Si on veut connaître les processions licencieuses, les farces indécentes et les représentations profanes que les jésuites se permirent à diverses époques, on pourra en prendre connaissance dans le livre des Comédiens et du Clergé, aux pages 136, 142, 143 et 144. […] Ce qui a été dit plus haut sur la corruption des prêtres comédiens, est prouvé par les canons des conciles de Carthage, de Mayence, de Tours, de Reims, de Chalon-sur-Saône m, etc., qui défendaient au clergé de jouer la comédie et d’assister à des représentations théâtrales.
Quant à la Femme-jalouse, on ne peut se lasser de la relire : quel effet cette Pièce n’aurait-elle pas, si la Représentation l’animait ?
Lonvai essuya pendant quatre ans tant de difficultés qu’il renonça à la représentation, & fit imprimer son drame, qui fut fort bien reçu. […] Ces Spartiates coquettes & petits-maîtres furent hués de tout le monde : malgré les représentations de l’auteur, on ne voulut rien changer : la piece tomba. […] J’ai eu bien de la peine de la lire jusqu’au bout, & je suis étonnée que les Magistrats aient permis la représentation d’une satyre personnelle. […] La piece tomba, & la troisieme représentation qui avoit été annoncée n’a pas eu lieu. […] Faudra-t-il que le Public perde les avantages qui auroient pu résulter pour les mœurs de la représentation d’un ouvrage devenu si nécessaire ?
Direz-vous que l’ambition et; le fanatisme sont flattés dans la représentation de Mahomet, parcequ’Omar est le protocole de son faux Prophéte ? […] Moliere n’avoit pas eu tort de donner son Misantrope, mais il auroit dû en faire présentir la premiere représentation, et; sa piéce n’y seroit pas tombée. […] Soyez donc tranquille sur les effets de la représentation de cette Tragédie. […] La représentation de quelque fait que ce puisse être, pourra-t-elle être mise en paralléle avec la réalité d’un mal aussi grand que celui de l’homicide ? […] Ie doute, en un mot, qu’il soit possible de mieux apprendre à se méfier des Hypocrites que par la représentation de cette piéce.
Le Procureur, attaqué d’une maladie mortelle, se fit porter à la représentation (c’étoit bien le temps d’aller à la comédie). […] Il mit Photius à sa place, qui eut la lâcheté d’applaudir à ces infames représentations contre un Saint dont il avoit usurpé la dignité. […] Huet dit qu’il y a dans l’Ecriture des paraboles, des allégories, des ironies qui sont de petites représentations, des peintures, des dialogues dans le Cantique des Cantiques qui semblent de petites scènes ; il a même fait l’églogue ingénieuse Mimus, où il explique l’adresse des Pantomimes à contrefaire : donc il approuve la comédie ? […] L’appareil du théatre, les maximes, les objets, les représentations, fournissent au tentateur les armes les plus fortes & les plus dangereuses.
Il faut que ce soit, non des comédies toujours plus libres, plus malignes, plus frivoles, mais des représentations sérieuses de quelques histoires, qu’on ne prenne jamais des sujets de l’Ecriture, qui ne doivent pas être mis sur la scène. […] La malignité ajoute que les écoliers les mieux faits y sont habillés en femmes, avec du rouge, des mouches ; qu’à l’occasion de ces représentations les femmes entrent, se répandent dans les pensionnats et les collèges, se placent à une fenêtre pour voir la pièce, qu’elles vont dans les chambres des écoliers, des Religieux, y sont accueillies et régalées ; que tout cela est précédé, accompagné, suivi d’un nombre infini de visites, de conversations, de repas, de lectures, qui ne sont rien moins que des leçons de spiritualité, et qui font perdre un temps infini aux Régents, aux acteurs, à toute la classe ; qu’on y appelle des acteurs, des danseurs, des violons de l’opéra, qui se mêlent avec les écoliers, et ne les conduisent point à la plus haute sainteté. […] « On voit des représentations innocentes : qui sera assez rigoureux pour condamner dans les collèges celles d’une jeunesse réglée, à qui les maîtres proposent ces exercices pour leur aider à former leur style ou leur action, et leur donner à la fin de l’année quelque honnête relâchement ? […] « Que les tragédies et les comédies, qui ne doivent être qu’en latin, et dont l’usage doit être très rare, aient un sujet saint et pieux ; que les intermèdes des actes soient tous latins, et n’aient rien qui s’éloigne de la bienséance ; qu’on n’y introduise aucun personnage de femme ni jamais l’habit de ce sexe. » On trouve cent traits de cette sagesse dans les règlements de ce vénérable Institut, et on voit en particulier sur les pièces de théâtre, qu’avec toutes les précautions qu’on y apporte pour éloigner tous les abus de ces représentations, le meilleur est après tout qu’elles soient très rares.
ils achetèrent ensuite la place et les masures de l’ancien Hôtel de Bourgogne, où ils bâtirent et y élevèrent un théâtre, pour y continuer leurs représentations qui dégénérèrent et devinrent bientôt profanes : de sorte que le Parlement leur défendit par un Arrêt, rendu en 1548. de continuer à représenter le Mystère de la Passion et autres sacrés Mystères : Ils cessèrent donc leurs représentations ; mais au lieu d’en demeurer là, ils louèrent aux Comédiens Français et Italiens, leur théâtre et ce qui en dépendait, à l’exception d’une loge qu’ils s’y réservèrent : et enfin en 1676. le revenu de cette Confrérie fut uni à l’Hôpital Général. […] Il est donc vrai de dire qu’il ne parle que des seuls jeux de théâtre qui, comme il le dit, sont en quelque manière utiles ou nécessaires au soulagement des peines de la vie, entre lesquels il met les représentations de chasse. […] que la différence qu’il doit y avoir entre les habillements ordinaires qui sont propres aux deux sexes, et qu’il ne spécifie pas le changement qui s’en fait dans la représentation des pièces de théâtre ; mais la maxime qu’il établit, en disant, que c’est une chose mauvaise de sa nature, de se vitiosum est, que les hommes se travestissent en femmes, ou les femmes en hommes, suffit pour condamner cette pratique, excepté dans le cas de nécessité, où la Loi n’oblige pas.
Si les Tragédies et les Comédies sont des représentations de crimes et de passions déréglées, elles sont sanglantes, lascives, impies, et d'une dépense désordonnée, car la représentation d'un crime énorme, ou d'une chose honteuse n'est point meilleure que ce qu'elle représente: Comme il n'est point permis d'approuver un crime dans l'action qui le commet, il n'est pas aussi permis de l'approuver dans les paroles qui nous le font connaître. […] Je crois que les représentations du Cirque, du Théâtre, de l'Amphithéâtre, et tous les efforts de l'industrie des hommes, n'égalent point ces Spectacles.
La Tragédie dont la fin est d’exciter deux Passions qui peuvent rendre les Hommes meilleurs, ne devient dangereuse que par la faute des Poëtes, & la nature des Représentations.
La représentation des pièces de théâtre est plus dangereuse que la lecture. 108 Chap.
Il suit de-là que l’on approuve tout ce qu’on souffre sur le Théâtre ; on ne hait donc pas les galanteries qui s’y produisent, on aime des représentations qui inspirent la tendresse, qui apprennent le langage séduisant de l’amour ; cette passion infâme paroît avec honneur sur la scéne, on fait gloire d’en être touché. […] Les vertus vraiment chrétiennes ne sont nullement assorties au Théâtre, les Auteurs dramatiques ont été forcés de les farder pour s’accommoder au goût du Parterre, cette profanation a fait défendre la représentation des choses saintes, comme étant plus propres à scandaliser, sous ce déguisement, qu’à l’édification des fidéles.
Cette intention ne garantit pas des mauvais effets des passions qui triomphent sur le théâtre ; c’est toujours le cœur qui prend le plus de part aux spectacles ; il en est même pour cette raison le premier juge, puisque ce n’est que relativement à l’émotion qu’on y éprouve, qu’on applaudit plus ou moins à la représentation, si on se sent plus fortement ému par le vif intérêt que l’on prend à l’action ; si on se sent transporté sur le lieu de la scène, et comme dans la situation du personnage qui nous attache le plus ; si on l’entend parler, et si on le voit agir comme on parlerait et comme on agirait soi-même, étant animé de la même passion : alors le cœur prononce que le poète et les acteurs ont bien réussi à intéresser les spectateurs. […] Peut-être même qu’en recherchant la mécanique des pièces qui ont fait le plus de bruit, on trouvera que c’est en elles un fonds de ce même libertinage qui produit dans la représentation je ne sais quelle espèce d’illusion et d’ensorcellement.
Pour le quatrième examen, il sera fait par un des Comédiens du Conseil, et aura pour objet tout ce qui concerne l’exécution théâtrale ; sur quoi les Comédiens sont plus en état que personne de juger : il examinera sévèrement les plaisanteries, et surtout les équivoques d’un certain genre, qui ne percent pas aisément à la lecture, mais qui frappent à la représentation ; parce que souvent ils dépendent plus du geste que des paroles. […] Supposé pourtant que les chambrées diminuent, et que la plus grande partie des Spectateurs d’aujourd’hui, sans être remplacés par d’autres, ne veuille point assister à des représentations qui lui paraîtraient insipides, cet inconvenient ne durerait pas longtemps.
Puisque ces deux Passions portent les hommes à la vertu, Aristote n’a pu penser que la Tragédie les excite pour les purger, & la Tragédie ayant une fin utile, ne devient dangereuse que par la faute des Poëtes, & la nature des Représentations.
La Comédie, disent-ils, est une représentation d'actions et de paroles comme présentes ; quel mal y a-t-il en cela ?
Dans ce siècle où le plaisir est une affaire si importante, que tous les raffinements de la civilisation semblent n’avoir que ce seul but, on ne manquera pas, peut-être, de taxer d’insensée et de présomptueuse une entreprise qui a pour objet d’appeler l’attention du public sur les écrits de certains personnages qui se sont prononcés contre les représentations théâtrales, lesquelles attirent de nos jours une si prodigieuse affluence et sont l’objet d’un si étrange empressement.
