/ 604
86. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Septième Lettre. De la même. » pp. 73-99

Je veux que chacun se prouve à soi-même cette vérité, en ne consultant que la nature & la raison ; & que l’honnête-homme puisse se justifier l’emploi des heures qu’il donne aux plaisirs innocens. […] Cette raison suffirait, indépendamment des autres, pour prouver l’utilité des Spectacles, c’est un objet important, noble, relevé, digne de toute l’attention du Gouvernement, de chercher à satisfaire le peuple, en lui procurant des délassemens honnêtes. […] Je sais que ces deux petites Comédies ne peignent qu’une innocente tendresse dans l’amant ; mais l’amante fort des bornes, & des Représentations de ce genre, doivent être interdites aux jeunes filles dont on veut que le cœur ne reçoive des loix que d’une raison sage & soumise. […] On ridiculise le dernier avec raison comme avec succès. […] Des loix sévères, réprimantes, ne seront jamais aimées par des Histrions ; on en a donné la raison plus haut : il faut donc trouver des Acteurs que leur condition, leur état, leurs espérances obligent à penser différemment de ces gens-là.

87. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE III. De la Comédie. » pp. 92-118

A cinquante ans il apprend à lire, il apprend la Philosophie, il apprend à tirer des Armes, il apprend à chanter, il s’habille comme les grands Seigneurs à ce qu’il croit, il a la sotte vanité de penser de lui qu’il est un habile homme en tout dès la première leçon, au point de vouloir déjà montrer aux autres, et cela me fait bien rire. » Vous avez raison de rire, tout cela est en effet très ridicule, mais si l’on n’a pas de plus grands reproches à faire à M.  […] Jean-Jacques a raison de s’emporter contre Molière et de dire qu’il est le perturbateur de la société ; « qu’il excite les âmes perfides à punir sous le nom de sottise, la candeur des honnêtes gens. »co Je crois comme eux que parce qu’un homme est sot et ridicule, on n’est pas autorisé à le voler. […] Le Public rit de leur chagrin, et n’a-t-il pas raison ? […] La pensée de tel vers de votre Sonnet, par exemple, est fausse par telle ou telle raison. […] Comme à chaque ligne de votre ouvrage je trouve une faute à reprendre, votre volume m’en ferait faire douze si je ne négligeais rien : ce serait ennuyer le Public et moi-même ; cette raison je crois m’autorise à l’abréger.

88. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE I. Condamnation de la Comédie par la sainte Ecriture, par les Conciles et par plusieurs raisons. » pp. 7-11

Condamnation de la Comédie par la sainte Ecriture, par les Conciles et par plusieurs raisons. […] Il n’était nullement nécessaire que la sainte Ecriture apprit aux Serviteurs de Dieu, que les Comédies sont mauvaises, et qu’elles doivent être défendues ; puisque la seule lumière de la raison et le bon sens ont autrefois suffi aux païens pour le leur faire comprendre. […] celui de Tours tenu en 1583. défend sous peine d’excommunication de représenter en ces jours aucunes comédies farces et autres semblables spectacles, opposés à la sainteté de la Religion « Comedias, ludos scenicos, et Theatrales et alia hujus generis irreligiosa Spectacula sub anathematis pæna prohibet sancta Synodus. » Ce Concile rendant ensuite raison de son Ordonnance, dit : Qu’il est absurde que des chrétiens attirés par les plaisirs vains et trompeurs que le diable leur présente, soient empêchés d’assister au Service Divin ; et soient détournés de la prière, et de la prédication aux jours qui sont particulièrement destinés à se rendre Dieu propice.

89. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIII. De l’éducation des jeunes Poëtes, de leurs talents & de leurs sociétés. » pp. 204-218

Telles sont les études, les raisons qui déterminent les jeunes Poëtes à composer pour le Théatre. […] C’est, je crois, la raison pourquoi chacun est content de soi. […] Les qualités de l’esprit ont cela de commun avec celles du cœur, qu’on les rencontre dans le petit nombre, & que ce nombre est en proportion avec le grand d’où il est tiré. » « Si vous n’avez pas encore découvert ce qu’il vous faut, est-ce une raison de cesser de le chercher ? […] Dans cet intervale il relut sa pièce jusqu’à trois fois, ce qui est encore contre l’usage, sans qu’on y pût rien trouver à redire ; on lui disoit pour toutes raisons : votre Pièce n’est pas en état.

90. (1697) A Monseigneur de Harlay, Archevêque de Paris « A MONSEIGNEUR DE HARLAY, ARCHEVEQUE DE PARIS, DUC ET PAIR DE FRANCE  » pp. 394-406

Ce n’est pas toujours le bras levé que l’on fait entendre raison aux hommes : et les instructions qui effrayent font souvent moins d’impression sur les cœurs que celles qui divertissent. […]  » Si Votre Grandeur me voulait permettre de lui parler avec autant de bonne foi que de respect, je lui dirais que l’orage qui s’est élevé depuis quelques jours contre la Comédie, dont, sans y penser, j’ai été la cause, a été comme une de ces pluies heureuses, qui redoublent la fertilité de la Terre ; et que les raisons contre un Divertissement si approuvé ont paru si faibles qu’elles ont augmenté l’envie d’y aller. […] Augustin, Orose, Lactance, Salvien, et pour citer des autorités encore plus grandes, les Conciles ont condamné le plus justement du monde les Spectacles de leur Temps, parce qu’en effet ils étaient abominables ; et si nous en voyions de pareils je suis persuadé que les plus Libertins de notre Siècle les condamneraient aussi ; mais aujourd’hui que la Comédie est non seulement exempte de ces abominations, mais capable de donner des leçons utiles, les raisons qui avaient donné lieu aux Anathèmes fulminés contre elle, ne subsistent plus ; et s’il faut des Divertissements aux hommes pour les délasser des fatigues qui sont inséparables de la vie, c’est un de ceux que je crois le plus innocents. […] Dans les plus illustres Familles Bien souvent aux Garçons, quelquefois même aux Filles Les conseils des Parents semblent hors de saison ; Et par les leçons du Théâtre Le Fat le plus opiniâtre  Est d’abord mis à la raison. » C’est dans cette vue, Monseigneur, que j’ai choisi Esope pour le traduire partout où il y a des abus, et pour lui faire dire, sous les apparences des Fables, la Vérité à tout le monde, sans que personne puisse raisonnablement s’en offenser.

