Mais l’impudicité règne dans leurs Ouvrages, quoi qu’elle y paraisse sous les habits de la vertu. […] Cependant le Poète qui veut intéresser ses auditeurs dans la fortune de Pamphile et de Glycérie, fait paraître ces deux jeunes gens aimables ; il en fait à la fois un monstre de vertu et de vice, ou plutôt un composé de vices effectifs sous des vertus apparentes, pour le rendre aimable ; de sorte que bien loin que des jeunes gens conçoivent de la honte de ces sortes d’amours, ils souhaiteraient ressembler à ces deux amants, dont les amours réussissent. […] Cicéron reprend les Grecs de ce qu’ils avaient consacré les amours impudiques des Dieux, en faisant une divinité de Cupidon : et il dit qu’ils ne devaient rendre ce culte qu’à leurs vertus. Lactance remarque fort bien que ce n’est point assez, et qu’ils devaient entièrement quitter des Dieux vicieux qui nuisaient plus par l’exemple de leurs désordres, qu’ils ne pouvaient être utiles par l’exemple de leur vertu. Le mal a plus de force que le bien sur l’esprit de l’homme, et s’il se trouve une personne qui imite quelqu’une des vertus des Héros des Poètes, il y en a mille qui sont les imitateurs de leurs vices.
Vice ou vertu, qu’importe, pourvu qu’on en impose par un air de grandeur. […] Le savoir, l’esprit, le courage ont seuls notre admiration ; et toi, douce et modeste vertu, tu restes toujours sans honneurs ! […] Ce qu’il y a du moins de bien sûr, c’est que de pareils exemples ne sont guère encourageants pour la vertu. […] Ce sont des gens qui, tout au plus, raillent quelquefois les vices, sans jamais faire aimer la vertu. […] Si le théâtre a pu inspirer aux païens quelques vertus imparfaites, grossières, mondaines et superficielles, il n’a ni l’autorité, ni la dignité, ni l’efficace qu’il faut pour inspirer les vertus convenables à des chrétiens.
Ce rôle si intéressant et si beau, est la raison et la vertu même. […] Peu de gens aiment la vertu pour elle-même. […] Est-ce là jouer la vertu, la simplicité, la bonté ? […] Il hait le vice, il aime la vertu ; mais le vice et la vertu ne sont rien de réel, que relativement aux hommes. […] Rousseau, la pudeur est non seulement une vertu, mais la première vertu d’une femme : sans la pudeur une femme est coupable et dépravée.
Il attaque le vice avec le courage de la vertu, la vertu avec l’audace du vice ; rien ne lui coûte. […] Où sont donc les vertus, où est la bonne morale de Moliere ? […] sont-ce des vertus chrétiennes ? […] la foi, l’humilité, la chasteté sont-elles même des vertus ? […] Est-ce par ses vertus ?
Inspirer à l’Auditeur plus d’ardeur pour les vertus, pour les grands talents, pour les louanges que l’on donne aux grands hommes, et pour l’admiration que l’on a pour leur vertu. 2°. Lui faire sentir délicatement la différence d’estime et d’admiration pour les différentes vertus et pour les différents degrés de vertus en nous apprenant à nous connaître en bonne gloire et à discerner la distinction la plus précieuse entre nos pareils de la moins précieuse ; or cette distinction précieuse vient toujours des talents les plus utiles à la société, et surtout de la pratique de la justice et de la bienfaisance. 3°. […] Ainsi avec un des grands mobiles des hommes qui est le désir de la distinction, le Poète pourra en divertissant les spectateurs augmenter considérablement l’empire de la vertu et de la gloire aux dépens de l’empire de la mollesse et de la vanité, la perte de l’un sera l’augmentation de l’autre, et à dire la vérité, les hommes n’ont rien de solide et de durable à opposer au furieux désir des plaisirs des sens si nuisibles dans leur excès à la société, que le ressort ou le désir des plaisirs de la distinction la plus précieuse qui tend toujours au plus grand bonheur de cette même société. […] Les spectacles peuvent donc être utiles et agréables, mais il faut qu’ils soient dirigés par une compagnie perpétuelle composée de gens habiles, et surtout de bons politiques sous les ordres du Magistrat de Police, et qu’ils tendent toujours à rendre dans la société la vertu respectable et aimable, les vices honteux et odieux, la vanité méprisable et ridicule ; je demande enfin pour Membres de cette compagnie des connaisseurs délicats, qui sentent combien les bonnes mœurs sont importantes pour augmenter le bonheur de la nation. […] Tout le monde sait ce que c’est que Médée ; cependant un Poète croit bien employer son esprit en lui faisant dire : « Et mon cœur était fait pour aimer la vertu. » En bonne foi, n’est-ce pas réellement blasphémer contre la vertu ?
