N’eût-il que son apostasie, jamais le vrai sage ne regardera comme un grand homme un parjure, un lâche, un rébelle à son Dieu, qui abandonne la vraie religion pour adorer des faux dieux, contre les lumieres les plus évidentes de la raison naturelle.
Ces productions du génie leur donnaient d’autant plus de lustre aux yeux du public enchanté, qu’à juste titre on pouvait les regarder comme les annales de la nation, puisque leurs nombreuses tragédies ne présentaient que le récit intéressant des événements fameux qui avaient à jamais rendu célèbres les héros de la République. […] Ceux même qui, donnant dans un genre moins relevé, s’attachaient spécialement à la comédie, devaient nécessairement, avant qu’elle dégénérât en une horrible licence, être regardés comme exerçant une profession vraiment utile et propre à maintenir la liberté dans l’état, ou à fortifier ses ressorts politiques. […] Mais l’avocat, qui ne se regarde que comme le défenseur né de la veuve et de l’orphelin, ne cherche dans la réputation que ce qu’il y a de vraiment solide et d’estimable. […] Les applaudissements ou les murmures des spectateurs n’intéressent que son amour propre, et ne peuvent regarder le public que sous le rapport du plus ou du moins de plaisir qu’il lui fait éprouver. […] L’hypocrisie ne peut mener à rien, dans un temps où trop malheureusement la religion a tant de peine à recouvrer sa splendeur, et où sa pratique si décriée dans le beau monde, n’y est plus même regardée que comme le partage des esprits faibles.
Mais encore, ce n’est pas un poison lent, le vice de l’impureté lance ses traits avec violence, ils blessent subitement ; un coup d’œil suffit pour perdre l’ame la plus vertueuse, quand on regarde avec plaisir le séduisant objet : ce que l’Evangile exprime par ces mots, qui viderit ad concupiscendum, jam machatus est in corde sue . […] Dans les quatre gros volumes de l’Art de la comédie, le sieur Caihava est si enthousiasmé de Moliere, qu’il le regarde comme la source, le docteur, le centre, la regle unique de tout le théatre ; ses œuvres sont plus que les aphorismes divins d’Hypocrate dans la médecine, Aristote dans l’ancienne philosophie, le digeste & le code dans la Jurisprudence.
Le seul caractere de l’historien la feroit regarder comme une fable, & tous les jours la critique, la philosophie, pour décrédirer les legendes, les traite de comédies, & les Moines qui les ont faites de Comédiens. […] Le vieux Pere qui le reçoit ne vaut pas mieux que lui, non plus que ses compagnons : Uniquement occupé , lui dit-il, d’une philosophie qui nous est propre, nous commençons par manger tout ce que nous avons, & nous revetant de ces habits, nous regardons le patrimoine d’autrui comme une ressource certaine pour nous.
Vous vous découvrez indécemment à vos yeux, vous vous regardez avec complaisance, vous vous admirez dans votre miroir, vous goûtez vos graces, votre figure, n’êtes-vous pas votre premier amant, & de tous le plus libre ? […] Vous vous permettez de regarder des tableaux licentieux, de lire de mauvais livres, de chanter des chansons lascives ; quoique vous soyez sans témoins, la pudeur malheureusement exilée n’habite plus dans votre cœur.
Il fallut aussi faire le portrait de la femme de Moliere, qu’on ne regarde point , dit-il, sans surprise & sans admiration . […] Il n’est pas plus permis de présenter l’impureté par les mouvemens & les gestes, que par les paroles & les tableaux ; il n’est pas plus permis de la regarder sous ces traits que sous d’autres : c’est un vrai scandale.
Cette vision est aujourd’hui regardée comme une fable ; du moins est-il certain qu’il ne se convertit pas. […] Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les miens, & personne ne les regarde.
Epigene ayant le premier fait jouer un Drame dont le sujet étoit étranger à Bacchus, les Spectateurs étonnés de cette nouveauté, s’écrierent οὐδὲν πρὸς Διόνυσον : Il n’y a rien là qui regarde Bacchus ; ce qui devint dans la suite un proverbe que l’on appliquoit à ceux qui ne traitoient pas la matiere qu’ils devoient traiter. […] On commença dès le sixieme siecle, à ne point s’astreindre aux regles grammaticales qui regardent les cas & les genres. […] Les fables d’Isis & de Sérapis peuvent faire regarder l’Egypte comme le berceau de la Romancie.
Il reste pourtant de tout cela un tout d’imagination théatral & romanesque, un goût de faux merveilleux ; on se familiarise avec le mensonge, dont on ne se fait plus de scrupule, ou plûtôt dont on se fait un mérite, qu’on regarde comme une finesse, un trait d’esprit.
On sera honteux un jour de l’avoir regardé d’un œil favorable, ainsi que l’on a rougi des applaudissemens prodigués aux Tragédies de Pradon ».
N ous avons sujet de parler icy de l’intelligence & de la somptuosité des Theatres, soit en ce qui concerne la grandeur de leur tour, soit en ce qui peut regarder le détail de cette partie appellée la Scene.