/ 334
244. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE IV. Le vice élevé en honneur et substitué à la place de la vertu sur le Théâtre Anglais. » pp. 240-301

La conscience est selon eux une chimère gênante, et la vertu une pédanterie qui sied mal à un Cavalier : les vues et les soins d’un avenir sont des idées et des précautions propres du vulgaire : quiconque donne dans ces travers est un homme sans honneur, un homme à noyer. […] Il n’y a pas d’apparence qu’on veuille aisément réitérer le crime dont l’aspect seul vient de nous effrayer ; quoiqu’on l’eût commis dans toutes les circonstances les plus capables de l’excuser : puisqu’à la première vue d’un crime d’ignorance et d’erreur on se trouble si fort ; ne serait-il pas bien étrange qu’on se resalît aussitôt l’imagination par le souvenir, et la conscience par le désir d’une chose qu’on n’ignore plus être un crime ?

245. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Que n’a-t-on pas dit contre les anciens Légendaires qui par le faux merveilleux qu’ils ont répandu dans les vies des Saints, quoique par des vues bien différentes des Romanciers et des Poètes, ont jeté un air de roman sur les choses les plus certaines et les plus édifiantes, et ont contribué au funeste ravage que fait le pyrrhonisme ? […] Ce n’est pas se réjouir dans le Seigneur d’en faire une matière d’amusement ; le véritable objet de la joie Chrétienne, c’est le souvenir de ses miséricordes, la vue de ses bienfaits, l’espérance de la félicité éternelle : « Lætatus sum in his quæ dicta sunt mihi, in domum Domini ibimus. » Ce n’est pas, il est vrai, un langage à tenir aux Comédiens ; ils le prendraient pour un délire.

246. (1694) Lettre d’un théologien « Lettre d'un théologien » pp. 1-62

la Comédie, par exemple, que se récrie Tertullien, lorsqu’il dit : « N'allons point au Théâtre, qui est une assemblée particulière d’impudicité, où l’on n’approuve rien que ce que l’on improuve ailleurs ; de sorte que ce qu’on y trouve de plus beau est pour l’ordinaire ce qui est de plus vilain et de plus infâme, de ce qu’un Comédien, par exemple, y joue avec les gestes les plus honteux et les plus naturels ; de ce que des femmes oubliant la pudeur de leur sexe, osent faire sur un Théâtre, et à la vue de tout le monde, ce qu’elles auraient honte de commettre dans leurs maisons, où elles ne sont vues de personne ; de ce qu’on y voit un jeune homme s’y bien former, et souffrir en son corps toutes sortes d’abominations, dans l’espérance qu’à son tour il deviendra maître en cet art épouvantable. On y fait paraître jusqu’à des filles perdues, victimes infâmes de la débauche publique, d’autant plus misérables en cela qu’elles sont exposées sur le Théâtre à la vue des femmes qui ignorent le libertinage. […] [NDUL] Notre auteur a sans doute en vue Pascal, qui, à la fin de sa XVIe Provinciale, a écrit : « Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte. » Ce mot se trouve aussi dans Balzac (Socrate chrétien, Xe discours, au début) ; et le cardinal du Perron l’avait auparavant appliqué à un ouvrage de Coeffeteau.

247. (1757) Article dixiéme. Sur les Spectacles [Dictionnaire apostolique] « Article dixiéme. Sur les Spectacles. » pp. 584-662

Un Chrétien, disent les Peres, est un citoyen du Ciel qui, éxilé pour quelque temps dans une terre étrangere, ne doit soupirer qu’après cette patrie céleste pour laquelle il est destiné ; qui, ne perdant jamais de vue la perfection à laquelle il est obligé de tendre, doit marcher sans cesse dans la voie de Dieu pour y atteindre ; & qui, ne jugeant des choses de la terre que par le rapport qu’elles ont avec l’éternité, s’interdit tout ce qui peut l’attacher au monde, aux créatures, pour ne s’attacher qu’à Dieu. […] Pour le comprendre, il ne faut que considérer quelles impressions font sur l’ame les images les moins animées par elles-mêmes ; il ne faut que considérer quel est le sentiment naturel qui accompagne la lecture d’un évenement profâne, la vue d’une peinture immodeste ou d’une statue indécente : si ces objets, tout inanimés qu’ils sont, se retracent naturellement à l’esprit, si on ne peut même en sentir toute la beauté & toute la force sans entrer dans la pensée de l’Auteur ou dans l’idée du Peintre, quelle impression ne font pas les spectacles, où ce ne sont pas des personnages morts ou des figures muettes qui agissent, mais des personnages animés qui parlent aux oreilles, qui trouvent dans les cœurs une sensibilité qui répond aux mouvemens qu’ils ont taché d’y produire, jettent toute une assemblée dans la langueur, & la font brûler des flammes les plus impures ? […] & quelles vues avez-vous vous-mêmes quand vous vous proposez d’aller goûter cet injuste plaisir ? […] Mais quand même on ne représenteroit jamais que des inclinations honnêtes & légitimes, pensez-vous que la vue des objets soit moins dangereuse en elle-même, & croyez-vous que le cœur disposé à s’enflammer, se rallentisse par l’honnêteté apparente qu’on lui met devant les yeux ? […] Et quand il n’y auroit, ajoûte saint Augustin, que la rencontre de l’un & de l’autre sexe ; sans parler de ces criminelles affeteries de femmes sans pudeur, qui par leur air languissant, par le son de leurs voix, par leurs actions empoisonnées, ne cherchent, selon l’expression de saint Basile, qu’à vous déchirer, qu’à vous percer des traits des passions qu’elles représentent ; sans tout cela même encore quand il n’y auroit que la vue d’un sexe dangereux qui affecte de venir y montrer une beauté relevée par tout ce que le faste & le luxe ont imaginé de plus enchanteur : ah !

