Forcé de m’arrêter un moment sur cette époque douloureuse, où le sanctuaire des lois indignement profané par l’ignorance ou l’avidité, n’était plus qu’un théâtre de brigandage et d’immoralité, je me suis hâté de porter mes regards sur des temps plus heureux.
Qui ne connoît la lettre qu’écrivit Henri IV, sur le champ de bataille, au moment qu’il alloit combattre, à Gabrielle d’Etrées sa maîtresse, que ses amours ont rendu célebre : si je meurs, ma derniere pensée sera à Dieu, l’avant derniere à vous ; c’est trop peu respecter la mémoire d’Henri IV, de lui prêter des sentimens si peu chrétiens, & si peu raisonnables, & de les rapporter quand ils seroient vrais. […] Est-ce le préparer à bien mourir, que de s’occuper volontairement d’un adultere, au moment qui précéde la mort ? […] Les jeux sont plus faciles, plus commodes, moins couteux que nos théatres ; ils sont moins dangereux, ils ne forment point d’enthousiaste, le poison y est moins apprétié, les empoisonneurs demeurent toujours dans le mépris & l’infamie ; on se licencie moins sous les yeux d’un pere de famille, dont la présence en impose ; ses enfans ne le volent point, ne se dérobent point à ses yeux, pour aller courir l’actrice ; on n’en fait point une affaire d’Etat, ce sont des Pandoures, qui sans doute font des ravages, & portent des coups à la vertu ; mais ils voltigent, & ne paroissent qu’un moment. […] Qu’on ouvre les histoires, il n’en est point où ces sobriquets ne se trouvent à tout moment, ils sont communs à la Cour comme chez le peuple, & ne signifient pas grand chose, ainsi que les statues, les médailles, les inscriptions, les dédicaces des livres, les piéces de poësies, monumens de la bassesse des uns, & de la vanité des autres, ne prouvent pas plus pour le mérite superieur des uns, que le silence pour la médiocrité des autres ; il y a incomparablement plus des grands hommes qui ont mérité des titres, sans en avoir obtenu, qu’il n’y en a qui en ont obtenu sans l’avoir mérité.
Toi qui sais étendre l’espace Et limiter l’immensité ; Toi dont le vaste sein embrasse Le moment & l’éternité Le tems & l’espace sont deux choses très-differentes, qui n’ont aucun droit l’une sur l’autre. […] Embrasser le moment est encore une étrange idée : le moment est indivisible, le passé n’est plus, l’avenir n’est pas encore, le present ne fait que passer. […] Le tems n’est lui-même que des momens qui se suivent : le moment s’embrasse-t il ?
La plupart de ces fictions manquent de vrai-semblance, & à tout moment démentent le caractère étranger qu’on a pris, & laissent voir le François qui joue si mal-adroitement son rôle : Tout a l’humeur Gasconne en un Auteur Gascon. […] La seconde ne differe de la premiere qu’en ce qu’il y supprime la scène où sans rime ni raison deux personnes qui ne s’étoient jamais vues, & qui sont seules dans le monde, commencent par se dire des injures grossieres, & dans un moment, sans savoir pourquoi, se cherchent, se raccommodent, se marient. […] Ces petits fleurons d’une couronne poëtique, quoique restés au théatre, ne conduiroient point à l’immortalité ; ce n’est qu’un amusement d’un moment.
Quelqu’un s’occupe en ce moment de faire l’application de mes principes de censure à un individu malfaisant et ambitieux, qui s’enorgueillit de ses astuces et de son audace imitées d’intrigants célèbres, restés impunis, qu’il prend pour exemple.
Il arrive cependant sur ce sujet, comme il est arrivé sur tant d’autres, des moments de lumière où la vérité se découvre, et où les excès deviennent si grands et si visibles, que l’on est obligé de parler et de donner des règles pour en arrêter la licence.
Tous ces vastes projets de Monarchie universelle, et les mouvements qu’on se donne pour les faire réussir comme des jeux d’enfants, des toiles d’araignées, le mouvement irrégulier de ces petits moucherons qui voltigent au hasard dans l’air, toute leur prétendue gloire comme de l’herbe, non pas celle qui a quelque racine telle que le blé, mais que la fraîcheur de la terre produit en un moment, et que la chaleur du soleil brûle et sèche aussi vite, comme un songe dont il ne reste aucun souvenir, ou bien un tourbillon de fumée qui plus il occupe d’espace, plus il fait paraître en se dissipant le vide dont il était composé. […] C’est ici le temps de la guerre, et vous ne pensez qu’à danser et à vous réjouir, c’est ici le temps de veiller et se tenir sur ses gardes, c’est le temps de répandre des larmes sur les périls qui vous environnent, et sur la longueur de cet exil, il n’y a point de moment pour rire, cela n’appartient qu’au monde qui verra dans peu une étrange catastrophe.
Le théâtre n’est certainement pas en ce moment l’expression de la société. […] Plus d’une grisette sans doute en quittant le théâtre du Palais-Royal aura envié le sort de Frétillon, et soupiré après le moment où elle pourra aussi s’élancer dans une vie de volupté.
Gassendi l’a reçu comme un homme célèbre, accrédité, agréable, qui venoit passer un moment chez lui, & lui en faire passer d’agréables, comme on recevoit Dominique, & la compagnie qu’il y trouva étoit faite pour lui, comme lui pour elle. […] On retouche un vers, une scene, une piece, on l’a devant les yeux ; mais le langage du corps ne subsiste pas, un coup d’œil, un ton de voix, un mouvement de la main n’ont qu’un moment. […] Point d’homme qui dans un moment de mauvaise humeur, de colère ou d’impatience, n’ait le talent de Moliere. […] Ce fut dans ce moment que fut placé Moliere.
Situation est cet état violent, où l’on se trouve entre deux intérêts pressants et opposés, entre deux passions impérieuses, qui nous déchirent, et ne nous déterminent pas, ou du moins qu’avec beaucoup de peine : Tel est ce moment douloureux, où Rodrigue se trouve entre son amour et son honneur, entre son père et sa maîtresse : Tel est encore ce moment, où Galerius instruit par Gabinie elle-même, à quelles conditions il doit l’épouser, se trouve entre elle et ses dieux. […] C’est ce qui surprend, et ce qui frappe le Spectateur, qui se trouve, dans un moment, agité par une foule de passions différentes. […] Quelque méchant que soit un homme, il ne laisse pas d’avoir des sentiments vertueux qui le retiennent, et qui le font balancer au moment qu’il délibère de commettre un crime.
Il avait travaillé l’espace de trois ans à la conversion des âmes jour et nuit, continuellement, sans un seul moment de relâche, pleurant, prêchant, exhortant et instruisant les fidèles en public et en particulier, en l’église et par les maisons19.
Bossuet, Evêque de Meaux, entra dans ce moment chez le Roi. […] La seule vûe de Rodrigue & de Chimène dans ce lieu & dans ce moment, fait tableau & situation. […] Tous deux cependant se livrent à une passion qu’ils ne peuvent écouter sans crime ; ils habitent le même Palais ; ils se voyent à toute heure & à tout moment, en public & en secret. […] car il en a fallu beaucoup pour conduire avec chaleur jusqu’au cinquieme Acte, un sujet qui semble expirer à tout moment, faute de matière. […] Il est vrai que de cette petite ruse il naît des situations, de l’interêt, de la terreur, & que nous lui devons ce moment théatral, si heureusement dépeint dans ces quatre mots : Seigneur, vous changez de visage !
Tout parle à l’homme de son dernier moment ; les maladies, les infirmités, les besoins, les foiblesses, les rides, les cheveux blancs, il en porte par-tout les traits lugubres & ineffaçables. […] L’homme meurt à tout moment en détail ; les odeurs lui en donnent les plus vives leçons. […] La sensation n’est que d’un moment, il faut y revenir sans cesse à flairer l’objet odoriférant.