C'est pourquoi quelque soin que l'on prenne de séparer de la Comédie et des Romans ces images de dérèglements honteux, l'on n'en ôtera jamais le danger, puisque l'on y voit toujours une vive représentation de cette attache passionnée des hommes envers les femmes, qui ne peut être innocente; et que l'on n'empêchera jamais que les femmes ne se remplissent de l'objet du plaisir qu'il y a d'être aimées et d'être adorées d'un homme ; ce qui n'est pas moins dangereux ni moins contagieux pour elles que les images des désordres visibles et criminels.
La Comédie, disent-ils, est une représentation d'actions et de paroles comme présentes.
C'est pourquoi, quelque soin que l'on prenne de séparer de la Comédie et des Romans ces images des dérèglements honteux, l'on n'en ôtera jamais le danger, puisque l'on y voit toujours une vive représentation de cette attache passionnée des hommes envers les femmes, qui ne peut être innocente; et que l'on n'empêchera jamais que les femmes ne s'y remplissent du plaisir qu'il y a d'être aimées et d'être adorées d'un homme ; ce qui n'est pas moins dangereux, ni moins contagieux pour elles que les images des désordres visibles et criminels.
Autrefois, dites-vous… Oui, j’avoue qu’il étoit autrefois des spectacles infames par eux-même, spectacles même d’une infamie groffrere, spectacles qui eussent fait rougir les fronts les plus endurcis au crime, spectacles crimes plutôt eux-mêmes que représentations de crimes ; les ai-je peint de couleurs assez noires ? […] Ces abominations grossieres, ce n’étoient pas, sans doute, ces chef-d’œuvres de l’Antiquité, dont notre siecle a emprunté ce qui a paru de plus merveilleux sur nos théâtres ; & ce sont ces chef-d’œuvres de l’antiquité, que Tertullien, Saint Augustin, Saint Clément d’Alexandrie nomment dans le détail, & dont les représentations sont traitées par Tertullien d’inventions diaboliques, auxquelles Saint Augustin s’accuse d’avoir assisté, comme d’un des plus grands péchés & de la source même de tous les péchés de la jeunesse, & que Saint Clément d’Alexandrie défend à tout Chrétien sans réserve & sans exception. […] Sommes-nous, disoit-il aux Idolâtres de son siecle, des ambitieux, des séditieux, des avares, des ennemis irréconciliables, nous qui ne pouvons souffrir, même sur vos théâtres, la seule représentation de ces vices ? […] Précisément, parce que rien, dit-il, n’est plus contraire à l’honnêteté publique & particuliere que d’imiter, soit par représentation, soit par fiction, ce qu’il ne peut jamais être permis de faire. […] De-là, comme remarque l’ingénieux Lactance, cette beauté, cette noblesse de sentiments, cette vivacité, cette diversité d’images, pour faire trouver les crimes plus charmants & plus aimables ; de-là cette magnificence, cette pompe de décorations, pour leur donner, plus d’appareil, un éclat plus frappant ; de-là cette liberté de fiction, pour en dégager la représentation de tout ce qu’ils eurent dans la réalité de rebutant & de hideux ; de-là cette exactitude de proportions & de vrai-semblances, pour exciter plus sûrement à l’imitation ; de-là cette politesse de langage, ces vers nombreux composés avec art, pour aider à les retenir plus aisément.
On rejette en partie sur les libertés et les indécences de l’ancien théâtre les invectives des Pères contre les représentations et les jeux scéniques.
Rien n’est plus dangereux que toutes nos représentations théatrales, elles mettent du faux dans l’esprit, elles échauffent l’imagination, affoiblissent la pudeur, mettent le désordre dans le cœur ; & pour peu qu’on ait de la disposition à la tendresse, on en hâte & on précipite le penchant ; on augmente le charme, & l’illusion de l’amour est d’autant plus dangereux, qu’il est plus adouci & plus modeste. […] C’est avec le même zele que Clément XIII renouvella la défense faite aux Ecclésiastiques d’assister aux représentations scandaleuses des Théatres. […] Quelles impressions peuvent faire sur le cœur novice & tendre d’une jeune fille les exemples séducteurs que lui montrent tant de drames, à la représentation desquels ses parens ont eux-mêmes la folie de la conduire ? […] Madame Anne-Henriette de France disoit un jour à une personne qu’elle honoroit de sa confiance, qu’elle ne concevoit pas comment ou pouvoit goûter quelque plaisir aux représentations du Théatre, que pour elle c’étoit un vrai supplice : la personne à qui elle parloit ainsi, marqua de l’étonnement, & prit la liberté de lui en demander la raison ; je vous avoue (lui répondit cette excellente Princesse) que quelque gaie que je sois en allant à la Comédie, si-tôt que je vois les premiers acteurs paroître sur la scene, je tombe dans la plus profonde tristesse : voilà, me dis-je à moi-même, des hommes qui se damnent de propos délibéré pour me divertir ; cette réflexion m’occupe & m’absorbe toute entiere pendant le spectacle, quel plaisir pourrai-je goûter ?
La Baumelle (Vie de Maintenon) parlant de la représentation d’Esther à S. […] On doit juger aussi que son exemple dans ces circonstances ne met pas un si grand poids dans la balance en faveur des représentations théatrales les plus pieuses, même dans les communautés & les collèges. […] On distinguoit sur l’ancien théatre trois sortes de représentations, pour lesquelles on construisoit trois scènes différentes (Vitruve, L. […] Les pieces, les représentations qui les mettent dans le plus grand jour, sont des chef-d’œuvres.
A quoi il répond que sans doute en général, regarder la représentation de quelque chose n’est point un mal, mais que la vue des spectacles devient vicieuse, vitiosa redditur inspectio spectaculorum, parce que par ce moyen l’homme prend du goût & de l’inclination pour les vices d’impureté ou de cruauté : Per hæc homo fit pronus ad vitia lasciviæ vel crudelitatis. […] De toutes ces discussions théologiques il résulte que la comédie, envisagée dans la spéculation, par une abstraction métaphysique, n’étant que la représentation des actions humaines, est par elle-même indifférente, comme la peinture, la sculpture, l’histoire, le chant, &c. tout peint, tout imite : les enfans même savent contrefaire. […] Les représentations théatrales sont même plus dangereuses ; ce sont des peintures animées des passions, où des hommes & des femmes, vivant, agissant avec toutes les graces & les attraits du vice, sentent, expriment, font sentir tout ce que sentiroit le personnage qu’ils jouent. […] Ainsi le théatre regardé dans la pratique réelle, dans l’ordre moral, tel qu’il devroit être & ne sera jamais, tel qu’il ne devroit pas être & qu’il est & sera toujours, avec les circonstances qui précèdent, accompagnent, suivent la représentation, la fin qu’on s’y propose, les dispositions avec lesquelles on y va, les effets qu’il produit, d’une chose indifférente par sa nature, devient un divertissement très-dangereux, très-mauvais, qu’on ne peut se permettre en conscience.
Mais c’est le moindre défaut de ces Drames, qui ont le plus ordinairement pour objet la représentation d’une action merveilleuse. […] Les amateurs des Spectacles s’autorisoient de ces sortes de représentations. […] Je conviens que ceux-ci ne sont que des représentations domestiques, qu’on regarde comme d’étiquette. […] Qu’en pense le même Spectateur après la représentation ? […] « Que l’on consulte de même l’expérience sur les effets de la représentation de Zaïre.
Quand un Comédien s’en fait honneur, ou il se borne à l’art de la représentation, c’est-à-dire, à tout ce qui convient à soi-même, ou à la scène, pour bien imiter ses personnages ; ou il entend par là, l’art du Drame, qui lui-même comprend la critique. […] Nous allons nous convaincre, que non-seulement les Comédiens ont pris pour des chef-d’œuvres des Pièces qui n’ont pu avoir de seconde représentation ; mais encore ont regardé, comme indignes du Théatre, celles que le bon goût a placées au rang des chef-d’œuvres.
Quelle impression n’auroit pas fait sur lui la représentation des mêmes aventures par des marionnettes vivantes, les décorations, les machines ! […] Toutes ces folies qui sont dans le caractere du héros de la Manche, nous font sentir les ravages que cause la représentation des vices & des passions dans le cœur des spectateurs, dont les sentimens leur sont analogues.
Ce n’est pas qu’en métaphysique, cette séparation soit absolument impossible, ou comme parle l’école, qu’elle implique contradiction : disons plus, on voit en effet des représentations innocentes ; qui sera assez rigoureux pour condamner dans les collèges celles d’une jeunesse réglée à qui ses maîtres proposent de tels exercices pour leur aider à former ou leur style ou leur action, et en tout cas leur donner surtout à la fin de leur année quelque honnête relâchement ? […] « Que les tragédies et les comédies qui ne doivent être faites qu’en latin, et dont l’usage doit être très rare, aient un sujet saint et pieux : que les intermèdes des actes soient tous latins et n’aient rien qui s’éloigne de la bienséance, et qu’on n’y introduise aucun personnage de femme ni jamais l’habit de ce sexe. » En passant, on trouve cent traits de cette sagesse dans les règlements de ce vénérable institut : et on voit en particulier sur le sujet des pièces de théâtre qu’avec toutes les précautions qu’on y apporte pour éloigner tous les abus de semblables représentations, le meilleur est, après tout, qu’elles soient très rares.
Et toutefois il y a là une grave erreur ; car si l’on suit avec attention l’histoire dramatique des siècles postérieurs, il devient évident que c’est par une fâcheuse méprise qu’on a cru voir le berceau de nos comédiens modernes parmi ces troupes d’histrions anathématisés dès les premiers âges de l’ère chrétienne ; qu’on ne peut, sans mauvaise foi, les regarder comme les successeurs de ces derniers, et qu’il serait tout au plus permis de considérer comme tels ces acteurs en plein air, dont les parades précèdent dignement la représentation en cire de la Chaste Suzanne ou du Jugement de Salomon. […] Vers le milieu du dix-septième siècle même, des comédiens de province, qui fondèrent le théâtre du Marais où furent représentées les pièces de Jodelle, de Garnier et enfin de Corneille, se virent tenus à payer par chaque représentation un écu tournois aux Confrères de la Passion.
