/ 491
68. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Molière s’est dit à lui-même, au moins je me l’imagine : « Les Français sont naturellement portés aux plaisirs : est-ce un mal que d’aimer le plaisir ? […] […] A l’égard du reste, comme je vous ai dit, ayez de la vertu, aimez l’honneur plus que la vie, et vous serez dans l’ordre. […] Premièrement, il est bon d’expliquer ce que c’est que cet honneur qu’on doit aimer plus que la vie. […] N’est-il pas bien naturel, de ne pas aimer quelqu’un qui fait ce qu’il peut pour avilir nos talents, qui s’efforce ainsi de nous ôter les moyens de subsister ? […] Ce serait ici le lieu peut-être de vous faire part de mes réflexions sur votre mauvaise critique de la Musique Française et d’attaquer votre préjugé ridicule pour la Musique Italienne ; mais comme l’objet occasionnerait une trop longue digression, j’aime mieux la renvoyer à la fin de cet ouvrage pour ne point imiter votre désordre et sautiller d’un objet à l’autre comme vous faites.

69. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Troisième Lettre. De madame d’Alzan. » pp. 25-27

monsieur d’Alzan est tendre, sensible ; & ce n’est plus moi qu’il aime ! […] Mais comment vous aurais-je résisté, à vous qui m’aimiez, à qui tout cède ; qui triompheriez de l’indifférence même, & qui soumettez ceux qui ne peuvent espérer de vous toucher ?

70. (1731) Discours sur la comédie « MANDEMENT DE MONSEIGNEUR L’EVEQUE DE NIMES, CONTRE LES SPECTACLES. » pp. 352-360

Vous aimiez à voir et à entendre ces filles de Babylone, qui chantaient les cantiques de leur pays. […] Vous faisiez part de ces récréations empoisonnées aux personnes que vous aimiez ; et ce qui est plus déplorable, vous donniez à vos enfants encore innocents la vue de ces vanités, pour récompense de leur sagesse. […] Ecoutez la voix du Pasteur qui vous exhorte et vous sollicite, et qui aime mieux devoir votre obéissance à ses charitables conseils, qu’aux censures que l’Eglise lui a mises en main.

71. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « X. Différence des périls qu’on cherche et de ceux qu’on ne peut éviter. » pp. 44-45

Dieu nous aide dans les tentations qui nous arrivent par nécessité ; mais il abandonne aisément ceux qui les recherchent par choix : « et celui qui aime le péril » Eccl. […] , il ne dit pas, celui qui y est par nécessité, mais : « celui qui l’aime » et qui le cherche, « y périra ».

72. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

Les plaisirs de l’esprit par eux-mêmes innocens peuvent être très-criminels, on confond l’esprit avec son impureté ; on croit dans un ouvrage n’aimer que l’esprit, & on n’en aime que la corruption, l’esprit n’est qu’un prétexte, & quand même on aimeroit ce qu’il y a d’ingénu, on goûte sur-tout ce qui s’y trouve de licencieux, qui favorise les passions. […] Malgré la sage défense du Roi, les Comédiens aussi méchans que leur père, ont toujours continué de l’habiller en Abbé, ils ont mieux aimé faire à contre-temps que de renoncer à leur malignité. […] Eh le moyen qu’à la vue de nos foiblesses ils puissent nous respecter ce penchant furieux qu’on nous donne à la tendresse, & le désespoir de n’être plus aimée, cet emportement où vous met le plaisir de l’être ? […] Dans la fable de Venus un aussi grand homme qui fait si bien l’art de plaire, & qui a si parfaitement écrit celui d’aimer, peut-il faire de l’amour la divinité la plus déréglée de toutes les femmes ? […] Si cette façon de s’unir trouve les hommes contraires, il faut sans balancer refuser leur compagnie (il n’y a rien à craindre) ; les hommes ne pouvant se soutenir sans elles (ni elles sans les hommes), ils seroient forcés à suivre leurs loix pour les posséder (par sympathie encore) ; le succès de ses leçons fut prompt, les hommes furent attaqués par les regards (purement spirituels), dont les feux embrasent leurs ames, ils furent animés d’une ardeur que n’inspire point la gloire (toute à la pointe de l’esprit) ; dès ce moment les mortels ne connurent point de bonheur plus parfait que d’aimer & d’être aimé.

73. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

Il y a des gens qui aiment si fort les odeurs, qu’ils font parfumer jusqu’à leurs livres ; une bibliothèque odorante fera peu de savans, elle sent moins le savant que la femme. […] Montagne dans ses Essais dit de lui-même qu’il aime fort les bonnes odeurs, & ne peut souffrir les mauvaises ; que c’est une de ses folies, qu’il les distingue de plus loin que personne, & se compare au chien de chasse qui a l’odorat le plus fin ; namque sagacius odoror quam canis ubi lateat , il aime ou haït outre mesure tout ce qui est outre mesure n’est plus dans l’ordre. […] Mais dans l’homme, le goût pour les bonnes odeurs est aussi ancien & aussi étendu que le monde, quoiqu’infiniment diversifié dans les espèces & dans les degrés ; l’un aime une odeur pour laquelle l’autre a de la répugnance. […] Cette Princesse fameuse par sa beauté & par ses galanteries, mariée successivement à deux Rois à qui elle porta la plus riche dot ; au Roi de France qui la répudia, & qui aima mieux perdre une belle province que de vivre avec elle, au Roi d’Angleterre qui la tint quinze ans en prison : cette Princesse passa sa vie dans les fêtes, les jeux, les spectacles, donna elle-même les plus scandaleux, & rapporta en France & en Angleterre le luxe & la galanterie asiatique ; elle faisoit des amans par-tout, jusques chez les Mahométans où l’on prétend qu’elle fut aimée de Saladin, allumant par-tout le feu de la guerre ; en France pour se vanger de la jalousie de Louis, en Angleterre pour se vanger des amours de Henri qui cessa de l’aimer, & lui préféra des maîtresses ; elle arma ses enfans contre leur père, & fit naître une guerre civile ; elle courut de tous côtés : en Syrie poursuivre son mari, disoit-elle, en Allemagne pour délivrer son fils Richard ; deux fois en Espagne pour aller chercher ses belles-filles. […] Vous vous mocquez de moi parce que je ne suis point parfumé comme vous, j’aime mieux n’avoir aucune odeur que d’en avoir de bonnes, malo nihil olere quam bene olere .

74. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

On aime à imiter, on n'imite que trop ces coupables de tous les jours, dont on voit l'exemple et entend l'éloge. […] On n'aime l'image des passions qu'autant qu'on en aime l'objet. […] Il faut que le théâtre dénature les hommes et les fasse des tigres et des panthères, pour leur faire aimer les monstres. […] Ainsi cache-t-on à l'homme ses blessures, on les lui fait aimer, on les rend incurables à ceux mêmes qui les craignent et voudraient les guérir : « O mores hominum ! […] Quel ridicule sur l'économie, l'assiduité et les devoirs, la régularité des pères et des maîtres qui aiment la vie réglée et retirée !

75. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XVII. Que les danses sont condamnées dans l’Ecriture, et par les Pères. » pp. 119-141

