, a répandu un nuage sur cette héroïne, la moins faite pour la frivolité & les tréteaux.
Pour encourager les Spectateurs à la vertu, ils ne trouvoient rien de plus frappant que de faire revivre sur la Scene les Héros dont on célébroit la valeur et; les actions glorieuses. […] Aussi la Scene Françoise, sans contredit la plus parfaite, ou du moins la plus réguliere qui ait encore existé, n’est-elle pas moins le triomphe des grands scélérats que des plus illustres Héros ? […] Vous vous plaignez qu’on ne fait paroître sur la Scene que des Héros, vous voudriez qu’on nous affecta des mêmes sentimens d’un tendre intérêt pour la simple humanité. […] Je regarde donc comme un sacrifice du cœur fait à l’esprit cette jolie phrase que vous nous débitez à ce sujet : « Les Anciens avoient des Héros, et; mettoient des hommes sur leurs Théatres, nous, au contraire, nous n’y mettons que des Héros, et; à peine avons-nous des hommes. » Je ne suis pas surpris qu’ayant adopté un système, vous cherchiez à le faire recevoir ; mais ce qui m’étonne, ce sont les moyens que vous employez pour y réussir. […] Si l’esprit de servitude, auquel nous les assujettissons, ne leur permet point de s’élever au-dessus de l’état que notre volonté leur prescrit ; disons cependant à leur honneur, que malgré toute notre attention à les dégrader ; elles ne laissent pas d’avoir leurs Héroïnes, comme nous nos Héros.
Souvent il en faudroit plusieurs pour en former une piece raisonnable ; c’est ce que Boileau reprochoit aux poëtes Espagnols qui faisoient un drame de la vie d’un héros, le montrant successivement dans les divers âges, enfant au premier acte, & barbon au dernier : cette idée n’est pas nouvelle, il n’y a de nouveau que la dénomination de theatre, appliquée à des dialogues. […] La fiere Melpomene troublant le silence des tombeaux, évoque du sein de la poussiere, le héros qui y repose, & le fait venir sur la scéne divertir les vivans ; spectateurs tranquilles, nous sommes assis comme des immortels ; nous nous croyons généreux en donnant des larmes à leurs tragiques avantures, & déplorant leurs destinées, nous oublions la nôtre. […] La noblesse du sujet, la dignité de la poésie, font regarder les héros comme des êtres d’une espece supérieure, & l’intérêt de l’Etat, mis en opposition avec celui de l’amour, donne à l’amour un air d’importance, qui, d’une foiblesse & d’un vice, en fait quelque chose de grand, qui n’est qu’un contre-tems malheureux. […] Franc traite mal Sakespear : le Héros Anglois.
Le Mathan d’Athalie, le Héros du Festin de Pierre, les considens, les valets de toutes les intrigues amoureuses ; quel chrétien peut se faire un jeu du plus grand des maux, qui doit faire couler les larmes les plus ameres ? […] La fureur de mettre de l’amour dans les tragédies domine si fort sur le théatre François, que M. de Belloy, homme sérieux, qui a entrepris par goût, de traiter les grandes actions des Héros François, matiere très-sérieuse, n’a pu se défendre d’en mettre dans toutes ses piéces, où souvent il est très-étranger. […] Mais, dit-on, tout le monde sait que les aventures dramatiques sont des fables, qu’on pleure au théatre la destinée d’un héros qu’on n’a jamais vu, qui peut être n’a jamais été ; qu’on y rit des foiblesses, des ridicules d’un bourgeois, d’un valet, d’un marquis chimérique, &c. qu’importe ? […] Les héros des Contes de la Fontaine, non plus que les amans de l’opéra, & les débauchés de Vadé n’ont aucune existence : les crimes qu’on leur fait commettre sont de tous les jours ; & jamais sur ce frivole prétexte, une mere sage n’en permettra la lecture à ses enfans : sous les couleurs de la fiction, on y avale le poison à longs traits, lors même qu’on le connoît, & qu’on s’en défie.
Le Tasse, fameux Poëte Italien, pour s’ouvrir des avenues auprès de la Princesse Eléonore de Ferrare, dont il étoit amoureux, mais trop modeste à son gré, avança dans une foule d’ouvrages qu’il lui a consacrées, & prétendit lui prouver, contre le systeme de la pudicité Patricienne, que la pudeur étoit le partage des femmes du commun, mais non pas la vertu des Héroïnes & des Princesses, dont le rang & la gloire les mettoient fort au dessus des minuties roturieres de la modestie. […] Elle a sanctifié bien de héros Chrétiens. […] Je n’applaudis pas les excès de ces Héroïnes Chrétiennes & Payennes qui se sont ôté la vie pour conserver leur honneur. […] Je sais bien que les Phœdres, les Sémiramis, les Cléopatres, les Messalines, les Armides, les Angéliques, sans compter les Déesses Venus, Diane, Junon, Flore, &c. en un mot toutes les Héroïnes du théatre dans le tragique les Isabelles, les Eléonor, les Lucile, &c. dans le comique, pensent différemment, & que celles qui jouent leurs rôles croiroient manquer au Costume, perdre une partie de leurs graces, & rendre mal leur personnage, si elles ne prennoient les sentimens, & n’imitoient la conduite des Princesses qu’elles représentent.
