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6. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VII. De la frivolité et de la familiarité. » pp. 150-162

Mais supposons-leur de l'agrément, ce n'est qu'un mérite de papillon qui avec des ailes agréablement nuancées voltige de fleurs en fleurs, et n'est bon à rien. […] Le prestige de la distribution graduée des ombres et de la lumière, l'imagination, l'habitude, le préjugé, l'amour du plaisir, sont des microscopes qui grossissent les objets, d'une mouche font un éléphant, et d'un homme à galons d'or un homme de mérite. […] C'est un mérite de marionnette : il est vrai qu'on fait mouvoir la marionnette, et que l'Acteur se remue ; mais ces deux machines sont si copiées l'une sur l'autre qu'il y aurait de l'injustice à les séparer. […] Par un faux air de grandeur on se croit en droit et on se fait un mérite d'agir avec les gens librement et sans se gêner, ce qui détruit l'estime et la paix. […] A voir cet Acteur traiter légèrement les matières les plus importantes, d'un style aisé et cavalier, d'un ton de suffisance et de supériorité, d'un air tranchant et décisif, qu'il voudrait travestir en mérite, on le prendrait pour un génie supérieur, un maître consommé, à qui toutes les sciences sont familieres.

7. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XX. Suite des prétendus talents du Comédien & de la Déclamation théatralle. » pp. 63-85

Nous en voyons la preuve dans les porcelaines de la Chine, où le dessein n’est presque compté pour rien, & où la vivacité des couleurs mérite seule nos regards. […] Cependant quels applaudissemens ne mérite-t-elle pas ? […] Si le Cavalier à quelque mérite ici, c’est de bien montrer à cheval, mais cet art acquiert-il l’immortalité ? […] Peut-être arriveroit-il que le mérite fût plus longtems à se faire connoître. […] Plus ils ont eu soin de donner un air de nouveauté à leurs poëmes, plus ils ont eu de difficultés à franchir  ; & c’est un mérite de plus.

8. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE V. Eloge de Moliere. » pp. 154-202

Chacun a son mérite. […] Enfin ils ont des titres de noblesse du Parnasse, des provisions des Juges du mérite littéraire. […] Voilà tout le panégyrique, & ce mérite n’est pas rare. […] Mérite médiocre, mais faux ; il n’a peint que le libertinage. […] La moitié du théatre de Moliere ne mérite pas mieux ce commentaire que la chanson.

9. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre prémier. Qu’on ne doit pas se figurer que la composition des nouveaux Drames soit aisée. » pp. 116-120

Admirons donc les talens de ceux qui cachent modestement leur mérite, & donnent au Public des Ouvrages agréables sous une forme frivole & trompeuse. […] s’écriera-t-elle, peut-on soutenir qu’il y ait du mérite à composer des Drames où l’on ne voit souvent que de méchans quolibets, & dans plusieurs desquels le stile est à peine digne de ceux qu’on y fait parler ? […] L’homme de mérite dont je viens de parler m’assura qu’il était aussi longtems à s’occuper du plan d’une Comédie-mêlée-d’Ariettes, qu’à en écrire les Sçènes.

10. (1665) Lettre sur les observations d’une comédie du sieur Molière intitulée Le Festin de Pierre « APOSTILLE » pp. 33-57

C'est un titre qu’il leur a commandé de prendre, et c’est par là qu’il a voulu faire connaître qu’il ne se laisse pas surprendre aux tartufes et qu’il connaît le mérite de ceux que l’on veut opprimer dans son esprit, comme il connaît souvent les vices de ceux que l’on lui veut faire estimer. […] C'est ce qui a fait approuver le Tartuffe par tant de gens de mérite, depuis que les hypocrites l’ont voulu perdre. […] Comme la foule est grande aux pièces de Monsieur de Molière, et que c’est un témoignage de leur mérite, l’Observateur, qui voit bien que cela suffit pour le faire condamner et qui combat autant qu’il peut ce qui nuit à son dessein, dit que la curiosité y attire des gens de toutes parts, mais que les gens de bien les regardent comme des prodiges et s’y arrêtent comme aux éclipses et aux comètes. […] Cependant nous avons également vu du monde à douze ou treize de ses pièces ; il faut bien que le mérite l’y attire et l’on doit être persuadé que toute la France a plus de lumières que l’auteur des Observations du Festin de Pierre. […] Cependant, s’il faisait une peinture de leurs crimes, vous verriez que les empereurs les ont punis de même que le roi a récompensé Molière de son mérite.

11. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre XIII. S’il est nécessaire qu’une Pièce de Théâtre plaise autant à la lecture qu’à la représentation. » pp. 359-363

Mais on répondra qu’il faut avoir la force & le courage de les vaincre, une chose a d’autant plus de mérite qu’elle offre plus de difficultés à surmonter. […] Mais pourquoi le lirait-on s’il ne contient rien qui puisse amuser l’esprit, & s’il faut le voir en action pour en sentir tout le mérite ? […] Le Poème qui ne réunit qu’une seule de ces deux parties essentielles, ne mérite aucun nom, & ne peut avoir qu’un succès passager.

