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34. (1665) Réponse aux observations touchant Le Festin de Pierre de M. de Molière « Chapitre » pp. 3-32

Il me semble que vous pouviez souffrir de semblables défauts sans appréhender que votre conscience en fût chargée ; ou bien Dieu vous a fait des commandements qui ne sont pas comme les nôtres. Il fallait, pour vous couvrir plus adroitement, exagérer, s’il se pouvait, par un beau discours, la délicatesse et la grandeur de son esprit, le faire passer pour l’acteur le plus achevé qui eût jamais paru, et comme cet éloge nous aurait persuadés que vous preniez plaisir de découvrir à tout le monde ses perfections et ses qualités, nous aurions eu plus de disposition à vous croire, lorsque vous auriez dit qu’il était impie et libertin, et que ce n’était que par contrainte et pour décharger votre conscience que vous le repreniez de ses défauts. […] Il vous laisserait sans doute en repos, si ce n’est qu’il a lu qu’il fallait publier les défauts des gens pour les en corriger.

35. (1758) P.A. Laval comédien à M. Rousseau « P.A. LAVAL A M.J.J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE. » pp. 3-189

L’amour propre cherche à pallier ses défauts, mais un miroir sert de juge. […] Vous convenez vous-même qu’Alceste a des défauts réels dont on n’a pas tort de rire et; vous faites le procès à un homme qui fronde ces défauts. […] Il a donc senti que sa qualité d’honnête homme étoit altérée par des défauts. […] Avec autant de vertu qu’Alceste en a, peut-on, me direz-vous, allier tant de défauts ? […] Vous êtes obligé d’avouer « qu’on accuse ces sociétés d’un défaut, c’est de les rendre médisantes et; satyriques….

36. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre IX. Des mouvements déréglés du corps qui se font dans la danse. » p. 36

le défaut de modération dans le mouvement du corps, et les agitations indiscrètes et excessives, ne soient contraires à la raison, et par conséquent à la vertu, qui ne souffre rien de déréglé.

37. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre I. Continuation des Mêlanges. » pp. 7-31

La Jérusalem délivrée du Tasse, malgré tous les bons services que lui a rendus son traducteur M. de Mirabeau, en corrigeant, élaguant, adoucissant tout ce qu’il a cru avoir besoin de correction comme un bon jardinier qui approprie un grand parterre, en arrache les mauvaises herbes, taille les arbres, arrange les fleurs, &c. la Jérusalem délivrée a encore bien des défauts : la critique de Boileau, qu’on a trouvé severe, n’est pas si injuste. […] Ces défauts étoient inévitables. Cœur tendres, amant malheureux, courtisan pauvre, érudit crédule, italien superstitieux, plume facile ; des malheurs, ses amours, son siecle, sa réputation, sa dévotion, son libertinage, routes ces choses réunies dans sa personne, ont fait un ouvrage plein de beautés & de défauts, plus dramatique qu’épique, qui n’est qu’une longue comédie, faite uniquement pour le Théatre. […] L’ironie ne corrige rien, elle supplée au défaut de raison. […] Il vaut mieux en tirer des leçons, & faire haïr leur défauts.

38. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Moliere. » pp. 4-28

Ce sont des actions bourgeoises, des vices bourgeois, des défauts ridicules. […] Il a réformé les défauts de la vie civile, & ce qu’on appelle train du monde, mais non pas les mœurs des Chrétiens. […] On dit que Moliere a corrigé lui seul plus de défauts à la Cour & à la ville que tous les Prédicateurs ensemble. […] Tous ces grands défauts, à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles, que quelques faux goûts, quelque sot entêtement, quelque affectation ridicule, qu’il a repris à propos dans les précieuses, les prudes, & ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en Marquis, qui parlent incessament de leur noblesse, qui ont toujours quelque poësie de leur façon à montrer. […] Le défaut des mœurs est une des sources de leur décadence.

39. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre III. Du Cardinal de Richelieu. » pp. 35-59