La doctrine générale qui en résulte, c’est que la bonne éducation des filles consiste à leur donner une entiere liberté, les laisser courir seules, sur leur bonne foi, le bal, la comédie, les compagnies, & voir qui bon leur semble, comme la Léonor, dont cette conduite indulgente a fait une héroïne, tandis que la vigilance & la retraite ont fait de sa sœur Isabelle une intrigante & une effrontée ; que le soin & l’attention à éloigner les jeunes gens des dangers du crime, ne servent qu’à leur en donner plus d’envie, & leur faire chercher les moyens de se satisfaire, & que la sévérité même qu’on a pour eux, les autorise à secouer le joug, & leur est une excuse légitime ; que ces sévères instituteurs en sont toûjours la duppe, & se couvrent de ridicule ; que malgré toutes leurs mesures, l’amour, inépuisable en ressources, rend inventifs les plus innocens, & trouve enfin mille moyens pour réussir ; qu’après tout c’est un vain scrupule de se refuser à la galanterie, mal commun, dont personne n’est exempt ; qu’il est de la sagesse de ne pas être plus sage que les autres ; qu’on ne peut compter ni sur les femmes, ni sur les filles ; qu’il faut s’y attendre, s’en faire un jeu, & n’avoir pas l’inutile foiblesse de s’en embarrasser. […] Dans le Médecin malgré lui l’héroïne s’enfuit avec un Apothicaire, dans le Sicilien avec un Peintre, dans Pourceaugnac avec Pourceaugnac, &c. […] On n’y trouvera le portrait ni des Actrices, ni des Héroïnes qu’elles représentent.
Voltaire, en introduisant la philosophie sur la scène, l’a rendue plus instructive ; mais après avoir pleuré sur le Héros qui s’immole à son devoir, le spectateur trahit le sien le même jour. […] N’a-t-on pas senti combien, en méprisant ce qu’il y a de plus grand & de plus respectable, le Héros & le Panégyriste deviennent petits & méprisables ? […] C’est le portrait de la Dangeville, de la Clairon, la Silvia, la Chammêlé, la le Couvreur, &c. comme dans les romans les Héroïnes sont toutes parfaites, & pour l’instruction de la jeunesse c’est le refrain de toutes ses chansons.
les vertus des Chrétiens, ne sont-ce pas les vices de vos héros ? […] Voyez donc ce que vous avez à faire, voulez-vous quitter ces grands Héros ? voulez-vous abandonner ces fameuses Héroïnes ?
Les livres sacrés où les lois et les dogmes sont également expliqués, y sont multipliés à l'infini : on y trouve la légende de tant de Héros dont on chante les exploits, et dont la vérité est au-dessus des ombrages de la critique. […] Jugeons de l'arbre par le fruit : on pleure les malheurs d'un Héros imaginaire, et on ne jettera pas un regard de compassion sur les malheurs réels d'une foule de pauvres et de malades qui périssent de misère. […] l'ennemi qu'on fuit, qu'on combat, qu'on a vaincu, renaît de ses propres cendres, livre de nouveaux combats aux héros ses vainqueurs, et quelquefois les terrasse.
Il en est arrivé de même des Poèmes Dramatiques : car depuis qu'ils ont été retirés des Théâtres anciens consacrés aux faux Dieux, ils n'ont plus été considérés comme une invention des Démons, et n'ayant plus rien de leur vieille et criminelle vénération, ils sont donnés au public, et portés jusques dans le Palais des Rois, sans aucun scrupule d'Idolâtrie ; On les regarde seulement comme les Chefs-d'œuvre d'un bel esprit ; et une parfaite imitation de la vertu des Héros, et tout ce que l'on y peut admirer sont les inventions du Poète, et le beau récit des Acteurs.
Enfin les Masques des Anciens répondaient au reste de l’habillement des Acteurs, qu’il falait faire paraître plus grands & plus gros que des hommes ordinaires, lorsqu’ils représentaient des Dieux & des Héros.
Cette Scène et ce Théâtre ne peut être, par exemple, dans le Diocèse de Grenoble où votre Héros n’a nulle autorité, ni dans celui de Lavaur qu’il a quitté ; et le bon sens veut que ce ne puisse être que le Diocèse d’Aix, où paraissent, selon vous, tous les vices sur la Scène.
Par toi-même bientôt conduite à l’opéra, De quel air penses-tu que ta sainte verra D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse, Ces danses, ces héros à voix luxurieuse ?
Corneille, esprit fier, républicain, indépendant, a peint les Héros chez les Romains, & en a rendu les sentimens : son style, formé par Lucain, en a copié l’enflure. […] Corneille montroit des Héros, Moliere donnoit des complices. […] Sur le théatre, comme dans le monde, l’habit, la décoration font un héros d’un homme ordinaire. […] Oudin y étoit assis sur un trône d’or fort élevé, d’où il voyoit & gouvernoit tout le monde, & récompensoit les Héros par les plus délicieuses voluptés.
