La Scène sixième du quatrième Acte entre Maxime et Æmilie deviendrait par là infiniment meilleure : car Maxime, sans trahir Cinna, ferait sa déclaration à Æmilie et lui proposerait de fuir avec lui pour l’épouser. […] Le dénouement en deviendrait aussi plus touchant ; car, au moment qu’Auguste pardonne aux Conjurés, et propose à Cinna de donner la main à Æmilie, les véritables sentiments de leur cœur se développant tout à coup, ils se livreraient à toute la reconnaissance que mérite leur Libérateur, qui devient leur père dans cette occasion. […] L’Œdipe de M. de Voltaire, avec les changements que je propose, serait peut-être une des meilleures Tragédies que l’on pût conserver. […] Il me paraît, au reste, que cette Tragédie prouve la probabilité du sentiment que j’ai proposé, au sujet de la catastrophe dans l’examen de la Tragédie de Géta. […] Au reste, je n’exclus pas tout à fait cette Tragédie du Théâtre ; mais, si on en veut faire usage, je propose une correction.
Les personnages des Pièces jouées sur le nouveau Théâtre, entrent & sortent au gré de leurs caprices ; nous avons vû même quelques-uns de ses Auteurs démentir les belles choses qu’ils avançaient dans leurs ouvrages : il me semble, par éxemple, que la marche des Scènes de la Bergère des Alpes, est répréhensible, elle contredit tout ce que j’ai écrit dans ce Chapitre ; tandis que l’Auteur de ce Drame nous a donné des leçons sur la Comédie & la Tragédie, à peu-près pareilles aux sentimens que j’ose proposer quand le nouveau spectacle m’en offre l’occasion. […] Les Tragiques Grecs, si souvent proposés pour modèle, ont quelquefois mal-assemblé les Scènes de leurs Poèmes, & manquent quelquefois l’entrée & la sortie de leurs personnages. […] Au reste, je ne propose mes doutes qu’avec modestie ; ce n’est qu’aux vrais Sçavans à décider avec hardiesse : je reprends le fil de mon discours.
Où l’Auteur des Discours précédents répond à quelques difficultés qu’on lui avait proposées. 275 III.
C'est pour cela qu'il est nécessaire d'en venir à un plus grand détail ; et après avoir dit ce qui est de commun à toutes les Comédies, et qui compose comme leur genre, il faut faire voir ce qui est de particulier dans chaque espèce, et discourir de sa nature et de son origine, en y joignant ses circonstances, et ses effets comme je me le suis proposé. […] Voilà la Religion Chrétienne, voilà quelle doit être l'application de ceux qui la professent, voilà la doctrine de l'Apôtre saint Paul, ou plutôt celle du Saint-Esprit: et comme les exemples ont un grand pouvoir sur les hommes, dans le même temps que la Comédie nous propose ses héros livrés à leurs passions, la Religion nous propose Jésus-Christ souffrant, pour nous délivrer de nos passions. […] Y a-t-il rien de pareil à cet aveuglement : Si ce discours peut ouvrir les yeux à quelqu'un, je serai parvenu à la fin que je me suis proposée, pour ceux qui sont remplis des maximes de la chair et du monde, et que Dieu par un juste Rom.
Vous n’approuvez donc pas ce que j’ai proposé, de donner aux Baladins nos Pièces de rebut ? […] Si l’on jugeait qu’une Réforme aussi entière que vous l’avez proposée, dût entraîner des difficultés dans l’exécution, qui en balançassent les avantages, & qu’on voulût continuer d’avoir des Comédiens de profession ; il faudrait essayer de présenter un Système qui, dans ce dernier état du Comédisme, en prévînt tous les inconvéniens actuels & avoués. […] Mais si l’on ne pouvait vaincre les obstacles que les préjugés opposent à la civilisation du Théâtre, à sa légitimation, & à son anoblissement, je vois un moyen (triste, a la vérité, mais sûr) d’opérer en partie le bien que vous proposez. […] Il est certain que nous ne pouvons jeter les yeux sur aucun des Membres de l’Etat ; depuis le Manœuvre qui sert d’aide au Masson, jusqu’au Bourgeois aisé, il n’y a personne, sous un Gouvernement comme celui des Français, à qui l’on puisse proposer de renoncer à la qualité d’homme libre. […] Lorsque les Acteurs & les Actrices mariés auront joué le temps convenable, ils seront enfin affranchis par la Direction, du consentement du Public, auquel cet affranchissement ne sera proposé que lorsque de bons Acteurs pourront remplacer les anciens : les Acteurs retirés jouiront, non d’une pension, mais de leurs gages accumulés, & des intérêts, qui leur procureront le moyen de finir dans une tranquille obscurité le reste de leurs jours : ils n’auront d’autre obligation, envers le Public, que celle de donner des leçons aux jeunes Elèves.
Dieu attache quelquefois le salut de certaines personnes à des paroles de vérité qu'il a semées dans leur âme vingt ans auparavant, et qu'il réveille quand il lui plaît, pour leur faire produire des fruits de vie; et le diable de même se contente quelquefois de remplir la mémoire de ces images sans passer plus avant, et sans en former encore aucune tentation sensible ; et ensuite, après un long temps, il les excite et les réveille sans même qu'on se souvienne comment elles y sont entrées, afin de leur faire porter les fruits de la mort, « ut fructificent morti », qui est l'unique but qu'il se propose en tout ce qu'il fait à l'égard des hommes.