C’est le propre de l’humanité, les plus grands hommes ne sont ni infaillibles ni impeccables, ils ont leurs défauts et leurs erreurs ; et malgré l’étendue de leurs lumières politiques et la multitude des bénéfices qu’ils ont possédés, jamais on n’a donné ces deux Eminences, ni pour des Docteurs d’une doctrine éminente, ni pour des modèles d’une éminente sainteté. […] Enfin si on n’eût consulté que l’intérêt des mœurs, il fallait supprimer, brûler cette tragédie, non pas y chercher des défauts de composition ; mais on la voulait livrer au ridicule, non aux flammes, et faire triompher, non la religion, mais les ouvrages d’un rival sur les productions de Corneille. […] Corneille avait trop forte partie pour espérer de gagner le procès, sa gloire ne pouvait qu’y perdre ; sa pièce n’était pas sans défauts, ses lauriers n’étaient pas à l’abri d’une critique raisonnable ; il était de son intérêt de ne pas s’exposer au risque de les voir flétrir. […] Il dut satisfaire tout le monde par sa modération et sa politesse, et le Cardinal lui-même, parce qu’on y relève avec justice tous les défauts du Cid. […] Il a même survécu à la critique ; toute belle qu’elle est, elle est peu connue ; le Cid subsiste, quoique sa vogue ait bien diminué, peut-être même que la haine qu’on avait pour le Ministre, et le mépris qu’on faisait de sa basse jalousie, donnèrent un nouveau lustre à ce qu’on persécutait avec tant d’acharnement : « En vain contre le Cid un Ministre se ligue, Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue ; L’Académie en corps a beau le censurer, Le public révolté s’obstine à l’admirer. » Je doute qu’aujourd’hui une tragi-comédie pût produire ni ce mouvement dans le ministère, ni cette jalousie dans les Poètes, ni cet enthousiasme dans le public ; on a trop de goût et de lumières, on a trop vu de bonnes tragédies, pour admirer avec cet excès un petit nombre de traits vraiment sublimes déparés par bien des défauts, et noyés dans un tas de choses médiocres et triviales.

40. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIV. De l’usage de composer des Pièces, ou des Rôles pour un ou plusieurs Acteurs. » pp. 219-233

Elle eut l’art de remédier, comme avoit fait Démosthène, à un défaut si essentiel. […] L’une & l’autre a eu des imitatrices, qui sont tombées dans deux défauts opposés, en croyant atteindre à leur perfection.

41. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VII. » pp. 115-130

Racine ajoute à ce défaut une tendresse plus insinuante. […] Quantité de personnes disent fort sérieusement à Paris, que Moliere a plus corrigé de défauts à la Cour & à la Ville, que tous les Prédicateurs ensemble ; & je crois qu’on ne se trompe pas, pourvu qu’on ne parle que de certaines qualités qui ne sont pas tant un crime, qu’un faux goût, ou un sot entêtement : comme vous diriez l’humeur des Prudes, des Précieuses, de ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en Marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelques poësies de leur façon à montrer aux gens, &c.

42. (1715) La critique du théâtre anglais « AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. » pp. -

D’un autre côté nos Dramatiques n’ont-ils pas déjà assez de traits dans leurs Poèmes auxquels peut convenir cet ouvrage, au défaut d’une critique particulière du Théâtre Français ? […] Attentif et fidèle au sens de l’original, j’ai adouci certaines métaphores trop fortes selon nous ; j’en ai même retranché quelques-unes, qui ont dans l’Anglais un agrément auquel nous ne sommes pas accoutumés : j’ai déplacé quelques pensées pour leur donner un ordre plus conforme à notre manière d’arranger les nôtres ; j’ai changé le sens figuré au sens propre, ou le sens propre au sens figuré, à mesure que l’un ou l’autre me semblaient convenir davantage : j’ai étendu ce qui pouvait nous paraître trop obscur, pour être trop laconique ; et au contraire j’ai serré ce qui pouvait nous paraître lâche pour être trop étendu : quoique après tout, ce ne soit guère le défaut de M.

43. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Si les spectacles, considérés sous ce point de vue, ont un défaut à mes yeux, c’est d’être pour nous une distraction trop légère et un amusement trop faible, précisément par cette raison qu’ils se présentent trop à nous sous la seule idée d’amusement, et d’amusement nécessaire à notre oisiveté. […] C’est la morale mise en action, ce sont les préceptes réduits en exemples ; la Tragédie nous offre les malheurs produits par les vices des hommes, la Comédie les ridicules attachés à leurs défauts ; l’une et l’autre mettent sous les yeux ce que la morale ne montre que d’une manière abstraite et dans une espèce de lointain. […] La règle, ce me semble, est vraie, mais elle a le défaut d’être mal énoncée ; et c’est sans doute par cette raison qu’elle a produit tant de disputes, qu’on se serait épargnées si on avait voulu s’entendre. […] Nullement ; il n’est point de spectateur qui s’y méprenne ; c’est pour nous ouvrir les yeux sur la source de ces vices ; pour nous faire voir dans nos propres défauts (dans des défauts qui en eux-mêmes ne blessent point l’honnêteté) une des causes les plus communes des actions criminelles que nous reprochons aux autres. […] Cela doit être, puisque l’objet naturel de la Comédie est la correction de nos défauts par le ridicule, leur antidote le plus puissant, et non la correction de nos vices qui demande des remèdes d’un autre genre.

44. (1690) Entretien sur ce qui forme l’honnête homme et le vrai savant « VII. ENTRETIEN. » pp. 193-227

Et par conséquent ils ont fait bien des mauvais plaisants, qui sans songer à se reformer eux-mêmes, attribuent aux autres des défauts souvent imaginaires. […] C’est cet art de gagner les esprits que je voudrais bien que mon fils acquît, sans contracter les défauts ordinaires à ceux qui s’appliquent à l’éloquence. […] Si l’on sait bien le garantir des défauts des Poètes, on le garantira bien aussi de ceux des Orateurs.

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