C’est une des folies de la scénomanie de s’imaginer que le théâtre enseigne tout, qu’il décide tout, qu’il est tout, que comme les héros y jouent toute sorte de rôles, ils y deviennent orateurs, philosophes, jurisconsultes, savants, gens d’esprit, et ont toutes les qualités des grands hommes qu’ils représentent. […] On ne va à la comédie que pour s’amuser, on ne s’y remplit que de passions de bouffonnerie, la foule ne goûte et n’est capable de goûter que les folies qui la font rire ; elle attend la soubrette avec impatience, quand le héros parle raison sur la scène, vouloir en faire une école de bon goût, c’est une chimère. […] Encore, ces folies sont-elles plus tolérables dans la bouche d’un amant que dans celle d’une héroïne. […] L’idolâtrie et le fanatisme de la scène iraient-ils jusqu’à ne connaître des dieux que les poëtes, et contre quels fantômes fait-on donc battre les héros ?
» Il est à remarquer que La Mode cet indigne personnage, est pourtant le Héros de la Pièce. […] Mais la méthode de ce Tragique ne nous importe guère : il fait de son Héros la Salamandre imaginaire qui se plaît dans les flammes et qui y trouve son aliment. […] Sénèque inférieur aux Grecs en jugement leur est de beaucoup supérieur en impiété : ses héros et ses héroïnes traitent les Dieux avec une arrogance extrême : ils s’élèvent contre eux jusqu’à la fureur, sans que le Poète se mette toujours en peine de tirer raison de ces insultes.
Les Grecs le pratiquèrent ainsi, lors qu’ils représentaient sur les théâtres la vie des Héros par des personnes consacrées aux Dieux, et qui par cette action, se donnaient l’entrée aux plus grandes charges de la République D.
Le fil d’Ariane passé dans les mains de Phedre, le Labyrinthe, le Minotaure, Phedre elle-même servant de guide au jeune Héros, l’un & l’autre combattant le Monstre, dévorés ou vainqueurs ensemble ; rien n’échappe à cette brillante imagination. […] Il me paroît que les personnes qui accusent Racine d’avoir donné à ses Héros l’air & la physionomie de François, confondent le sentiment & les mœurs avec l’expression. […] Ses Héros, semblables dans leurs passions, & dans la manière de sentir & de s’exprimer, conformité que je ne saurois trouver défectueuse ni extraordinaire, péchent néanmoins en ce qu’ils n’ont pas cette diversité marquée de mœurs, qui fait qu’un Turc n’est pas un Grec, ni celui-ci un Romain. […] Une foiblesse passagère de ce Héros ne tire point à conséquence pour son caractère, qui n’étoit ni tendre, ni sensible pour les femmes. […] C’est ainsi que dans la mort de Pompée on est tout plein de ce héros, sans le voir sur le Théatre.
Le héros de de la piece, l’idole pour qui on s’intéresse, est toujours une jeune personne aimable & amoureuse. […] Mais, direz-vous, vous ne craignez pas les dangers du théatre, votre cœur est à l’épreuve des traits de l’amour, vous êtes une héroïne de chasteté ; le théatre public, le théatre de société vous voient braver tous les orages. […] On y suppose en vain un amour vertueux ; Il ne sert qu’à nourrir les plus coupables feux : L’amour dans les héros plus prompt à nous séduire Que toute leur vertu n’est propre à nous instruire.
C’étoit une des plus enthousiasmées amatrices du théatre, du bal, de la danse ; héroïne de la scène, élève de Thalie, sa vie ne fut qu’une comédie perpétuelle. […] Ces héros, ces grands Princes, s’habilloient tous en femme, quoique par des motifs différens, extravagance dans Caligula, foiblesse dans Hercule, crainte dans Achille, excès de mollesse dans Sardanapale. […] Que pâles & difformes casques, Que fronts couverts de vieux drapeaux, Que nez perdus sous des chapeaux, Larges perruques, robes flasques, Noirs camails sur de gris manteaux, Que grands théatres sans flambeaux, Dont quelques Pasquins Bergamasques Et deux châtrés sont les héros, Où les pavés sont des canaux, Où l’on ne marche qu’en batteaux, Jouet des vents & des bourrasques, Des rameurs au lieu de chevaux, Et pour carrosse des tombeaux, Palais à superbes crenaux, A triple rang de chapiteaux, D’ordres divers groupes fantasques, Au-dedans tristes ridottos, Salons sans foyer ni fourneaux, Au sein de l’hiver & des eaux, En juin fête des soupiraux, Au demeurant force bureaux, Des joueurs & faiseurs de frasques ; Pour dîners antiques tableaux, Pour soupers opéras nouveaux, Et batteurs de tambours de basques ; Phrinés de tous les numéros, Sel de Naple en détail & en gros, Et la liberté pour les masques, &c.
Le Poëte s’y croit autorisé, sous prétexte de soutenir le caractere des personnages, & de donner du relief à la vertu de son héros. Mais quelle est la vertu de ces héros de Théatre ? […] de Voltaire a cru devoir, à l’imitation de Virgile, faire chanceler la vertu de son Héros. […] Et l’Evangile a des caracteres si grands, si frappans, si parfaitement inimitables, que l’inventeur en seroit plus étonnant que le Héros ». […] Toutes ces vertus se sont trouvées dans le Héros dont M.