Que le levain du mécontentement fermente dans tous les cœurs ; qu’il est sans doute encore trop foible pour étouffer entierement notre passion pour les représentations théatrales ; mais que sans cesse accru par le spectacle des usurpations des Acteurs, & par l’abus qu’ils font de nos propres droits contre nous-mêmes, ce levain parviendra enfin à triompher d’un penchant qui nous humilie, & à nous inspirer autant d’aversion pour le Théatre que nous aurons eu de goût pour lui.
Ils auraient plus de raison que n’en avait ce Paysan, qui, étant à la représentation d’un Opéra-Sérieux, ôtait bonnement son chapeau, & tremblait de crainte, à chaque éclair qu’il apperçevait, & au bruit factice du tonnèrre.
Voyons si celui que vous faites de votre Héros lui ressemble : Le caractère du Prélat, dites-vous dans le Corps du Ballet, est une représentation des vertus qui éclatent le plus dans lui.
Dans le premier, c’est une représentation où l’intrigue, le jeu de théâtre, les situations sont les parties qui forment l’ensemble d’une pièce, parties nécessaires à la vérité, mais qui n’en sont que l’accessoire, destinées à intéresser le Spectateur, mais qui renversent quelquefois le but principal de la Comédie, savoir, la réformation des mœurs.
Réponse a l’objection qu’il faut trouver du relâchement à l’esprit humain : que celui qu’on lui veut donner par la représentation des passions est réprouvé même par les philosophes : beaux principes de Platon.
Voici les termes de ce Poète élégant & judicieux ; « Une Comédie où l’on rencontre des sentimens & des mœurs, quoi qu’elle soit sans grace, sans force & sans art, plait quelques fois d’avantage au Spectateur, & l’attache plus fortement que ces Vers magnifiques & harmonieux qui ne signifient rien5. » Je terminerai cet article par une remarque du Père Brumoy ; il semble conseiller aux Auteurs Dramatiques de ne se point donner la peine de bien écrire leurs Poèmes, parce que le Sublime du stile n’est jamais saisi aux représentations. […] Il est impossible que la représentation d’une action ne le trouble, ne l’agite, & n’aille ébranler fortement son ame. […] Je remarquerai pourtant qu’il est nécessaire de bien écrire un Drame au risque de n’être pas entendu pendant la représentation, ainsi que je le prouverai ailleurs.
Pourquoi prend-il plaisir ès simulacres et représentations de paillardise et souillure, afin qu’ayant mis bas toute modestie il soit plus hardi à commettre tels crimes ? […] Il compare le fait des femmes et filles débauchées, qui sont au bourdeau, avec la représentation des vilénies, qui se montrent ès spectacles et jeux publics. […] Il compare le fait des femmes et filles débauchées, qui sont au bourdeau, avec la représentation des vilénies, qui se montrent ès spectacles et jeux publics.
D’ailleurs la représentation d’un amour légitime, et la représentation d’un amour qui ne l’est pas, font presque le même effet, et n’excitent qu’un mouvement qui agit ensuite diversement, selon les différentes positions qu’il rencontre. […] Ils sont assurés de faire finir celles de leurs héros et de leurs héroïnes avec le cinquième acte, dit le prince de Contiu, et que les comédiens ne diront que ce qui est dans leurs rôles : mais le cœur, ému par cette représentation, n’a pas les mêmes bornes ; il n’agit pas par mesure : dès qu’il se trouve attiré par son objet, il s’y abandonne selon toute l’étendue de son inclination ; et souvent, après avoir résolu de ne pas pousser les passions plus avant que le héros de la comédie, il s’est trouvé bien loin de son compte ; l’esprit n’étant plein que d’aventures agréables et surprenantes, et de vers tendres, délicats et passionnés, fait que le cœur dévoué à tous ces sentiments n’est plus capable de se retenirv.
Tant de soins montraient l’importance que le gouvernement attachait aux représentations dramatiques, et l’intention manifeste d’associer les poètes à la cause des mœurs et des lois ; ils y furent longtemps fidèles. […] Voltaire, qu’autorisait l’exemple d’Euripide, ne le suivit pas en tout ; plus délicat dans le choix de ses sujets, il rejeta en général ces grands coupables qui ne peuvent rapprocher de la vertu que par l’horreur qu’ils inspirent, mais qui peuvent aussi faire avancer dans le crime. « Il y a du bon dans cette pièce , disait un avare assistant à l’une des représentations de Molière, elle offre d’utiles leçons d’économie. » La répugnance de Voltaire à donner au public cette dangereuse instruction, mérite notre reconnaissance ; son respect pour les mœurs, nos éloges et notre admiration ; car, il faut le dire, le vice alors infectait la nation, et siégeait impudent au conseil de son roi. […] Que l’on interroge tous les jeunes gens qui ont assisté aux représentations de la Nonne sanglante ; on n’en trouvera peut-être pas un qui ne dise que dans la position de Conrad il eût fait comme lui ; qu’il fallait nécessairement tuer Stella ou laisser périr Matilde, que conséquemment il n’y avait pas à hésiter.
Ils déplorent l’aveuglement de ceux qui croient qu’il n’y a pas de mal à assister avec plaisir et avec applaudissement à des représentations, d’où ils ne peuvent remporter que des imaginations honteuses et des desseins criminels. […] » Mais supposé qu’il n’y ait rien dans les comédies qui puisse blesser l’innocence des jeunes gens, ni exciter en eux des passions dangereuses : supposé que de trente pièces de théâtre il y en ait une qui ne blesse point ouvertement la pureté, et l’innocence : supposé qu’il n’y ait rien dans les ajustements, dans la nudité, et dans les gestes des Comédiennes, qui blesse la modestie, et qui ne réponde à la pureté et à la piété des vierges qu’elles représentent : supposé que les personnes qui y assistent ne puissent inspirer aux jeunes gens l’esprit du monde et de la vanité qui éclate dans leur manière de s’habiller, dans tous leurs gestes, et dans toutes leurs actions : supposé que tout ce qui se passe dans ces représentations malheureuses ne porte point au mal ; que les paroles, les habits, le marcher, la voix, les chants, les regards, les mouvements du corps, le son des instruments, les sujets mêmes et les intrigues des comédies, enfin que tout n’y soit point plein de poison, et n’y respire point l’impureté : Vous ne devez pourtant pas laisser d’empêcher vos enfants, de s’y trouver ; Hom. […] Il le faut, parce qu’encore qu’il n’y ait rien que de feint dans ces représentations, l’on ne laisse pas, comme remarque S.
On voit dans une seule représentation, cinq à six combats, autant de duels.
J’ai parlé ailleurs des amours surannés de Philoctète et de Jocaste :12 étant à Londres je lus ma Dissertation à M. de Voltaire qui, s’y trouvant nommé et critiqué, ne cessa pas de convenir que j’avais raison ; et qui me pria d’annoncer, lorsque je la ferais imprimer, qu’il était d’accord avec moi de tout ce que je disais : il ajouta qu’il avait senti lui-même ce défaut dans le cours des représentations, et qu’il était dans le dessein de le corriger, en retranchant le personnage de Philoctète pour y substituer Créon frère de Jocaste, ainsi que Sophocle l’a placé dans son Œdipe. […] Si l’on se rappellait que les deux enfants d’Inès de Castro, dans la Tragédie de M. de la Motte, ont fait rire tout le monde à la première représentation ; et que ces mêmes enfants ont fait couler les larmes de toute la France dans les trente ou quarante représentations que l’on donna tout de suite de cette Tragédie, on ne balancerait pas un instant à l’essayer. […] Je ne puis juger de la Tragédie de Médée, de M. de Longepierre, que par l’impression qu’elle m’a faite à la lecture, ne l’ayant jamais vue représentée : mais, si une longue expérience peut procurer cette sorte d’avantage ; j’ose dire que, par rapport à moi, la lecture ne diffère guère de la représentation.
Les Sages de la Grèce applaudissaient aux Tragedies de Sophocle & de ses rivaux ; ils se montraient dans le lieu de la représentation, confondus parmi les spectateurs. […] Qu’ils viennent aux représentations des Ouvrages de nos grands Maîtres ; ils verront la licence bannie d’un lieu qu’ils ont méprisé ; ils sentiront la vertu pénétrer insensiblement dans leur cœur ; ils apprendront à s’intéresser au sort des malheureux.
Et que ne doivent point perdre après tant de siecles, & devant nous les Tragédies Grecques, qui dépouillées de la magnificence de ces Représentations dont j’ai parlé, le sont encore de l’Harmonie d’une Déclamation, qui par la variété de la versification, devoit être une espece de Musique, & de leur véritable Musique, qui étoit celle de leurs Chœurs ? […] Le Peuple de Rome qui couroit à des combats de Gladiateurs, & le Peuple d’Athenes qui couroit à des Représentations Tragiques, étoient l’un & l’autre emportés par le même attrait.
Sans cesse on nous redit que le Théâtre en soi n’a rien d’illégitime ; que jamais il ne fut moins dangereux pour les mœurs ; qu’on n’y fait point de mal, qu’on en sort l’esprit aussi pur et le cœur aussi calme qu’on y était entré ; que c’est même une école de vertu ; que si les Pères et les Conciles se sont élevés avec tant de force contre les représentations théâtrales de leurs temps, c’est qu’elles offraient alors mille excès visiblement répréhensibles, qu’on a heureusement bannis des Spectacles d’aujourd’hui : qu’après tout il est bien étrange que nous veuillons être plus austères sur le maintien des bonnes mœurs, qu’on ne l’est sous les yeux du Souverain Pontife, à Rome même, « de qui nous avons appris notre Catéchisme, et où l’on ne croit pas que des Dialogues récités sur des planches soient des infamies diaboliques »2, comme s’exprime M. de Voltaire. […] Je me rappelle donc que dans le cours de nos études quelques-uns de mes Camarades trouvèrent le moyen d’assister à une représentation de cette Pièce. […] Ajoutons ce que nous lisons dans la Gazette de France du 19 Février 1759, du Règlement du Souverain Pontife Clément XIII, aujourd’hui régnant, qui défend aux Ecclésiastiques d’assister aux représentations qui se font sur des Théâtres publics.
