Il n’y a point de désordre que les Pères de l’Eglise aient combattu plus souvent et avec plus de zèle, que l’amour des spectacles. […] en effet, si l’on y représente le martyre d’une Sainte, ne faut-il pas que ce soit une intrigue d’amour qui la fasse mourir ? […] Ils apprennent d’elle à regarder les mouvements d’un amour déréglé comme des « … …impressions, Que forment en naissant les belles passions ». […] Mais plutot voilà comme on fait servir dans les comédies la générosité et la charité chrétienne, que les Saints ont fait paraître dans leurs actions, à relever l’éclat de l’amour profane, à en donner de l’estime, et à en exciter les flammes dans le cœur des spectateurs. […] Augustin a dit, sur ce qu’on l’avait exercé en sa jeunesse à réciter les fables des Poètes, « qu’il y a plusieurs manières différentes de sacrifier aux Anges rebelles » ; et que si les comédies de notre temps ne se représentent pas en l’honneur d’un Mars, d’un Jupiter, et d’un Neptune, elles sont pourtant uniquement consacrées à l’amour profane, au plaisir de ceux qui les regardent, et à l’avarice et à la cupidité de ceux qui les représentent.
d’Espagnac & Turpin parlent ainsi de la naissance de Maurice comte de Saxe : il fut l’unique fruit des amours d’Auguste II. […] Je laisse à l’amour & à votre cœur le soin d’en ménager les moyens. […] On dit, Monsieur le Maréchal, qu’au milieu des travaux & des fatigues de la guerre, vous trouvez encore des momens pour faire l’amour. Je suis femme & ne vous blâme pas ; l’amour fait les héros & les rend sages. Du moins ceux du théatre, qui sont tous amoureux : car par-tout ailleurs, selon le Sage, l’amour rend foux même les plus sensés.
Surtout cet amour pur à la Dom Quichotte est impraticable dans la société des Dulcinées de la comédie, dans le goûr & la fréquentation du théatre. L’amour pur, qui est à la pointe de l’esprit devant une gorge découverte, une Actrice parée, une danseuse de l’opéra ; un amour alambiqué dans les foyers, les coulisses, les cellules, les loges est un délire. […] qu’après la délicieuse vivacité de tant de mouvemens la fade tranquillité de cet amour spéculatif seroit ennuyeuse ! […] L’Italien, dit-elle, me paroît dangereux ; c’est la langue de l’amour : les Auteurs Italiens sont peu châtiés. […] Le Saint-Esprit a ainsi voulu peindre sous les traits d’un amour profane les chastes libertés de l’amour conjugal, & les saintes délices de l’amour divin.
Car enfin quelque austerité que l’on ait dans les mœurs, on ne peut pas dire, qu’écouter precisément des Acteurs qui récitent un poème où l’on fait voir le crime puni et la vertu recompensée, où il ne s’agit que d’un amour vertueux et légitime, qui n’aboutit qu’à un lien sacré ; quelque sévère, disent-ils, que l’on soit, on ne peut pas dire que ce soit un péché en soi-même. […] Il ne voulut donc pas épouvanter le monde, il voulait les attirer ; se persuadant que si une étincelle de l’amour divin entrait dans leurs cœurs, ils seraient bientôt embrasés, et alors ils trouveraient facile ce qui leur semblait difficile. Comme il ne tâchait qu’à faire naître l’amour divin dans les cœurs, il était obligé d’avoir cette tolérance et cette douceur. S’il n’a pas beaucoup parlé contre le luxe des femmes, c’est parce qu’il savait très bien que quand l’amour de Dieu serait dans leurs cœurs, il en bannirait l’amour des vanités du monde. Ainsi quoi qu’il eût cette tolérance, il n’a pas laissé de condamner le bal, la comédie, et les autres divertissements qui sont si dangereux : et pour vous le faire voir, c’est qu’il demande à ceux qui vont au bal et à la comédie des dispositions et des réflexions qui sont incompatibles avec l’amour de ces divertissements.
), se font beaucoup de tort par leur amour pour la comédie : « Spectaculorum studium omnibus qui gravioribus studiis vel officiis incumbant, vitio maxime datum. […] à connaître l'amour, à ne pas craindre, à satisfaire les feux naissants que la nature allume, que les objets attirent, dont la représentation fait une incendie. […] Cependant j'étais trop jeune pour m'attacher à ma Chimène ; d'ailleurs elle était à toute heure entourée de gens moins jeunes et plus riches que moi, et prévoyant bien que si j'osais lui parler d'amour sans lui faire des présents, je n'en serait traité que comme un Ecolier, je cherchai des amours plus aisées. […] Mais, sans abandonner son ouvrage, elle se déguisa ce que son expérience lui apprenait ; elle demanda à Racine un poème moral dialogué, dont l'amour fût banni. […] Cyr beaucoup d'esprit et de vanité, la dévotion et l'amour du monde, composait de petites pièces et les faisait représenter, enseignait ses élèves à déclamer, à sentir et à inspirer la passion.