Delà, cette effroyable multitude de Romans, qui firent trop long-temps les délices de la Nation, & qui gissent avec leurs Héros, tristement étendus sur la poussiere. […] Voudriez-vous avoir de pareilles Héroïnes pour filles & pour femmes ?
Ce que les Héros de la Fable & de l’Histoire ont fait de plus grand, ont pensé de plus sublime, sembla plus grand & plus sublime encore dans ses vers.
A cet égard l’esprit du siécle est Iconoclaste : elles sont bannies de par-tout, on n’en souffre ni dans les maisons ni dans les livres, même dans les livres de priere & de piété, où elles étoient autrefois communes, tandis que les Dieux de la fable, les héros des Romans, le grotesque de toute espece, se sont emparés de tout. […] Dans un bloc de marbre, le ciseau fera un héros, un Thersite, une courtisanne ou une Sainte.
Il a dansé, chanté, représenté des comédies ; son plus grand plaisir a été de jouer le rôle d’un infâme baladin, de remporter une couronne d’acheb chez les Grecs, de se livrer aux regards de l’amphithéâtre : « Gaudentis fœdo peregrina ad pulpita saltu, prostitui Graiœque apium meruisse coronæ. » Allez donc, illustre Héros, arborer vos glorieux trophées, mettez vos couronnes aux pieds de la statue de votre père Domitien, le masque et l’habit d’Acteur que vous portiez quand vous faisiez le personnage d’Antigone et de Thyeste, et suspendez votre luth à la statue colossale que vous vous êtes fait élever : « Ante pedes Domiti longum tu pone Thyestæ syrma, et de marmoreo citharam suspende colosso. » Voudrait-on vous excuser par l’exemple d’Oreste, qui tua sa mère ? […] Personne qui ne voulût être gouverné par des Rois de la façon de l’Archevêque de Cambrai : qui voudrait à sa tête des Héros de théâtre ?
, De quel air penses-tu que ta sainte verra D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse, Ces Danses, ces Héros à voix luxurieuse, Entendra ces Discours sur l’amour seul roulant, Ces doucereux Renaud, ces insensés Roland ; Saura d’eux qu’à l’amour, comme au seul Dieu suprême, On doit immoler tout, jusqu’à la Vertu même : Qu’on ne saurait trop tôt se laisser enflammer : Qu’on n’a reçu du Ciel un cœur que pour aimer ; Et tous ces lieux communs de morale lubrique, Que Lully réchauffa des sons de sa Musique. […] Là de nos voluptés, l’image la plus vive, Frappe, enlève les sens, tient une âme captive, Le jeu des passions saisit le spectateur, Il aime ce qu’il hait, et lui-même est Acteur ; D’un Héros soupirant là chacun prend la place, Et c’est dans tous les cœurs que la Scène se passe.
D’un autre côté, il n’est pas moins vrai que le peintre de Henri, qu’on dit si timide, si modeste qu’il a fallu l’autorité du premier Prince du Sang, pour le résoudre à donner au public ce qu’il n’avoit fait que pour un théatre de société, n’a pas craint de bien enlaidir son héros, par des basses familiarités & des libertés indécentes prises avec la fille de son hôte, devant son pere & sa mere, & tout le public : ce qui n’est, ni édifiant, ni honnête, ni digne d’un grand prince. […] Cette pensée triviale a été cent fois employée pour les peintres & les sculpteurs, qui sont toujours en commerce d’immortalité avec les gens de lettres qu’ils représentent : il n’y a de neuf que ce mot, il brave la caducité ; car il est rare qu’on peigne les héros & les belles dans leur caducité. […] Cet éloge n’est pas flatteur pour le héros, ni ne vaudra l’immortalité au panégyriste.
Il vole à sa société ; quelques Bourgeois qui ont appris l’art du Théatre en devinant les énigmes du Mercure, ou dans les petites Affiches, quelques femmeletes qui ont fait des logogryphes & des bouts-rimés, & qui se sont faits, en payant, comparer aux héroïnes du siécle dernier & du notre ; voilà le Tribunal auquel cette piéce est déférée.
Un Auteur qui a mis tous ses soins à faire un bon Poëme, peut jetter un coup d’œil sur celui qui doit en représenter le Héros.
Le grand art des Auteurs dramatiques est d’inspirer la passion de leurs Héros.
Quel contraste si l’on oppose les Héros de Théâtre à ceux de l’Evangile !
On accoutume son cœur à tout ; on lui apprend en secret à ne rougir de rien : on le dispose à ne pas condamner, à son égard, des sentiments qu’il a excusés et peut-être loués dans les autres ; enfin on ne voit plus rien de honteux dans les passions, dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du poète, et mêlées à dessein avec les vertus dans des personnes que la scène nous présente comme des héros.
Enfin on ne voit plus rien de honteux, dans les passions dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le Théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du Poète, et qu’elles ont été unies à dessein avec les vertus et le mérite dans des personnes que la Scène nous représente comme des Héros.
