Si les couleurs naturelles sont des signes équivoques des vices & des vertus, les couleurs artificielles dont on s’enlumine sont des témoignages certains de dépravation ; je sais qu’il y a quelques maris si corrompus, quelques meres si déraisonnables qu’elles exigent ces folies de leurs femmes & de leurs filles ; sans doute alors ces couleurs forcées n’annonçent rien de criminel, ce n’est que la violence d’une part, & la timidité de l’autre. […] L’Epouse des Cantiques, dans le long détail qu’elle fait de ses beautés & de sa parure, pour plaire à son bien-aimé, ne fait aucune mention du fard, elle lui auroit plutôt déplu, que gagner sa tendresse, par ce criminel artifice. […] Objet bien mince aux yeux du Sage, criminel à ceux du Chrétien ; mais rien de plus important pour une actrice, & toute femme est actrice en ce point. […] Quand on est si curieux d’étaler tous ces ornemens, on a des vues bien différentes, on n’en a guere que de criminelles : Illis hoc studium vulgò conquirit amantes ; pour moi très-satisfait des graces, de l’esprit, des talents dont vous êtes ornée, je vous trouve toujours très-bien, telle que vous êtes, tandis que vous serez éloignée des excès du luxe : His tu semper eris nostro gratissima visu. […] Il étoit favori de Néron, parce qu’il étoit complice de ses débauches, soit par une vanité indécente d’un jeune homme qui se vante des faveurs des femmes, soit par une adresse criminelle de courtisan qui veut s’attacher un Prince, en lui donnant des maîtresses de sa main, Oihon vanta si fort la beauté de sa femme, que Néron voulut la voir, en devint amoureux, & la lui enleva, & pour se débarrasser d’un rival dangereux, l’envoya à quatre cent lieues de Rome, Gouverneur du Portugal.
La durée criminelle n’en rend les suites que plus à craindre : Dieu se lasse enfin de tant de crimes, vous touchez de plus près à la punition que ceux qui vous ont ouvert la toute, & c’est peut-être sur vous que va éclater la juste colère. […] Sur quoi roulent ordinairement les éloges des libertins, leurs regards criminels, leurs impudiques attentats, quel est le coup d’essai de leurs libertés indécentes, & le premier anneau de la chaîne qu’ourdit l’enfer, que l’éclat, la couleur, la forme de ces funestes écueils de la pureté ? […] Et l’adultère, comme l’Epoux, ne protestent-ils pas dans leur épanchement innocent ou criminel qu’on les ravit & les enchante ? […] ces allusions criminelles ne vérifient que trop le danger & le crime des indécences que je combats : la sainte Ecriture même devient dangereuse. […] Mais le sein ne dit rien à l’esprit, & n’impose point au cœur ; il ne présente ni gravité, ni modestie, ni autorité, ni sagesse ; il n’offre qu’un objet sensuel, qui n’est bon, s’il est découvert, qu’à faire naître des pensées déshonnêtes, de mauvais désirs, des impressions criminelles, & enivrer de volupté.
Or, si ces transports n’ont rien de criminel, la déclamation n’aura rien que d’innocent. […] L’amour, cet ennemi redoutable, à qui vous avez déclaré la guerre, y joue presque toujours le rôle principal ; mais ou il est innocent, comme dans Mithridate, Iphigénie, Inès, Didon, Pénélope, Héraclius, & tant d’autres, & pour lors il n’est point à craindre ; ou il est criminel, comme l’amour de Varus, pour Marianne ; de Phèdre, pour Hyppolite ; d’Œdipe, pour Jocaste ; alors, loin d’être peint avec ce coloris qui fait chérir la vertu, il paroît dans toute sa noirceur : Varus le déteste & en triomphe : Phèdre succombe après avoir longtemps combattu ; mais, loin de se glorifier de sa défaite, elle trouve le poison trop lent pour se délivrer d’une vie qu’elle a souillée par les plus noirs forfaits : enfin, Œdipe se prive pour jamais du jour, dès qu’il trouve une mère dans une épouse tendrement aimée.
Quoiqu’il en soit, il est constant qu’il instruit de l’art criminel d’aimer & d’être aimé ; il apprend le langage de l’amour profane ; il enseigne les moyens de se dérober aux yeux des surveillans.