C’est une des contradictions de nos mœurs, que d’un côté on ait laissé un reste d’infamie attaché aux Spectacles publics, et que de l’autre on ait regardé les représentations comme l’exercice le plus noble et le plus digne des personnes Royales.
La simple lecture de cette Pièce fait sentir qu’elle ne peut être admise sur un Théâtre où les mœurs sont respectés, d’autant plus que la représentation donne encore plus de force aux mauvais exemples qui n’y sont que trop répétés.
Les pieces de théatre sont écrites en François, d’un style léger & piquant, ne se lisent que pour s’amuser, ne présentent les passions que pour les faire goûter, ne sont entre les mains de tout le monde & sur la scène que pour être assaisonnées de tout l’agrément de la représentation. […] Ce sont encore là des preuves de décence & des titres en faveur du théatre, pour ne pas rougir de ces infamies & de cent autres de ce caractère, pour en soûtenir la représentation, pour en louer les Auteurs, applaudir aux Actrices qui ont le talent de les réaliser, & en charger les nouvelles publiques. […] Non, les Apologistes ont beau dire, le théatre n’est point changé, il est toûjours dans le même état, si même il n’a empiré ; les Actrices n’ont jamais été plus immodestes dans la représentation, ni plus dérangées dans leur conduite ; la compagnie qui s’y rend, est toûjours aussi libertine. […] S’il est des jours favorables à la beauté, c’est la représentation sur un théatre.
qu’une femme Demoiselle est une étrange affaire, et que mon mariage est une leçon bien parlante à tous les Paysans qui veulent s’élever au-dessus de leur condition, et s’allier, comme j’ai fait, à la maison d’un Gentilhomme etc. »cp Avouez donc Monsieur que, si vous eussiez porté de meilleurs yeux, ou plus de bonne volonté pour l’Auteur à la représentation de cette pièce, vous auriez mieux senti son objet, qui était d’avertir tous les roturiers opulents que leur richesse et leur vanité ne doivent pas les faire aspirer à des alliances nobles, s’ils ne veulent s’exposer aux mêmes chagrins que le pauvre George Dandin. […] Êtes-vous jamais sorti de la représentation de George Dandin bien épris de l’esprit et des talents d’Angélique ? […] Il n’y aura que les Jésuites du Paraguay qui ne trouvent pas un vicieux dans ce personnage : mais les honnêtes gens vous diront que le Tartuffe est pour eux un homme détestable et non pas un ridicule et qu’ils sont ravis que Molière ait démasqué si bien les hypocrites et que sa confiance ait triomphé des obstacles que leur malignité opposait à la représentation de cette Pièce. […] La lecture ou la représentation de ces Comédies n’est donc pas plus dangereuse que ces chansons bachiques qu’on entonne aux desserts de presque tous les repas joyeux, et qui pourtant n’ont jamais fait un ivrogne d’un buveur d’eau.
Toute la France fut étonnée, on cria de tous côtés ; la piété du Roi en défendit deux fois la représentation. […] Molière s’en prend à M. de Lamoignon, premier Président du Parlement de Paris, qu’il taxe d’hypocrite, et qu’il dit n’avoir empêché la représentation de la pièce, que parce qu’il y était joué. […] L’Aréopage ne se payait point de ces raisons, et plus d’une fois ce sage Tribunal défendit la composition et la représentation des pièces de théâtre dans toute la Grèce. […] L’Apôtre défend de prononcer le nom du crime ; pourrait-il en approuver l’intrigue, les sentiments, l’occasion, la représentation ?
Ce n’est pas même par hasard, par libertinage, par amour des plaisirs, que le royaume de la basoche fut établi ; c’est par de bonnes lettres patentes, scellées du grand sceau en cire jaune, en lacs de soie rouge et verte, bien et dûment vérifiées et enregistrées au Parlement, ouï, et ce requérant le Procureur général du Roi, et par une infinité d’arrêts de la Cour dont il a été fait un ample recueil, et notamment, ce qui est bien plus authentique, par des libéralités du Sénat, qui pour les aider à supporter les frais des représentations, leur donnait chaque fois une somme notable, à prendre, il est vrai, sur les amendes et confiscations, par un arrêt (rendu je pense en robes rouges). […] On ajoute que si les Trésoriers de la basoche fournissaient quelque somme pour les représentations, ils en répondraient en leur propre et privé nom, et seraient punis exemplairement. […] Parasols, autre Poète Provençal, composa la pièce dramatique la plus bizarre, dont la représentation dura cinq jours, qu’il dédia à l’Antipape. […] Les Basoches de province n’ont jamais fait grande figure dans le monde, ni ne se sont mêlées de représentations théâtrales.
Il est fort plaisant qu'on vienne débiter gravement les admirables effets sur les mœurs du récit d'une punition, et qu'on ne veuille en croire aucun dans la représentation du crime. […] On revient de ces représentations horribles avec moins d'horreur et de scrupule. […] Pourrait-on croire qu'un peuple entier dont les dehors sont si humains, se plaise à la représentation des malheurs et des crimes qui l'ont avili ou accablé dans ses semblables (c'est le brun sombre) ? […] Le monde n'est lui-même qu'un vain fantôme ; ses biens, ses honneurs, ses plaisirs, une ombre légère qui s'évanouit ; la scène, que l'image de ce fantôme, la représentation de cette ombre.
Ce bon mot excita de grands éclats de rire dans l’assemblée, & fit cesser la représentation. […] J’en appelle au témoignage de ceux qui suivent les Spectacles, si la représentation de cette piece n’inspire pas une vraie horreur de l’hypocrisie.
S’il est démontré que la durée de l’action doit être égale à celle de la représentation, le Poète aura soin aussi que l’intervalle d’un Acte à l’autre n’éxige pas un tems trop long, qui soit de beaucoup opposé à celui où le Théâtre reste vide. […] Ainsi les entre-Actes approcheront, autant qu’il sera possible, de l’intervalle réel qu’ils ont à la représentation ; l’on ne supposera point sur-tout qu’ils embrassent l’espace d’une nuit ou d’un jour.
Obtiennent des lettres patentes de Charles VI, pag. 90, et de François 1er en 1518, pag. 90 ; s’associent avec le prince des sots, chef de farceurs, pag. 97 ; se retirent à l’hôtel de Bourgogne et sont obligés par arrêt du parlement de Paris de 1548 de cesser la représentation des mystères, et de ne plus établir leurs comédies que sur des sujets profanes, pag. 101, ils cèdent leurs privilèges, pag. 103. […] Processions, messes et autres cérémonies religieuses pratiquées par le clergé, et dans lesquelles il commet des obscénités et des scandales qui sont bien plus nuisibles à la religion, que les représentations des comédies, pag. 201 et suivantes.
quand vous ne seriez pas blessé de ces représentations infâmes, n’est-ce rien que d’y attirer les autres par votre exemple ?
Mais il n’est pas nécessaire de donner le secours du chant et de la musique à des inclinations déjà trop puissantes par elles-mêmes ; et si vous dites que la seule représentation des passions agréables dans les tragédies d’un Corneille et d’un Racine, n’est pas dangereuse à la pudeur, vous démentez ce dernier, qui, occupé de sujets plus dignes de lui, renonce à sa Bérénice, que je nomme parce qu’elle vient la première à mon esprit ; et vous, qui vous dites Prêtre, vous le ramenez à ses premières erreurs.
Après la représentation d’Atrée, tragédie de Crébillon pleine d’horreur, on demandoit à l’auteur pourquoi il avoit adopté ce genre terrible ? […] le Batteux, qui dans le fonds n’approuve point les représentations théatrales dans les colléges, ajoute en les tolérant, ad duritiam cordis, comme Moïse en permettant le divorce & la pluralité des femmes, un conseil qui, bien examiné, détruit la tolérance même sur la distribution des rôles. […] Il est certain que c’est lui fare un tort irréparable, d’entretenir, d’exalter ses passions, de concentrer le vice dans son caractere, par la représentation de son personnage. […] En est-il quelqu’un à qui ces représentations ne fassent perdre le train de leurs études & beaucoup de temps, ne donnent un goût de dissipation ; &, par un autre inconvénient encore plus grand, en est-ils dont ils ne corrompent les mœurs ? […] Il en résulte que, pour les rôles vicieux, on doit pendant le temps de la préparation & de la représentation ; se rendre réellement méchant, orgueilleux, emporté, médisant, impudique, comme le rôle le demande.
« Toutes ces piéces de Théâtre, dit un célébre Auteur, ne sont que de vives représentations de passions, d’orgueil, d’ambition, de jalousie, de vengeance, & principalement de cette vertu Romaine, qui n’est autre chose qu’un furieux amour de soi-même.
Jugerait-on, en assistant à la représentation de leurs tragédies, qu’ils n’ont point pensé, en matière de religion, comme Sophocle et Euripide ?
L’Eglise de Jésus-Christ, interprète infaillible de la doctrine des mœurs, a fait, de la représentation et de la fréquentation des Spectacles, l’objet de ses censures : elle n’a rien oublié pour en éloigner ses enfants. […] Quiconque assiste à leurs représentations, contribue donc, pour sa part, à les retenir dans un état habituel de péché, et coopère à la perte éternelle de ces âmes rachetées du Sang de Jésus-Christ. […] « Il faut, dit Madame de Sévigné, des personnes innocentes, pour chanter les malheurs de Sion, et des âmes vertueuses, pour en voir avec fruit la représentation. » D’ailleurs, ces pièces saintes, de quelles autres pièces ne sont-elles pas ordinairement suivies ? […] Il nie que les représentations théâtrales soient nécessaires pour former le goût des Citoyens, leur donner la finesse du tact et la délicatesse du sentiment, ou qu’elles puissent jamais seconder la Morale, quand même l’on y verrait toujours le vice puni et la vertu récompensée. […] Un métier par lequel il se donne en représentation pour de l’argent, se soumet à l’ignominie et aux affronts qu’on achète le droit de lui faire, et met publiquement sa personne en vente.
