Telles sont les causes générales qui empêchent de donner aux personnages dramatiques des caracteres dignes d’eux.
19 que Louis XIV autrefois avoit exigé que le Doge vînt lui faire des excuses à Versailles, avec quatre Sénateurs ; on en ajouta deux pour l’Impératrice Reine (dont la dignité étoit supérieure) mais elle mit sa gloire à réfuser ce que Louis XIV avoit exigé, elle crut qu’il y avoit peu d’honneur à humilier les foibles, & ne songea qu’à tirer des contributions, dont elle avoit plus de besoin que du vain honneur de voir le Doge de la petite République de Genes avec six Genois au pied du Trône Impérial, c’est un poëte dramatique qui parle ici ; un autre avoit dit : Allez, Doge, allez sans peine, vous jetter à ses genoux, la République Romaine en eût fait autant que vous.
; car, par éxemple, on n’y trouve point que l’Hôtel de Flandres ait jamais été le lieu où se soient données les Représentations Dramatiques des Histoires de la Sainte Ecriture dans Paris.
à cet égard, les poètes dramatiques n’ont-ils pas à se faire le même reproche ?
On y reçoit des lettres, on y lit des Romans, on y donne de rendez-vous ; les adorateurs qui l’assiegent, auxquels on étale negligemment les charmes, y offrent leurs cœurs, & les brûlent à ces charmantes flammes ; on y reçoit des faveurs, on y prend des libertés, auxquelles l’état où l’on se montre invite, & qu’il facilite, en faisant semblant de refuser ; on loue, on admire, on éleve jusqu’aux cieux la beauté, les graces, les talens, les succès Dramatiques de la nouvelle Thalie, on avale à longs traits, on est ennyvré de la fumée de tant d’encens ; c’est un Ministre qui donne audience, c’est un Roi sur son Trône, qui reçoit des hommages, c’est une Déesse élevée sur l’Autel, à qui l’on rend un culte religieux, à quoi pense donc l’indiscret Daillion, d’abréger des momens délicieux, qu’on ne sauroit faire trop durer. […] Tout le théatre n’est lui même qu’une espece de fard, non seulement parce que acteurs, actrices, danseuses, figurantes, & tout ce qui y paroit, est réellement fardé, & même un grand nombre des spectateurs & des spectatrices, jusqu’aux personnages des peintures & des tapisseries ; mais parce que tout l’appareil de la scéne & tout l’art Dramatique n’est que du fard ; geste, déclamation, chant, danse, habit, décoration, tout cela ne fait que farder quelques pensées communes, qu’il fait valoir, & qui dépouillées de tout cet extérieur imposant se réduisent à rien.
Cette marque de chevalerie fait preuve de noblesse ; mais d’une noblesse d’un genre bien supérieur aux yeux de Dieu, Louis XV fit quelque chose de pareil en faveur du Sieur Belloy, il lui envoya par le Premier Gentilhomme de sa Chambre, la couronne dramatique, en récompense du Siége de Calais : elle lui fut remise sur le théatre au milieu des actrices. […] Blin de Sainmore, quoique poëte dramatique, n’a pu voir sans attendrissement des jeunes filles plaider contre leur Seigneur pour défendre la récompense de leur sagesse & de leur vertu.
Par là la familiarité entre les Acteurs & les spectateurs devint très-grande, ils se mêlèrent sur ces petits théatres ; l’art dramatique se répandit, chacun voulut l’apprendre, tout devint pantomime. […] Journal dramatique, Tablettes de Thalie, Gazette des Actrices, &c.
Ce ne sont que des fables ou des bouffonneries : « Mendaciis aut risu scutat. » Ces Divinités, ces Héros, ces grands exploits, ne sont que l’ouvrage des passions criminelles : « Divinitates fortia facinora ex vitiosis affectionibus. » Fuyez les lectures des livres licencieux, elles ne sont propres qu’à faire des plaies dans votre cœur, ou à rouvrir les anciennes ; les connaissances que vous y puisez sont pireae que l’ignorance : « Perniciosiores ignorantia cladem inferunt. » On n’exceptera pas les Auteurs dramatiques de ces justes condamnations ? […] Il ne fait pas plus de grâce au style des Poètes dramatiques.
C’est une raison de plus pour engager les Auteurs dramatiques, je ne dis pas à rejetter absolument les reconnoissances ; elles ont plu, & il y a apparence qu’elles plairont toujours, quoiqu’en dise la Philosophie moderne ; mais à en user sobrement & de loin en loin.
Il a été publié chez Claude Barbin à cette date dans la seconde partie des Œuvres meslées sous le titre « Du poëme dramatique ».
Il a plu à La Fontaine d’aller pêcher dans ce bourbier plusieurs de ses contes, & à quelques Auteurs Dramatiques le sujet de leurs farces. […] On ne compose que dans cet esprit, on ne traite plus que des sujets prophanes ; les passions seules fournissent la matière dramatique. […] C’étoit l’amatrice la plus déclarée & le génie le plus dramatique.