Cependant cette même disposition d'esprit si criminelle en soi n'a rien d'horrible lorsqu'elle est revêtue de ces ornements; et les spectateurs sont plus portés à aimer cette furieuse qu'à la haïr.
Cependant cette même disposition d'esprit, si criminelle en soi, n'a rien d'horrible lorsqu'elle est revêtue de ces ornements: et les spectateurs sont plus portés à aimer cette furieuse qu'à la haïr.
C’est l’oubli de ces lois canoniques, qui a fait naître l’ambition et la soif des richesses dans le cœur des prêtres, et a causé, par leurs intrigues et leurs entreprises criminelles, tant de troubles, tant de désordres, tant de guerres de religion, tant d’assassinats et de régicides, dont malheureusement abonde l’histoire des peuples de la chrétienté. […] Ils voudraient les convertir à force ouverte et les exterminer tous, ici-bas, comme des séditieux, comme des rebelles, comme des criminels, dignes de la mort et des plus cruels supplices, parce qu’ils se refusent à croire certaines vérités révélées et incontestables parce qu’elles sont vraies. […] C’est enfin le devoir du ministère public, de dénoncer des réalités criminelles, plutôt que de poursuivre des tendances idéales.
Si Phèdre a excité de la commisération sur notre Théâtre, quoiqu’elle fût criminelle, c’est que Racine, d’un génie supérieur, et maître de son sujet, a si bien ménagé la faiblesse de cette Reine, qu’il en a fait retomber tout le blâme sur la confidente, qui abusait de la confiance que sa Maîtresse avait en elle. […] Cette Princesse conçoit un amour violent pour Hippolyte, fils de Thésée, son mari : Après bien des combats, elle prend enfin la résolution de découvrir à son Amant une flamme si criminelle : Ce jeune homme, plein de vertu, bien loin de répondre à cet amour incestueux, est épouvanté d’une déclaration si peu attendue : L’amour de Phèdre se change en fureur, et dans la crainte d’être prévenue, elle se hâte d’accuser son Amant, et se résout à le perdre par une calomnie horrible ; enfin elle se livre toute entière à son désespoir, et se donne à elle-même la mort qu’elle n’avait que trop méritée. […] Ceux qui ont de l’indulgence pour les spectacles, disent qu’il en faut raisonner comme des autres jeux, dont l’usage n’a rien de criminel, et peut être permis, quand il est modéré. […] La Comédie en elle-même, et séparée des circonstances qui la rendaient vicieuse du temps que les Pères déclamaient contre elle, peut être regardée comme une chose purement indifférente ; mais les meilleures choses peuvent devenir criminelles par le mauvais usage que l’on en fait : Les mêmes sucs, et les mêmes herbes dont on compose d’excellents remèdes, deviennent des poisons pernicieux, quand on les apprête d’une autre manière. […] Il n’est pas nécessaire pour condamner les Comédies, qu’elles soient déshonnêtes, et remplies de sentiments superstitieux ; tout ce qui les accompagne ; la magnificence du spectacle, la manière mondaine, les ajustements des Comédiennes, la compagnie qui s’y trouve, la peinture des passions que l’on tâche d’inspirer à tous les spectateurs, les impressions que ces objets laissent dans l’esprit et dans le cœur des jeunes gens ; tout cela suffit pour rendre l’usage de la Comédie très criminel.
