La secte de saint Ignace, obtiendrait enfin un triomphe complet en imposant silence à ses adversaires, elle serait toujours sûre de les faire condamner, lors même qu’elle aurait jugé à propos de les accuser d’avoir voulu voler les tours de Notre-Dame, comme le disait un célèbre jurisconsulteq. […] Mieux vaudrait retirer la liberté de la presse : c’est au prince à juger dans sa sagesse, s’il doit adopter cette mesure. Les deux journaux qui vont être jugés d’après la loi de tendance précitée du 17 mars 1822, sont à la merci de l’opinion de leurs juges. […] La cour royale, en obtenant le privilège de juger d’après son opinion, va se trouver transformée, pour ainsi dire, en chambre ardente. […] De quelque manière que M. de Sénancourt et ses semblables, jugent à propos de m’attaquer, je proteste avec toute la force dont je suis capable, contre une calomnie aussi jésuitique et à laquelle très certainement je succomberais, non seulement devant des tribunaux d’inquisition présidés par des jésuites, mais encore par-devant tout tribunal chargé de mettre à exécution des lois de tendance ; heureusement je puis placer toute ma confiance dans la sagesse de notre gouvernement, et dans la surveillance éclairée de notre illustre magistrature.
C’est la coutume que les Pères Confesseurs ont introduite depuis quelque temps, que d’autres plus scrupuleux qu’eux ne jugeraient peut-être pas fort Canonique. […] Afin sans doute que chacun de ces Génies s’applique avec plus de soin à faire valoir ses prétentions, lorsqu’on sera sur le point de juger à qui on donnera la Pomme d’or qu’ils recherchent tous avec tant d’empressement.
Le Pere Hardouin est le seul dont l’incertitude se rapproche un peu de lui ; encore je m’en rapporte à sa bonne foi : la collection n’étant pas entre mes mains, je n’ai pas jugé que la chose valût la peine que j’allasse la vérifier dans une Bibliothéque publique, d’autant plus que ce Compilateur est tout-à-fait décrié dans la république des lettres. […] Ce nouveau Canon dont le sieur de la M… ne parle pas, soit qu’il ne se rencontre point dans la Brochure, soit qu’il ait jugé à propos de le passer sous silence, est positivement la décision qui nous intéresse, elle fait tomber en poussiere la premiere difficulté (p. […] Les Souverains ne sont plus aujourd’hui dans le cas des censures Ecclésiastiques ; Jean XXII. accorde1 à certains Moines le privilége de n’être pas excommuniés ; combien plus faut-il supposer une semblable prérogative attachée à la personne des Rois ; mais ils la tiennent des mains de l’Eglise qui l’a jugée nécessaire, sa puissance lui ayant été donnée pour l’édification des peuples. […] Le Saint Concile se rencontre avec Charlemagne qui statue en un de ses Capitulaires, que les Pécheurs publics seront jugés publiquement, & condamnés à une pénitence publique, selon les Canons, il n’a pas ajouté, selon les Loix, comme le voudroit l’Avocat de la Comédie. […] On sçait pareillement que les Magistrats dans les premiers siécles n’entroient pour rien dans la discussion des peines ecclésiastiques ; aujourd’hui qu’ils en jugent dès qu’on appelle à leur Tribunal, les choses n’en vont pas toujours plus mal, un Prélat zélé peut se laisser prévenir.
Saverio mieux juger des Poëtes de la Grece que des nôtres. […] Pour juger d’une Piéce de Poësie, les Papes, les Rois, les Cardinaux étoient Peuple, & pour plaire au Peuple, il n’est pas nécessaire de suivre les Régles. […] Il avoue en même tems les grands défauts de ce Poëte, un merveilleux contraire à la Nature, des pensées outrées, des expressions ampoullées Bombast, une versification tonante Thundering : mais il l’excuse en disant qu’il travailloit pour plaire à une Populace to please the Populace, & que juger Shakespear sur les Régles d’Aristote, ce seroit juger un homme sur les Loix d’un Pays où il n’a jamais été, & qu’il n’a pu connoître. […] Il est aisé de juger par cette Lettre, que Riccoboni, qui possédoit le Théâtre François, n’a point pensé tout ce que dans son Histoire du Théâtre Italien il a écrit de favorable à la Poësie Dramatique de sa Nation, qu’il a voulu ménager. […] Evremond, dira-t-on, qui vivoit à Londres sans savoir l’Anglois, ne pouvoit pas juger des Piéces qu’il n’entendoit pas.