Pour les consoler de cette privation, nous avons imaginé de donner un Recueil des meilleures Pieces du Théatre François, Tragique, Comique & Lyrique, & de suppléer, autant qu’il est possible, à la représentation théatrale par des estampes & des vignettes, où les mouvemens les plus intéressans de l’action soient mis sous les yeux du Lecteur. […] On pourroit faire relier les estampes separément, ou les distribuer dans une galerie, & dans son fauteuil ou en se promenant voir la représentation d’une piece à son choix ; toutes les nations sans entendre le François pourroient être à la Comédie Françoise. […] Richard III n’a pas été plus heureux à la seconde représentation, qui a été la derniere, malgré la protection des graves approbateurs, qui entendent aussi peu le théatre que le digeste, & ne peuvent l’entendre. […] Ils en présentent la liste au maître de la fête, qui choisit celle qui lui plait, & ils la jouent sur le champ, & peut-être y ajoutent ou changent quelque chose dans la représentation. […] On pourroit donc mettre une capitation sur chaque Acteur & Actrice, ou une somme sur chaque Troupe, créer des offices d’Acteur, faire payer les provisions, mettre un sol pour livre sur la recette des droits d’entrée, taxer chaque représentation, faire payer les pieces nouvelles, &c.
Ces précautions ne suffisent pas encore ; et malgré l’approbation du censeur, les réclamations d’un homme en place, d’un ambassadeur,5 d’un homme puissant suffisent pour empêcher la représentation. […] Si la censure existoit pour la représentation, l’auteur auroit toujours le droit de faire imprimer sa piece. […] Leblanc, fut défendue à la huitieme représentation, parce qu’on y voyoit la fille d’un roi prenant l’habit des vestales, et que, par une circonstance singuliere, Madame Louise, fille de Louis XV, venoit de se faire carmelite. […] On se rappelle la résistance de l’assemblée de la commune ; la lutte du district des Carmes et de celui des Cordeliers ; les bruits répandus que l’on s’égorgeroit dans la salle ; les pistolets que plusieurs spectateurs avoient dans leur poche, et cependant jamais représentation n’a été plus tranquille. […] Le directeur du spectacle doit soumettre chaque piece à la censure du lord Chamberlain 14 jours avant la premiere représentation, sous peine de 60 livres sterlings d’amende, environ 1200 livres de notre monnoie.
Que tout concoure à tromper les esprits : la représentation d’un Drame est, pour ainsi dire, un songe qui doit redouter le moment du réveil. […] La Critique ne se fait entendre que l’orsqu’on lui laisse le tems de supputer de lègers défauts ; mais quand l’action court, sans jamais s’arrêter, elle ne peut rien saisir, ou sa voix ne serait pas écoutée ; elle est même contrainte d’admirer ; & souvent elle s’étonne, à la lecture d’un Drame, des applaudissemens qu’elle prodiguait à sa représentation. […] Notre Opéra n’est que la représentation des mœurs de la populace ; son but est rempli en mettant sur la Scène un Bucheron, un Serrurier ; il lui suffit de les peindre tels qu’ils sont toujours.
Tout dialogue exécuté sur un Théâtre, sur quelque Sujet que ce fut, badin ou triste, fut appellé Comédie, nom qui est resté au lieu où se font ces Représentations & aux Acteurs. […] Nous avons vu dans l’Histoire de la Poësie Dramatique chez les Grecs, que leurs Poëtes furent obligés de faire succéder aux Représentations Tragiques, quelque Piéce plaisante, pour reveiller le Peuple qu’attristoit la Tragédie ; c’étoit pour une Populace qu’ils avoient cette complaisance : les Poëtes modernes traiterent leurs Spectateurs comme Peuple, quand ils eurent peur de les trop attrister. […] Ce récit peu favorable à la Mérope Italienne, & le jugement qui en est porté dans les Observations de l’Abbé Desfontaines, dans celles de Lazarini imprimées à Rome en 1743, & dans une Lettre écrite à M. de Voltaire qui se trouve dans ses Œuvres, fera demander pourquoi une Piéce qui produisit si peu d’effet à la Représentation, & dans laquelle les Critiques ont relevé tant de défauts, fut quand elle parut, si vantée par les Gens de Lettres de l’Italie, & même parmi nous.
Mais alors je prenais part à la joie de ces amants du Théâtre ; lors que par leurs artifices ils faisaient réussir leurs impudiques désirs, quoi qu'il n'y eût rien que de feint dans ces représentations, et ces Spectacles; et lors que ces amants étaient contraints de se séparer, je m'affligeais avec eux comme si j'eusse été touché de compassion, et toutefois je ne trouvais pas moins de plaisir dans l'un que dans l'autre. […] Et moi au contraire j'étais alors si misérable, que j'aimais à être touché de quelque douleur, et en cherchais des sujets, n'y ayant aucunes actions des Comédiens qui me plussent tant, et qui me charmassent davantage, que lors qu'ils me tiraient des larmes des yeux par la représentation de quelques malheurs étrangers et fabuleux qu'ils représentaient sur le Théâtre : Et faut-il s'en étonner, puisqu'étant alors une brebis malheureuse qui m'étais égarée en quittant votre troupeau, parce que je ne pouvais souffrir votre conduite, je me trouvais comme tout couvert de gale ? Voilà d'où procédait cet amour que j'avais pour les douleurs, lequel toutefois n'était pas tel que j'eusse désiré qu'elles eussent passé plus avant dans mon cœur et dans mon âme : car je n'eusse pas aimé à souffrir les choses que j'aimais à regarder ; mais j'étais bien aise que le récit et la représentation qui s'en faisait devant moi, m'égratignât un peu la peau, pour le dire ainsi ; quoi qu'en suite ; comme il arrive à ceux qui se grattent avec les ongles ; cette satisfaction passagère me causât une enfleure pleine d'inflammation d'où sortait du sang corrompu et de la boue.
Hébert, Curé de Versailles, de venir à la représentation de la tragédie d’Esther par les Demoiselles de S. […] Nos Ecclésiastiques ne donnent pas la comédie à leurs frais, mais ils y assistent et paient, souvent composent les pièces ; c’est pis qu’en donner la représentation. […] 51.) défend de regarder les représentations de théâtre, et même les danses, sous peine de déposition pour les Ecclésiastiques, et d’excommunication pour les laïques.
Ramire distingue dans la Comédie son essence, & ses accidens : dans son essence, rien d’absolument vicieux ; tout peut y être conforme aux régles de la plus exacte honnêteté, & il n’est pas impossible que la composition & la représentation d’une Comédie, n’ayent rien qui blesse la pudeur Chrétienne & la morale Evangélique. […] La représentation.
Représentation d’une Action héroïque, dont l’objet est d’exciter la terreur & la compassion. […] Il est certain que les hommes en général ne sont pas autant émus par l’action Théâtrale, qu’ils ne sont pas aussi livrés au Spectacle durant la Représentation des Comédies, que durant celle des Tragédies.
Sont-ce là des représentations auxquelles une honnête Femme puisse assister sans rougir ? […] Par ce moyen chaque Spectacle n’aurait que quatre Représentations par semaine, ce qui leur serait à tous également avantageux, et mettrait en même temps de l’ordre et de la variété dans les amusements du Public.
C’était un grand Peintre ; mais comme il ne visait qu’à faire sa réputation et sa fortune à force de plaire aux spectateurs, et comme il ne se souciait point du tout du but de la politique qui est d’inspirer aux citoyens par des traits de ridicule le mépris et l’indignation que méritent les vices et les défauts, il négligeait fort l’utilité publique pour ne songer qu’à son utilité particulière, aussi nous ne voyons pas que nos mœurs soient devenues beaucoup meilleures dans le fond depuis la représentation de ses comédies, je ne sais même si à tout peser on ne trouverait pas le contraire. […] Pour contenir les Auteurs et les Comédiens dans les règles des bienséances et des bonnes mœurs, il est à propos que deux de ces Commissaires de spectacles aient deux places de droit des plus commodes pour assister quand ils pourront aux représentations comme Censeurs publics.
Ce n’est que par la fuite que l’on défait ce monstre ; quelque mépris qu’on conçoive pour une action impure dont on voit la représentation, cette vue est seule capable de porter à la commettre. « Discitur adulterium, dum videtur.
Enfin on rapporte de la représentation de cette piece cette double instruction, que tout criminel contre sa conscience, est comme Mahomet, un homme détestable, & que l’emportement d’un zele inconsideré, peut conduire aux plus énormes attentats. […] J’ai assisté très-souvent aux représentations de l’Avare, jamais je n’ai vû rire, lorsque le fils d’Harpagon répond à son pere qu’il n’a que faire de ses dons. […] Un habitant de l’Attique, qu’auroit dû amollir la représentation familiere des Ouvrages de Sophocle, d’Euripide & d’Aristophane, se mesuroit sans crainte avec un farouche défenseur des bords de l’Eurotas. […] Nos généreux guerriers couroient affronter les plus grands périls à la tranchée ou au combat, au sortir d’une représentation du Prêjugé ou d’Alzire, sans avoir besoin qu’un Tyrtée moderne leur modulât sur sa flûte les différens tons de la valeur. […] Dans les Provinces ils consacrent, sans y être contraints, des représentations dans le cours de l’année aux besoins de l’indigence.
Et puisque la vertu cherche le jour, et désire d’être vue ; serions-nous méprisables d’étaler notre marchandise devant ceux qui n’en sauraient tirer que tout honneur et profit, et nous la louange de les servir, et nous évertuer de rappeler l’antiquité, imitant les plus capables d’entre les Grecs et les Romains ; comme un Euripide, un Néviusd, et dix mille autres qui charmaient les oreilles des spectateurs, par la naïve représentation de leurs comédies, trop plus agréables que les grands jeux Olympiques et Romains, où les plus ignorants pouvaient mériter le prix d’une insigne victoire.
Car dans cet état même elle ne plaît que parce qu’elle représente d’une manière vive et touchante ce que peuvent les passions de l’amour, de la vengeance et de l’ambition, dans leurs plus grands emportements ; et il est vrai qu’on ne prend plaisir à la représentation de ces passions, que parce qu’on aime les passions mêmes.
Celles-là sont plutôt pour donner un honnête divertissement, étant des représentations de choses bonnes et honnêtes, que pour offenser la chasteté.
