Après avoir séduit une foule de jeunes gens par les attraits de la volupté, corrompu leurs mœurs & consumé leur fortune, je méditai de conquérir le vôtre.
Tous les portraits des Actrices, danseuses, figurantes, &c. qu’on trouve de toutes parts dans les livres & sur les stampes, n’annoncent que la volupté : tein, taille, traits, fraîcheur, &c. on n’y voit que ce qui flatte la sensualité & l’excite.
à faire entendre que toutes les Religieuses sont enfermées dans un couvent malgré elles, forcées par les passions, séduites par les Religieuses, trompées par les Prêtres, gémissant accablées sous le joug, sur-tour (car c’est là le grand vœu du libertinage), ne pouvant garder la continence : tant le Poëte (je ne sais s’il le sait par expérience) est persuadé qu’on ne peut se passer de volupté, & que personne ne peut se défendre de l’impérieux vœu de la nature.
qu’Hercule fut grandelet, il s’en alla en un désert, et que deux femmes se présentèrent à lui, desquelles l’une était fort belle, parée de toute sorte de pierreries riches, reluisante de pourpre, et parfumée de senteurs fort odoriférantes, laquelle usant de douces paroles et emmiellées, le demandait pour compagnie, lui promettant de lui donner tous les plaisirs et voluptés qu’il savait souhaiter : l’autre habillée en une bonne dame et sage Matrone, sans parure, sans dorure, sans odeurs, la tête baissée, l’assurait, que s’il la voulait suivre, il souffrirait premièrement beaucoup de travaux et de labeurs : mais qu’enfin il ne serait point mortel, comme l’autre lui promettait, ains serait immortel.
Ainsi c’est à juste cause que nous nous abstenons de vos voluptés mauvaises, et de Vos Pompes, et Spectacles. […] Combien que la pratique des premiers Chrétiens eût été telle, néanmoins comme le monde est alléchant, et les voluptés attrayantes, On en vit plusieurs d’eux, qui avec le temps, se relâchèrent, et ne firent point de difficulté de se rendre aux Théâtres. […] Nous y avons remarqué un mauvais emploi de l’argent qui s’y met ; la Parabole donc du riche dissolu, qui n’avait pas usé ainsi qu’il eût dû des biens que Dieu lui avait départis, et qui au lieu d’en aider les nécessiteux, les avait employés en ses voluptés, prononce leur condamnation.
On ne saurait disconvenir qu’il n’est aucun Ouvrage d’esprit, qui puisse être autant utile à la société, qu’une bonne Comédie : les réprimandes des Moralistes sont si dures, si mal assaisonnées, qu’elles nous révoltent ; mais c’est en riant, c’est par le plaisir que Thalie instruit & corrige : Si la volupté, dit Platon (cité par Riccoboni) a été la source du mal, il faut qu’elle devienne aussi la source du bien. […] La Comédie, au contraire, pour être utile, & même pour n’être pas dangereuse, dans le siècle de l’esprit & du rafinement des voluptés, a bien une autre tâche à remplir. […] Hé-bien, sur les Théâtres de la Capitale, cette illusion, source d’une volupté qui n’est sûrement pas dangereuse, devient absolument impossible ; non de la part des Acteurs, mais, ce qui va vous surprendre, de celle des Spectateurs eux-mêmes, ou plutôt de cette partie des Spectateurs, qui ne sentant rien, & ne se connaissant pas même en plaisir, veut persuader qu’elle sent beaucoup, & qu’elle sait parfaitement saisir les beautés d’un Drame : cette foule peu sage de Jeunes-gens, & de Vieillards non mûris, dans le plus bel endroit, lorsque les larmes devraient couler, s’échappe en longs battemens de mains, qu’elle redouble encore quand l’Acteur, aussi sot qu’elle, quittant son personnage & redevenu Comédien, s’incline d’une manière orgueilleusement modeste, pour remercier bassement ces étourdis, de ce qu’ils l’empêchent de remplir dignement son Rôle. […] Il n’y aurait qu’un moyen efficace pour cela ; ce serait de les convaincre, que l’homme sensible n’applaudit pas ; qu’il savoure, qu’il jouit de son attendrissement ; & que pour goûter cette volupté si-douce, il faut, non sortir de soi-même, mais s’y concentrer : notre siècle affiche le sentiment ; c’est une mode que cette affectation, & personne ne voudra paraître s’en écarter.
4 » Or, dit-il, comme l’avarice, la gourmandise, l’impureté, la vaine gloire et l’ambition sont des.espèces de concupiscence ; la volupté en est une autre, et les Spectacles sont une espèce de volupté. « Species autem voluptatis spectacula ». Et par conséquent les concupiscences du siècle étant défendues, cette espèce particulière de la volupté qui le trouve dans les Spectacles l’est aussi. […] Mais pour ces jeunes gens qui y font foule, qui fatigués des plaisirs de toute sorte, ne cherchent dans la volupté que de nouveaux ragoûts ; pour ces Dames mondaines, dont la vie est une oisiveté continuelle, qui n’ont d’autre occupation que celle d’idolâtrer leur corps, de le satisfaire dans tous ses désirs, de s’ajuster et de faire parade de leur vanité depuis le matin jusqu’au soir ; pour ces coquettes, dont l’esprit n’est rempli que d’intrigues ou de commerces, qu’elles cherchent ou à commencer ou à entretenir à la Comédie ; pour ces fainéants de profession, ces batteurs de pavé, dont la présence à la Comédie est la fin d’une journée inutile et pour eux et pour le public, tant d’autres enfin de ce caractère dont la Comédie est remplie : quel besoin ont-ils, je vous prie, de chercher à la Comédie à délasser leur corps ou leur esprit ?
C’étoit pourtant un débauché, qui avoit vieilli dans la volupté, dont la satiété & le palais blasé ne devoit sentir que les traits les plus piquans.
Le Grand-Maréchal de la Couronne, chef de la police, qui s’étoit ci devant opposé quoiqu’inutilement, à l’introduction du Théatre permanent, s’opposa de nouveau à la proposition : il fit voir que c’étoit une monopole pour s’enrichir sur les plaisirs du public, aux dépens des bonnes mœurs d’une nation déjà si portée au luxe & à la volupté ; que ce seroit même donner aux propriétaires un titre sur la police des spectacles qui se donnoient chez eux.
La seule volupté y préside, Vénus fait tout.
Mais la fine épicerie en dédommage des palais moins grossiers, mais pour le moins aussi friauds de volupté.