91. (1707) Lettres sur la comédie « Réponse à la Lettre de Monsieur Despreaux. » pp. 276-292

Je n’ai garde de me jouer à mon Maître, je connais vos sentiments pour des sentiments puisés dans le sanctuaire de la droite raison ; ils deviennent d’autant plus forts, que vous les dépouillez de cette raison sèche et épineuse, qui fait qu’on se morfond souvent dans les peintures de la vérité : au lieu que lorsqu’elle est maniée par une plume vive et animée comme la vôtre, elle fait un progrès sur les cœurs, dont il n’est pas permis de se défendre. […] Il ne me fournit point de raison contre l’amour d’Hérode pour Mariamne : vous dites qu’il est peint dans Joseph avec tous les traits les plus sensibles de la vérité, et que cependant il n’y a jamais eu d’homme assez fou pour défendre la lecture de Josephd. […] Arnaud fut autrefois touché de vos raisons pour la justification de la Comédie prise en elle-même, c’est-à-dire indépendamment des secours pernicieux de l’Acteur. […] Or, si des Auteurs l’ont nommé la fièvre chaude de la raison, l’étonnement doit cesser pour les délires qui l’accompagnent.

92. (1639) Instruction chrétienne pp. -132

Ce sont ceux qui se gouvernent plutôt par leur conseil et opinion que par la parole de Dieu, et qui veulent asservir la raison, à leurs passions. […] Et pour cet effet, tâcherons à prouver par bonnes raisons, que celles qu’ils veulent justifier, et auxquelles ils s’emploient et les entretiennent, sont telles ; Et que les raisons qu’ils apportent pour s’en défendre sont frivoles, et nulles : Et que la pure Antiquité en l’Eglise de Dieu les a condamnées comme pernicieuses. […] Il répond, et à mon jugement, avec raison, que cette manière ne sera pas moins préjudiciable à la sainteté de la Religion ; ni moins déshonorable à la République. […] Ou sont proposées des raisons, contre les jeux comiques et tragiques, mêmes hors les lieux et matières sacrées. […] La raison de cela, est, que la chose est de soi-même indécente : et afin aussi que par ce moyen on ne couvre point des actions impudiques, cachées sous ce voile.

93. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XVIII.  » p. 474

« Mourir sans tirer ma raison, Rechercher un trépas si mortel à ma gloire, Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison... N'écoutons plus ce penser suborneur. » Et la raison en est que les passions s'excitent par les objets et par les fausses opinions dont l'esprit est prévenu.

94. (1675) Traité de la comédie « XVIII.  » pp. 300-301

Il ne faut pas s'imaginer que ces méchantes maximes dont les Comédies sont pleines ne nuisent point; parce qu'on n'y va pas pour former ses sentiments, mais pour se divertir: car elles ne laissent pas de faire leurs impressions sans qu'on s'en aperçoive ; et un Gentilhomme sentira plus vivement un affront, et se portera plus facilement à s'en venger par la voie criminelle qui était ordinaire en France, lorsqu'il aura ouï réciter ces Vers: « Mourir sans tirer ma raison : Rechercher un trépas si mortel à ma gloire ; Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison; N'écoutons plus ce penser suborneur. » Et la raison en est que les passions ne s'excitent pas seulement par les objets, mais aussi par les fausses opinions dont l'esprit est prévenu.

95. (1677) L’Octavius « Paragraphes XXXVI-XXXVIII du texte latin » pp. 159-171

C’est donc avec raison que les Chrétiens qui ne tirent leurs louanges que de leurs mœurs et de leur vie, méprisent vos spectacles, vos voluptés et vos pompes, et les fuient comme des corrupteurs agréables. C’est avec raison qu’ils s’abstiennent de ces cérémonies, dont ils savent la naissance et l’origine. […] Pour moi j’étais ravi de ce qu’il avait prouvé par autorité, par raison et par exemples, ce qui se sent mieux ordinairement qu’il ne s’exprime.

96. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VIII. Du Stile. » pp. 287-319

L’amour éxcessif que nous ressentons pour la Musique Italienne, est la raison qui nous rend enthousiasmés de la Comédie-mêlée-d’Ariettes, quoiqu’elle soit souvent trop faiblement écrite. […] Si l’on n’a point d’autres raisons pour mépriser notre Opéra que la bassesse de son stile, on a grand tort de le voir de mauvais œil ; il faut revenir au plutôt d’une telle erreur, & se joindre à la nombreuse foule de ses partisans : voici sur quoi je me fonde ; les moyens pour le justifier ne me manqueront pas, je ne suis embarrassé que du choix : mais commençons. […] D’Aubignac semble déclarer en termes éxprès, que c’est avec raison que notre nouveau Spectacle employe le langage de la populace, car ce qu’il dit de la Comédie est plus analogue au Spectacle moderne. […] En général, dans la plus-part de nos Opéras, le Français n’est guères mieux traité que la justesse des pensées & que la raison. […] Il est encore une autre raison du prodigieux succès des Ariettes.

/ 604