248. (1756) Lettres sur les spectacles vol.1 pp. -610

Gresset, votre Ouvrage sur les Spectacles : je l’ai lu moi-même, malgré l’affoiblissement de ma vue. […] Ils ne sont pas en grand nombre, parce que cette vue suppose du goût & des connoissances ; mais cette intention ne garantit pas des mauvais effets des passions qui triomphent le plus sur le Théatre. […] Les perdez-vous un instant de vue, on les retrouve, hélas ! […] Richelieu s’occupa de réformer la Scene ; Fénélon avoit les mêmes vues ; M. […] Il faut souffrir sa rigueur : puisqu’elle a jugé cette distinction nécessaire, elle a ses vues ; & ce n’est pas après avoir été infractaires, que vous pouvez lui demander quelque compte ».

249. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre prémier. Le sujet. » pp. 160-182

Les mariages qui terminent les nouveaux Poèmes ne multiplient point les événemens qu’on doit avoit en vue, puisqu’ils ne tiennent en rien au fond du sujet primitif & n’ont aucun rapport au titre de la Pièce.

250. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre III. Que les anciens Pères de l'Eglise défendirent aux Chrétiens d'assister aux Jeux du Théâtre, parce que c'était participer à l'Idolâtrie. » pp. 57-89

Toutes ces belles disputes de Musique dans la Grèce, n'ont pour présidents que les Démons ; Enfin tous ces Spectacles qui charment la vue, et qui chatouillent l'ouïe, n'ont point d'autre origine que des Idoles, des Morts ou des Démons : car le Démon subtil, qui sait bien que l'Idolâtrie toute nue fait horreur, il l'a mêlée de plaisir afin qu'elle pût être aimée. » Quand le Concile troisième de Carthage défend à tous les Chrétiens de donner les Spectacles publics, et d'y assister, il est ajouté ; « Parce qu'ils ne doivent point se trouver où sont les blasphémateurs du nom de Dieu. » Et Saint ChrysostomeD.

251. (1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « LA PREMIÈRE ATTEINTE CONTRE CEUX QUI ACCUSENT LES COMÉDIES » pp. 1-24

Continuez donc, belle, docte et divine Muse, à imiter les mouches d’Hymette, qui des fleurs dont nous ne tirons que la senteur et la couleur font le miel doucereux : Jugez qu’il n’y a rien qui puisse contenter ceux à qui la vertu et la félicité ne peut suffire : car l’une comprend tout ce qui est à faire ; et l’autre, ce qui se peut souhaiter ; mais nos souhaits ne doivent-ils pas être accomplis au transport de l’aise que nous sentons quand nous voyons cet Oracle du monde, dont le nom est porté par toute la terre : qui avec un port de Vestale, et les façons de Mars, fait voir Mercure sur ses lèvres, Minerve en sa poitrine, Apollon en l’esprit, qui comme un autre Soleil, attire par ses rayons notre vue et nos louanges, et nous fait avouer que la matière surmonte l’œuvre, et qu’elle est digne des honneurs qui élevèrent Hercule dans les cieux : Elle en sait imiter les astres, qui font un chemin tout contraire à celui du monde, et vont encore mieux que lui.

252. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VII. De la frivolité et de la familiarité. » pp. 150-162

 » Et le Roi de Prusse, dans la même vue, parlant de la religion Protestante que lui-même il professe, disait avec autant d'esprit que de vérité : « C'est se moquer de recourir à l'inspiration divine ; la religion Protestante s'est établie en Allemagne par l'intérêt, en Angleterre par la débauche, en Hollande par l'indépendance, en France par des chansons.

253. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Ce n’est que dans cette vue qu’il a entrepris sa traduction. […] Des erreurs instructives, des erreurs amoureuses, forment le fonds de ce Roman ; mais nous doutons qu’elles soient instructives, à moins que le tableau du libertinage ne soit matiere d’instructions, & la vue du vice puni, ne fasse naître l’horreur, ce qui n’arrive pas toujours, sous quelque forme qu’on présente le vice, s’il est peint avec chaleur, il réveille nos penchans naturels, & développe le levain caché de nos passions.

254. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

On fait tout-à coup éclore dans son camp, une jeune Indienne qu’il n’a jamais vue ; le voilà subitement amoureux, au milieu du tulmute du camp, des préparatifs du combat, des dangers de la defaite ; un trait des beaux yeux de l’Indienne, perce son foible cœur, il quitte tout pour lui conter des fadeurs. […] Jusques-là c’est son rôle : voici celui du François, il court dans la scéne suivante se déclarer amant d’une fille qu’il n’a jamais vue, & qui n’est pas moins étonnée de sa déclaration, que doit l’être un spectateur raisonnable, qui ne desire pas de voir par tout la passion dont son cœur est rempli, Racine se fait lui-même le procès, dans la préface de cette même Phedre, il convient (quel aveu pour un François, pour un poëte, pour un poëte de théatre !)

/ 334