Ses héros avoient toutes les vertus, étoient supérieurs à tous les hommes, égaux aux dieux, &c. […] Je suis au-dessus de tous les poëtes ; il n’appartient qu’à moi de louer les héros. […] Car tous les héros & les amateurs de théatre sont véritablement foux, quoique leurs folies se diversifient, se developpent, s’exaltent d’un infinité de manieres, selon leur caractere, les événemens & les circonstances, la même erreur les fait errer diversement. […] Ce n’est pas un héros comme dans l’Enéïde, l’Odissée, la Jérusalem délivrée ; c’est une seule de paladins & de paladines qui passent le merveilleux de tous les romans, qui voyagent, qui combattent en insensés, vont dans un moment des Indes en France, de la Tartarie en Ecosse.
Et ne pouvons-nous pas trouver à leur exemple une infinité d’autres sujets capables de remplir dignement le Théâtre, les malheurs de l’ambition, le spectacle d’un héros dans l’infortune, la haine de la superstition et des tyrans, l’amour de la patrie, la tendresse maternelle ? […] La raison en est, si je ne me trompe, que les sujets communs sont presque entièrement épuisés sur les deux Théâtres ; et qu’il faut d’un côté plus de mouvement pour nous intéresser à des héros moins connus, et de l’autre plus de recherche et plus de nuance pour faire sentir des ridicules moins apparents. […] Vous prétendiez un moment auparavant, que les leçons de la Tragédie nous sont inutiles, parce qu’on n’y met sur le Théâtre que des héros, auxquels nous ne pouvons nous flatter de ressembler ; et vous blâmez à présent les pièces où l’on n’expose à nos yeux que nos citoyens et nos semblables ; ce n’est plus comme pernicieux aux bonnes mœurs, mais comme insipide et ennuyeux que vous attaquez ce genre. […] [NDE] De la même manière, d’Alembert résume ici sans les citer scrupuleusement les arguments de Rousseau concernant la tragédie, dont la conclusion est la suivante : « Aussi la Scène Française, sans contredit la plus parfaite, ou du moins la plus régulière qui ait encore existé, n’est-elle pas moins le triomphe des grands scélérats que des plus illustres héros : témoin Catilina, Mahomet, Atrée, et beaucoup d’autres. » Ibid, p. 38.
plus importants que ceux des plus sévères Anachorettes… rendus à la Patrie par nos héros & héroïnes de théâtre, tous tachés de cette espèce de corruption de mœurs qu’ils sçavent allier toujours à la magnanimité, à la grandeur d’ame, à la sagesse, aux talens, enfin à toutes les qualités qui forment les grands hommes parmi eux. […] Je ne fais pas le bien que j’aime Et je fais le mal que je hais. » J’en appelle encore à témoin ce héros citoyen, qui semble ne vivre parmi nous que pour s’élever en témoignage contre nous. […] Je n’ai plus qu’un mot à vous dire, Nations entieres : Quand vous lisez en tête du cinquiéme volume de l’Encyclopédie dans l’éloge de M. de Montesquieu qu’il renonça à une premiere Place de Magistrature, parce qu’il sentoit qu’il y avoit des objets plus dignes d’occuper ses talens , ne croyez pas que le Panégyriste ait voulu parler ici à la louange de son héros : il n’est personne d’entre nous qui ne regarde cette pensée du Démocrite François comme une tache pour sa mémoire ; sans doute il a voulu qu’elle demeurât toujours cachée ; peut-être même ne l’a-t-il jamais communiquée ; mais il n’en a pas moins fallu la mettre au grand jour, & pour la mettre à la portée du plus grand nombre, qui n’est pas celui des Souscripteurs de l’Encyclopédie, notre Mercure de Nov. 1755 lui a donné place parmi ses galanteries. Tel est sur nous l’empire des vérités ; tout affligeantes qu’elles sont pour nous, toutes flétrissantes qu’elles sont pour nos héros, nous ne pouvons les taire.
Andromaque recommandant à sa Confidente de faire connoître à son Fils les Héros de sa Race, ajoute, Di-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté, Plutôt ce qu’ils ont fait que ce qu’ils ont été : Parle-lui tous les jours des exploits de son Pere, Et quelquefois aussi parle-lui de sa Mere. […] Telles étoient les maximes des Héros de ces Livres si à la mode, & telles étoient les mœurs de la Noblesse dans plus d’une Nation.
C’est qu’on n’y trouve pas une seule Scène de femmes ; et quoi qu’Eraste, le héros de la Pièce, soit amoureux d’Orphise, et la recherche en mariage, il ne voit pourtant sa maîtresse que pendant un instant, encore cet instant lui donne-t-il un motif de jalousie assez bien fondé en apparence.
Quand on examine de près la grandeur humaine & les éloges dont la flatterie la comble, on dit avec Rousseau : Le masque tombe, l’homme reste, & le Héros s’évanouit. […] Elles en avoient d’autres qui font moins du bruit que le canon, & que les Héros craignent encore moins, quoique plus dangéreuses. […] Elle les menoit à la guerre, montée à cheval comme la Reine Maphire , (c’est une héroïne de sa création) s’opposant aux arquebusades & canonades, comme un de ses Capitaines. […] Elles étoient exercées à une autre guerre ; & dans les plaines de Meaux, où la Reine Maphire & toutes ces héroïnes auroient dû combattre le Prince de Condé, bien leur en prit que les Suisses fussent assez galans pour protéger la fête des plumes volantes, qui demandoient amour ou guerre .