Dieu attache quelquefois le salut de certaines personnes à des paroles de vérité qu'il a semées dans leur âme vingt ans auparavant, et qu'il réveille quand il lui plaît, pour leur faire produire des fruits de vie: et le Diable se contente aussi quelquefois de remplir la mémoire de ces images, sans passer plus avant, et sans en former encore aucune tentation sensible ; mais ensuite, après un long temps, il les excite et les réveille sans même qu'on se souvienne comment elles y sont entrées, afin de leur faire porter des fruits de mort, « ut fructificent morti », qui est l'unique but qu'il se propose en tout ce qu'il fait à l'égard des hommes.
La lettre de Racine engendrera elle-même deux réponses (la première, attribuée à Jean Barbier d’Aucour, intitulée « Réponse à la lettre adressée à l’auteur de Hérésies imaginaires », et la deuxième : « Response à l’auteur de la Lettre contre les Hérésies imaginaires et les Visionnaires », attribuée à Philippe Goibaud-Dubois ou à Jean Barbier d’Aucour), auxquelles Racine proposera une dernière réponse, qu’il laissera pourtant inédite (« Seconde lettre de Monsieur Racine aux deux apologistes de l’auteur des Hérésies imaginaires »).
C’est ce qu’il n’a pas dit : au contraire, il trouve mauvais que vous donniez tant d’appas à cette vertu ; ce n’est pas là selon lui le moyen de la faire aimer : ce n’est pas, à son avis, savoir faire une Pièce que d’y proposer à détester un scélérat, que d’y faire rire aux dépens d’un vicieux ou d’un ridicule, que d’y proposer à imiter un homme d’une vertu extraordinaire : notre bilieux Genevois ne veut pas vous permettre de peindre les miracles de la nature, ni le triomphe de la raison, il veut au contraire que l’un et l’autre soient renfermés dans les bornes étroites où l’extravagance des hommes et leurs passions les resserrent ordinairement. […] Que ne pouvez-vous voir au Salon du Louvre le superbe tableau qu’elle travaille depuis trois ans et dans lequel elle s’est proposé avec succès, de donner à la miniature toute la force et l’énergie du dessin et du coloris de la peinture à l’huile. […] Mais assurément vous ne trouverez personne qui adopte l’une ou l’autre, puisqu’il y a eu de tout temps et qu’il est encore des femmes vertueuses et distinguées par le génie, la science et les talents : on n’a donc pas eu tort de mettre en scène des Cénie, des Constance, des Zaïre, des Electre, des Tullie, des Nanine, et tant « d’objets célestes » à qui les femmes sont bien plus près de ressembler que les hommes aux Héros que nos Dramatiques leur proposent pour modèles. […] C’est avec ces qualités qu’un « objet céleste » passe dans les bras d’un mari mondain, au bout de six mois, un an, l’Agnès est dégourdie ; le mari pendant ce temps s’est étudié à la former pour le beau monde : il l’a fait rougir d’avoir de la pudeur ; elle baissait les yeux à la moindre équivoque, la plus légère indécence la déconcertait : maintenant elle sait rire à gorge déployée des propos les plus saugrenus ; plus de gravelures qui la choquent dans les brochures : on peut tout lui proposer, pourvu que ce soit du ton de la Cour. […] Qu’un Monarque gouverne des hommes ou des femmes, cela lui doit être assez indifférent pourvu qu’il soit obéi ; mais dans une République, il faut des hommes. »eo Voilà par exemple un axiome politique tout nouveau : en le lisant j’ai cru d’abord que vous vouliez dire qu’il était indifférent à un Roi de commander à des hommes ou à des femmesep ; que le zèle pour le service et l’obéissance étaient les seules qualités nécessaires à des peuples destinés à vivre sous un Monarque bien capable de gouverner, auquel cas les petitesses et les ridicules des sujets n’empêchaient pas l’Etat de bien aller, étant bien conduit par son Chef ; au lieu que dans une République chaque Citoyen ayant part au Gouvernement, il doit non seulement savoir obéir aux lois, mais même il doit être en état d’en créer et d’en proposer de nouvelles, pour la réforme des abus qu’il aperçoit.
La sagesse veut qu’on se propose la plus grande perfection pour arriver près de la perfection. […] Dans la premiere supposition, on s’éloigne du but qu’on doit se proposer ; c’est-à-dire, le plus grand succès & le plus grand plaisir.
Quant à la manière de leur former un Actricisme parfait, celle que je vais proposer ne sera pas goûtée des Acteurs des grands Théâtres : mais ici ce ne sont pas nos Comédiens qu’il faut consulter : ils sont faits comme tous les autres hommes ; un Etablissement nouveau, du même genre que le leur les révolte, excite leur jalousie, & leur fait desirer de l’anéantir : l’utilité publique est un motif faible pour quiconque fait corps à part. […] Le moyen que je viens de proposer, pour rendre utile le Théâtre-Ephébique, n’est pas le seul ; il en est un autre, peut-être moins avantageux pour les jeunes Acteurs, mais dont l’effet serait plus présent pour le Public : Qu’on abandonne tout-à-fait le mauvais genre de Pièces, adopté, faute de pouvoir mieux par le Néomime soumis au caprice des Grands-Comédiens : au lieu d’intrigues communes & triviales, de passions froides, dont l’expression est aussi gauche que messéante dans la bouche des Enfans-acteurs, qu’ils jouent de petites Pièces plus proportionnées à leur âge ; par exemple, que ces nouvelles Atellanes peignent les passions, les goûts, les défauts de l’Enfance : qu’on prenne encore des sujets naïfs dans les Fables de Lafontaine de Lamotte &c.