Ne fût-ce qu’un moment, fût-on dans le lieu saint, ne regardât-on qu’une femme vertueuse & modeste, la plus haute vertu craint & doit craindre le coup d’œil : Oculus meus deprædatus est animam meam. […] Je le suppose vrai pour ce moment. […] Mais non, elles ne se défendent pas ; si elles en font un moment le semblant, ce n’est que pour mieux animer le combat, & être plus agréablement vaincues & mieux payées.
Ce Prince efféminé, au lieu de se mettre à la tête de ses troupes, se renferma encore plus étroitement, & quand il se vit resserré de près dans sa capitale, & au moment d’être pris, il fit allumer un grand bucher, & s’y jeta avec ses trésors, ses femmes & ses eunuques. […] Malheureusement M. de Montausier, qui étoit absent dans ce moment, arriva tout-à-coup, & le connut. […] Le masque facilite tout ; les aventures qu’il fait naître, qu’il cache, qu’il favorise, le caractère des danses qu’il fait imaginer, l’amusement des préparatifs qui faisoit dire à Fontenelle, au moment qu’on partoit pour le bal, le plaisir est passé, vous l’avez goûté en vous préparant, le mouvement de l’exécution, les équivoques auxquelles l’incognito donne lieu, ont fait le succès de ces folies, & en font l’extrême danger.
saisis du plus terrible effroi, vous verriez des hommes couverts d’un vêtement de feu, demandant, comme le mauvais riche, une goutte d’eau pour rafraîchir leur langue, maudissant d’une voix épouvantable le moment qui les vit naître, et cherchant dans les abîmes un repos qu’ils ne trouveront jamais. […] Quel est l’homme d’entre vous, mes Frères, qui voulût mourir à la Comédie, et qui osât à ce dernier moment offrir à Dieu son assistance aux Spectacles, comme une œuvre méritoire ? […] La mort est le moment qui dessille les yeux, et l’on peut s’en rapporter à ce que la conscience reproche alors.
Malheureusement ce n’étoit pas un jeu : les américains avoient pris ce moment pour attaquer la garde, & l’avoient forcée. […] On fait beaucoup valoir quelques sentences jettées au hasard dans un rôle, démenties un moment après, étouffées sous un tas d’erreurs & de crimes, qu’on parera fierement de grands mots.
D’ailleurs, après que je me suis éfforcé de m’imaginer que je suis véritablement dans une salle, ou tel autre endroit où se passe la Scène, n’est-ce pas abuser de ma bonne volonté, & me mettre dans le cas de perdre à la fin toute l’illusion que je serais charmé de ressentir, que de me contraindre à recommencer à tout moment le même ouvrage ? […] Voilà donc le moment de la Pièce bien déterminé.
Les Chrétiens ne doivent point perdre les moindres moments du temps qui leur est donné fort court, et seulement pour faire pénitence. […] Ainsi comme il ne leur en donne que l’usage, ils lui doivent rendre compte du moindre moment de ce temps, comme l’Evangile assure qu’on rendra compte des moindres paroles oiseuses.
Sans les soins qu’ils prennent de faire valoir bien des Drames, le moment de leur naissance serait souvent celui de leur mort : & cependant aucun des habitans du Parnasse ne veut avouer les services que lui rendent les talens des Acteurs.
Les chœurs laissaient reposer un moment l’attention des Spectateurs, sans la détourner entièrement de ce qui devait l’occuper pendant le tems de la représentation.
Les périls où l'on est exposé aux spectacles, sont-ils plus grands que ceux qu'on trouve à tout moment, et à chaque pas dans le monde ?
De ces quatre qualités des sens, les trois premières sont l’ouvrage du créateur : la nécessité du sentiment se fait remarquer dans les objets qui frappent nos sens à chaque moment : on en éprouve l’utilité, dit Saint Augustin, particulièrement dans le goût qui facilite le choix des aliments et en prépare la digestion : la vivacité des sens est la même chose que la promptitude de leur action et la subtilité de leurs organes.
Rousseau6, s’il a quelque intervalle, d’enterrer dans ces moments-là ce que sa bile exaltée aura pu lui faire produire : les pores de tous nos mélancoliques sont ouverts pour recevoir ses poisons : et c’est doubler ses maux que de les communiquer.
L’Avare a deux enfants, un fils et une fille : le fils aime éperdument la maîtresse de son père ; et la fille, de son côté, aime un jeune Cavalier, qui s’est introduit dans la maison sur le pied de domestique, et qui passe tranquillement ses moments à côté de sa maîtresse.
Ce Ménuisier de Nevers, qui connoissoit mieux le cabaret que le Parnasse, & étoit plus inspiré de Bacchus que d’Apollon, comme il paroît par ses ouvrages, que la taverne & les propos d’ivrogne viennent orner à tout moment, cet homme, assez médiocre Ouvrier, s’avisa d’être Poëte, & tâcha de gagner par ses vers ce qu’un travail assez mince ne lui fournissoit pas. […] Il y a quelquefois du sel, un tour ingénieux : ils ont pu plaire dans le moment, le lendemain on les oublie ; c’est une vie de rose, qui ne voit qu’une aurore, & le soir se ternit, & même ces chansons bachiques ou galantes vallent moins que plusieurs de celles du Pont-Neuf. […] Cet Ecrivain affecte à tout moment de jouer sur les mêmes rimes les vingt & trente vers de suite. […] Ce n’est pas un homme, ce n’est pas une maison, consumés par la foudre, ce sont des milliers d’hommes, des milliers de maisons, c’est une ville entiere subitement ensevelie sous la cendre, sans avoir un moment pour faire pénitence, par l’horrible explosion d’un volcan, qui, comme la bouche de l’enfer, vomit des feux & des flammes, inonde & engloutit tout un pays de ses cendres immenses & de ses torrens enflammés : Aperuit infernus os suum, & dilatavit animam suam absque ullo termino.
Je supposé même pour un moment, qu’un Souverain ordonne des spectacles, pour empêcher de plus grands désordres, seriez-vous obligé d’y aller, ou autorisé à y paroître ? […] Imaginez vous, Madame, que Mademoiselle, dont nous parlions, il n’y a qu’un moment, avoit été trouver son Confesseur, & s’étoit accusée d’avoir été plusieurs fois chez des personnes, dont Madame sa mere lui avoit interdit la compagnie. […] Et dans le même moment, Dieu prononce une sentence de mort contre son indigne Ministre, & le prétendu innocent. […] Aussi ne suis-je pas partisan de la Comédie, continua-t-il ; si j’y vais, ce n’est, que pour y trouver compagnie, & m’y délasser un moment. […] … Un jeune pere de famille touchant à son dernier moment, fait appeler son épouse ; & après lui avoir fait les derniers adieux, je n’ai qu’une grace, lui dit-il, à vous demander : ne permettez jamais que mes enfans aillent aux spectacles.
Qu’on arrête un moment ses regards sur les désordres qui troublent la paix des familles ou divisent les citoyens entre eux. […] Réfléchissez un moment sur l’indiscrétion et l’imprudence de tant d’écrivains modernes, dont la licence contre les mœurs ou l’autorité souveraine déshonore le commerce des lettres, et semble si bien justifier jusqu’aux paradoxes de ceux qui, mettant en problème leur avantage ou leur inconvénient, ont osé le résoudre contre elles. […] Mais aussi ils ont dû cesser d’y jouir de quelque considération réelle, du moment où ils ne furent plus que l’organe odieux de la calomnie, et qu’ils se respectèrent eux-mêmes assez peu pour offenser les mœurs publiques. […] Car du moment où il convient de l’existence de l’ancien préjugé qui flétrissait sa profession, il établit lui-même la justification des légataires, et par conséquent l’injustice des conditions imposées par le testateur. […] Mais il faut convenir, que dans un moment aussi sérieux où il s’apprêtait à sonder toutes les profondeurs de l’éternité, il était bien extravagant de s’occuper du succès d’une tragédie, qui sous peu d’heures ne l’empêcherait pas de consommer la sienne.
