On n’a jamais condamné les poésies sur des sujets pris de l’Ecriture, il y en a une infinité : mais on a toujours blâmé la comédie, comme très-dangereuse à la Religion & aux mœurs. […] Soit parce que la vérité y est toujours altérée, & les divins oracles prophanes, ce qui porte atteinte à la pureté de la Foi & de la morale, & autorisé l’erreur & le vice, les Protestans dans leurs principes y doivent être infiniment opposés, & ce n’est qu’un effet trop ordinaire de la contradiction entre les mœurs & la créance, de l’avoir quelquefois tolère. […] En 1699 il parut une comédie en vers intitulée, Critique du Tartuffe, qui en est une espece de parodie où on emploie beaucoup de vers de Moliere pour le ridiculiser, ou leur donner un sens contraire aux bonnes mœurs. Ce qui n’est pas difficile : plus de la moitié sont en effet contre les bonnes mœurs. […] Si l’on en supprimoit les endroits qui blessent les mœurs, personne n’iroit le voir jouer, aucun Théatre ne la joueroit.
Mais je n’apprécie point son mérite littéraire, je n’envisage ses livres que du côté des mœurs & du théatre, & ces livres sont entre les mains de tout le monde. […] Les traits malins contre la religion, les mœurs, la levée des impôts, le despotisme des Rois, sont sans nombre. […] Est-ce là respecter les bonnes mœurs ? […] Quoiqu’il se fasse au théatre une infinité de mariages, c’est là qu’on goûte le moins l’hymen & la fidélité, & tout cela pour l’intérêt des mœurs, & par goût de la saine morale. […] Foix, ne roulent que sur des sujets pieux, & sont utiles à former les mœurs ; au lieu que celles-la ne sont que des galanteries agréablement tournées, qui ne peuvent que les corrompre.
Jugeons par ce trait des largesses et du goût du Cardinal : Colletet, un des cinq favoris, n’avait en naissance, en fortune, en talents, en ouvrage, en bonnes mœurs, d’autre mérite que d’avoir su s’insinuer dans le bureau politique. […] Plus décente pour les mœurs, elle est pourtant très indécente par la manière dont on y parle des têtes couronnées. […] Tel est l’esprit des courtisans, des mondains, surtout des amateurs du théâtre : religion, mœurs, affaires, plaisirs, tout est un jeu pour eux. […] Richelieu crut que le moyen de calmer les esprits, de se rendre maître, et de prévenir de pareils mouvements, c’était de faire une révolution dans les mœurs de la nation, en l’amollissant par le plaisir, et la dissipant par la frivolité. […] Aussi quels changements dans les mœurs et dans la religion !
La tentation d’Eve par le serpent, celle de Notre-Seigneur dans le désert, les prestiges des magiciens de Pharaon, les possessions de l’Evangile n’ont rien de commun avec ce cahos de délire, aussi contraire au bon sens qu’à la religion & au bonnes mœurs : ce transport de sorciers dans le vague des airs, à cheval sur un bâton, par la vertu d’un onguent magique ; cette cohorte de démons, ce trône au milieu d’une campagne pour recevoir les hommages, ces cornes, ces pieds de chevre, ces danses, ces chants, ces repas, ces infamies, ce font les rêves d’un malade, les écarts d’un cœur corrompu, qui se livrent à toutes les images qui flattent la volupté. […] Le Théatre dans tous les temps s’est emparé de la religion & des mœurs, & a beaucoup influé dans l’un & dans l’autre : il ne s’est emparé de la Religion que pour corrompre les mœurs ; dans cette vue, il a favorisé les fausses religions qui en sont la corruption, il a ridiculisé & défiguré la véritable qui en maintient la pureté.
Le but que se sont proposés les Saints Pères dans les instructions qu’ils donnaient à leurs peuples, a toujours été la réformation des mœurs. […] Archevêque, comme des gens qui passaient leur vie dans un métier honteux, et qui ne s’occupaient qu’à corrompre les bonnes mœurs de ceux qui les allaient voir, par des fables souvent déshonnêtes qu’il leur débitaient, « qui turpibus plerumque fabulis ad depravandos spectatorum mores accommodatis, sordidum quæstum faciunt ». […] Enfin on doit conclure que la Comédie est un plaisir contraire aux bonnes mœurs, aux règles de l’Evangile, aux décisions de l’Eglise, aux sentiments des Saints Pères, de tous les Auteurs Ecclésiastiques, de tous les gens de bien qui ont une piété solide, et que même elle est contraire aux sentiments des honnêtes Païens, comme on l’a fait assez voir.
