/ 582
72. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre d’une Dame de la Ville de *** au sujet de la Comedie. » pp. 6-15

Si j’entreprens de vous en dissuader la frequentation, vous ne me sçauriez voir de bon œil, & ma morale ne flattera pas vos oreilles, puisqu’elle devra tendre à ne vous pas permettre, ce qui est si agréable à l’ouïe : & peut être l’esprit & le cœur s’y revolteront, puisque je serai obligé de les piquer en ce qu’ils aiment, & le Sage m’apprend, Ecclesiastici 22. […] « que celui, qui pique l’œil, en tire des larmes, & que celui, qui pique le cœur, y excite un sentiment de haine & de colere, qu’il verra bientôt éclater contre lui ». […] C’est une grace bien particuliere, que le Seigneur a repandüe dans les cœurs des Dames de la Ville ***, qu’elles frequentent si souvent la sainte Eucharistie : ce seroit une marque peu équivoque que ce Dieu de bonté voudroit les priver de cette consolation, s’il permettoit, que ces Dames prîsent goût dans la Comedie, ou qu’elles s’y trouvassent : car, S.  […] Il y eût du peril, qu’on fomentât une passion, dont le cœur de l’homme n’est que trop susceptible : & ce danger suffisoit, qu’ils s’y opposassent de tout leur zele. […] Leur morale s’addressa à tous états, à tous esprits, & à toutes sortes de caracteres : car ils ne distinguerent ni qualité, ni conditions, ni temperamens, ni dispositions du cœur.

73. (1759) Lettre à M. Gresset pp. 1-16

Ont-ils la puissance de nous assurer cette paix du cœur, trésor si désirable ? […] Mais ce bonheur oisif et tranquille eût-il rempli les desirs d’un cœur fait pour aimer, et qui ne peut trouver de repos que dans l’amour et dans la possession d’un bien inaltérable et infini comme lui ? […] Voilà ce qui fait rimer tant de maximes erronées, que la voix impérieuse de la vérité qui réside au fond de notre cœur, condamne et désavoue malgré l’impiété de notre plume, et que nous nous efforcerons en vain d’étouffer. […] Non, non, l’esprit n’imagine point de si divines maximes : c’est la plume du cœur qui les écrit ; c’est lui seul qui les enfante, parce que lui seul en a le germe dans son sein. […] Ce ne sera ni l’injustice de nos Censeurs, ni les préjugés aveugles des passions humaines qui seront nos juges, ce sera Dieu seul, dont l’œil perce le fond des cœurs.

74. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quatorzième Lettre. De madame D’Alzan. » pp. 260-274

J’ai répété quelques endroits des Rôles du matin ; j’y ai ajouté les meilleurs scènes de ma troisième Pièce : je m’enhardissais : tous les sentimens que je rendais étaient dans mon cœur, & je les rendais bien. […] Le cœur me battait furieusement en route. […] si dans ce moment, l’on eût mis la main sur mon cœur ! […] Elle était belle, riche ; c’était un cœur tout neuf, sincère, tendre ; elle fut adorée de son époux. […] Elle était inconnue ; son mari dépuis sa nouvelle passion venait plus rarement ; elle osa former le projet, & l’exécuter, de se rendre à la Ville, les jours où la *** devait jouer, & de se modeler sur cette Rivale odieuse qui lui enlevait un cœur qu’elle n’avait pas mérité de perdre.

75. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE I. Abrégé de la Doctrine de l’Ecriture Sainte, des Conciles et des Pères de l’Eglise, touchant la Comédie. » pp. 2-17

Nous lisons dans le chapitre quatrième des Proverbes v. 23. « Appliquez-vous avec tout le soin possible à la garde de votre cœur, parce qu’il est la source de la vie. […] » En Saint Mathieu, chap. 5. v. 28. « Quiconque regardera une femme avec un mauvais désir, a déjà commis l’adultère dans son cœur[…]  » Or il faut convenir, qu’on ne peut aller à la Comédie sans exposer son cœur au péril de la tentation, au lieu de le conserver avec soin ; on y regarde avec une entière liberté, des femme qui font tous leurs efforts pour plaire ; et presque toutes réussissent, car on sait leur conduite. Un Chrétien peut-il être attentif à la suite d’une intrigue d’amour, qu’on insinue par des expressions d’autant plus dangereuses, qu’elles sont plus spirituelles et plus agréables, sans que ce mal s’imprime dans son esprit et dans son cœur ? […] Il n’y a rien de plus scandaleux dans tous les Spectacles, que de voir avec quel soin et quel agrément, les hommes et les femmes y sont parés : l’expression de leurs sentiments conformes ou différents pour approuver ou pour désapprouver les choses dont ils s’entretiennent, ne servent qu’à exciter dans leurs cœurs des passions déréglées.

76. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — I. Fin principale de l’Incarnation du Verbe. » pp. 5-6

Voilà ce que Jesus-Christ est venu faire dans le monde ; embrâser les cœurs du feu de la charité, former des justes ; voilà l’unique but des mystéres qu’il a opéré sur la terre. […] Les Démons, le monde, les passions se liguent ensemble pour s’opposer à l’œuvre de Jesus-Christ dans son cœur. […] C’est dans la même vue qu’ils lui remettent si souvent devant les yeux la corruption de son cœur, qui renferme le germe de tous les crimes ; qu’ils lui indiquent les remédes-propres à la guérir ; & qu’ils lui prescrivent si expressément de renoncer au siécle, à ses vains désirs, & aux passions mondaines, abnegantes impietatem, & secularia desideria .

77. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Première Lettre. De madame d’Alzan, À madame Des Tianges, sa sœur. » pp. 18-20

je n’accuse que mon malheur…Il ne me reste qu’un moyen de me dédommager ; ardente à le saisir, je vais faire un Journal fidèle, & votre absence ne vous dérobera rien de ce qui se passe dans mon cœur. […] lui, dont le sourire, un seul regard, ranime mon cœur abattu par l’ombre… la plus légère de l’indifférence ! […] Depuis votre départ, il ne s’absente que le soir, pour aller au Spectacle ; presque tous les jours, il se rend au même Théâtre de fort bonne heure ; le desir de le voir m’y conduit quelque-fois sur ses pas ; monsieur de Longepierre, qui me croit passionnée pour la Comédie, quitte tout pour m’accompagner : je cherche des yeux monsieur d’Alzan dans la foule de l’Orquestre ; je l’ai bientôt démêlé : je le vois ; & le calme renaît dans mon cœur ; je me trouve presque contente.

78. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quinzième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 275-277

Il est descendu dans son cœur sans doute ; pouvait-il y trouver rien qui lui dît qu’il mérite cet effort, & le sentiment qui l’a produit ? […] dans ce cœur injuste, il n’a rien senti qui lui fît seulement soupçonner… Que dira-t-il, ô ma trop vertueuse sœur, que dira-t-il ? […] l’amour dans son cœur, n’absorbe pas l’amitié, au-contraire, il la vivifie, & lui communique cette chaleur animante dont il est le foyer.

79. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « XI. » pp. 55-57

Sachez donc que la douceur naît de l’humilité intérieure du cœur qui fait qu’on ne s’offense pas facilement des faiblesses des autres dont on se reconnaît capable. […] Bernard, ainsi que l’enflure du cœur est la mère de la présomption, de même la véritable douceur ne procède que de la vraie humilité. » Ce sont deux vertus que Jésus Christ a rendu lui-même comme inséparables : « Apprenez de moi, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

80. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre X. Les spectacles ne sont propres qu’à rendre romanesques ceux qui les fréquentent. » pp. 102-104

On perd par degrés le discernement du juste et de l’injuste ; on accoutume son cœur à tout, on lui apprend le secret de ne rougir de rien ; on le dispose à ne pas condamner des sentiments qu’il a excusés et loués dans les autres. […] Cela arrive toujours, quand on n’en voit que l’image ; mais l’image ne peut plaire sans remuer le cœur, sans l’amollir et le corrompre, sans échauffer l’imagination et sans mettre du faux dans l’esprit. […] Et les maris sont négligés, oubliés et souvent méprisés, parce qu’il n’est ni de la décence, ni de l’usage qu’ils aient pour elles toutes ces fades et ridicules complaisances que les petits-maîtres ont pour leurs héroïnes de coulisses, et pour ces femmes qu’une affaire de cœur n’effarouche pas.

81. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE III. Théatre de S. Foix. » pp. 52-75

Non : rempli de désirs, ce jeune cœur cherche par-tout des objets qui les lui expliquent, & jusqu’aux peintures qui ornent les temples, l’instruisent. […] Ces descriptions du berger & de la bergère, du moineau & de sa femelle, des déguisemens de sexe, ne font que réaliser le mot de Virgile en répandant le poison dans les oreilles & allumant le feu dans le cœur : Est mollis flamma medullas. […] Mais cette élégance ne sauve pas les défauts, & le libertinage ne peut plaire qu’à des cœurs dépravés. […] Elles me délieront bien-tôt, je puis m’en reposer sur leur cœur ; le principal est de m’introduire. […] L’amour sera bien-tôt délié, on peut s’en reposer sur le cœur des filles ; le principal est de l’introduire, tout le reste va de lui-même.

82. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De l’Indécence. » pp. 21-58

& d’ailleurs, je ne conseille aux Poètes d’être réservés dans leurs expressions, & dans les images qu’ils mettent dans leurs Drames, qu’après avoir étudié le cœur humain. […] Vaut-il mieux plaire à des gens livrés à toutes leurs passions, plutôt qu’à des cœurs toujours remplis de la vertu ? […] Il est assez difficile qu’il ne nous reste au fond du cœur de vives impressions de tant de peintures agréables & voluptueuses. […] On sçait par cœur les Contes de M. de Voltaire sur lesquels on a composé l’intrigue des deux Pièces que je vais éxaminer : il est donc facile de démêler ce qu’on ne représente qu’à demi. […] Mais l’horreur que ressentiront les cœurs honnêtes en voyant les indécences que je viens de découvrir, leur indiquera ce qu’ils doivent faire.

/ 582