Cependant, comme le vice, toûjours semblable à lui-même, viole les mêmes loix, trouve les mêmes obstacles, a les mêmes intérêts à ménager, il régne sur le théatre une sorte d’accord & un systême de dépravation, tout tend au même but ; on sent que le démon dirige sa marche, combine les principes, fait agir les ressorts. […] Presque aucun mari qui n’ait senti les traits piquans de sa satyre, peu de familles où l’on n’en trouve de père en fils.
peut-on être aveugle jusqu’à ne pas sentir le ridicule et la contradiction du culte qui anéantit, et du parallèle qui égale ? […] Non : une comparaison fera sentir l’impiété de cette conduite et la justice de nos reproches.
Malgré toutes les apologies et l’assurance affectée des amateurs, personne qui au fond du cœur ne sente ces vérités. Le théâtre est si opposé aux règles de la piété chrétienne, si généralement réprouvé par tout ce qu’il y a eu de pieux et d’éclairé dans tous les siècles, il porte si clairement sur le front l’empreinte de tous les vices, il est si évidemment l’aliment de toutes les passions, l’expérience et la conduite de ceux même qui le défendent, fait si vivement sentir combien il est funeste à la religion et aux mœurs, qu’on ne peut ni blâmer le zèle qui en éloigne les fidèles, ni dissimuler le scandale que donnent ceux qui y vont, fussent-ils eux-mêmes innocents : « Et peribit in tua scientia frater ?
Riccoboni en avoit rempli plusieurs portefeuilles, tout cela est très-peu de chose ; c’est proprement l’acteur qui compose, il a plus besoin de génie, d’exercice, de fécondité que l’auteur, pour remplir sur le champ ces idées seches, & imaginer à propos des choses plaisantes, analogues à la piece ; on sent combien doit être licencieux un dialogue abandonné à l’imagination libertine d’un comédien, & d’une actrice qui peuvent impunément dire tout ce qui leur vient dans l’esprit, pour faire rire le parterre. […] Je ne suis entré dans ce détail que pour faire sentir combien est mal fondé l’apologie du théatre, par l’approbation & l’exemple de Léon X ; jamais il ne l’a approuvé, & s’il l’a aimé, son exemple en est une nouvelle & éclatante condamnation. […] Qu’au reste la malignité, l’envie, la calomnie, les hérétiques ont beaucoup éxagéré les défants de ce Pape, ce que je crois sans peine ; mais il n’y en a que trop de certain, pour faire sentir le danger de la fréquentation du théatre, pour les hommes même les plus éminents, & la foiblesse d’une apologie qui voudroit se prévaloir des exemples de ce Pontise.
Point de femme qui d’abord ne passe en revue la parure de toutes celles qu’elle voit, & ne se mésure avec elles, & ne sente la noble émulation de l’égaler & de la surpasser. […] Qui l’ignore, qui ne le sent, & que veulent autre chose ces indécentes créatures ? […] Les ornemens & la richesse leur font mieux sentir leur misere ; cet humiliant contraste les remplit d’indignation.
La Reine sentit bientôt qu’elle perdoit l’estime, la confiance, l’attachement des Suédois, & qu’elle ne les regagneroit point, tandis qu’elle meneroit une vie d’Actrice, qu’on vouloit d’elle une vie réglée, sérieuse, appliquée ; la vie d’une véritable Reine telle que la menoit le grand Gustave son père ; elle étoit bien éloignée de remporter sur elle-même cette victoire, ni même de le vouloir, elle étoit trop fiêre & trop indépendante pour s’y soumettre, elle ne pouvoit donc s’attendre qu’à beaucoup de désagrémens, tôt ou tard des révoltes, & peut-être la destitution de la part d’un peuple grossier, belliqueux & sauvage comme le climat qu’il habite. […] C’étoit un phénomène fort singulier, & comme une aurore boréale dans un climat & dans un siècle fort peu éclairé, qu’une jeune Reine des Goths fit cas de la science, se piquât d’être savante, & sut en effet quelque chose au milieu des neiges du pole ; les annales de la Suède n’offroient rien de pareil depuis le déluge, il en coûta cher à Descartes que cette Princesse voulut apprendre la philosophie des tourbillons, elle voulut très-gothiquement recevoir ses leçons à cinq heures du matin ; où le froid se fait vivement sentir. […] Je ne sais si Christine sentit toute la vérité & tout le sel de ces paroles.
Ce sont les personnes les plus distinguées qui ne croyent point déroger, l’argent & la vraie noblesse ; on raisonne comme Vespasien, il avoit mis un impôt sur les urines, son fils Titus voulut lui en faire sentir l’indécence, Vespasien lui fait flairer une pièce d’or : a-t-elle mauvaise odeur ? Non, sachez, mon fils, que l’argent d’où qu’il vienne ne sent jamais mauvais. […] Un citoyen qui sent combien une pareille dispute rend méprisables ceux qui ne rougiroient pas d’y attacher de l’importance, a publié dernièrement un Pamphlet (une brochure) intitulée : Mémoire pour servir de plan aux pièces de théatre de Varsovie, & de supplément à l’histoire de la démence humaine.
Il ajoute que les beautés des Portraits qu’il fait, sont si naturelles qu’elles se font sentir aux personnes les plus grossiéres : & que le talent qu’il avoit à plaisanter s’étoit renforcé de la moitié par celui qu’il avoit de contrefaire.
Je me rappelle à ce propos d’avoir lu dans quelqu’endroit, qu’une Actrice célebre prononçant ces mots d’une Tragédie, il m’en souvient, & s’étant arrêtée quelque tems pour faire sentir davantage la force de ces paroles, un Spectateur du parterre s’impatienta de la longueur du silence de l’Actrice, & dit tout haut : ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient gueres.
O n appelle caractère au Théâtre, la manière de sentir, de parler & d’agir, propre à chaque personnage.
En louant les poëtes ses confreres, Voltaire n’épargne pas Louis XIV, dont ils ont été les plus outrés panégyristes, les défauts du Héros décréditent l’éloge dont ils montrent le faux, & celui qui le fait dont ils font sentir la bassesse.