Le peuple, monté dans ce moment à la débauche, en murmura, et Caton n’espérant pas de le ramener, s’en alla. […] Elle remplit tous ses moments, dérange toutes ses occupations et le sommeil.
Quelquefois, il est vrai, un homme sage, un ministre vertueux, un Burrus, par exemple, dans Britannicus, parle un moment le langage de la probité, de la justice, de l’humanité. […] Ces principes gothiques sont bientôt réfutés, méprisés, rarement suivis ; un Narcisse détruit dans un moment l’ouvrage de Burrus.
La debauche regne, & on oublie une mort prochaine, dont tout rappelle le souvenir, & avance le fatal moment, qui plus qu’ailleurs arrive le moins qu’on y pense. Toutes ces folies assurément n’y préparent pas ; & on peut bien dire avec le Prophête, elles les font tomber dans un moment en enfer : In puncto ad infernæ descendunt. […] Il revient dans le moment, & voyant l’attitude de Mars & l’indécision de Venus il entre dans une furieuse colere contre sa femme, qui crainte du baton, prend la fuite ; ce qui n’est pas trop de la Majesté d’une Déesse.
Sa raison s’égare, elle tombe dans l’ivresse, la vertu la plus ferme succombe sous la douceur du plaisir, on est sans défense & criminel sans presque s’en être apperçu ; se posséde-t-on, se connoît-on dans ce moment de délire ? […] Esther y est indifférente, Judith la recherche avec soin, Magdelaine en fait le sacrifice, toutes trois avoient des bonnes intentions, mais leur conduite est bien différente : Esther au moment décisif d’être présentée au Roi pour recevoir la couronne, ne demande aucune parure ; indifférente à tout, elle prend ce qu’on lui donne, non quæsivit mundum muliebrem . […] Dans Judith ils sont criminels, Holopherne par pure débauche en devient amoureux, veut en abuser, lui fait demander & obtient son consentement, la fait enfermer dans sa tente pour passer la nuit avec elle, elle y couroit les plus grands risques ; heureusement pour Judith l’ivresse suspend ses poursuites, elle profite de ce moment pour lui couper la tête.
Il ont en main la timballe & la harpe ; ils se réjouissent au son de l’orgue, ils passent leurs jours dans le plaisir, & tombent dans un moment en enfer : Ducunt in bonis dies suos, & in puncto ad inferos descendunt. […] Chacun y apporte sa marchandise, on l’y étale, on l’y fait valoir, on l’y livre ; les emplettes s’y font à vil prix ; c’est même un marché d’esclaves, comme il s’en tient dans l’Orient, où l’on expose les hommes en vente ; on y vend les ames pour un moment de plaisir, avec cette différence malheureuse, que bien loin d’en gémir, elles aiment leur esclavage, courent se livrer à leur tyran, & se forgent à elles-mêmes leurs chaînes : Saltationes sunt dæmoniorum comercia. […] Sans doute les combinaisons de ces mouvemens sur la cadence d’un ait peuvent former un jeu, & amuser un moment, comme les échecs, les cartes, la course de bague ; mais au-delà de ces bornes c’est une extravagance.
Depuis que l’homme par sa désobéissance au Créateur se fut rendu dépendant de son corps, les sentiments dont il fut prévenu à tout moment le rendirent ridicule dans toute sa conduite ; parce que la raison s’étant trouvée comme éteinte sous la multitude de ces sentiments, il n’était plus possible qu’il agit en créature raisonnable. […] Et elle a cela de commun avec ce que nous voyons dans une Eglise, avec ce que nous lisons dans les Livres, avec ce que nous rencontrons à tous moments dans le commerce du Monde. […] Mais s’il faisait réflexion que tous les Chrétiens sont des Prêtres qui conjointement avec Jésus-Christ, le Prêtre éternel et le Souverain Pontife des vrais biens, doivent offrir à Dieu un seul et même sacrifice, qu’ils sont eux-mêmes le temple vivant où Dieu veut habiter, et qu’il n’y a pas un moment dans leur vie qui ne soit pour eux d’un prix infini par la sainteté de leur vocation.
Si je ne craignais d’être comptable des moments que je vous ferais perdre, je vous supplierais très humblement, Monseigneur, d’avoir la bonté de voir vous-même la Comédie d’Esope que je vous envoie, et de me dire s’il y a la moindre chose qui puisse blesser la plus scrupuleuse Vertu.
Elise n’est par contente de ces raisons, parce qu’elle conçoit clairement que rien au monde pourra mettre son honneur à couvert, lorsque la démarche de Valère sera rendue publique ; on l’accusera toujours avec fondement d’y avoir donné son consentement, et par conséquent on la croira coupable, etc… d’ailleurs Elise a raison d’être offensée de ce que Valère ne lui a point obéi, et n’est point sorti de la maison selon ses ordres dès le premier moment qu’elle a su qu’il y demeurait.
Mais en le supposant pour un moment ; s’il était vrai que l’Eglise n’eût pas eu alors assez de motifs pour lancer l’anathème, il ne l’est pas moins qu’elle n’en a pas assez à présent pour le retirer. […] Sans parler de l’amour, le plus funeste de tous, comme on va le prouver dans un moment, de combien de conseils condamnables, de leçons criminelles, de raisonnements peu délicats, et d’expressions obscènes, sont-elles remplies ? […] Cela justifie encore ce que l’on vient de dire il y a un moment pour la jeunesse. […] Il remonte à la source du mal ; elle est, selon lui, dans les Auteurs et les Acteurs comme dans les Spectateurs ; mais il la trouve singulièrement dans les Auteurs, qui perdent à tout moment de vue et la fin et le but du sujet qu’ils se mêlent de traiter. […] En effet, en supposant pour un moment la vérité de ce que dit Riccoboni, on voit que les conditions imposées par saint Charles ne devaient pas être goûtées des Comédiens, puisqu’elles tendaient à rendre leurs spectacles froids, et à les priver de leurs agréments ordinaires.
Je me propose, Monsieur, de vous entretenir de ces objets, plus intéressans qu’on ne se l’imagine peut-être, dans un autre moment. […] tous ces sauts qui lui sont tourner la tête, ne sont bons tout au plus qu’à divertir un moment les sots de Village. […] Un moment. […] Je ne vous ai entretenu, jusqu’à ce moment, Monsieur, que des vices, des accidens & des désordres auxquels les Spectacles du Boulevard donnent lieu ; je ne saurais m’empêcher de parler du nombre assez considérable des individus perdus, pour l’Etat, qui composent ces troupes toujours mal montées. […] J’en connais plus d’un qui aujourd’hui maudit encore le moment où il a formé la premiere de ce genre !
Quant à la boisson, au jeu et au spectacle, outre qu’ils ont une influence pernicieuse et corrompent la jeunesse, il faudrait encore les éviter, n’eussent-ils d’autre défaut que de faire perdre beaucoup de temps, d’habituer les hommes à l’oisiveté et aux pensées frivoles, et d’allumer les passions, non seulement dans le moment même où l’on se livre à ces plaisirs funestes, mais longtemps encore après qu’on les a goûtés. […] Je ne vous demanderai pas si vous pouvez accomplir tous ces devoirs parfaitement et sans distractions (car, qui jamais peut atteindre à une telle perfection), mais si vous pouvez les remplir avec le même degré de gravité, dire vos prières avec la même ferveur, et vous détacher du monde avec autant d’abnégation qu’en aucun autre moment ; enfin, je vous demanderai si vous pouvez vous endormir avec la conscience d’avoir évité, durant la soirée qui vient de s’écouler, cette tentation que, le matin même, vous avez conjuré le Seigneur d’éloigner de vous.