Ils s’étaient imaginé, dit-il, qu’un homme qui avait pu traiter si énergiquement le caractère d’Atrée devait avoir l’âme aussi noire que son Héros. […] Vous ne voudrez pas croire non plus que ceux qui jouent un Euphémon, un Licandre, un Ariste, un Burrhus, un Alvarès deviennent les gens du monde les plus vertueux : il faut pourtant convenir avec vous-même ; et si l’emploi de chaque Comédien a tant d’influence sur ses mœurs, ceux qui jouent les rôles de Saints, de Héros, et d’honnêtes gens doivent devenir des Saints, des Héros, d’honnêtes gens, comme ceux qui jouent des rôles de suborneurs et de fripons sont selon vous, suborneurs et fripons. […] S’il eût été véritablement sage, il aurait accepté les présents de ce Héros, ne fut-ce que pour soulager les malheureux de sa connaissance.
Il a des caractères de vérité si grands, si frappants, si parfaitement inimitables, que l’inventeur en serait plus étonnant que le héros. » La froide indifférence que nous témoignons aujourd’hui pour les orateurs chargés d’expliquer les maximes de ce livre admirable, est donc bien étrange en elle-même. […] nos yeux cherchent en vain ce séminaire de héros, puissant en œuvres et en paroles : aurait-il disparu sans retour, et nos regrets seraient-ils donc sans espérance ? […] Ces productions du génie leur donnaient d’autant plus de lustre aux yeux du public enchanté, qu’à juste titre on pouvait les regarder comme les annales de la nation, puisque leurs nombreuses tragédies ne présentaient que le récit intéressant des événements fameux qui avaient à jamais rendu célèbres les héros de la République. […] Est-ce celui de l’héroïne ? […] Guidé par l’amour du bien public, et protecteur de tous les arts, ce héros ne pouvait voir avec indifférence et mépris celui de l’éloquence, qui rendit si célèbre le barreau de Rome et celui d’Athènes, et fait encore aujourd’hui de ces deux rivales, les villes les plus illustres de l’univers.
Elle a dû plaîre aux Ecrivains philosophes ; ils croient ne pouvoir mieux louer un Roi, un Héros, qu’en disant qu’il est digne d’entendre Corneille, Voltaire, parce qu’en le louant ainsi, ils se louent encore plus eux-mêmes : elle a été tant de fois repetée, qu’elle est devenue triviale, & souvent si mal appliquée, qu’elle ne signifie rien. Condé fut admiré dans la retraite ; mais un feu dévorant, qui en avoit fait dans sa jeunesse un Héros impétueux, & plein de passion, (l’héroïsme & les passions sont-ils bien d’accord ?) […] sans parler de sa revolte contre son Roi, qui n’est pas un trait bien héroïque, sa disgrace, sa retraite, sa maladie, sa conduite, son imbécillité, sa mort : voilà un Héros !
L’Héroïne Favard est la premiere qui ait changé cet usage absurde, ce qui lui fit des affaires avec ses camarades. […] L’allusion naturelle de ce mot qui est peu d’usage n’est pas favorable au héros du Greffier Pavanne. […] Les Auteurs de ces bagatelles, le Sieur Galland & le Sieur Petit de la Croix, habiles dans les langues Orientales, ne se donnent que pour traducteurs, afin de piquer davantage la curiosité en donnant un air étranger à ses héros, & s’ouvrir une plus vaste carriere en mettant des intrigues de Serail, qu’ils n’auroient pu placer en Europe.
Ces observations ne font pas moins d’honneur à la Religion des Orateurs, qu’à la mémoire du Héros ; ils ont dû même sentir que les éloges littéraires ne suffisent pas pour un Prêtre & un Abbé, ni dans la bouche des deux Prélats qui en font publiquement l’éloge. […] Garik imagina une piece singuliere en fragment, composée des lambeaux de chacun des Drames de son héros ; Tragédie ou Comédie, il en détacha les Scènes les plus intéressantes, le principal personnage, & les autres Acteurs habillés comme l’exigeoit leur rôle, le représenterent ; la décoration changea de même à chacune. […] On a ramené les Scènes d’Arlequin qui successivement est Empereur, Médecin, Héros, Suisse, savant, Paysan, & c’est encore un Comédien nommé Houart qui a composé le second Amphigourri, comme le Comédien Garik avoit composé le premier, malgré le profond respect qui est dû au pere de la Tragédie Angloise & à son immortel Panégyriste.
Il est vrai qu’en revanche pendant leur printemps la vogue est brillante & les profits honnêtes, & qu’elles n’ont pas besoin de l’embarrassant appareil des habits & des décorations ; un héros leur suffit pour jouer la piece entiere. […] Sans doute on n’en veut point à leur vie, comme cette héroïne dont Dieu arma le bras pour sauver son peuple. […] Chaque femme, comme un habile Ingénieur, forme son plan, élève ses batteries, ouvre la tranchée, donne l’assaut ; les promenades, les spectacles, les cercles, jusqu’aux Eglises, sont les champs de bataille où ces Héroïnes se battent à outrance.