Ils sont dans une habitude continuelle de juger des impressions que nos Poëmes dramatiques produisent sur les spectateurs. […] Alors il n’est point occupé à tourner ses connoissances au profit de l’assemblée ; il les employe à juger l’aspirant & non à faire des similitudes. Soit que l’Acteur représente lui-même, soit qu’il suive l’action d’un autre ; l’usage du Théatre ne peut lui être d’aucune utilité, quand il s’agit de juger d’une piéce dramatique. […] Si l’usage du Théatre n’est d’aucune utilité au Comédien, pour juger sainement d’une piéce Dramatique, il est aisé de prouver qu’il est en lui un obstacle à de justes décisions.
au milieu de ces femmes… environnée de ces hommes… exposée… jugée par ce Public… Eh ! le savait-il, qu’il jugeait la vertu, s’immolant pour un coupable !
L'on n’ose la mettre au jour, de crainte d’être regardé comme le défenseur de ce que la religion condamne, encore qu’elle n’y prenne point de part et qu’il soit aisé de juger qu’elle parlerait autrement si elle pouvait parler elle-même, ce qui m’oblige à vous dire mon sentiment, ce que je ne ferais toutefois pas sans scrupule si l’auteur de ces Observations avait parlé avec moins de passion. […] Je vous laisse à juger si un homme sans passion et poussé par un véritable esprit de charité parlerait de la sorte : « Certes, c’est bien à faire à Molière de parler de la dévotion, avec laquelle il a si peu de commerce et qu’il n’a jamais connue, ni par pratique ni par théoried. » Je crois que votre surprise est grande et que vous ne pensiez pas qu’un homme qui veut passer pour charitable pût s’emporter jusqu’à dire des choses tellement contraires à la charité. […] Ce donneur d’avis devrait se souvenir de celui que saint Paul donne à tous ceux qui se mêlent de juger leurs frères, lorsqu’il dite : « Qui es tu qui judicas fratrem tuum ? […] », et ne s’émanciper pas si aisément et au préjudice de la charité, de juger même du fond des âmes et des consciences, qui ne sont connues qu’à Dieu, puisque le même apôtre ditf qu’il n’y a que lui qui soit le « scrutateur des cœurs ». […] Il a eu bien plus de prudence, et comme la matière était délicate, il n’a pas jugé à propos de faire entrer Don Juan en raisonnement.
On voit fort clairement, par tout le discours de la vieille, qu’elle ne jugerait pas si rigoureusement des déportements de ceux à qui elle parle, s’ils avaient autant de respect, d’estime et d’admiration que son Fils et elle pour M. […] Cela dure jusqu’à ce que le Beau-frère lui demande « un oui ou un non » ; à quoi lui ne voulant pas répondre, le quitte enfin brutalement, comme il avait déjà voulu faire : ce qui fait juger à l’autre que leurs affaires vont mal, et l’oblige d’y aller pourvoir. […] Voilà comme raisonnent ces gens-là ; je vous laisse à juger s’ils ont tort, et reviens à mon histoire. […] De là, après quelques autres discours revenant à son premier sujet, il conclut qu’« elle peut bien juger considérant son air, qu’enfin tout homme est homme, et qu’un homme est de chair ». […] Quelques-uns trouveront peut-être étrange ce que j’avance ici ; mais je les prie de n’en pas juger souverainement, qu’ils n’aient vu représenter la pièce, ou du moins de s’en remettre à ceux qui l’ont vue : car bien loin que ce que je viens d’en rapporter suffise pour cela, je doute même si sa lecture toute entière pourrait faire juger tout l’effet que produit sa représentation.
