L’Eglise retranche même dans les jours de tristesse et de deuil, les solemnités de son culte, les parures de ses Autels et de ses Ministres, la douceur même et la gaieté de ses chants ; et vous irez repaître vos yeux des agréments affectés, et du pompeux ajustement de quelques femmes licencieuses, et prêter l’oreille à la voix et aux récits passionnés de ces Sirènes, dont parle Isaïe Isay. ch.
Les larmes coulerent des yeux de l’un ; la mort ferma les yeux de l’autre. […] Il lui donne au commencement des yeux bruns, & au milieu du livre, il les lui fait noirs. […] J’espere que vous agréerez que mon Ambassadeur, mon premier Ministre, & le plus affectionné, (c’étoit le Comte d’Essex, qui ne voyoit pas de trop bon œil ce mariage, mais qui comptoit bien qu’il ne s’accompliroit pas) vous présente mon portrait. […] Voilà les décorations qu’on expose à vos yeux.
Il nous suffit d’avoir mis sous les yeux le ridicule de cette comédie, & de l’Actrice qui la jouoit, & la foiblesse des Spectateurs applaudissoient au risque de leur salut ; ils le sentoient bien, puisque les Évêques & le Parlement disoient publiquement quand la Reine enfanta cette doctrine risible : Voilà la première scène de la comédie, la Reine fait une Religion de femme, aussi riche en vanité que vide de modestie ; c’est une Actrice qui fait de l’Église un théatre. […] Mais être Protestant étoit un mérite, & avoir conspiré contre Marie n’étoit pas un crime aux yeux d’une femme qui s’en étoit deux fois rendue coupable. […] Elle renvoya les Evêques qui venoient l’entretenir, elle couchoit toute habillée, se levoit cent fois la nuit, ne vouloit voir personne, toujours les yeux fichés en terre, le doigt sur la bouche comme le Dieu du silence ; elle voulut être enterrée dans cette attitude. […] Quaud on vint le matin lui dire qu’il étoit temps de partir, elle se lève, prend son manteau, se couvre modestement de son voile, & marche vers l’échaffaud un crucifix à la main qu’elle ne cesse de regarder & de baiser avec le plus tendre respect ; quand elle y fut montée, ella adressa la parole à ses Juges & au peuple nombreux, que la curiosité y avoit attiré, elle proteste qu’elle est innocente du crime dont on l’a accusée, qu’elle meurt dans la Religion Catholique Apostolique & Romaine prête à perdre mille couronnes & mille vies pour cette sainte Religion qui fait tout son crime ; qu’elle pardonne de bon cœur tout le mal qu’on lui a fait ; qu’elle prie tous ceux qu’elle a pu avoir offensés de lui pardonner : le bourreau se jette à ses pieds pour lui demander pardon de ce que son devoir l’oblige de faire, elle lui pardonne volontiers, mais ne voulut point qu’il touchât à ses habits, se fit ôter son voile par ses filles, elle se mit à genoux, invoqua la Sainte Vierge & les Saints, pria Dieu pour le Royaume d’Écosse, de France & d’Angleterre pour le Roi son fils, la Reine Elisabeth, ses juges & ses persécuteurs, se banda les yeux, tend son cou au bourreau, récitant tout haut ses prières, & à ces paroles qu’elle répéta plusieurs fois : In manus tuas, commendo spiritum meum. […] Que faut-il de plus pour avoir des partisans, & passer à leurs yeux pour une merveille ?
Avertissons cependant les Comédiens que l’Eglise ne les proscrit pas parce qu’ils représentent des Pieces dramatiques ; mais parce qu’ils en représentent de dangereuses pour les mœurs ; ce qui avilit leur métier aux yeux des hommes, & le rend criminel aux yeux de la Religion. […] L’Auteur des Horaces, de Cinna, & de tant d’autres chefs-d’œuvres, a des vers d’une beauté originale ; mais il ne possédoit assez bien, ni les finesses de notre langue, ni le langage de la Cour, pour faire des vers tels que ceux-ci : Et n’avertissez pas la cour de vous quitter… Mais ceux qui de la cour ont un plus long usage, Sur les yeux de César composent leur visage. […] La même bouche qui dit à une Princesse galante, & perfide envers sa Nation : Fidèle confident du beau feu de mon maître, Souffrez que je l’explique aux yeux qui l’ont fait naître. […] Nous avons souvent sous les yeux des vérités que nous ne voyons pas. […] L’autre dans la bouche d’Esther, au dernier Acte : Ce Dieu, maître absolu de la terre & des cieux, N’est point tel que l’erreur le figure à vos yeux….
Mais, bien loin de la ménager, dans le temps même qu’elle lui sauva la vie & le combla de bienfaits, il se livra à la débauche sous ses yeux, jusqu’à séduire ses propres filles d’honneur. […] Il ne tint qu’à lui d’épouser la Duchesse, & tout le monde s’y attendoit : ce qui l’auroit rendu paisible possesseur de la Courlande, & l’auroit dans la suite approché du trône de la Russie : le vice est trop aveugle pour connoître ses intérêts même temporels Au lieu de lui marquer son amour & sa reconnaissance, il viola les loix sacrées de l’hospitalité, & l’offensa mortellement en débauchant sous ses yeux quatre de ses filles d’honneur, des premieres maisons du pays. […] Un amant entêté du mérite de son Aurore (c’étoit le nom de baptême de l’ambassadrice) s’imagine que tout le monde la voit avec les mêmes yeux que lui, qu’on ne pourra rien refuser à ses charmes ; l’amour propre, non moins aveugle, ne trouve rien au-dessus.