De là le mot tragédie, qui malgré l’élévation de tant de Rois & de Héros, qu’elle barbouille de la lie du vice, signifie en Grec chanson de bouc, & dont encore les vices, qui n’en deviennent pas plus nobles, pour être habillés de pourpre & montés sur de grands mots, sont le fruit ordinaire. […] Il paroissoit à même temps sur la scène des Héros & des bouffons, agissant & parlant, ou ensemble, ou alternativement, dont l’un contrefaisoit, parodioit & ridiculisoit l’autre.
Or les Héros & les Héroïnes de Comminges & d’Euphémie sont de vrais hypocrites, des tartuffes très-dangereux, d’autant plus scandaleux, que c’est sous l’habit religieux & le caractère sacerdotal qu’ils sont des scélérats.
Un Anglais, en se noyant de punch & de thé, s’amuse à règler l’Etat, fronde le Ministère, & souscrit pour Wilkes ; le Germain oublie tout à force de rasades ; le Français existe par les femmes : si quelquefois elles l’amolissent, plus souvent encore un coup-d’œil, un sourire de leur part ont suffi pour faire des héros. […] La Grèce libre put voir avec satisfaction la fabuleuse histoire des familles de ses Rois qui s’étaient entredétruites, lorsqu’on représentait les Œdipe, les Agamemnon, les Atrée, les Eriphile : mais avec quels transports n’admira-t-elle pas, dans les Perses d’Eschyle, les Héros auxquels elle devait sa liberté ?
Le Public relira avec la même satisfaction le voyage et les erreurs de ce nouvel Ulysse chanté dans votre charmante Iliade, aussi excellente dans le genre comique, que celle du Poète Grec dans l’Héroïque, et fort supérieure à son Poème insipide du Combat des Rats et des Grenouilles, dont le style languissant et froid ne saurait être comparé au style vif et enjoué de votre Héros, et dans le ton de la bonne plaisanterie, soutenu jusqu’au dernier vers.
Je ne pardonne point aux panégiristes & aux adulateurs la comparaison qu’ils font de leurs héros & de leurs héroïnes avec les dieux du paganisme & de certains hommes célebres de l’antiquité. […] Les grecs lui ont donné une signification riante : c’est chez eux une allée d’arbres, une feuillée, un berceau de branches, un bosquet, sous lesquels on jouoit, dansoit, chantoit ; ce qui est bien plus analogue au théatre, puisque toutes les aventures des dieux, des déesses, des héros, se sont passées à la campagne, à l’ombre de quelques arbres. […] Ce portrait affreux des effets du spectacles, ce mépris insultant des hordes des histrions ne sont pas d’un homme suspect de morale sévere, ni en faveur d’un héros trop zélé catholique, ni hasardé sans conséquence dans un ouvrage frivole & obscur, ni approuvé par des juges prévenus contre la comédie, ni se glissant furtivement sous la main d’un écrivain peu attentif : c’est l’approbation la plus réfléchie, la plus éclatante, la plus authentique ; l’Académie la plus éclairée la confirme par un prix glorieux qui n’est destiné qu’au mérite d’un ouvrage supérieur à celui de ses concurrens.
Ils sont assurés de faire finir celle de leur Héros & de leur Héroïne avec le cinquieme Acte, & que les Comédiens ne diront que ce qui est dans leur rôle ; mais le cœur ému par cette représentation, n’a pas les mêmes bornes. […] Les Poëtes se rendant d’abord les esclaves de ces funestes maximes, en composent tout le mérite de leurs Héros. […] L’Héroïne de ce Roman est la Vicomtesse de Senanges. […] Voudriez-vous avoir de pareilles héroïnes pour filles & pour femmes ? […] L’humilité & la patience de nos Saints sont trop contraires aux vertus des Héros Dramatiques.
Terpsicore auroit du y paroître : M. de la Harpe avoue qu’il y a bien des scénes épisodiques, forts étrangeres, qu’il eût mieux valu rapeller les chefs-d’œuvres du héros, & les traits brillans de ses piéces ; c’est en effet le seul mérite d’un poëte, dont les mœurs & la réligion ne feront jamais l’apothéose. […] Quoiqu’il en soit, l’auteur aussi embarrassé que son héros, ne sachant comment se tirer d’affaire, dit, d’un ton attendrissant, n’ayant rien trouvé pour bâtir une comédie, nous ne pouvons honorer un bon pere, qu’en lui présentant ses-enfans tous bien pauvres, n’ayant que la robe que ce bon pere leur donna il y a cent ans, elle est bien usée. […] Là-dessus, le sieur la Harpe, raporte des vers de sa façon, faits depuis quelque tems, qu’il veut arracher à l’oubli où ils étoient tombés, & où ils vont retomber : en voici quelques-uns sur Corneile & sur Voltaire, & par conséquent sur Moliere, le héros de la fête, & qui les vaut bien ; il compare les dramatiques à Turenne.
Un Capitaine de voleurs en est le héros. […] M. de la Place, dans sa tragédie de Jeanne d’Arcq, dit des Anglois : Chez ce peuple rebelle à l’absolu pouvoir Le Héros du matin n’est qu’un tyran le soir.