… Oui, jugez-moi, hommes éclairés et vertueux que je révère : je vous le demande, soyez de bonne foi, parlez librement ; je veux tirer de votre réponse une conséquence tout opposée à celles qu’en voudront déduire les pessimistes systématiques qui blâment la philosophie et les lumières qu’elle répand ; qui prétendent que les hommes s’égarent et tombent dans le fossé, parce qu’ils y voient clair, tandis qu’il est si naturel de penser que cela leur arrive parce qu’ils n’y voient pas assez ; je vous le demande, dis-je, comment envisagez-vous l’état actuel de la société ? […] Je prends pour exemple le justement célèbre Tartufe, par Molière, qui est réputé offrir la plus parfaite leçon de l’espèce ; parce que si je parviens à convaincre celui-là, il sera facile ensuite de juger ses coopérateurs. Je ne m’ingère pas de remettre en jugement cette production sous le rapport dramatique ou littéraire ; cette cause a été plaidée et bien jugée ; il y a long-temps que c’est une affaire finie ; d’ailleurs, il y a prescription à cet égard : il serait trop ridicule d’y revenir et de paraître vouloir, de concert avec des étrangers jaloux de la supériorité de nos compatriotes, détruire une réputation légitimée par une si antique possession ; il ne s’agit ici que d’erreurs, ou de démontrer, d’après l’expérience, qu’une composition dramatique, quelle que soit sa perfection, présente toujours des côtés très-défectueux ; que souvent la forme, par exemple, a des effets contraires qui nuisent au fond, et empêchent l’auteur d’arriver heureusement à son but. […] Je prie d’observer aussi que je ne me suis permis cette discussion tardive ou réchauffée sur cet auteur respectable, dont on ne peut lire les principaux ouvrages sans admiration, qu’enhardi par la pensée que malgré tout ce qui en a été dit, on pourra encore le discuter sous quelque rapport, même dans des siècles, comme nous le faisons tous les jours des anciens auteurs grecs et latins les plus fameux ; et me sentant d’ailleurs soutenu, quant au fond, par de grandes autorités, par celles de Labruyère, de Racine, du président de Lamoignon, de Bourdaloue, des savants de Port-Royal et d’autres, qui en ont parlé dans le même sens, qui ont combattu la comédie en question à sa naissance, et l’ont jugée dangereuse unanimement, par des présomptions, par des calculs de probabilité seulement, et sur qui j’ai donc l’avantage du temps, de plus longues observations, des faits, ou de raisons positives, en un mot, de l’expérience.
Ils croient qu’ils jugeront mieux de tout par leur propre essai que par la lumière d’autrui, ou par la simple défense de la Loi. […] Ils ne savent pas que cette sorte de curiosité est déjà un grand mal, et que c’est être tombé aux yeux de Dieu que de se laisser affaiblir par la tentation de juger de ses Commandements par sa propre expérience. […] On y apprend à juger de toutes choses par les sens, à ne regarder comme bien que ce qui les satisfait, et à ne considérer comme subsistant et réel que ce qui les frappe.
On croirait qu’il ne peut pas y en avoir un seul qui souhaitât avec empressement d’avoir des Procès à juger, et l’on s’imaginerait plutôt qu’un tel emploi est regardé comme une gène très pénible et très ennuyeuse. Il est cependant vrai qu’il se trouve aussi des Juges qui ont la fureur de juger : tant il est constant que la malice des hommes peut se faire une passion des choses même les plus sérieuses, et en apparence les moins satisfaisantes. […] Léandre aime Isabelle, fille de Chicaneau, et ne se flattant pas qu’en la demandant en mariage les deux pères puissent y consentir, puisque Dandin père de Léandre est si emporté par la passion de juger, et Chicaneau père d’Isabelle par la passion de plaider, il a recours à un déguisement pour faire signer à Chicaneau le Contrat de mariage, lui faisant à croire que c’est un papier de procédure.