Il en chasse les Spectateurs, en les avertissant, que ibid ce genre de Poësie voluptueuse est seul capable de corrompre les plus gens de bien ; parce que n’excitant que la colére ou l’amour, ou quelqu’autre passion, elle arrose de mauvaises herbes, qu’il falloit laisser entiérement dessécher . […] Connoissant leur respect pour l’Evangile, & leur amour pour J. […] Que n’avons-nous point à attendre de leur amour pour le bien ?
Le voilà pour lors dans la règle en partie ; mais, par un aveuglement inconcevable, ce même Public, qui se range, par caprice, du parti des bonnes mœurs, a une prédilection marquée pour la passion d’amour ; il n’en apperçoit pas les dangereuses conséquences, et il passe légérement sur tout ce qu’elle peut avoir de funeste ; parce qu’il aime cette passion, dans quelque état qu’on la lui présente. […] L’amour de Théâtre des Anciens était scandaleux, et les Modernes ont bien fait de le proscrire ; mais le prétendu amour honnête, que les Modernes ont introduit, ne mérite pas plus de grace ; parce que, tel qu’il est, non seulement il ne peut jamais corriger, mais il sera toujours très pernicieux et de mauvais exemple, malgré le verni d’honnêteté dont on veut le couvrir.
Un amour si mal conçu, dont il n’y a pas dans l’histoire le plus leger vestige, peut-il plaire ? Sans doute, y a-t-il d’amour qui ne plaise aux François, amateurs du théatre ? […] Un François en est enchanté, le poëte qui en a imaginé le reve est un homme admirable, l’amour quel qu’il soit, sera toujours délicieux. […] Sans doute, la fortune de l’amour est toute faite en France, sous quelque habit qu’il se montre. […] Racine est tendre jusques dans sa haine, Crebillon, sombre jusques dans l’amour, Corneille boursoufflé jusque dans les valets, Scarron burlesque jusques dans les Princes.
Nous avons vu ci-dessus jusqu’à quel excès de ridicule, il porta l’amour du théatre : ses mœurs s’en ressentoient. […] La Reine ne gardoit aucune mesure, peu de femmes dans leurs amours ont moins respecté la décence. […] Une vertu qui n’exclud pas la volupté, & l’amour des femmes, est-elle une véritable vertu ? […] La vertu n’exclud pas l’amour des femmes : j’avoue mon erreur. […] Les amours & le théatre ne firent que croître & embellir.
Luxe opposé à la pauvreté, mondanité à la simplicité, mollesse à l’austérité, amour profane à la pureté ; toutes les vertus s’y cachent, tous les vices s’y déploient. […] L’amour y captive toujours les cœurs, y reparoît sous mille formes, parle, pleure, s’agite jusqu’à ce qu’il ait tout soumis. […] C’est là où le Démon forge les traits de feu qui enflamment la convoitise, & où la mort entre par tous les sens ; où l’on apprend le crime en le voyant ; où l’image des choses qu’on représente, fait de malheureuses impressions qui ne s’effacent presque jamais ; où une intrigue d’amour, de vengeance, ou de quelque autre passion, représentée avec adresse, est une amorce pour le même vice ; où les plaisirs qu’on goûte en voyant les ressorts que le péché met en œuvre, devient un appât pour le commettre. […] Ce n’est pas dans les Vies des Saints qu’on trouvera des amateurs du théatre ; ils furent tous ses ennemis, non-seulement ceux que l’amour de la solitude ensevelit dans les déserts, ceux que le zèle transporte au-delà des mers, ceux que la charité dévoue au service des pauvres, mais ceux même que leur état, leur grandeur ou leur dépendance tiennent enchaînés au milieu du monde, & qui versent des larmes sur les fleuves de Babylonne. […] Vous êtes Chrétiens, dites-vous, voilà votre religion, votre amour, votre espérance, votre loi, votre modèle, votre bonheur, & vous fréquentez le théatre ?
L’amour du plaisir corrompit totalement cette Nation, & parvint à la rendre insensible à tout ce qui préparoit sa ruine. […] L’amour étoit pour eux une espece de Divinité qui leur donnoit la loi, & qui décidoit souverainement de la paix & de la guerre. […] L’intrigue de ce Roman est l’amour que la Princesse conserve pour un autre que pour son mari. […] Il y avoit en Provence la fameuse Cour d’amour. […] C’est en effet toujours la passion de l’amour qui est l’ame de toutes nos Pieces de Théatre.