Combien comme le George Dandin de Moliere, où l’on suggère mille inventions pour se dérober aux yeux les plus perçans, & où enfin le coupable blanchi voit à ses pieds le malheureux qu’il a outragé, obligé de lui demander grace, ou se retirer battu & content ! […] Le théatre n’inspire que des intentions corrompues : ambition, cupidité dans les parens, pour qui toutes les vertus sont dans le coffre fort, j’ai cent mille vertus en louis bien comptés, ou qui trouve tout le mérite dans de vieux titres de noblesse, sans penser que c’est être un sot d’épouser son maître : légèreté, débauche, intrigue, passion, dans les jeunes gens ; on s’en va au bal, à la comédie, à la promenade, enchanté des graces, du son de la voix, des beaux yeux, de la danse, &c. […] Il y découvre même une autre indécence : la fille de l’Avare, au risque de tout, de concert avec son amant, le fait entrer au service de son père, pour être à portée de le voir & d’en être vûe : Ce qui est contraire à la bienséance ; on ne doit jamais exposer de pareils modelles aux yeux des spectateurs.
Des danses de toute espèce, vives, graves, enjouées, folles, grotesques, par une infinité de figures diversifiées, symétrisées, & artistement entrelassées, les mettront dans toutes les attitudes & tous les jours aux yeux des deux sexes entremêlés & enthousiasmés : Possedi servos & ancillas, delitias filiorum hominum. […] Ils ont beau affecter la joie, la décence, la fierté ; ils n’en sentent pas moins le crime & le vuide ; leurs chagrins & leurs remords ne sont pas moins amers ; à leurs yeux même le ris est une folie, le plaisir un songe : Risum reputavi errorem, & gaudio dixi quid frustra decipis. […] Par toi-même bien-tôt conduite à l’opéra, De quel œil penses-tu que ta Sainte verra D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse, Ces danses, ces Héros à voix luxurieuse, Entendra ces discours sur l’amour seuls roulans, Ces doucereux Renauds, ces insensés Rolands, Saura d’eux qu’à l’amour, comme à son Dieu suprême, On doit immoler tout jusqu’à la vertu même ; Qu’on ne sauroit trop tôt se laisser enflammer, Qu’on n’a reçu du ciel un cœur que pour aimer, Et tous ces lieux communs de morale lubrique Que Lully réchauffa des sons de sa musique.
Ils vouloient tranquillement reprendre l’étude des loix, mais l’œil vigilant d’Henri sut bien distinguer des citoyens si précieux à l’Etat. […] Le masque ne rougit point, les yeux du masque ne parlent point, aucune passion ne se montre comme sur le visage, on va par-tout tête baissée sans honte & sans risque. […] J’en conserverai les expressions, pour le mieux mettre sous les yeux.
Pouviez-vous trouver mauvais qu’on cherchât à dissiper le prestige qui fascine les yeux du commun des Lecteurs, & à ramener les Lettres à l’objet de leur véritable institution. […] Si l’on prenoit soin d’inculquer de bonne heure, aux jeunes gens, qu’ils ne sont point faits comme de vils animaux, pour se procurer des sensations voluptueuses ; que leur raison est le flambeau qui doit les éclairer ; que cette raison a besoin d’être épurée ; qu’elle dicte des devoirs ; que la satisfaction qui provient des actions vertueuses, ou conformes à la raison, est le plus grand de tous les plaisirs & le seul permanent ; qu’un homme, qui néglige sa raison, est plus à plaindre que celui qui renonceroit volontairement à l’usage de ses yeux ; qu’il est aussi impossible d’être heureux, avec une ame souillée de vices, que de se bien porter avec un corps couvert d’ulceres ; que la Science est la source des biens, l’ignorance la source de tous les maux, &c.
Il résulte donc confirmativement que ce fut sans aucune nécessité qu’un grand homme employa toute la force de son génie et toutes les illusions du théâtre pour présenter un de ces faux frères aux honnêtes gens, de manière à les faire frémir d’indignation et rougir d’être hommes, de manière à leur ôter toute liberté d’esprit et de jugement, à leur rendre odieux et insupportables, non seulement le personnage, mais même son masque ou le costume dont il s’est servi, l’attitude, les manières qu’il a prises, les gestes qu’il a faits, toutes ses expressions qui le retraçent à leurs yeux sans cesse et malgré eux, où qu’ils se trouvent, lors même que ces traits leur attestent réellement la présence de la vertu qui, hélas, n’en ayant pas d’autres sensibles, je le répète, se trouve ainsi condamnée à être continuellement prise pour l’imposture et traitée comme telle ! […] La sage précaution que prend la politique de dégrader et dépouiller de toutes les marques de ses dignités, pour ne pas les avilir aux yeux du peuple, l’homme en place convaincu de forfaits, avant de l’envoyer à l’échafaud, est la censure la plus frappante de cet usage inconséquent de traduire sur les tréteaux du ridicule et de l’infamie, sur cette autre espèce d’échafaud d’autres criminels tout parés des couleurs, ou sous les formes respectables de la vertu que, je ne puis cesser de le répéter, les satires et les critiques intempestives et déplacées ont fait ainsi tomber dans le mépris et conspuer.
Cette disposition des degrez facilitoit le commerce des yeux, & faisoit que les plus éloignez Spectateurs n’estoient point empeschez par les plus proches. […] On y commettoit des Lyons contre des Ours, des Lyons contre des Elephants, des Rhinoceros contre des Taureaux, & l’on voyoit quelquesfois former des partis parmy plusieurs de ces animaux qui malgré leur fureur sẽbloient faire choix de leurs veritables ennemis, sitost qu’ils étoient exposez à leurs yeux.