Je crois qu’il est assez démontré, que la représentation des passions agréables porte naturellement au péché, quand ce ne serait qu’en flattant et en nourrissant de dessein prémédité la concupiscence qui en est le principe.
De ces principes, j’ai conclu ailleurs qu’on ne peut pas même permettre d’assister à la première représentation d’une Comédie. 1°.
On ne placerait jamais ni bancs, ni chaises sur le Théâtre : personne ne pourrait s’y tenir debout, parce que ce sont là autant d’inconvenients pour la représentation.
Laissez-les à ces hommes charnels, qui réalisent trop souvent les désordres dont ils vont voir au théâtre la représentation voluptueuse, & qui retrouvent dans les mœurs qu’on y expose la peinture de leur propre cœur. […] Car, mes Frères, c’est un principe certain & fondé sur la nature même de notre cœur, que nous ne pouvons aimer la représentation d’un objet odieux. […] Par conséquent lorsque vous vous plaisez à voir la représentation d’une intrigue amoureuse & à entendre le langage de la passion, c’est une preuve que cette passion n’est pas à vos yeux ce qu’elle est à ceux de la religion, c’est-à-dire, une passion honteuse & criminelle : & y a-t-il donc tant de distance entre approuver une passion, l’aimer & la ressentir ? En quoi consiste d’ailleurs le plaisir du Spectacle, & en quoi diffère-t-il de celui que pourroit vous procurer une représentation muette & inanimée ?
Les Comédiens, dit Turecrematal, sont des oiseaux de proie qui se jettent sur ceux que les passions livrent à leurs ongles crochus, pour les plumer et les dévorer, ou des chasseurs qui par la glu et l’hameçon de la volupté, les filets de la représentation, prennent les stupides oiseaux qui viennent à eux : « Sicut milvi volant ad rapiendum, Histriones insidiantur, ut possint rapere. » On y applique ce que dit le Sage ; une Actrice est un gouffre qui engloutit tout : « Puteus profundus os alienæ. » Qu’on leur donne tout au plus par charité, s’ils sont véritablement pauvres ; l’humanité regarde son semblable dans chaque homme, et la religion y respecte l’image de Dieu, quelque défigurée qu’elle soit par le vice. […] Ils n’ont pas de vrais besoins, et ils sont indignes de vos largesses, tandis qu’ils le font volontairement : « Da bono, et non recipias peccatorem. » Ce serait favoriser leur désordre et y participer, et vous rendre comptable des innombrables péchés qu’ils occasionnent : ce serait doublement y participer, « in crimine criminoso », selon l’expression des Canonistes, que d’acheter les plaisirs dangereux qu’ils procurent, en assistant à leurs pernicieuses représentations. […] Les continuelles bénédictions qu’il plaît à Dieu répandre sur notre règne, nous obligeant de plus en plus à faire tout ce qui dépend de nous pour retrancher tous les dérèglements par lesquels il peut être offensé ; la crainte que nous avons que les comédies qui se représentent utilement pour le divertissement des peuples, ne soient quelquefois accompagnées de représentations peu honnêtes, qui laissent de mauvaises impressions sur les esprits, fait que nous sommes résolus de donner les ordres requis pour éviter tels inconvénients. […] Et en cas que lesdits Comédiens règlent tellement les actions du théâtre, qu’elles soient du tout exemptes d’impureté, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public ; ce que nous faisons afin que le désir qu’ils auront d’éviter le reproche qu’on leur a fait jusqu’ici, leur donne autant de sujet de se contenir dans les termes de leur devoir, des représentations qu’ils feront, que la crainte des peines qui leur seraient inévitables, s’ils contrevenaient à la présente déclaration.
Dans les unes on s’apperçoit que le Poète par le ou fait agir, au lieu que l’autre est la représentation véritable des mœurs des habitans de la campagne. […] On les écoutait en bâillant, faute de mieux : il est certain que si l’on osait en hazarder de nos jours d’aussi éffroyablement longues, elles auraient bien de la peine à soutenir une seule représentation.
Et c'est pour cela que les Pères de l'ancienne Eglise n'ont pas seulement condamné les Théâtres des Païens par cette société qui rendait les Spectateurs complices d'une Idolâtrie si contraire et si pernicieuse à la foi du Christianisme, mais aussi par l'impudence des Acteurs, par les choses honteuses qui s'y représentaient, et par les discours malhonnêtes qui s'y récitaient ; et comme l'innocence des mœurs est de tous les temps, et qu'elle nous doit être aussi précieuse qu'aux Docteurs des premiers siècles, j'estime qu'il est à propos pour lever le scrupule que cette considération pourrait jeter dans les âmes touchées des sentiments de la piété de montrer ici deux choses : La première, qu'elle était parmi les Romains cette débauche effrénée des Jeux de la Scène, qui se trouva même par les Lois digne d'un châtiment plus sévère qu'une simple censure : Et la seconde, que la représentation des Poèmes Dramatiques fut toujours exempte de leur peine, comme elle n'était pas coupable de pareille turpitude. […] Pylade fut un des plus excellent ouvriers de ces représentations, et après qu'il eût quitté la scène par les infirmités de son âge, il se trouva présent au Théâtre, où son Disciple Hylas dansait un Episode d'Euripide, contenant quelque action du Roi Agamemnon, et comme Hylas voulut exprimer le nom de Grand, que le Poète lui donnait, il se guinda sur le bout des pieds, et leva les bras, dont Pylade se mit en colère, et l'accusa d'ignorance en son art.
On se laisse trop séduire aux représentations par le jeu des Acteurs. […] Quelquefois le Public se laisse trop séduire, sans doute, à l’art des Acteurs, à la pompe, à l’illusion de la représentation ; des Vers faibles, traînans ou montés sur de grands mots, lui paraissent admirables au Théâtre, parce qu’ils sont prononcés avec force & avec le feu du sentiment. […] Il est certain que le Spectateur est plus-en état de faire attention à la beauté des Vers, dans la chaleur d’une prémière représentation, qu’à la marche & qu’aux règles générales du Drame entier.
Germain, sur la représentation de leurs pièces. […] Dans ces représentations dévotes, des hommes se faisaient réellement déchirer à coups de fouet, couronner d’épines, attacher avec des cordes à une croix. […] Ils sont même accoutumés à des représentations théâtrales dont l’objet est bien différent ; ils s’en amusent dans leurs repas, et les méprisent.
Le troisième Jeu est celui des représentations des Comédies, qu’on doit avoir en horreur. […] Dans le Cid on parle d’un parricide commis, en ces termes : « Enfin n’attendez pas de mon affection, Un lâche repentir d’une belle action, Je la ferais encore, si j’avais à la faire. » Et la Fille du Père assassiné, loue l’assassin, « Tu n’a fait le devoir que d’un homme de bien. » On y trouve des Leçons de vengeance d’un Père à son Fils : « Va contre un arrogant éprouver ton courage, Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, Meurs, ou tue. » Dans Polyeucte cette Pièce prétendue sainte, on voit une Fille qui parle d’un Amant que ses parents ne voulaient pas qu’elle épousât : « Il possédait mon cœur, mes désirs, ma pensée, Je ne lui cachais point combien j’étais blessée, Nous soupirions ensemble et pleurions nos malheurs, Mais au lieu d’espérance il n’avait que des pleurs. » On dit qu’on a combattu le faux dévot dans le Tartuffe ; cependant après qu’on a détrompé Orgon, on le fait ainsi parler contre tous les gens de bien : « C’en est fait, je renonce à tous ces gens de bien, J’en aurai désormais un horreur effroyable, Et m’en vais devenir pour eux pire qu’un diable. » Dans le Festin de Pierre, on expose les maximes les plus impies ; et le tonnerre qui écrase l’Impie, fait moins d’impression sur les méchants qui assistent à cette malheureuse Représentation, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits. […] L’Excommunication des Comédiens a-t-elle été levée par la représentation de la Tragédie de Judith ?
Si les amateurs se bornoient à établir leurs princes sur le trône dramatique, & à transformer leurs actes & leurs scènes en traités complets de poésie, on les laisseroit s’applaudir de leur triomphe : mais, ce qui est le comble du ridicule & de l’indécence, ils veulent assurer à des comédiens l’empire philosophique, & transformer des drames dont la vertu suit la représentation, en traités parfaits de morale. […] Cette dame angloise, qui de Shakespear a fait une professeur en théologie morale, a une imagination plaisante : elle prétend que nos représentations théatrales répondent mieux que celles des anciens au but moral , que la sainteté du théatre se propose ; parceque les anciens alloient le matin à la comédie, nous y allons le soir ; les occupations, les dissipations de la journée en affoiblissoient, en détruisoient l’effet. […] Platon définit que la vertu peut prendre une forme visible ; la représentation en donne un à la vertu & au vice, les idées abstraites y prennent un corps, le contraste du caractere prête des forces à la morale ; nous sommes conduits à la vertu par elle-même. […] On peut en dire autant du vice, quand on le joue sur le théatre : il s’y revêt d’une forme visible ; la représentation le met sous les yeux, & des yeux au cœur, que la route est facile ! […] Quel est au contraire celui qu’il n’a perverti, avec sa belle morale mise en action par la représentation ?
Ils s’y montrèrent sublimes dans toutes les grandes expressions, dans ces tableaux frappants des infortunes humaines, dans ces actions terribles et déchirantes qui arrachent le cœur, ainsi que dans la représentation des sentiments les plus tendres, que nos actrices expriment avec une perfection et un charme, dont on peut à peine se faire une idée.