Après avoir apprécié, dans sa raison, ce phosphore qu’on nomme l’Esprit, ce rien qu’on appelle la Renommée, ce moment qu’on nomme la Vie, qu’il interroge la Religion qui doit lui parler comme à moi ; qu’il contemple fixement la mort ; qu’il regarde au-delà, & qu’il me juge.
Quel moment favorable la grace a-t-elle pû trouver pour parler à votre cœur ?
Ils courent au théâtre comme vers un port, ils y respirent quelques moments à la vue des naufrages étrangers ; puis ils se replongent aussitôt dans leurs travaux orageux, et courent se livrer à leurs écueils ordinaires.
Si elle a quelques moments heureux dans lesquels elle pourra se dire, quel bonheur pour moi de n’avoir pas épousé le Chevalier !
Ces charmantes troupes eurent une belle peur ; elles se virent au moment d’être prisonnieres de guerre auprès de Meaux. […] Elle a traversé & fait manquer ses propres projets ; elle abandonne ses amis, se livre à ses ennemis, suscite des obstacles, change à tout moment, ne sait ce qu’elle veut. […] Elle ne savoit que trouver de petites ruses pour le moment, des méchancetés, des noirceurs, qui ne remedient à rien ; détruites le moment d’après, & recousues avec un fil aussi fragile ; & quelles ruses ?
Ainsi donc, ô mon cher Glaucon, lorsque vous rencontrerez de ces effrénés amateurs d’Homere qui vous disent que ce Poëte a instruit la Grece, & qu’on ne peut trop le lire ni l’étudier toute sa vie, ni trop se conformer à ses préceptes si l’on veut bien se conduire parmi les hommes, il leur faut répondre avec amitié, comme à de bonnes gens qui se connoissent en Poësie, & leur avouer qu’Homere est en effet le plus grand des Poëtes, & le premier des Poëtes Tragiques ; mais que pourtant nous ne pouvons recevoir dans notre République d’autres ouvrages de Poësie que les Hymnes & les louanges des Dieux, persuadez que nous sommes que du moment que nous y recevrons cette autre Poësie molle & voluptueuse, ce ne seront plus les Loix ni la Raison qui y regneront, mais seulement la douleur & la volupté. […] [Il n’y a que le moment même où nous lui voyons répandre du sang, où nous pouvons ressentir cette simple émotion que la Nature ressent en voyant tuer un homme] nous n’aurons point non plus une grande pitié pour des gens indifférens qui voudront se tuer les uns les autres. […] Hecube qui après avoir vu périr sa Ville, son Palais, son Mari, ses Enfans, dans le moment même qu’on lui est venu arracher sa fille pour l’immoler, trouve le cadavre du dernier de ses fils qu’elle croyoit avoir sauvé, souffre des maux qu’elle n’a point mérités, & Euripide a excité la Pitié par cette Tragédie qui offre le Spectacle des miseres humaines, accablant un Personnage ordinaire, dont les qualités personnelles n’excitent en nous ni admiration, ni haine. […] Nous instruisons un moment ; mais nous avons longtems séduit.
Nous instruisons un moment, mais nous avons longtemps séduit ; et, quelque forte que soit la leçon de Morale qui termine la pièce, le remède est trop faible et vient trop tard. » Louis Riccoboni, célèbre acteur du Théâtre italien de Paris, auquel il renonça par principe de religion, convient, dans l’un de ses ouvrages imprimé en 1743 et 1767, que, dès la première année qu’il monta sur le Théâtre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté. […] Après avoir apprécié, dans la raison, ce phosphore qu’on nomme l’esprit, ce rien qu’on appelle la renommée, ce moment qu’on nomme la vie ; qu’il interroge la Religion qui doit lui parler comme à moi ; qu’il contemple fixément la Mort ; qu’il regarde au-delà, et qu’il me juge… Le temps vole, la nuit s’avance, le rêve va finir : pourquoi perdre à douter ou à délibérer, le seul instant qui nous est laissé pour croire et pour mériter ? […] Il se moque, avec raison, de ces personnes qui disent fort sérieusement que Molière a plus corrigé de défauts lui seul, que tous les Prédicateurs ensemble. » Jean-Jacques Rousseau, dans un de ces moments lucides où il parlait le langage de la Vérité, a porté contre le Théâtre un jugement fondé sur sa propre expérience.
Quelle est donc cette fille inconnue, une fille enfermée dans le serrail, qu’il n’a pu voir, & qu’il avoue n’avoir vu que par hazard, un moment ; il a pourtant avec elle, les plus longues, les plus doucereuses conversations ; il se trouve trop heureux de mourir à ses pieds. […] Quelquefois qu’on conserve dans le cœur, il n’est pas permis de contrefaire l’idolâtre, quelque pureté dont on se flatte ; il n’est pas permis de contrefaire l’impudique ; il est du dévoir de l’homme d’être & de paroître constamment vertueux, & inviolablement fidele à son Dieu ; il n’est point de moment, point d’intérêt qui puissent en dispenser, point de prétexte qui excuse, on doit plutôt cesser de vivre que de cesser de servir Dieu : Hæc testamenta præcordia penetrant, sicut serpentium morsus venestum diffundunt. […] Le Diable amoureux est un mauvais roman, où sous le vieux cadre de sorcier & de revenant, on dit bien des choses plates, triviales, sans goût, sans esprit ; tout son mérite est une multitude de caricatures, de figures grotesques, de démons, de sorciers qui peuvent un moment amuser les enfans & le peuple ; il ne vaut pas le diable boiteux du sieur le Sages, où il y a du sel & de l’esprit.
Ce pot-pourri seroit un petit mal, si les mœurs n’en souffroient ; mais le goût dépravé du peuple dramatique n’a choisi & n’extrait de ces différens poëmes, que les endroits les plus galans & les plus tendres, pour ne faire qu’un tissu soutenu de dépravation, sans un moment de diversion & de relâche. […] Au milieu de cette scène bruyante, & dans le moment de la plus grande colere du maître, Chapelle son ami arrive qui l’appaise. […] Son ami surpris qu’un si grand homme, dans un moment où il ne doit s’occuper que de sa gloire, s’abandonne à une si folle passion.
Et étoit-ce là le moment de se flatter, après tous les crimes que l’on vient d’exposer, que l’on voudroit bien se prêter à un nouvel Examen au sujet des Spectacles, & que l’on auroit quelqu’indulgence, pour qui ? […] Pour le moment, on choisit sit seulement le célébre M.
La nouvelle Justice est toute jeune ; & n’est ce pas l’appanage de la jeunesse, de faire asseoir la Justice entre Vénus & les Graces, de quitter un moment les Déesses, pour se montrer au Palais ; de revenir d’abord dans leurs bras se délasser des fatigues accablantes du Palais, & de prononcer les Arrêts que ces belles bouches ont dictés ? […] Si quelquefois on représentoit des Drames ; on construisoit pour le moment un théatre, qu’on démolissoit après la Fête ; mais on n’imaginoit pas d’en construire un à demeure, comme le plus bel ornement d’une maison Royale.
Les Compagnons de Jésus se sont toujours dits et ont toujours paru les gens du monde les plus occupés, et occupés des objets les plus opposés au théâtre : chaire, confessions, missions, retraites, congrégation, étude, enseignement des hautes sciences, compositions innombrables de livres sérieux, sans compter une infinité de visites et de lettres pour faire la Cour à tous les Grands et entretenir des liaisons avec toute la terre ; un Jésuite n'a pas un moment de loisir. […] « Tragiques Français, dit-il, quittez pour un moment le cothurne, et daignez me répondre.
