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20. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Sixième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 40-72

L’intriguant le plus décidé, en sortant d’une représentation du Méchant, se trouverait insulté du nom de Cléon ; & le plus insoutenable fat se fâcherait très-sérieusement, contre quiconque lui dirait qu’il ressemble au Marquis de la Pupille. […] La représentation de trois Tragédies de Sophocle coûta plus aux Athéniens que la guerre du Péloponnèse. […] Le Théâtre étend & généralise la corruption, en raison de nos dispositions, & cette première source des effets corruptifs des Représentations, est la plus abondante. […] En jouissant de la Représentation, on approuve rarement de telles actions ; presque toujours ou les a en horreur, on les déteste, & l’on juge la Pièce & l’Auteur d’après les lumières d’une saine raison. […] On peut en accuser la trop grande facilité d’aborder les Actrices durant & après les Représentations.

21. (1770) Des Spectacles [Code de la religion et des mœurs, II] « Titre XXVIII. Des Spectacles. » pp. 368-381

Dans nos représentations antiques & grossières, l’esprit à la vérité ne brilloit pas, mais le cœur y gagnoit ; nos pères s’y délassoient ; ils en sortoient meilleursa. […] Les abus qui s’introduisirent dans la représentation des mystères mêmes donnèrent lieu à cette défense. […] Les Directeurs de l’Opéra & les Comédiens François, fâchés de perdre cette semaine, se sont avisés de solliciter à la Cour la même faveur ; mais le Roi, loin de répondre favorablement à leur requête, vient de donner une nouvelle preuve de son zèle pour la Religion, & sur-tout dans ce saint temps, en interdisant, même aux Comédiens Italiens, toute représentation pendant ladite semaine. […] Valère Maxime ne vouloit pas que les femmes assistassent à la représentation des Pièces galantes. […] Je ne crois pas que cette défense regarde des représentations honnêtes, mais seulement des jeux de théâtre obscènes & indécens.

22. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VIII. » pp. 131-157

Ecoutons cet illustre Evêque de Carthage : toute la Ville est, dit-il1, en mouvement, pour voir la représentation des Divinités fabuleuses ! […] Ainsi s’exprimoient, Mademoiselle, les anciens Peres de l’Eglise ; ceux qui leur ont succédé n’étoient plus guères dans le cas d’écrire contre les Comédiens qui devenoient très-rares, & dont les représentations étoient sans suite & sans consistance. […] Le Spectacle ne plait que par la représentation des hommes vicieux. […] Aristote qui dans sa Poëtique a donné des regles pour le Théâtre, sur lesquelles nos grands Maîtres, sur-tout Pierre Corneille, se sont modélés, n’a pas laissé dans sa politique de supposer un certain danger dans les représentations. […] M. de Voltaire avoit cependant mis quelques citoyens dans le goût des représentations ; il les faisoit venir chez lui de tems en tems pour jouer ses Piéces.

23. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE XI. Les Grecs ont-ils porté plus loin que nous la perfection de la Tragédie ? » pp. 316-335

Dans les Représentations des Tragédies à Athenes, tout étoit sacré. […] Un Poëte François dont la Piéce est mal reçue dans la premiere Représentation, espere un meilleur succès dans les suivantes : & s’il y est toujours malheureux, il espere que son Imprimeur lui fera rendre justice ; il n’en étoit pas de même d’un Poëte Grec. […] L’Action est en effet le principal objet d’un Poëme qui par la Représentation doit faire une prompte impression. […] Comme notre Action se passe ordinairement dans une chambre, notre Dialogue est plus conforme à la conversation ordinaire, & convient à nos Représentations qui se font dans un lieu fermé, & très-étroit, en comparaison des lieux vastes & découverts, qui étoient destinés chez les Anciens, aux Représentations. […] Puisque nous ne pouvons juger que très-imparfaitement de Piéces qui étant composées pour le plaisir du cœur & la satisfaction des oreilles, produisoient leur effet par la Représentation, & qu’elles nous paroissent dans leur caractere comme dans leur forme si différentes des nôtres ; comment les comparer ensemble ?

24. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « Avertissement de l’Éditeur, En forme de Table des Matières. » pp. 7-16

Les Ennemis du Théâtre ont voulu l’anéantir, en l’attaquant par la Religion, par les Loix & par le raisonnement : Mais le Gouvernement protége les Représentations Dramatiques ; & son approbation, sans doute bien fondée, rend inutiles les plus belles démonstrations. […] La Mimographe * débute par le tableau d’une de ces Intrigues communes à nos Actrices, qui sert de preuve que leur personne, leurs talens, leurs mœurs, & leurs attraits inconvénientent la Représentation des Pièces les plus sages. […] 52 Sous le § I, on entre dans quelques détails sur les inconvéniens des Représentations Dramatiques. […] Le préambule de ce Titre traite de nos Salles de Spectacles, & des changemens qu’il serait à propos de faire à notre Scène pour donner plus de vérité à la Représentation. […] 218 Article treize, Jours des Représentations.

25. (1698) Mandement de Monseigneur l’Illustrissime et Révérendissime Evêque d’Arras au sujet des Tragédies qui se représentent dans les Collèges de son Diocèse [25 septembre 1698] « Mandement  » pp. 37-43

Les représentations qui se font dans les Collèges à la fin des Classes, qui d’elles-mêmes et réduites à de certaines bornes seraient innocentes, mais auxquelles on joint assez souvent des choses que l’on verrait bien qui ne le sont pas si on y faisait attention, sont de cette espèce. […] Nous défendons de joindre à la représentation de ces Tragédies, des Comédies et des Opéra avec des danses qui ne peuvent être qu’une semence de corruption pour une jeunesse capable dans cet âge tendre de toute sorte d’impressions. On s’y servira beaucoup moins de certaines représentations bouffonnes très indignes du Christianisme, et que l’on ne voit et que l’on ne souffre qu’avec peine dans les Places publiques, telles que de Arlequins et semblables travestissements. […] Nous défendons absolument et très étroitement de se servir de lieux saints ou consacrés par la célébration de nos saints mystères, pour la représentation de ces Tragédies à quelque point que l’on les réduise, mais beaucoup plus étroitement encore si on y joignait quelqu’une des choses que nous venons de défendre dans le précédent Règlement : et si ce scandale arrivait, comme cela nous paraîtrait une profanation publique de ces lieux, et une espèce d’abomination dans le lieu saint, Nous défendons très expressément à tous Prêtres du Clergé ou Réguliers d’y célébrer la S.

26. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre XI. Que les Poèmes Dramatiques n'ont point été condamnés. » pp. 230-236

C'est donc ainsi que les Chrétiens ont fulminé contre les Jeux Scéniques et contre tous les Mimes et Bateleurs qui n'y paraissaient que pour faire les divertissements du peuple, par des actions et des paroles dignes de la plus grande sévérité des Lois, et qu'ils ont empêché que la sainteté des Chrétiens ne fut souillée par la communication de ces impudences, dont le poison se pouvait aisément glisser dans l'âme par les yeux et par les oreilles : ils n'ont pas traité de la même sorte la représentation des Poèmes Dramatiques, et je ne trouve que fort peu d'endroits qui témoignent ce qu'ils en ont pensé « Comœdiae et Tragœdiae horum meliora Poemata. » Tertull. de Spect. […] Mais lorsqu'il condamne quelques désordres dans les représentations Théâtrales, il parle de celles qui étaient accompagnées de danses honteuses, et de gestes impudents, c'est-à-dire, celles des Histrions. […] Et je ne sais comment il s'est pu faire que certains Canonistes prévenus de l'erreur public, et sans avoir examiné les sentiments des Anciens, ont allégué deux Canons, tirés des paroles de Saint Jérôme, comme une condamnation absolue de la représentation des Poèmes Dramatiques, car il n'en parle point ; il ne s'agit que des Ecclésiastiques qui lisaient les Comédies, au lieu de s'appliquer à l'étude des Ecritures Saintes, et l'on ne peut en tirer aucune conséquence, parce qu'il confond dans cette défense Virgile, et toutes sortes d'Auteurs profanes.

27. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre IV. De l’illusion Théâtrale. » pp. 64-79

De pareils spectateurs seroient sans doute ravis en extase, à la représentation d’une Piéce dragmatique, fût-elle jouée dans une grange. […] Si je vois toujours la salle, je prends peu d’intérêt à la représentation. […] Nous savons que les représentations Théâtrales nous trompent ; nous nous plaisons à en être trompés. […] Si je ne craignois d’avancer une hérésie Théâtrale, je dirois que c’est aussi une des causes du dégoût, qu’on sent à un certain âge, ou quand on a beaucoup fréquenté les Spectacles, des représentations qui s’y donnent. […] Au lieu que la représentation cessant, ils ne pensent plus qu’au bruit qui se fait, & la magie disparoît totalement à leurs yeux.

28. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XV. Les spectacles éteignent le goût de la piété. » pp. 133-137

« On serait peut-être moins coupable en assistant aux représentations théâtrales, si leur effet n’était que d’allumer des passions vicieuses ; mais elles éteignent encore le goût de la piété. […] L’esprit de prière, comment le conserver, après que tant d’objets profanes ont fait sortir l’âme d’elle-même, quand elle n’est remplie que de fantômes ; et la prière qu’on adresserait à Dieu au sortir de ces représentations, supposé qu’on en fît, ne serait-elle pas plus propre à l’irriter qu’à le fléchir ? […] Quand on connaît les obligations et l’essence du christianisme, on sent que des représentations si obscènes ne peuvent s’accorder avec sa pureté ; qu’on ne peut participer à la table des démons et à celle du Seigneur, et que Bélial ne peut être adoré sur le même autel avec Jésus-Christ. » « Je ne connais pas, dit un auteur, d’esprit plus opposé à l’esprit du christianisme que l’esprit du théâtre ; j’en ai peut-être été aussi entêté qu’un autre, mais j’avoue, à ma confusion, que je n’ai jamais été moins chrétien que pendant cet entêtement.

29. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — IV.  » p. 458

La représentation d'un amour légitime, et celle d'un amour illégitime font presque le même effet, et n'excitent qu'un même mouvement qui agit ensuite diversement selon les différentes dispositions qu'il rencontre ; et souvent même, la représentation d'une passion couverte de ce voile d'honneur est plus dangereuse, parce que l'esprit la regarde plus sûrement, qu'elle y est reçue avec moins d'horreur, et que le cœur s'y laisse aller avec moins de résistance.

30. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-7

Les représentations théatrales furent ensévelies sous les ruines de l’Empire romain, & ne reparurent que long-temps après. […] Ces mysteres étoient des actions saintes, la Vie & la Passion de Jesus-Christ, d’où les comédiens prirent le nom de Confreres de la Passion ; d’où sont venues tant de représentations dans l’Eglise, à Noël, aux Rois, à la Semaine-sainte, à Pâques, à la Fête-Dieu, comme à Aix, à Angers, à Avignon, &c. […] De-là vient la diversité des attributs & des figures des mêmes dieux jusques dans la même nation, la représentation théatrale dont les variations arbitraires ont produit ce cahos mythologique, où l’on veut deviner des allusions morales, des secrets d’histoires & de politique qui n’y furent jamais. […] Mais on s’est trompé : ce n’est pas seulement l’idolâtrie, c’est encore la dangereuse représentation du crime, les leçons du vice, l’apologie des passions, les occasions du péché.

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