Le Héros d’un Roman devient insupportable s’il reste vertueux jusqu’au dénouement ; il faut pour piquer le Lecteur à moitié endormi, lui prêter des vices qu’il n’a jamais eu pour le satisfaire. […] Non, la lecture entière de l’Héroïne de Domremi 45 ne pourrait expier tant d’audace. […] Du reste, ajoute-t-il, les sujets sont tout-à-fait moraux, & surtout relevés par les exemples fameux des Philosophes & des Héros de l’antiquité chinoise. » On voit de même chez les célèbres Incas du Pérou des Pièces régulières. […] Les sujets des Tragédies étaient les exploits & les victoires de leurs Rois & de leurs Héros. […] Combien de Héros cimentèrent de leur sang cette puissance détruite.
Le dévouement des héros de Calais a remué tous les cœurs de la Nation.
L’un métamorphosant les femmes mêmes en autant de Héros, leur avoit donné une ame véritablement Tragique ; l’autre rabbaissant ses Héros presque au rang des Héroïnes, leur fit soupirer des sentimens d’Elegie. […] Dans le feu des batailles sanglantes où leurs Alexandres & leurs Mithridates combattoient, les uns pour la gloire, les autres pour le Sceptre, ils rappelerent ces Héros à des contestations déplacées sur les intérêts d’une folle passion. […] Les Amazones Theatrales, si sçavantes à manier les armes dont je parle, le cédent-elles à leurs Héros dans cet art homicide ?
Les queues des Princes & des Princesses y remplissent un grand espace, obligent les acteurs à se tenir écartés, & balayent réellement le théatre en le traversant : Longo Symare verrit humum ; pensée que Boileau n’a fait que traduire : Le vaste terrain qu’on occupe, la vaste étoffe qu’on déploie, agrandissent, impriment une majesté frappante, présentent un héros & une héroine. […] Hercule, le plus fameux des héros de l’antiquité, s’habilla de la peau du Lion de Némée qu’il avoit vaincu.
De quel œil penses-tu que ta Sainte verra D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse, Ces danses, ces Héros à voix luxurieuse, Entendra ces discours sur l’amour seul roulans, Saura d’eux qu’à l’amour, comme au seul Dieu suprême, Il faut immoler tout, jusqu’à la vertu même, Qu’on ne sauroit trop tôt se laisser enflammer, Qu’on n’a reçû du ciel un cœur que pour aimer, Et tous ces lieux communs de morale lubrique Que Lulli réchauffa des sons de sa musique ? […] On donne au-delà du Rhin des embellissemens à la scène, qu’on ne connoît pas à Paris ; c’est un théatre, ou plûtôt une place immense, où l’on fait rouler les carrosses des Dieux & des Héros, & les charrettes du peuple, où l’on tient des foires, où un régiment de Cavalerie fait des évolutions sur de vrais chevaux, non sur des haquenées de carton, &c.
Vous trouvez d’abord son titre outré, car un Misanthrope selon vous doit être un monstre, un enragé, un Démon tel que le héros de La Vie est un songe. […] Celui-ci mérite-t-il d’exister après que votre Héros a dit qu’il déteste les hommes ?
Ce n’est plus une héroïne inspirée de Dieu, qui entreprend avec courage, exécute avec fermeté ; c’est une aventurière étonnée, troublée, inquiète, incertaine, qui porte l’empreinte de la faiblesse et de la témérité. […] Le rôle infâme de courtisane qu’il fait jouer, pour tenter ce Saint, à la Princesse Héroïne de la pièce, suffisait pour la faire mépriser.
L’héroïne du poème n’est, selon Fontenelle, « qu’une Princesse assez mal morigénée», le Roi son père un imbécile, son amant une espèce de fou qui fait le bel esprit. […] Corneille m’attaque en Soldat ou en Capitaine, il verra que je sais me défendre de bonne grâce. » Corneille, qui n’était brave qu’en vers, répond moins en Héros qu’en Poète, et au lieu de tenir les discours qu’il met dans la bouche de Rodrigue et des autres braves de sa pièce, il lui dit modestement : « Je ne doute ni de votre noblesse ni de votre vaillance, mais il n’est pas question de savoir de combien vous êtes plus noble et plus vaillant que moi, pour juger si le Cid vaut mieux que vos pièces ; je ne suis point homme d’éclaircissement, vous êtes en sûreté de ce côté-là, etc. » Le Cardinal triomphait de cette guerre littéraire, dont il était le secret mobile ; il animait les combattants, et se déclarait pour Scudery contre Corneille.
Un héros amoureux donne du prix à la galanterie, et en fait disparaître le crime. […] L'amour de la gloire est le sentiment des Héros, le seul mobile des grands cœurs.
Il parle du Théatre, il ne pouvoit guere s’en défendre, en faisant venir son Héros à Athenes, mais ce n’est qu’en passant, & comme d’un mal que bien des gens jugent nécessaire, par un ancien préjuge, que je crois faux, mais qu’il est presque impossible de déraciner dans une capitale opulente & voluptueuse, où la plupart des gens oisifs & frivoles ne savent que faire de leur temps. […] L’un avoit un génie noble, élevé sécond, énergique, plein de force, faisant des Héros de tous ses personnages. […] le masque tombe, l’homme reste, & le héros s’évanouit.