Par ce moyen donc on s’instruit de l’antiquité, en se divertissant du siecle ; on ramene les temps les plus reculez, on fait revivre les persõnes mortes, on donne du corps aux pensées les plus abstraites, & par un secret precieux qui peut enrichir toute sorte d’objets, il n’y paroît rien de si laid qui ne soit embelli ; rien de si incertain ou de si estably, dont à son gré l’on ne haste ou l’on ne retarde les rüines ; rien de si heureux qu’on n’abîme dans les disgraces ; point de coupable si èpargné, qu’on n’en puisse obtenir quelque vengeance ; ny enfin rien de si loüable ou de si beau ; dont on ne puisse regaler une Assemblée, & la faire joüir durant quelques moments de toute, la felicité des meilleurs temps. […] De même la naissance n’est que le moment de l’arrivée au jour, la suite des douleurs, le progrez de la vie, qui sont des actions fuyantes, qui ne s’attrapent que par l’idée, & qui passent trop vîte pour en laisser de sensibles expressions, telles que le Balet les desire. […] Tout ce qu’ont pû faire les intelligens au métier, qui se sont trouvez surchargez, non-seulement de cette quantité de gens, mais mesme de leur qualité maladroite & presomptueuse, & par consequent incorrigible : Tout ce qu’ils ont pû faire dis-je, a esté d’embroüiller les Entrées par un grand nombre de Figures, & de cacher le mieux qu’il estoit possible par le moyen de ces divers changements, les deffauts des grands Seigneurs ou mal-faits ou mauvais danceurs : le crois que c’est la source de cette maniere de multiplier & de varier les figures à tout moment. […] Car aussi-tost que l’Entrée est commencée, la gloire du Violon n’est plus qu’à joüer juste de mesure & de mouvement, sans vouloir affecter ny passage ny diminution, parce que vous ne sçauriez prendre ou derober si adroitement un temps pour faire vostre baterie, que vous n’interrompiez en quelque façon le train de celuy qui dance : & que ce moment suspendu ne face une notable méconte mesme parmy les gens de la meilleure oreille. […] Il est des gens qui ont toûjours ou le dos voûté ou la teste penchée, ou une démarche affectée, ou enfin quelque action particuliere : Il faut sçavoir gourmander ces sortes d’actions, se contraindre dans ce moment, & ne rien laisser échaper qui puisse découvrir ce que vous estes.
Du moins quand on se contente de copier les imitateurs immédiats de la belle nature : Qu’on suppose pour un moment que le tems nous ait transmis les chefs-d’œuvres de la peinture ancienne, dans toute leur fraîcheur & leur beauté.
La qualité d’écuyer dans Sancho Pansa, qui les a toujours à la bouche, & qui parle à tout moment, ne le sauve pas.
Je ne vous blâme pas du desir que vous avez de la rendre heureuse dés cette vie : mais vous êtes bien miserable, si vous pensez qu’il faille hazarder & son salut & le vôtre, & son éternité & la vôtre, pour une felicité si vaine si chimerique, pour une felicité qui ne doit durer qu’un moment.
Je pense même qu’une Pièce est mieux dans les règles lorsqu’elle finit sans que ses personnages se soient démentis un seul moment.
Un moment.
Ce n’est ni la place, ni les propos, ni les arrangemens d’un grand général, au moment critique d’un combat qui doit décider du sort de la France. […] Si la vraisemblance morale la moins rigoureuse n’est plus d’usage au Théatre ; si le public, content d’être frappé un moment par des circonstances approchées, & les incidens les plus disparates, ne veut plus voir la convenance de la nature & de l’art ; si l’on a renoncé au plaisir de l’illusion, on peut tout mettre sur la Scène. On ne doit pas être surpris du succes de ce drame : l’idée de produire sur la Scène comique aux Italiens, le Héros qui régna sur la France, Et par droit de conquête, & par droit de naissance , dans le moment le plus périlleux, le plus décisif, a certainement le mérite de la singularité la plus hardie. […] Louis, fils d’une Reine très-pieuse, qui l’éleva dans la piété, a passé sa vie dans les bonnes œuvres, est mort dans les sentimens les plus chrétiens, après avoir reçu tous les Sacremens ; Henri, fils d’une Reine furieuse qui fit mourir des milliers de Catholiques, néglige dans son éducation, après la vie la plus libertine, à péri de la mort la plus déplorable, par l’horrible attentat d’un de ses sujets, sans avoir un moment pour se reconnoître. 6°.
On attendoit avec impatience & on saisit ce moment pour donner aux florentins un spectacle qu’ils n’avoient jamais vus : mais ce ne fut que le jour ; il ne falloit pas exposer ce coup d’essai aux ténebres de la nuit. […] Pendant le siége de Boston, au milieu des horreurs d’une guerre civile & d’un ville à l’extrémité au moment d’être réduite en cendre, la comédie n’a pas cessé depuis deux mois, écrivent les habitans. […] Il pouvoit ajouter, que les innombrables épithetes, cent fois répétées, font la moitié de son livre ; que les mêmes mots, les mêmes tours, les mêmes rimes, les mêmes objets, les mêmes images, qui reviennent à tout moment, ne sont qu’un jargon que le poëte le plus médiocre peut mettre en œuvre comme lui. […] Dans un moment d’ivresse, il voulut la faire peindre sans habit par le fameux Apelles.
Le Siege de Calais, qu’il vaut bien dans le fond, pour le mérite poëtique, avoit monté les esprits en faveur du Drame Historique : c’étoit le moment qu’on a habilement saisi : plûtôt ou plûtard il eût risqué d’échouer encore. […] Ce drame a peu de variété ; ce n’est qu’une idée, un sentiment, très-beau à la vérité, mais répété à tout moment. […] On pourroit lui pardonner les rimes croisées, contraires à l’usage de tous les maîtres du Théatre ; mais peut-on lui pardonner le mechanisme des vers manqués à tout moment par des enjambemens, de mauvaises hémistiches, des rimes fausses, &c. […] Je doute pourtant que cette nouvelle branche de l’art du Théatre fasse jamais fortune ; cette nouvelle farce pourroit tout au plus effrayer quelques enfans, ou occuper un moment quelque esprit mélancolique qui se repaît de spectres & de phantômes ; le public ne s’en amusera pas deux fois.
On vient dans ce moment annoncer que la montagne sur laquelle ils sont, est environnée par l’Armée d’Athalie, & qu’Abner est en prison. […] Et quand ils auroient quelque doute, ils sont entiérement convaincus, au moment qu’Athalie reconnoît la Nourrice, Vois-tu cette Juive fidelle Dont tu sais bien qu’alors il suçoit la mamelle, Et la marque du couteau, Reine, de ton poignard connois du moins les marques. […] Quand on va ouvrir les portes du Temple à Athalie environnée de ses Soldats, voici le moment où il doit trembler : c’est celui de sa joie, il dit à Dieu, Grand Dieu, voici ton heure, on t’amene ta proye.
Le Duc s’étoit attiré ces malheurs, non-seulement par des guerres faites à la France, par des infidélités sans nombre, & des promesses & des traités, mais encore par la cession authentique de ses Duchés qu’il avoit eu la folie de faire à Louis XIV, dans un moment de colere & de désespoir. […] On le reçut poliment, mais il ne put la voir qu’un moment devant des témoins, après quoi on le pria très-poliment de se retirer.
Les Comédiens François crurent avoir trouvé le moment favorable, & présentèrent au Roi une requête tendante à obtenir l’état de citoyen, & à faire confirmer les lettres patentes de Louis XIII, qu’ils disoient le leur avoir accordé. […] Mais le moment où le Sultan a jeté le mouchoir à la favorite ; son visage, ses regards, tout son maintien prenoit rapidement une forme nouvelle, elle s’arrachoit du théatre avec le désespoir & l’excès d’accablement des ames vives & tendres.