12. (1855) Discours sur le théatre, prononcé dans l’assemblée publique de l’Académie de Pau, où se trouvoient les Députés des Etats du Béarn et les Dames de la ville pp. 1532-1553

Que sera-ce quand, à la frivolité du genre, à la médiocrité du mérite, on joindra comme au théâtre, la petitesse du volume. […] C’est un mérite de papillons qui, avec des ailes agréablement nuancées, voltigent sur des fleurs. […] Une inflexion de voix, un geste, un coup d’œil, quelques pas en cadence, tout cela décomposé, analysé, n’offre que le mérite des marionnettes. […] Le souffle contagieux du théâtre a infecté la littérature par le goût de colifichet, et on a fait un mérite. Mérite facile : une saillie, une pensée, une rime y suffisent.

13. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Christine de Suede. » pp. 111-153

Christine n’est qu’une femme singuliêre, d’un mérite fort commun, elle a fait une action extraordinaire, elle a quitté la couronne, & changé de religion. […] L’exemple de son père qui avoit rempli l’Allemagne de ses exploits & de ses victoires, & qui menoit la vie la plus dure lui en faisoit un mérite. […] Il faut être sans Religion pour lui faire un mérite de son indifférence pour toutes les Religion, il faut encore être sans probité pour lui faire un mérite de son hypocrisie, de se conformer sans scrupule en apparence aux sentimens des peuples chez lesquels on vit. […] Il n’y pense que trop : l’irréligion est aux yeux de Voltaire le plus grand mérite, & une horreur pour les gens de bien. […] On se contenta de lui faire dire qu’elle eut à se retirer : ainsi bien approfondi s’évanouit l’Actrice célèbre, & le mérite de théatre tant vanté.

14. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE V. Du Mensonge. » pp. 100-113

Le faux dans les romans mérite le même reproche. […] L’amateur de théatre ne mérite pas plus de confiance dans ce qu’il fait & ce qu’il dit ; il en prend l’esprit & le ton, & devient une espèce d’Acteur qui approprie tout à son rôle. […] Le faux de la galanterie est très-nuisible aux femmes ; il les trompe sur leur propre mérite & sur celui de leurs amans ; il leur donne d’elles-mêmes les plus flatteuses idées. […] Aussi toutes occupées à cultiver, à embellir, à étaler leur prétendu mérite, elles ne sont plus ni épouses, ni mères, ni filles, encore moins Chrétiennes, elles ne se piquent que d’être belles. Elles ne sont pas moins duppes sur le mérite de leurs amans qu’elles font tout consister daus la galanterie & la parure.

15. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre I. Est-il à propos que la Noblesse fréquente la Comédie ? » pp. 3-19

et ludicra deformitas velaretur. » Mais Néron se piqua d’un faux honneur, voulut ne devoir la couronne qu’à son mérite, et non à la faveur du Sénat. […] Bien loin d’instruire et de reprendre les Grands, le théâtre entretient, flatte, augmente tous leurs défauts, oisiveté, paresse, frivolité, raillerie, mollesse, faste, luxe, hauteur, ambition, dissimulation, intrigue, etc. bien plus dangereusement que pour la bourgeoisie et le peuple, parce qu’il leur en fait un mérite, un air de dignité, un devoir d’état, un apanage de la naissance, surtout il nourrit leur vanité. […] Tous les prologues, sans exception, ne sont remplis que de louanges les plus outrées, toutes les pièces sont dédiées à quelque Seigneur dont on élève le mérite jusqu’aux nues. […] L’ivresse du plaisir, le transport de l’admiration, l’éclat des applaudissements, éblouit, aveugle, fait tourner la tête la plus noble : la souveraine félicité est au théâtre, le souverain honneur dans le mérite dramatique. […] Tout doit l’engager à les fuir, et malheureusement elle y va plus que les autres, s’en fait un devoir et un mérite.

16. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — SECONDE PARTIE. Si les Comédies Françoises ont atteint le vrai but que se propose la Comédie. » pp. 34-56

Pour se convaincre de cette vérité, qu’on jette un coup d’œil sur la maniere générale dont les François jugent du mérite des choses. […] Un Auteur a fait un ouvrage qui lui mérite d’abord une approbation universelle ; il plaît à un critique qui a du crédit dans la République des lettres, de tourner le nom de l’Auteur en ridicule, & voilà l’Auteur & son ouvrage devenus l’objet du mépris universel. Un homme de mérite entre dans un cercle, il dit de très-bonnes choses ; mais un petit maître trouve qu’il les dit d’une maniere ridicule, voilà notre homme de mérite persislé, couvert de confusion & obligé de sortir. […] J’avertis par avance que quand même Moliere ne sortiroit pas de cet examen aussi pur que je le souhaiterois, je ne l’en regarderois pas moins comme le meilleur Poëte comique que la France ait eu, & qu’elle aura peut-être jamais ; il sera toujours vrai que ses portraits sont de main de maître, & que les dialogues de ses personnages sont d’un naturel inimitable : ce que je dis ici, est pour me garantir de la malignité de ceux qui croiroient que je choisis Moliere au hasard, sans en connoître le mérite.

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