Par ce moyen Genève aurait des spectacles et des mœurs, et jouirait de l’avantage des uns et des autres ; les représentations théâtrales formeraient le goût des citoyens, et leur donneraient une finesse de tact, une délicatesse de sentiment qu’il est très difficile d’acquérir sans ce secours ; la littérature en profiterait sans que le libertinage fît des progrès, et Genève réunirait la sagesse de Lacédémone à la politesse d’Athènes. […] Parmi nous, un Comédien qui a des mœurs est doublement respectable ; mais à peine lui en fait-on gré. […] Le séjour de cette ville, que bien des Français regardent comme triste par la privation des spectacles, deviendrait alors le séjour des plaisirs honnêtes, comme il est celui de la philosophie et de la liberté ; et les Etrangers ne seraient plus surpris de voir que dans une ville où les spectacles décents et réguliers sont défendus, on permette des farces grossières et sans esprit, aussi contraires au bon goût qu’aux bonnes mœurs.
Voyons maintenant ce qu’ont fait nos Poëtes comiques qui devoient travailler à corriger les Mœurs : ils se sont conformés au goût national, suivant l’usage de tout Auteur qui n’écrit pas pour instruire, mais pour se faire une réputation. […] Moliere nous a bien fait voir dans cet ouvrage qu’il connoissoit le vrai but de la Comédie ; & s’il ne s’y est pas conformé dans toutes ses pieces, c’est qu’il a plutôt voulu plaire qu’instruire, ou peut-être, ce qui est plus vrai, c’est qu’il a appris par sa propre expérience qu’il y a quelques persécutions à essuyer, quand on tente sérieusement la réforme des Mœurs Il est d’autant plus admirable dans le Tartuffe, qu’il a su y joindre l’utile & l’agréable, & tirer l’un & l’autre du fond de son sujet. […] Ainsi une Comédie pour être utile aux Mœurs, doit nous peindre le vice d’après nature, sans le charger de ridicule ; & si elle veut amuser en même-temps qu’instruire, elle le peut faire en joignant au portrait du vice qu’elle attaque, le portrait de quelques défauts ridicules, pourvu qu’ils naissent naturellement du sujet, & qu’ils soient placés de maniere à mettre encore plus en évidence le vice dominant de la piece. […] Je sens que je prouverois trop contre la Comédie, si je développois ces réflexions ; je laisse donc au Lecteur la liberté de les pousser jusqu’où elles peuvent aller : d’ailleurs mon sentiment n’étant point de bannir la Comédie d’une République, mais seulement de la rendre utile aux Mœurs, quand j’aurois démontré que telle ou telle Comédie est une école du vice, il ne s’ensuivroit autre chose, sinon que telle ou telle Comédie ne devroit point être représentée.
Ils appréhendaient néanmoins la corruption des mœurs si dangereuse aux Républiques ; ce qui fit que leurs Philosophes blâmèrent cette occupation, et les Magistrats châtièrent ceux qui en faisaient le métier. […] dit qu’il n’y a rien de si contraire aux bonnes mœurs que ces jeux, qui insinuent le vice dans le cœur des assistants. […] Il y en a plusieurs, comme de dire que ce qu’on voit aux Comédies, est ordinairement contraire à la vertu et aux bonnes mœurs par la raison ci-devant dite. […] Si jouer des Comédies et y assister sont de si grands péchés et si scandaleux, pourquoi dans les Collèges où l’on instruit les jeunes gens à la vertu et aux bonnes mœurs, leur en fait-on représenter avec si grande affluence de leurs parents et amis.
Notre Avertissement du premier Tome a fait connoître que l’Ouvrage dont nous donnons une nouvelle Édition, a été honoré de suffrages très-flatteurs de la part de personnes en place, qui, par état, sont dans le cas de s’intéresser avec plus de zele aux mœurs. […] le Batteux soutint que les plaisirs & les passions du Théatre ne sont, & ne peuvent être que nuisibles aux mœurs.
Quoique la tragédie & la comédie soient unies d’intérêt contre les bonnes mœurs, elles paroissent s’être partagé les attaques. […] Les traits des deux scenes font également aux mœurs de profondes blessures.
Elle avait des Spectacles ; mais ils se ressentaient de ses mœurs féroces. […] Mais les Romains, qui déclinèrent insensiblement dès que leurs conquêtes les enrichirent, eurent un goût vif pour la Comédie, parce qu’elle éxcitait d’avantage au plaisir, & qu’elle avait un certain raport avec leurs mœurs éfféminées & corrompues. […] Le ridicule de voir sur la Scène représenter la Passion, ne surprendrait point, si l’on considérait quelles étaient les mœurs & la façon de penser des Siècles qui s’en amusèrent. […] On ne saurait mettre en doute que les Spectacles sont toujours analogues aux mœurs de la Nation qui les adopte. […] L’Avocat Patelin, une des plus anciennes pièces que nous ayons4, annonça combien elle éxcellerait à peindre naivement les mœurs.