Après ce petit avis que j’ai cru utile de donner à quelques-uns de nos faiseurs, j’en viens à l’ouvrage de M. le baron d’Hénin, qu’à son titre, bien qu’il ne soit pas très clair, j’ai jugé devoir présenter des faits et des raisonnements susceptibles de fixer mon opinion sur une question intéressante : L’état des comédiens sous le point de vue religieux ; question d’ordre social qui se reproduit sans cesse, et qui ne se reproduit jamais sans altérer momentanément la paix publique. […] Mais on sera détrompé en lisant cet ouvrage ; il est plein de recherches curieuses ; il atteste une instruction solide, et je ne sais trop ce que l’on peut répondre aux faits que l’auteur a réunis pour appuyer son système dans la question.
La plus grande question est pour les Pièces de Théâtre, qui étant prononcées en public avec les actions qui y conviennent, sont entendues de tous ceux qui y veulent assister. […] Il semble que c’est une chose assez inutile de disputer davantage là-dessus, et qu’on peut tout d’un coup retrancher la Question en remontrant, Qu’en ce qui est des Histrions et des Comédiens Romains, Tragiques ou Comiques, les uns ne valaient pas mieux que les autres, et que leurs Pièces les plus modestes avaient des emportements que nous ne saurions approuver ; C’est pourquoi la conséquence que l’on tire de tout ceci en faveur de nos Comédiens, n’est pas fort favorable, de dire, Que puisqu’ils représentent des Tragédies et des Tragi-comédies à l’imitation des Anciens, on les doit tenir dans l’estime comme eux, et assister à leurs Représentations comme à des Spectacles importants ; car si l’on montre que les anciens Comédiens ne faisaient aucune difficulté dans leur Religion de jouer des Pièces de mauvais exemple, on s’imaginera donc que ceux qui sont aujourd’hui de la même Profession prennent une licence pareille ; Que cela se voit dans leurs Pièces les plus régulières, et principalement dans d’autres composées exprès pour être plus libres. […] C’est à quoi il faudrait travailler au moins pour conserver leur estime ; car ceux qui se mêlent de juger des choses, voient bien, à ce qu’ils disent, que pour le présent on n’a garde de les abolir : Il est question pourtant de faire cesser le bruit et les plaintes.
Il me semble que j’ois déjà les brocards de ces langues confites au sel de cette prudence, qui disent, que d’une mouche, je fais un Eléphant, que je veux émouvoir une grande tourmente en un petit ruisseau ; que n’étant question ici que de Jeux et de Passe-temps, il n’était pas question d’un préambule si sérieux. […] Ces fondements posés, il sera aisé de vider notre question ; à savoir, S’il est permis de jouer Comédies, Tragédies, et autres tels jeux, en l’Eglise Chrétienne. […] Examinons donc, et pesons cette question, non pas aux fausses balances de notre fantaisie ; mais, selon le conseil de S. […] Son disciple Lactance, précepteur d’un fils de l’Empereur Constantin, traite la même question, et y donne la même résolution. […] [NDE] l’interdiction de se travestir, dont il est question depuis la p. 15.
Il agita aussi la question délicate de la danse, & la permit avec des modifications ; celle des hommes ne peut faire aucune difficulté, mais les danses des femmes seroient dangereuses, on ne sauroit en admettre d’aucune sorte. […] La question du Théâtre a beaucoup exercé les Écrivains. […] Mais ce pieux Théologien, Evêque de Florence, qui vivoit au commencement du XVe siecle, ne peut pas non plus servir à décider cette question relativement à nos mœurs****.
Cette question importante ne sçaurait être traitée avec assez de soin. […] Le Vers d’Horace dans lequel il est question des Actes,16 fait pourtant croire avec raison que ce terme était en usage à Rome dès le tems même d’Auguste ; mais la plus-part des Savans soutiennent qu’Horace est le prémier qui l’ait employé. […] L’éclaircissement de cette grande question, apprendra aux Poètes du nouveau Spectacle s’ils doivent mettre un frein à leur enthousiasme ; il fixera pour toujours les plaisirs de la France.
[saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIª IIae, question 168, article 2]. […] [saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIª IIae, question 168, article 2].
La question concernant la cause des comédiens, se trouve réduite à un seul point facile à comprendre. Il ne faut que de la bonne foi pour saisir cette question, afin de prononcer si les acteurs de comédie, eu égard à la religion, doivent être considérés à l’égal des autres citoyens et comme ayant, aux mêmes conditions, les mêmes droits aux prières et aux honneurs de l’église.
Avec un ample recueil des Observations et Questions faites par les Synodes Nationaux sur la pluspart des articles de la discipline.
Après les aveux que j’ai faits dans le premier §, on connaît assez quelles sont mes vues, lorsque je soutiens, dans celui ci, l’utilité des Spectacles : le coup-d’œil que je dois y jeter, vers la fin, sur huit questions importantes, achevera de montrer, que je ne suis rien moins qu’indulgente pour les abus dans la Représentation, & les indécences dans le Drame. […] « Si les Représentations théâtrales sont utiles aux mœurs » ; voila la question qu’un certain Auteur nommé Cicéron 1, a, dit-on, jadis décidée à leur desavantage ; & qu’un homme plus connu des femmes par la Nouvelle Héloïse & le Devin de Village, décide bien plus sévèrement encore : puisqu’il prétend qu’elles sont pernicieuses ; destructives pour les bonnes mœurs & pour notre vertu 2. […] La réponse à la première question, résout aussi celle-ci : les Spectacles, s’ils sont utiles, peuvent s’allier avec les mœurs. […] Le Spectacle est un amusement permis de droit divin & de droit humain : il se trouve par-tout dans la nature ; le plus beau de tous est le Ciel lui-même : la majestueuse étendue des mers, la variété des sites & des campagnes, la sombreté des forêts, l’éclat des montagnes de neige, l’émail des prairies, nous en offrent de moins beaux à la vérité, mais plus à notre portée : les Armées, les Combats, les Assemblées, les Fêtes, les Cérémonies des Religions en sont un autre genre plus rapproché de l’homme : enfin, il y a des Spectacles proprement dits, que l’homme social se prépare, qu’il assaisonne de tout ce qui peut flatter cette avidité de voir qui lui est naturelle : les uns consistent en courses, en combats d’hommes & d’animaux, & sont purement matériels ; les autres (& c’est de ceux-ci dont il est question) satisfont la vue par les décorations d’un Théâtre, le jeu des Acteurs, en même-tems que par le Drame ils parlent au cœur & à l’esprit. […] … Concluons donc, que le Théâtre, uniquement composé des Pièces dans le genre dont je viens de parler, « ne peut être comporté par l’austérité Républicaine » : mais convenons, en consultant la raison, qu’en eux-mêmes, les Spectacles, sont légitimes, utiles ; qu’ils peuvent, par leur argument ou leur sujet, instruire les hommes, adoucir ; épurer les mœurs, aussi bien qu’ils pourraient les corrompre ; que de bonnes loix (comme je le prouverai en deux mots, en répondant aux questions 6 & 7,) que de bonnes loix, dis-je, suffisent pour réprimer les abus : le Comédisme réformé, le Drame intéressant & châtié produiront cet avantage, écarteront tous les inconvéniens.
Ce n’est point ici une affaire personnelle, tout le public est intéressé dans la question dont il s’agit, et il n’y a personne qui n’y prenne part : elle regarde également la Religion et la société civile.
Ces Messieurs crurent qu’on ne pouvait les résoudre, sans en venir au fond, et sans examiner la question principale, qui est celle de la Comédie même ; ce qu’ils ont fait en appuyant leur résolution par les raisons qui font le corps de cet Ouvrage.