Commençons par ce passage de l’Ecclésiastique ; « Ne fréquentez jamais une femme, ni une fille qui aime la danse, et n’ayez nulle communication avec elle, de peur que ses attraits ne soient une occasion de ruine pour votre âme. » Cap. 9. […] Que je ne me suis jamais mêlée parmi les personnes qui sont adonnées au jeu, et que je me suis tenue séparée de celles qui aimaient la danse. » Tobia 3. […] dans le Livre qu’il a composé sur ce sujet, et dans ses Lettres, déplore la misère, l’aveuglement et la folie des Chrétiens, qui leur fait aimer les inventions des démons, et qui les porte à imiter les mœurs et les façons de faire des Gentils et des Idolâtres : mais ce qu’il juge encore plus intolérable, c’est qu’ils veulent justifier leur conduite déréglée par l’action de David qui dansa devant l’Arche, et se servant de ce qui est dit dans les Saintes Lettres que Dieu avait prescrit à son peuple l’usage de plusieurs sortes d’instruments ; comme si, dit ce saint Martyr, on pouvait comparer à des choses qui ont été faites très saintement, et pour le culte de Dieu seul, ces divertissements mondains, qui ne servent qu’à la volupté. […] Et Salvien Evêque de Marseille les blâme, avec un cœur plein de zèle, et avec une éloquence très mâle et très forte, disant, que c’est une imitation du dérèglement des Païens ; et traitant les Chrétiens qui aiment et qui recherchent ces divertissements, comme des apostats, qui après avoir renoncé à Satan et à ses œuvres, se joignent à lui de nouveau, et suivent derechef son esprit. […] Car Cicéron a dit, « Que personne quasi ne danse qui ne puisse être convaincu de n’être pas sobre et tempérant. » « Neminem saltare sobrium. » Et Alphonse Roi de Naples disait des Français qui aimaient si fort la danse, qu’ils ne pouvaient s’en abstenir dans un âge même bien avancé, qu’ils devenaient folsg dans leur vieillesse.

76. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Henri IV. » pp. 121-168

Ces trois repas durent autant que tout le reste : sans doute l’auteur aime la bonne chere. […] Ne le montrez qu’en grand dans le premier, pour le faire admirer ; bornez-vous dans l’autre à ces traits de bonhommie qui le font aimer. […] Ce n’est pas même un principe de justice, c’est un principe de vanité pour se faire aimer. […] On ne peut aimer son peuple & sa maîtresse ; les maîtresses engagent à une infinité de dépenses qui accablent le peuple. Est-ce l’aimer ?

77. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — VIII. Les intrigues sont la vraie fin de la comédie. » pp. 15-17

Croit-on que le feu qu’elles auroient jetté dans un cœur deja trop disposé par lui-même à aimer en quelque maniére que ce soit, s’éteindroit par l’idée seule de l’honnêteté nuptiale ? […] « Qui étale, bien que ce soit pour le mariage, cette impression de beauté sensible qui force à aimer & qui tâche de la rendre agréable, veut rendre agréable la concupiscence & la révolte des sens.

78. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre prémier. De l’éxcellence du nouveau Théâtre. » pp. 68-93

Il aime le changement continue notre Aristarque ; dégoûté de la Comédie qu’on croit n’avoir plus rien à peindre, & des Tragédiés qui se ressemblent toutes, il adopte un Spectacle nouveau ; non parce qu’il a quelque mérite ; mais parce qu’il satisfait son inconstance : oui, s’il aime tant l’Opéra-Bouffon, c’est parce qu’il y trouve le frivole & le futile, dont sans cesse il fait ses délices. […] peut-être n’ont-ils appris de nous à tant aimer l’Opéra-Bouffon, que pour le seul plaisir de s’amuser de nos frivolités, & que par la même cause qu’ils imitent nos frisures élégantes, nos charmans colifichets, nos jolis petits riens ! […] L’énnemi juré des mauvais ouvrages, le fléau des sots Auteurs, le dur & l’élégant Boileau, nous apprend dans un seul Vers quelle est la raison qui nous fait tant aimer notre Opéra. […] Il résulte de tout ce que je viens de dire, que nous ne saurions trop aimer cet agréable Spectacle. […] Si l’on eut toujours aimé le Spectacle des Mistères, des Actes des Apôtres, nos Théâtres seraient encore dans la barbarie : par la même raison, lorsque nous nous relâchons de notre amour pour le vrai Beau, il s’éclipse, & le ridicule que nous lui préférons lui succède.

/ 491