Plus elle est charmante, plus elle est dangereuse ; plus elle semble honnête, plus je la tiens criminelle. » Il cite l’exemple de Chimène dans le Cid, alors si admiré et si honnête : « Elle exprime mieux son amour que sa piété, son inclination est plus éloquente que sa raison, elle excuse plus le parricide qu’elle ne le condamne ; sous ce désir de vengeance qu’elle découvre, on remarque une autre passion qui la retient, elle paraît incomparablement plus amoureuse qu’irritée ; prête à épouser le meurtrier de son père, l’amour qui triomphe de la nature, va la rendre coupable du crime de son amant. Les filles avoueront que l’amour de Chimène fait bien plus d’impression sur elles que sa piété, qu’elles sont plus touchées de la perte qu’elle fait de son amant, que de celle qu’elle fait de son père, et qu’elles sont plus disposées à imiter son injustice qu’à la condamner. » Il regarde comme impossible, depuis le péché originel l’entière pureté du théâtre, ainsi que des Poètes, parce « que les mauvais exemples plaisent plus que les bons, qu’on a plus d’inclination pour le vice que pour la vertu, qu’on exprime beaucoup mieux les passions violentes que les modérées, les criminelles que les innocentes, et que les Poètes, contre leur intention même, favorisent le péché qu’ils veulent détruire, et lui prêtent des armes contre la vertu, qu’ils veulent défendre, etc. » Sans toutes ces antithèses, ordinaires à cet éloquent et pieux Ecrivain, et qui n’affaiblissent pas la vérité qu’il enseigne, le P. le Moine, Jésuite, dans son Monarque, le P. […] Le théâtre, comme tout le reste, doit sans doute, selon le génie des nations ou des siècles, le goût de la Cour ou de la ville, la diversité des modes, la variété des circonstances, le caractère des Auteurs, prendre des tons différents de modération ou de débauche, de différentes nuances de décence ou d’effronterie ; mais ce n’est que changer d’habit, le fond est toujours le même, c’est toujours une troupe de gens sans religion et sans mœurs, qui ne vit que des passions, des faiblesses, de l’oisiveté du public, qu’il entretient par des représentations le plus souvent licencieuses, toujours passionnées, et par conséquent toujours criminelles et dangereuses, et qui enseigne et facilite le vice, le rend agréable, en fournit l’objet, et y fait tomber la plupart des spectateurs. […] Non seulement le métier de Comédien est infâme et criminel, c’est encore un crime de regarder la comédie et de s’y plaire ; les plaisirs d’un esprit lascif dégénèrent en crime.
.° Ce qui se passe au cirque n'est pas moins idolâtrique : l'usage des chevaux est innocent ; consacré au démon, il devient criminel. […] Les nudités des Actrices sont ici d'autant plus criminelles, que sans distinction d'âge, d'état et de sexe, elles se montrent à tout le public. […] Il faut punir les criminels sans doute, les coupables ont seuls intérêt de le nier ; mais l'innocent même doit s'affliger que son semblable soit devenu criminel, plutôt que de se réjouir de son supplice.
» Je sais bien que quelques-uns entendent cette répréhension, de la criminelle conduite des Juges, lesquels pour asseoir leurs Jugements, n’envisagent ni la Loi, ni le mérite de la cause ni leur propre conscience, mais seulement la qualité des personnes : si c’est un homme puissant dont ils puissent attendre du service, un ami qu’ils veulent obliger, un parent pour le favoriser, ou quelque autre dont on espère de la gratification : mais je n’ignore pas aussi, que ces paroles, « jusqu’à quand aurez-vous égard à la personne des pécheurs », ne doivent être expliquées que de l’injustice que commettent ces Messieurs, donnant leur consentement et leur approbation à des pécheurs publics, tels que sont pour l’ordinaire ceux qui tiennent le Théâtre, et qui ne trouvent leur accommodement, que dans la perte des autres. Si Dieu ordonne aux Juges par la bouche du même Prophète de prendre le parti des pauvres, contre l’oppression des méchants, et si pour leur infidélité à cet ordre, il dit, que « les fondements de la terre sont ébranlés », c’est-à-dire, les Provinces et les Royaumes dans le trouble et le renversement, par l’occasion que leur faiblesse ou leur lâcheté donne à l’insolence, aux vols, aux pillages, et aux meurtres, appuyés sur l’espérance de l’impunité ; que leur dira-t-il, s’il se trouve que non seulement ils aient été l’occasion de la perte des âmes, mais qu’ils y aient actuellement contribué, comme en effet ils y contribuent, puisque c’est par leur ordre que les Théâtres sont dressés, que ceux qui corrompent les mœurs, y paraissent effrontément, et que Dieu y est outragé publiquement et impunément : qui pourra, je vous prie, mettre à couvert les Juges de si grands maux, vu que c’est leur criminelle tolérance qui en est la source ?