Un moment : je fais ce que je dis, & je ne prétens pas, comme tu pourrais le croire, faire rendre les chefs-d’œuvre de Molière, de Corneille, de Racine, &c. […] Les Ministres les plus avoués de cette Religion atrabilaire, privent les peuples qu’ils se sont asservis, de ces divertissemens honnêtes, où la Jeunesse des bourgs, dans les temps qui suivirent la création, retraçait aux yeux des Vieillards le printemps d’une vie que les glaçons de l’âge allaient éteindre ; où de jeunes filles, quittant pour un moment la contrainte ; acquéraient des grâces & de la souplesse.
C’est dans ce moment qu’Æmilie pourrait ressentir pour Cinna quelque mouvement d’inquiétude, sans pourtant savoir encore qu’elle l’aime. Le dénouement en deviendrait aussi plus touchant ; car, au moment qu’Auguste pardonne aux Conjurés, et propose à Cinna de donner la main à Æmilie, les véritables sentiments de leur cœur se développant tout à coup, ils se livreraient à toute la reconnaissance que mérite leur Libérateur, qui devient leur père dans cette occasion.
on est même si accoutumé à en voir de plus en plus cruels, qu’il faudra bientôt d’horribles complications d’atrocités pour intéresser et fixer un moment l’attention !
« Ces plaisirs peuvent bien charmer un moment nos chagrins, interrompre un peu le cours de nos ennuis, et fixer un instant la joie fugitive ; mais ce n’est que pour rendre nos chagrins plus insupportables, nos ennuis plus accablants et nos regrets plus amers.
Un gros Prélat à demarche tardive Dans ce moment insolemment arrive, Et la molesse avec l’oisiveté Semblent avoir avec leurs mains douillettes Pétri son tein tout brillant de santé. […] Depuis cet heureux moment il n’est plus connu à Berlin.
Je m’étonne qu’ayant donné autant de piéces, il n’ait, comme bien d’autres, introduit quelque Suisse, dont il connoissoit si bien le jargon & le caractere, qui auroit pu faire rire un moment. […] On y voit à tout moment des gens à genoux aux pieds d’une femme.
Ces images plaisent un moment ; mais à force de les sasser & ressasser, tourner & retourner, on lasse le lecteur le plus patient. […] Depuis la boucherie des Templiers jusqu’à la mort du Chevalier de la Barre, on croit lire l’Histoire des Sauvages, on frémit un moment, & on va à l’Opera.
Ajoûtez à ces belles règles une multitude d’invectives, de sarcasmes & de grossieretés contre les maîtres, les pères, les maris, de loup-garoux, d’Argus, de Turcs, de vieux foux, de dragons, d’esclaves, de verroux, de grilles, &c. qui ne sont rien moins que des traits d’esprit, jargon dont on déclare gravement qu’il ne faut que rire, que toute la jeunesse apprend par cœur & emploie à tout moment, vous aurez une analyse exacte de l’école du théatre, & des mariages à la Moliere. […] L’Empereur, qui quoique incommodé avoit été de tous les plaisirs, revenant de la comédie, n’eut pas le temps d’arriver à son appartement, une attaque foudroyante d’apoplexie le fit mourir subitement dans la chambre & sur le lit d’un valet de chambre, où le mit son fils, le Roi des Romains, qui étoit auprès de lui & le reçut entre ses bras, sans avoir un moment pour appeler ni Chirurgien ni Confesseur.
Jacques, qui se regarde un moment dans un miroir, s’en va, et oublie tout ce qu’il a vu. […] Judith met en prières tout le peuple, qui jusqu’aux enfants se prosterne devant Dieu : c’est trop de sérieux et de piété pour le théâtre, il faut quelque chose de plus amusant ; toute cette dévotion se change en un colloque de Judith avec son amant, elle n’est occupée qu’à calmer ses transports, son dépit, sa jalousie, et au moment même qu’elle achève l’œuvre de Dieu, où le Saint Esprit dit qu’elle était seule avec sa servante, son Mizaël s’y trouve encore.
Tout le monde sait sa maligne équivoque, lorsque la défense étant venue au moment qu’on allait commencer, Molière s’avançant sur le théâtre, dit : « Nous allions vous jouer le Tartuffe, mais M. le premier Président ne veut pas qu’on le joue. » Trait le plus insolent et le plus injuste, dont tout le monde fut indigné. […] Donnez-moi celle de l’enfer, car je ne veux pas que dans un moment de mauvaise humeur vous puissiez m’envoyer en enfer, et il la lui donna. » Rien de tout cela ne me surprend dans un pays où l’on n’a aucune religion, où pendant longtemps on a donné tous les ans à la populace l’indécente et ridicule farce d’un Pape de paille brûlé à la place de Londres.
Vain prétexte, dit Libanius, ces occasions n’arrivent qu’une ou deux fois l’année, et vous n’êtes obligés d’y donner que quelques moments de la matinée ; au lieu que sans nécessité et avec scandale, vous qui vous dites accablés d’affaires, et vous donnez pour les protecteurs de la veuve et de l’orphelin, on vous y voit matin et soir, nuit et jour, vous vous en faites gloire, quand vous en sortez vous vous entretenez de ce qui s’y est passé. […] Les moments précieux de la Cour ne me permettent pas de faire l’analyse du second Mémoire à consulter.
Lully saisit ce moment pour parler du refus qu’on faisait de l’admettre, et demanda des ordres. […] Enfin Néron lui-même, c’est tout dire, agit contre eux dans un de ces moments, de ces éclairs de raison qui le rendaient à lui-même et aux bonnes mœurs (Suét.
Mais suspendons un moment nos réflexions, pour expliquer ce phénomène théâtral, dont le détail sera instructif et amusant. […] Son ministère, dit Fontenelle, enfanta Corneille, Rotrou, Tristan, Scudery, et trente autres dont les noms sont si enfoncés dans l’oubli, que quand je les en retirerais pour un moment, ils y retomberaient aussitôt. » Ce grand homme avait la plus vaste ambition qui ait jamais été.
« Elle sent qu'elle existe en ces affreux moments » : affreuse existence ! […] Le châtiment est l'affaire d'un moment, c'est le dénouement de la pièce, dont l'idée à peine saisie est effacée dans l'instant par la farce qui suit.
Une fête si prophane dans un pays & sous un Roi Protestant, une adulation si outrée dans un moment si malheureux mériteroit une place dans la justification de la Bulle qui les supprime. […] Au milieu des malheurs qui s’accumulent sur nos têtes, cette capitale offre un spectacle singulier par les contrastes ; quelques patriotes déployant dans ces cruelles circonstances l’élévation de leur ame, persistant avec une fermeté courageuse, mais stérile à parler, à agir en hommes libres, tandis que des perfides sacrifient lâchement la patrie à leur fortune, & préférent la splendeur honteuse du moment à la gloire immortelle de retarder du moins la ruine de l’état ; d’autres enfin indifférens rient de tout, & contemplant avec indifférence les événemens qui se passent sous leurs yeux ; ceux-ci se sont égayés au sujet de la puérile dispute qui s’est élevée entre deux grands au sujet des spectacles publics, il s’agit de savoir au nom duquel des deux ils doivent être donnés ou plutôt autorisés (tandis que tous les deux devroient s’y trouver déshonorés). […] Malgré les apothéoses de Voltaire & les éloges couronnés de l’Académie Françoise, le théatre n’eut pas encore de son temps cet accès facile auprès des grands, cette familiarité, cette espèce de respect des Seigneurs, cet attachement de libertinage pour les Actrices, ces grands airs de luxe, ce faste, cette opulence plus propre à rendre ridicule qu’à élever une engeance aussi méprisable par le vice que par la bassesse, plus propre à corrompre les mœurs qu’à donner un moment de plaisir par les jeux.
Ils ont une foule de Piéces nouvelles qui vieillissent dans leurs archives, & attendent pour éclorre le moment de leur commodité.