Entr’autres pourquoi, j’avais demandé si c’est parcequ’on y joue Tartuffe qu’il fallait proscrire le théâtre : vous répondez que c’est parcequ’on joue Joconde et le mari à bonnes fortunes, « pièces qu’une fille chaste ne peut, dites-vous, entendre sans rougir. » Je ne sais, Monsieur, si vous avez assisté à la représentation des pièces dont vous parlez ; mais ce que je sais bien, et ce que savent toutes les mères de famille, c’est que de jeunes personnes apprennent la musique de Joconde ou de toute autre pièce, sans donner beaucoup d’attention aux paroles ; et pour qu’elles fussent capables d’en faire l’application, il leur faudrait une expérience, que vous avez sans doute, mais que n’ont point l’innocence et la candeur. […] Mais de quelque beauté que brille ce chef-d’œuvre de Jean-Jacques, ma réponse sera toujours celle-ci : le même volume qui renferme sa lettre contre les théâtres, contient également ses pièces de théâtre ; et on lit à la note 66 de cette même lettre les paroles suivantes échappées à l’auteur du devin du village : « Je n’ai jamais manqué volontairement une représentation de Molière… J’aime la comédie à la passion… » Qu’en pensez-vous, M. le Laïc, et que diriez-vous si un personnage auguste s’était chargé de me fournir, par le courrier d’aujourd’hui, un argument de plus : lisez l’ordonnance du Roi du 8 décemb. 1824, qui a pour but de favoriser l’art dramatique et de procurer aux jeunes comédiens les avantages d’une instruction graduée.
Ils firent tout ce qu’ils purent, pour empêcher les représentations théâtrales. […] Je réponds d’abord que les représentations théâtrales des couvents & des colleges sont bien différentes du spectacle public.
Donnez aux pauvres, dit-il, exercez l’hospitalité, délivrez les prisonniers, soulagez les malades, aidez les vieillards ; voilà des largesses bien placées, aussi agréables à Dieu qu’honorables devant les hommes ; mais c’est une prodigalité condamnable que de faire de grands repas, de se livrer à la bonne chère et à l’intempérance : « Prodigum est sumptuesis effluere conviviis, et vino plurimo. » C’est une prodigalité condamnable d’employer son bien aux jeux du cirque et aux représentations théâtrales, à des gladiateurs et à des chasses ; rien de plus inutile et de plus frivole : « Proligum est ludis circencibus, vel etiam theatralibus muneribus gladiatorum, venationibus, patrimonium delapidare, cum totum illud sit inane. » Dans les observations sur le Prophète Agée (Tom. […] Plût à Dieu, dit-il, que ces réflexions pussent détourner les hommes des jeux du cirque et des représentations du théâtre !
C’est donc après un nouvel examen que j’abandonne cet ouvrage, quelque admirable qu’il me paraisse d’ailleurs, et que j’en fais le sacrifice à la juste délicatesse des bonnes mœurs, qui courraient, à mon avis, trop de risque si on en permettait la représentation. […] Je n’aurais pas même parlé de cette Tragédie, si Venceslas ne subsistait encore sur le Théâtre, pendant que les autres ouvrages de Rotrou sont abandonnés, et si de temps on n’en donnait la représentation : c’est apparemment par reconnaissance pour un ouvrage qui est du nombre de ceux dont la bonne Tragédie Française a reçu le ton, mais qu’elle a bien perfectionné depuis, surtout du côté des mœurs.
VII : « Des spectacles ou des représentations scéniques », p. 246-276. […] VII : « Des spectacles ou des représentations scéniques » ; art. […] de Gaule, Conviction véritable, 1607 • Gaule, André de (15..-16.. ; SJ) : Conviction véritable du récit fabuleux divulgué touchant la Représentation exhibée en face de toute la ville de Lyon, au collège de la Compagnie de Jésus, le 7. d’Aoust, de la présente année 1607, Lyon, Abraham Cloquemin, 1607, 29 p. […] Éditions modernes • (avec Anonyme , Récit touchant la Comedie, 1607) : « Conviction véritable du récit fabuleux divulgué touchant la représentation exhibée en face de toute la ville de Lyon, au collége de la Compagnie de Jésus, le 7 d’aoust de la présente année 1607. […] Valbelle d’Oraison, Représentations aux puissances ecclésiastiques, 1757 • Valbelle d’Oraison, Joseph-Alphonse-Omer de (1729-1778 ; comte de Tourves) : Représentations aux puissances ecclésiastiques en faveur de cette classe d’hommes frappés des anathèmes de l’Eglise qui les instruisent en les amusant agréablement, 1757.
J’ai vu dernièrement encore, une représentation de la Mérope, qui ne laissait rien à desirer, que plus de jeunesse à l’inimitable Actrice, dont le Théâtre ne réparera que difficilement la perte.
On compte à Rome au moins huit théâtres, où l’on rencontre journellement des ecclésiastiques, des moines et des prélats qui assistent aux représentations théâtrales.
6 Tout ce qui précède la représentation théâtrale fait penser aux jeunes personnes, qui y sont conduites pour la première fois, que ce que l’on va faire est quelque chose de respectable.
On vérifia les dates de leur naissance, on compulsa les livres des Imprimeurs sur l’année de leur impression, & les registres des troupes sur celles de leurs représentations : les admirateurs de Corneille prétendirent que Caldéron étoit venu à Paris, & avoit pu voir & copier cette piece. […] Une demoiselle de quinze à seize ans s’est avisée de donner pour bouquet à son pere, en lui souhaitant la bonne année au commencement de janvier, la représentation de deux opéras comiques, la Servante Maîtresse, & Annette & Lubin. […] Ce n’est qu’un jeu : ils ne s’interdisent pas la liberté d’insérer des pieces anciennes, ni même les nouvelles qu’ils recevront ; & de diminuer ou de multiplier à leur gré les représentations & les reprises de celles qui sont annoncées. […] A Noël on lâche des oiseaux dans les Eglises, aux Rois on mange le gâteau, on fait des rois de la fêve, à la Passion, à la Fête-Dieu on fait des représentations ; autrefois on dansoit, on jouoit des comédies, on donnoit des repas dans les églises.
C’étaient des Pélerins qui d’abord dans les Eglises et les cimetières, ensuite dans les maisons particulières, dans les places publiques, enfin sur un théâtre régulier pour le temps, voulaient mettre d’une manière sensible, sous les yeux d’un peuple grossier, des objets sublimes qu’il n’était pas en état de comprendre ; ce qu’on a souvent fait avec fruit dans les missions, par des tableaux allégoriques ou des représentations animées. […] Ce serait avoir un esprit iconoclaste de vouloir abolir toute représentation morte ou animée des choses saintes. […] Le mal avait gagné dans bien des Eglises, où certains jours de l’année, pour une plus grande solennité, on introduisait ces pieuses représentations, auxquelles dans la suite on mêla toute sorte d’extravagances, même pendant l’office divin, et par les Ecclésiastiques et les Religieux, avec la plus grande indécence ; ce qui les fit avec raison appeler la fête des Fous. […] Mais la représentation théâtrale réunit tout, enchérit, l’emporte sur tout : ce sont des hommes et des femmes véritables, qui parlent, sentent, agissent ; c’est à la fois la poésie, la danse, la musique, la peinture, la sculpture, mille fois plus vives que sous les plus savantes mains, puisqu’elles sont animées.
Quoi qu’il en soit, l’invention des Drames en récits, tant sérieux que comiques, fit abandonner l’Opéra, ou les simples représentations en chant. […] Les Italiens n’en sont pas moins estimables ; ils peuvent toujours passer pour les prémiers Auteurs des représentations en musique parmi les Peuples modernes. […] L’on vit danser aux représentations de plusieurs de ses Poèmes, tout ce qu’il y avait de plus distingué à la Cour. […] Pourquoi le Compositeur a-t-il le droit de faire graver sa musique, & les paroles du Poème, tandis que le prémier Auteur ne retire d’autres profits de son Ouvrage que celui des représentations ? […] La représentation d’un Drame sur les divers Théâtres, n’est retardée que par ce qu’il faut que chacun passe à son tour.
L’Eglise, les Souverains Pontifes, les Evêques souffriront-ils dans des Maisons Religieuses, ces sortes de Représentations, s’ils les croyoient nuisibles aux bonnes mœurs, sur-tout si la Religion les proscrivoit ? […] Je conclus de là, Monsieur, que la composition ni la représentation d’une Tragédie n’ont rien en soi de vicieux, ni qui puisse causer les regrets de l’Auteur, ou des Acteurs ; & que tout le mal, qui est très-grand quand il y en a, consiste dans l’espèce de la Tragédie, dans la qualité des Acteurs, & dans le lieu de la Représentation. […] Il n’est pas étonnant que des Acteurs employés à la représentation d’Ouvrages si scandaleux soient retranchés de la Communion des Fidèles. […] Mais, Monsieur, si l’on venoit à bout de procurer à cette réforme du Théatre & des Acteurs, plus d’étendue, plus de perfection encore que je n’imagine, les Casuistes austères continueroient-ils toujours de proscrire, comme péchés graves, & la composition d’Ouvrages pour le Spectacle, & l’assistance à leurs représentations ? […] Je ne doute point que l’Auteur ne se soit souvent repenti d’avoir fait cette Tragédie, dont la lecture est presque aussi dangereuse que la représentation.
L’Auteur l’arrête où il veut dans ses personnages par un trait de plume ; mais il ne l’arrête pas de même en ceux en qui il l’excite : la représentation d’un amour légitime, et celle d’un amour qui ne l’est pas, font presque le même effet, et n’excitent qu’un même mouvement, qui agit ensuite diversement, suivant les différentes dispositions qu’il rencontre ; et souvent même la représentation couverte de ce voile d’honneur est plus dangereuse, parce que l’esprit la regarde avec moins de précaution, qu’elle y est reçue avec moins d’horreur, et que le cœur s’y laisse aller avec moins de résistance. […] La force de la représentation prévaut sur celle de l’éducation. […] On ne conçoit pas comment M.F. ne sent pas la différence de ces Pièces avec celles de nos Théâtres, ni comment il peut demander pourquoi la représentation du même sujet dans les Collèges et sur le Théâtre public, est d’un côté une bonne action, et de l’autre un crime. […] Tout ce qu’on peut dire à M.F. et aux Comédiens, c’est que s’ils ne veulent pas que ce qui touche à leur Théâtre soit souillé, ils n’ont qu’à se conformer en tout aux représentations des Collèges ; on conviendra, quand ils n’en donneront que de semblables, qu’elles ne sont plus dignes de censure. […] [NDA] M.F. s’écrie dans ses Observations : « Pourquoi la représentation du même sujet dans les Collèges et sur le Théâtre public, est-il d’un côté une bonne action, et de l’autre un crime ?