Réflexions sur la vertu qu’Aristote et Saint Thomas après lui ont appelée Eutrapelia. […] Pour la vertu d’eutrapélie, que Saint Thomas a prise d’Aristote, il faut avouer qu’ils ne l’ont guère connue. […] Car c’est ainsi qu’il s’en explique en termes formels, quand il parle de cette vertu dans ses morales. […] Il est clair qu’il en veut à Aristote, qui est le seul, où l’on trouve cette vertu que Saint Chrysostome ne voulait pas reconnaître. […] Voilà donc ce qu’il a pensé de la vertu d’eutrapélie peu connue des chrétiens de ces premiers temps.
Il semble, mes Pères, que vous ayez oublié ici la promesse que vous avez faite de représenter les vertus de votre Héros par des Symboles clairs et expressifs tirés de la fable. […] Des Matelots qui viennent du fond de la mer et qui ne rentrent dans leur barque qu’après avoir dansé, peuvent-ils être des Symboles d’une vertu qui ne pouvant enseigner aux hommes qu’à s’acquitter de leur devoir, ne pourrait que condamner ces Pasteurs Mercenaires et ces Matelots infidèles, qui abandonnent pour danser, les uns leurs troupeaux ; les autres leurs barques ? […] Bernard, ainsi que l’enflure du cœur est la mère de la présomption, de même la véritable douceur ne procède que de la vraie humilité. » Ce sont deux vertus que Jésus Christ a rendu lui-même comme inséparables : « Apprenez de moi, dit-il, que je suis doux et humble de cœur. […] Bernard, mais l’une et l’autre de ces vertus est néanmoins très grande, et pour faire que notre sanctification soit parfaite et achevée il faut nécessairement que nous apprenions du Saint des Saints la douceur et l’humilité. […] L’humilité n’est pas la vertu de la Compagnie.
C’est du précieux, mais du vrai, le théatre fait perdre les vertus roturieres, aussi bien que les vertus nobles. […] La vertu y voudra-t-elle monter ? […] La vertu la plus austère recevoir des leçons du théatre ! […] On n’entretient aucune Actrice, elles sont d’une vertu austère. […] Mais la réforme s’avance & court à grands pas à la plus austère vertu.
S’il n’était pas assez prouvé que surtout le sujet de la comédie du Tartufe est essentiellement vicieux, que sa représentation n’était propre qu’à frapper de ridicule la pratique des vertus, à nous en faire honte, à nous démoraliser, on pourrait jeter un nouveau jour sur cette question, et achever de rendre sensible le défaut radical que j’y relève, en faisant un rapprochement entre cette pièce et d’autres du même genre. […] On pourra nier cette conséquence et dire qu’il y avait un milieu entre s’acquitter de tous les devoirs que la religion et les autres vertus prescrivent, et s’abandonner aux désordres de la dernière école, se vautrer dans la fange du vice ; qu’il était possible de garder la pureté de son âme, de rester attaché de cœur aux principes, à la sagesse, à la piété, aux mœurs ; qu’il suffisait, pour éviter la persécution, de s’abstenir des vertus pratiques, en s’isolant des deux partis, en fuyant également les disciples des écoles qui étaient aux prises, et leurs errements, ou leurs exercices et habitudes, etc. […] Maintenant, faisons abstraction de leurs inconvénients, et examinons plus directement de quelle utilité pouvaient être ces tableaux hideux bordés de vertus. […] N’ont-ils pas su de tout temps par des voies ordinaires qu’il y a dans l’état ecclésiastique, comme dans toutes les autres professions, des hommes pervers qui se cachent sous le manteau de la religion et des autres vertus ; ou en style évangélique, qui se couvrent d’une peau d’agneau, et qui sont au dedans des loups ravissants ? […] Ne devient-il pas de plus en plus sensible qu’il ne peut être avantageux ou agréable qu’aux disciples de la dernière école de mettre en spectacle, de cette sorte, l’image des vertus qui les inquiètent et les condamnent ; et qu’eux seuls devraient le désirer pour leur vengeance et leur satisfaction ?
Du théâtre, aujourd’hui, les douces impostures N’en font aux spectateurs que de sages peintures ; Par l’austère devoir le crime est combattu ; Et l’on y voit toujours triompher la vertu. […] On ne voit pas régner, dans ce nouveau tragique, Tout le faux merveilleux de la vertu stoïque. […] Une vertu sublime, ou n’entre point l’orgueil, De la vertu païenne inévitable écueil, Un courage indompté, conduit par la sagesse ; Nul mélange honteux de force et de faiblesse. […] Quel plaisir d’écouter tes aimables Acteurs, Des plus hautes vertus nouveaux Prédicateurs ! […] C’est là que la vertu peut tenir son école.
Les vices & les vertus, les inclinations & les repugnances, sont diversifiés à l’infini. […] Mais les pieces de théatre ont quelquefois de belles maximes, & débitent une bonne morale ; elles font connoître le monde, peignent le vice & la vertu, offrent des situations intéressantes, le vice y est puni, la vertu récompensée. […] Sous une apparence de vertu, c’est une leçon de vice. […] Qu’on nons donne le théatre pour une école de vertu, qu’on vante sa réforme, sa décence & sa pureté ! […] C’est donc le vice qui est déshonoré ; ce n’est plus lui, c’est la vertu qui déshonore.