» Il y a aussi quelquefois des moments heureux, où la grâce de Jésus-Christ opère dans un seul sermon, ce qui pendant plusieurs années avait paru impossible.
On favorise la ridicule avidité du moment, et l’on en rit sous cape.
Elle n’a pas seulement cet empire sur l’air, qu’elle manie et qu’elle tourne à son gré, elle l’a encore sur les esprits, qu’elle surprend ou par la douceur de ses charmes, ou par l’impression de son pouvoir, elle leur fait prendre les mouvements et les passions qu’elle se propose : elle fait une si puissante révolution sur les corps et sur les esprits, qu’en un moment on voit des hommes changés, elle en fait des Anges, elle en fait des Démons. […] puisqu’au moment qu’elle entre dans le Bal toutes les vertus l’abandonnent, et tous les vices l’entreprennent ? […] ils se plaignent qu’il y a beaucoup de rigueur à vouloir priver le public d’un divertissement qui est très utile au corps et à l’esprit : Le corps a besoin d’être formé et déchargé de temps en temps de ses mauvaises humeurs ; la Danse fait l’un et l’autre avec plaisir ; elle pousse ses remèdes jusqu’à l’esprit qu’elle arrache du chagrin et de la mélancolie de la vie sédentaire, le tire de la gêne des affaires, dont notre vie est embrouillée pour lui faire goûter quelques moments de la douceur du repos. […] Ne doit-on pas répondre, que c’est une folie de quelques heures : Si on me contraignait à dire, qui est le plus blâmable ; je serais obligé de donner le plus grand blâme au Danseur : Les autres ne peuvent pas quitter leur folie à tous les moments du jour. […] Vous direz que c’est pour peu de temps, et que ce n’est que gaillardise : Mais est-il un seul moment de notre vie qu’on puisse donner au Diable ?
si dans ce moment, l’on eût mis la main sur mon cœur !
« Supposons, si l’on veut, qu’il y ait eu quelques exceptions : supposons qu’il en soit jusqu’à trois que l’on pourrait nommer : je veux bien croire pour un moment ce que je n’ai jamais vu ni ouï dire.
Il commence, il croît, il arrive à son comble : il est peint de toutes les couleurs propres à flatter l’imagination, à pénétrer aisément dans l’esprit, et à empêcher que le charme par où il peut séduire, ne languisse un moment. […] On a tout lieu d’appréhender qu’en ces moments critiques elle ne nous abandonne. […] Ainsi la différence du bien et du mal se retrace-t-elle dans l’âme en un moment, ainsi le péril est-il mis en une distance propre pour être aisément surmonté.
-C. s’éloignera donc de vous en ce moment avec indignation. […] Quel jugement terrible n’aurez-vous donc pas à craindre dans vos derniers moments pour vous être rendus coupables devant Dieu de toutes les suites funestes, que le goût du théâtre aura produites dans vos enfants ?
Se peut-il qu’on préfere quelques jours de satisfaction sur la terre à une infinité de bonheur dans le ciel, & qu’on achête ce moment au prix d’une éternité de malheurs dans l’enfer ? […] Je ne parle pas du temps de la nuit, où la beauté est ensevelie dans les ténébres ; je compte du moment où elle se leve, jusqu’au moment où elle se couche.
Si cette façon de s’unir trouve les hommes contraires, il faut sans balancer refuser leur compagnie (il n’y a rien à craindre) ; les hommes ne pouvant se soutenir sans elles (ni elles sans les hommes), ils seroient forcés à suivre leurs loix pour les posséder (par sympathie encore) ; le succès de ses leçons fut prompt, les hommes furent attaqués par les regards (purement spirituels), dont les feux embrasent leurs ames, ils furent animés d’une ardeur que n’inspire point la gloire (toute à la pointe de l’esprit) ; dès ce moment les mortels ne connurent point de bonheur plus parfait que d’aimer & d’être aimé. […] On voit comme à l’opéra revenir à tout moment les fadeurs de la galanterie, tous les interlocuteurs ont sans cesse à la bouche les épithètes triviales, belle, charmante, aimable, &c. sur-tout l’adoration ne finit pas ; chaque femme est adorable, on l’adore, on l’adorera, on est à ses genoux, on tombe à ses pieds, on ne rend pas à Dieu plus de culte.
C’est un hasard qu’il y ait dans ce moment quelques miliciens ; on ne tire pas tous les jours à la milice, & un petit village en donne un ou deux. […] Elle se trahit à tout moment par ses ariettes galantes, par le détail de l’amour de Colin dans la romance, par ses allarmes sur le départ de son amant, l’éloge qu’elle en fait, l’embarras de ses réponses, le pardon qu’elle accorde à son amant, la conversation la plus tendre en duo, le duel à coups de poings qu’elle arrête, &c. tout ce manége de romans & d’opéra.
Dans un moment je suis à vous. […] Dans un moment on voit d’un coup de baguette, comme dans les contes des fées, le parquet du sallon, s’ouvrir, & monter une table chargée de mets exquis ; peu de temps après un bruit de fifres & de musettes annoncent le dieu Pan, qui vient à la fête, avec les dieux champêtres.
Ce grossier artifice est découvert dans le moment. […] La femme forte se lève de grand matin, parcourt toute la maison, s’instruit de ce qui s’y passe, met ordre à tout, règle ses domestiques, instruit ses enfans, distribue à chacun ses besoins & son travail, ne perd pas un moment ; pleine de force & de courage, de vigilance & d’adresse, le travail ne l’effraie pas, elle est capable des plus grandes choses, prend la quenouille & le fuseau, file le lin & la laine, fait à propos ses provisions.
Il tombe sans connoissance au moment qu’il reconnoît sa fille. On crut d’abord que cet évanouissement étoit contrefait, on admiroit l’art qui imitoit si bien la nature ; il ouvrit un moment les yeux sans dire une parole, tomba de son fauteuil, & mourut.
Tout l’ouvrage n’est que la peinture & l’éloge de l’amour, une suite de portraits des Actrices présentés dans le jour le plus séduisant, élevées jusqu’au ciel par leurs charmes, immortalisées parce qu’elles savent inspirer la passion ; c’est le sublime, la vraie gloire, le plus beau talent, le plus doux moment de la vie : Qui voit poindre le jour de l’immortalité. […] Les plaisirs dispersé çà & là ne sont que des matériaux épars, que le hasard fait goûter un moment, qui n’ont ni enchaînement ni durée ; le théatre les ramasse, les lie, les assortit, en fait un bâtiment régulier, ouvert à tous, invite tout le monde à s’y établir, & y en entraîne un grand nombre.
Dans quelque moment qu’on l’envisage sur le Théatre, il n’y est que le copiste de son original.
Y a-t-il un moment dans toute la vie, qu’elle exempte de la pratique de la vertu, qu’elle dispense de l’obligation de plaire à Dieu ?
[NDE] Comprendre : les magistrats permettent les représentations, mais dans les moments et les lieux appropriés, et sans introduire de confusion entre ce qui relève de l’utile (les affaires, la piété) et ce qui relève des distractions.