» Avec quelle force ces Conciles se seraient-ils élevés contre de comiques Processions semblables à celle qu’on fait tous les ans à Aix le jour de la Fête-Dieu ; où les Mystères de l’Ancien et du Nouveau Testament sont déshonorés par des farces et des représentations indécentes ? Il paraît par un Concile de Sens de l’an 1486. que ces danses et ces représentations comiques se faisaient dans les Eglises et autres lieux sacrés. […] Ses représentations ne furent pas inutiles. […] Il y a même de grands Théologiens qui faisant un mauvais usage de leur loisir et de leur science, osent soutenir que les représentations des Comédies sont conformes au droit et à l’équité. […] Il faut observer que les représentations de ces Pièces Saintes se donnèrent d’abord dans les Eglises, et qu’ensuite elles furent jouées en divers endroits sur des Théâtres publics.
On l’a si bien cru à N…… où la Troupe en a donné plusieurs représentations, qu’on y a habillé les Vestales en Religieuses Bernardines, & le Grand Prêtre en Evêque, ce qui est absolument contre le costume. […] Les histoires du vieux Testament s’y accommodent mieux ; mais la représentation leur fait perdre de leur autorité, & diminue la vénération qu’on leur doit. […] Il y a eu je ne sais combien de représentations, il a été imprimé & débité avec succès : les gens de bien en ont gémi ; les Comédiens, dont la balance est dans la bourse, lui ont trouvé le plus grand mérite.
Dans l’usage ordinaire, on entend par le mot de spectacles tous les divertissemens que l’on donne au public, & plus particulierement les représentations du théâtre, opéra, comédie, tragédie, tragi-comédie, pastorale, ballets, &c. […] « Cette auguste Princesse, dit M. l’Abbé Clément, disoit un jour à une personne qu’elle honoroit de quelque confiance, qu’elle ne concevoit pas comment on pouvoit goûter quelque plaisir aux représentations du théâtre, que pour elle c’étoit un vrai supplice.
L’illusion se trouvant rarement dans les représentations théâtrales, nous ne les voyons que comme un jeu qui nous laisse presque entièrement à nous. […] Cette réflexion triste vient quelquefois troubler le plaisir que je goûte au Théâtre ; à travers les impressions agréables de la scène, j’aperçois de temps en temps malgré moi et avec une sorte de chagrin l’empreinte fâcheuse de son origine ; surtout dans ces moments de repos, où l’action suspendue et refroidie laissant l’imagination tranquille, ne montre plus que la représentation au lieu de la chose, et l’acteur au lieu du personnage. […] Il n’en est, ce me semble, aucune qui ne laisse dans notre âme après la représentation, quelque grande et utile leçon de morale plus ou moins développée. […] Si donc les peintures qu’on fait de l’amour sur nos Théâtres étaient dangereuses, ce ne pourrait être tout au plus que chez une nation déjà corrompue, à qui les remèdes même serviraient de poison ; aussi suis-je persuadé, malgré l’opinion contraire où vous êtes, que les représentations théâtrales sont plus utiles à un peuple qui a conservé ses mœurs, qu’à celui qui aurait perdu les siennes. […] Mais son effet n’est pas pour cela de nous faire préférer le vice au ridicule ; elle nous suppose pour le vice cette horreur qu’il inspire à toute âme bien née ; elle se sert même de cette horreur pour combattre nos travers ; et il est tout simple que le sentiment qu’elle suppose nous affecte moins (dans le moment de la représentation) que celui qu’elle cherche à exciter en nous ; sans que pour cela elle nous fasse prendre le change sur celui de ces deux sentiments qui doit dominer dans notre âme.
Enfin joignant le poids de l’autorité à la solidité des raisonnemens, ils vous démontreront que ces sortes de représentations ont été regardées par tous les Saints Peres comme un reste de Paganisme, le levain d’un culte sacrilége, & une école d’impureté.
Mes très chers Frères, Nous voyons avec douleur depuis quelque temps, l’affection et l’empressement que vous avez pour les Spectacles, que nous avons si souvent déclarés contraires à l’esprit du Christianisme, pernicieux aux bonnes mœurs, et féconds en mauvais exemples, où sous prétexte de représentations et de musiques innocentes par elles-mêmes, on excite les passions les plus dangereuses, et par des récits profanes et des manières indécentes, on offense la vertu des uns, et l’on corrompt celle des autres.
Auroient-elles assisté à la représentation de leur malheur & de leurs crimes ? […] Le vrai génie dramatique n’a aucun caractère propre, aucun style à lui, ni dans la composition, ni dans la représentation ; mais il prend tous ceux qu’il veut jouer, c’est un vrai Caméleon, qui prend toutes les couleurs des objets ; c’est un historien en action, qui n’est d’aucun pays, d’aucun siécle, d’aucun climat, mais de tous les pays, de tous les siécles & de tous les climats. […] Les comédiens, à Bordeaux & à Toulouse, sont obligés de donner une représentation pour l’hôpital ; ailleurs on a d’autres manieres de les rançonner : à Toulouse l’hôpital choisit le tems ; c’est ordinairement le carnaval, & la piéce, toujours sort libre, double moyen d’avoir du monde. […] Telle la tragedie de Fayel très-tragique certainement ; mais qui par les fureurs & par les barbaries d’un Energumene, soutenu depuis le commencement jusqu’à la fin, n’en est que plus desagréable, & si fort tragique, qu’elle est insoutenable, à la représentation, & à la lecture.
Ne semble-t-il pas avoir pris plaisir de faire, en la personne de Dom Juan, une peinture affreuse d’un vrai scélérat, qui n’est capable d’inspirer aux jeunes gens qui en voient la représentation, que des sentiments déshonnêtes, impies et de véritables Athées. […] Mais le tonnerre qui l’écrase, fait assurément bien moins d’impression sur le cœur des méchants qui assistent à la représentation de cette pernicieuse pièce, que les maximes détestables qu’on lui entend débiter, n’en font sur leurs esprits. […] Il est encore bon d’avertir ceux qui liront cet écrit, que quand en des traités semblables on fait voir que des Comédies anciennes étaient moins condamnables que celles de ce siècle, on ne prétend pas pourtant qu’elles soient excusables en elles-mêmes, et par rapport à leur représentation sur le théâtre, mais seulement qu’on peut les lire avec moins de danger que les notres, étant même souvent une nécessité de le faire à ceux qui veulent bien apprendre les langues Grecque et Latine.
Je remarque seulement que Lamarre, à l’endroit cité, rapporte le brevet du Roi, qui applique à l’Hôtel-Dieu le sixième du produit des représentations, et (Tom. […] A la veille de la première représentation, Ramponeau, qui avait fait ailleurs un nouveau marché où il trouvait mieux son compte, fit signifier à Gaudron un acte, où prenant le ton dévot, il lui déclare qu’« il ne peut faire son salut en exécutant ses promesses, et que le zèle avec lequel il veut travailler à conserver ses bonnes mœurs, l’oblige de renoncer pour jamais au théâtre ». […] Les mystères des Confrères furent d’abord de vrais exercices de religion approuvés par le Clergé, comme le sont encore certaines représentations employées dans les missions, surtout en Bretagne, en Italie, etc., et autrefois dans toute la France, que les Confrères embellirent et représentèrent avec plus d’art et de magnificence.
Lorsque Floridor, dont Piganiol rapporte l’exemple, fut attaqué par les traitants pour le droit de franc-fief, il ne défendit sa noblesse qu’en disant n’être monté sur le théâtre que pour son plaisir, sans faire corps avec la troupe, ni tirer aucune part des représentations. […] « Liberalitates illas omni reipublica valde suspectas, quæ civitati nullum ornatum, nullam plebi utilitatem, solam dumtaxat voluptatem et delectationem afferant et otio favent, placuit tolli: » Et dans le beau panégyrique de ce Prince, Pline le loue d’avoir chassé les Comédiens de Rome, et inspiré au peuple le dégoût du théâtre, l’aversion pour ces molles et indécentes représentations, qu’il applaudissait dans les autres Empereurs : « Idem populus scenici aliquando Imperatoris spectator et applausor, nunc in Pantomimos adversatur artes effeminatas damnat, et indecora studia. » Les mauvais Princes même, dans des instants de raison et de vertu, rendaient justice à l’infamie de ce métier. […] quelle vergogne que les Comédiens gagnent plus de bien avec leurs représentations que les renommés Capitaines avec leurs triomphes !
Lettre sur la Comédie de l’Imposteur Monsieur, Puisque c’est un crime pour moi que d’avoir été à la première représentation de L’Imposteur, que vous avez manquée, et que je ne saurais en obtenir le pardon qu’en réparant la perte que vous avez faite et qu’il vous plaît de m’imputer, il faut bien que j’essaie de rentrer dans vos bonnes grâces, et que je fasse violence à ma paresse pour satisfaire votre curiosité. […] La seconde de mes réflexions est sur un fruit véritablement accidentel, mais aussi très important, que non seulement je crois qu’on peut tirer de la représentation de L’Imposteur, mais même qui en arriverait infailliblement. […] Quelques-uns trouveront peut-être étrange ce que j’avance ici ; mais je les prie de n’en pas juger souverainement, qu’ils n’aient vu représenter la pièce, ou du moins de s’en remettre à ceux qui l’ont vue : car bien loin que ce que je viens d’en rapporter suffise pour cela, je doute même si sa lecture toute entière pourrait faire juger tout l’effet que produit sa représentation. […] Mais quand cela ne suffirait pas, la suite de la représentation met dans la dernière évidence ce que je dis : car le mauvais effet que la galanterie de Panulphe y produit, le fait paraître si fort et si clairement ridicule, que le Spectateur le moins intelligent en demeure pleinement convaincu. […] Voilà, Monsieur, quels sont les dangereux effets qu’il y avait juste sujet d’appréhender, que la représentation de L’Imposteur ne produisît.
« Nous nous sommes séparés de votre Théâtre, parce que c'est un mystère d'impudicité, où rien n'est approuvé que ce que l'on condamne ailleurs ; et tout ce qu'il a de charmes pour plaire, ne vient que des gesticulations trop libres des Atellans, et des honteuses représentations des Mimes, où les femmes se font voir sans aucun reste de pudeur. » Aussi lors que Saint CyprienD.