Un personnage à faire, occupe tout entier celui qui en est chargé ; il remplit tout son temps, et ne souffre plus qu’il soit le maître de son imagination, pour l’arrêter à point nommé : Si un Acteur a le personnage d’un Amant disgracié, ou d’un autre qui réussit dans ses poursuites ; il y pense jour et nuit ; il songe aux moyens de s’exprimer d’une manière vive et touchante : et pour cela, il faut qu’il ressente des mouvements et des passions que nous n’oserions même admettre dans notre esprit pour un moment avec une attention volontaire, sans nous croire coupables devant Dieu. […] Un moment funeste ne peut-il pas rallumer en vous ce feu peut-être mal éteint…. […] Aussi les Saints ont-ils toujours cru que l’amour des plaisirs était le caractère des esclaves du démon, dont il est dit, qu’ils passent leurs jours dans la joie, et qu’en un moment auquel ils pensent le moins, ils descendent dans les enfers ; et que l’amour de la Croix, l’affliction volontaire, et les larmes que l’on répand, soit dans la pénitence, soit dans la prière faisaient le caractère des amis de Dieu. […] Ils ne savent ce qui a été ordonné de leur salut dans les secrets de Dieu ; ils ignorent le moment auquel ils doivent être presentés à son terrible jugement ; ils ont pour la plupart des péchés considérables sur la conscience dont ils n’ont point fait pénitence, ni rien qui peut leur en mériter le pardon ; et avec tout cela, ils ne songent qu’à passer la vie dans le divertissement, et à donner à la joie tout le temps dont ils peuvent disposer ; ils accordent à leur sens les plaisirs les plus capables de les corrompre, et exposent leurs âmes aux dangers les plus évidents de les perdre, comme si tout était en sûreté pour eux.
Croyons Fatime pour un moment, s’il s’étoit distingué dans les guerres précédentes, il avoit au moins treize à quatorze ans ; il avoit donc connu son pere, il l’avoit vu mettre dans les fers ; depuis sa captivité, il ne le connoissoit plus !
Supposons néanmoins pour un moment, que cette Actrice a sacrifié toute pudeur pour parvenir à ses fins.
Toute la jeunesse l’apprend par cœur, & l’emploie à tout moment, lorsqu’il s’agit de faire quelque mariage à la Moliere.
Quand à Bender, réfugié chez le Turc, & presque son prisonnier, il soutint un siége dans sa maison avec quelques domestiques contre une armée ; quand pour ne pas rendre visite au Grand Visir, il fit le malade, & demeura dix mois dans un lit, sans vouloir se lever ; quand allant à Varsovie, il déclare à la République de Pologne, qu’il prend la qualité de Protecteur du Royaume, comme Cromvel voulut l’être en Angleterre ; quand on voit trente mille hommes attaquer serieusement la maison où il est logé, pour en faire le siége, & le Roi, au milieu de toutes ces attaques, jouer tranquillement aux échets, & selon sa coutume & ses idées guerrieres, qui le faisoient s’exposer à tout comme le moindre soldat, faire marcher le roi du jeu comme un pion, à droite & à gauche, sans précaution ; ce qui le faisoit échouer à tout moment, & perdre la partie : on pense comme cet officier qui se trouva auprès de lui au moment de sa mort, & qui dit, la comédie est finie, allons souper, comme Auguste mourant à ses amis, j’ai bien joué mon rôle, la piece est finie, battez des mains .
qu’est-ce qu’un moment de volupté qui passe si vîte, & qui est suivi de si amers repentirs ?
La charité veut que l’on ne reprenne son prochain qu’en particulier et que l’on travaille à cacher ses fautes à tout le monde, au moment que l’on tâche à les lui faire connaître.
Le public est plus sévere ; il est vrai, les trois quarts des drames seroient arrêtés, mais il est plus équitable pour les bons que ne sont les Comédiens, je les estime fort, dit-il, je n’ai point à m’en plaindre, mais ce sont des paresseux ; la lice dramatique est presque fermée par le nombre des Athletes qui s’y présentent ; & par la lenteur de ceux qui sont faits pour les seconder, une foule de pieces vieillissent dans leurs archives, en attendant le moment de leur commodité. […] Les gens de théatre sont plus charlatans & plus dupes que d’autres ; ils jouent, ils sont joués ; ils sortent de derriere les coulisses, ils existent un moment sur la scene, ils rentrent derriere les coulisses, ils ne sont plus.
Instruisons les bon pasteurs de la campagne (l’Abbé Coyer est un supérieur de séminaire, il est si édifiant qu’il instruit le clergé), qui ne veulent pas que le chene antique, cémoin des travaux journaliers, le soit aussi des danses innocentes qui font respirer un moment le cultivateur accablé. […] Les travaux journaliers se font dans les champs, & non autour du chêne antique ; des danses, de tout un jour d’où l’on sort tout essoufflé & tout en sueur, ne font pas respirer un moment le cultivateur accablé.
Qu'on cherche les jeunes Etudiants, à peine paraissent-ils un moment aux écoles, leur séjour ordinaire est au spectacle ou chez l'actrice. […] Un nom à soutenir, une charge à remplir, un emploi à occuper, un métier à apprendre, réveillent l'attention des parents sur les garçons : une fille bornée à de petites fonctions, qui exigent peu de connaissances, est abandonnée à elle-même ; sa vie désoccupée se passe presque toute dans l'oisiveté ; la toilette, l'amusement, la promenade, les visites, laissent à peine un moment à un travail des mains, qui ne diffère presque pas de l'oisiveté.
Ainsi de certains prétendus grands hommes de l’antiquité ; par exemple, Auguste, ce prince qu’on cite à tout moment, dont on donne le nom à tout propos, ne fut qu’un scélérat, un débauché des plus outrés, un ambitieux, un usurpateur qui s’empara de l’Empire romain & le rendit héréditaire ; qui, pour y parvenir, employa les fourberies & la cruauté. […] Même principe de vanité, même envie de tromper, même effet de séduire d’abord un moment, & de déplaire quand il est connu ; quoique les moyens soient différens, les prétextes spécieux, les airs compassés, les expressions recherchés, sont des couleurs empruntées, des artifices pour se couvrir & en imposer. […] Il alloit régulierement à la comédie, jouoit fort bien toutes sortes sortes de rôles, & donnoit a tout moment la comédie.
C’est un croquis informe, tout au plus une esquisse ; mais au moment du Spectacle, l’ombre fuit : c’est à la lumiere à paroître ; c’est là que tout s’anime & prend vigueur : l’idée parle, le sentiment éclate ; gestes & tous : tout fait rolle. […] Non non : le moment qui les améne, ces gaietés, les emporte avec lui : eh pourroit-on y penser d’avantage ? […] Ce qui est élevé nous porte naturellement à l’admiration, & par conséquent nous fixe ; l’amour propre s’en occupe volontiers & croit même qu’il importe à sa gloire de s’en faire un principe : on se montre au moment du Spectacle, insensiblement sur ce ton ; & l’on en sort sans s’en appercevoir, la noblesse dans le cœur & la sublimité dans l’ame.
C’est une conjuration contre la vie d’Auguste, tramée par sa fille adoptive et ses deux favoris les plus comblés de ses bienfaits, qui, au moment d’être exécutée, n’est découverte que par la lâche jalousie de l’un d’eux, lequel veut enlever à l’autre sa maîtresse ; et toutes ces horreurs, loin d’être punies, sont récompensées par Auguste, qui voyant l’inutilité de ses rigueurs passées contre les conjurés, espère de ramener les cœurs par le pardon et de nouveaux bienfaits. […] Entrer, voler vers nous, s’élancer sur Gusman, L’attaquer, le frapper, n’est pour lui qu’un moment. […] quel crime est-ce donc devant ce Dieu jaloux De hâter un moment qu’il nous prépare à tous ?
Ce n’est que la répétition d’une fadeur triviale que savent tous les enfans, & que l’on dit à tout moment à toutes les femmes, qu’elles ont un teint de lys & de roses, qu’elles fout pâlir la rose d’envie, & rougir le lys de honte.
Nous instruisons un moment, mais nous avons long-tems séduit ; & quelque forte que soit la leçon de morale que puisse présenter la catastrophe qui termine la piece, le remede est trop foible & vient trop tard.
Un témoin vertueux de nos démarches reveille utilement cette honte salutaire, & met en sûreté la vertu, dont une timide pudeur redoute à tout moment la perte. […] Le serpent est trop rusé pour attaquer Eve avec son mari ; il épie le moment où elle est seule, lui parle sans témoins, & la séduit.