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6. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE I. Du sombre pathétique. » pp. 4-32

S'il est matière, l'âme est donc matérielle ; s'il est esprit, l'âme est livrée au néant. […] Dieu est donc l'âme de tous les hommes, les hommes n'ont point d'âme, du moins spirituelle, puisqu'il n'y a d'autre esprit que celui de Dieu. […] donne-t-elle la vie à l'âme ? […] Peut-elle attendrir une âme honnête ? […] Et les rayons sereins dans mon âme s'élèvent : les rayons frappent les yeux, s'élèvent-ils dans l'âme ?

7. (1675) Traité de la dévotion «  Méditation. » pp. 66-67

Mon âme, que tu es malheureuse d’être née en Egypte, et de n’être pas sensible aux biens de la véritable Canaan ! […] Tu n’as pas encore goûté ces délices des âmes pieuses et dévotes qui disent, Je suis rassasiée comme de moelle et de graisse : Ah, que le Seigneur est bon, je l’ai goûté, il m’a mené en sa salle du festin, ses amours sont plus douces que le vin et que les rayons de miel, qu’il me baise des baisers de sa bouche. Plût à Dieu que j’eusse été honoré de ces communications secrètes dont mon Sauveur fait part à quelques âmes privilégiées, ce qui les comble de joie même au milieu des supplices, et les fait chanter dans les prisons et dans les fers. Apprends mon âme, apprends à chercher en Dieu tes plaisirs et tes délices, il en est la source, toute joie qui ne vient pas de lui se termine par la douleur, par la tristesse, par les pleurs, par le désespoir, et par le grincement de dents.

8. (1694) La conduite du vrai chrétien « ARTICLE V.  » pp. 415-435

Voici une troisième sorte de violateurs et de pécheurs publics auxquels Messieurs les Juges devraient s’opposer, parce qu’il y va de la gloire de Dieu, de l’honneur de l’Eglise, et du bien des fidèles ; et ne le faisant pas, ils participent à tous les crimes qu’ils commettent et font commettre ; ce sont les Comédiens, Tabarins, Bateleurs et Vagabonds, lesquels autorisés par Messieurs les Magistrats, perdent une infinité d’âmes par leurs sales représentations et discours impudiques. […] Je n’en ai que contre ceux dont je viens de parler, lesquels par leurs sales paroles, actions et gestes impudiques, empoisonnent les âmes : ce qui fait qu’on les doit fuir, et qu’on ne les peut entendre sans crime. […]  » C'est donc l’autorité des Magistrats qui concourt à ces grands maux, et à la perte des âmes, par la permission et le consentement qu’ils donnent à ces farceurs et bateleurs : c’est leur permettre d’arracher les âmes d’entre les mains de Dieu, pour les rendre les esclaves du diable. […] Mais pour faire voir que ce n’est qu’un prétexte de la part des Magistrats ; combien y a-t-il de Juges et autres Gens du Roi, qui ne les ont jamais voulu souffrir dans leur Ville, et qui n’ont pas pu voir qu’à la sortie de la Messe, des Vêpres, ou du Sermon, on trouvât un Théâtre dressé, comme un Autel pour le Diable, contre Jésus-Christ, pour détruire en une heure de temps tous les bons sentiments que les Prédications avaient fait naître dans les âmes pendant toute une semaine. […] car, de grâce, quelle est la pratique, quelle est la fin, quel est le fruit de ces gens qui paraissent sur les Théâtres, sinon les mêmes que l’Ecriture marque de cet homme de perdition, et dont ils sont les avant-coureurs, à savoir d’arracher les âmes d’entre les mains de Dieu, pour les faire les esclaves de Satan, par la liberté que Messieurs les Juges leur ont donnée ?

9. (1759) Apologie du théâtre « Apologie du théâtre » pp. 141-238

Ne s’applaudit-il pas de sa belle âme ? […] Ils auront tant d’esprit que vous voudrez, jamais d’âme. […] Plus l’âme est sensible, plus elle est délicate ; je dis l’âme, et l’on m’entend bien : or, la délicatesse des sentiments en garantit l’honnêteté. […] Qui de nous est complice dans l’âme de la trahison du fils de Brutus ? […] Pensez qu’il s’agit d’un homme perdu : tout est poison pour une telle âme.

10. (1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « A Mlle de Guise » pp. -1

Minerve tient la pensée La vertu l’âme enlasséeb, Les amours rient en l’œil, La troupe divine ensemble En ce bel esprit assemble Les clartés de ce Soleil. […] Divine main, perle d’élite, Belle dont le rare mérite Sert aux cœurs de douce prison ; Si l’œil qui te voit ne s’engage, C’est l’âme qui faut de courage, Ou l’Esprit manque de raison. […] Ce feu saint, l’honneur des Vestales, Echauffe les âmes Royales, Des vertus qui la font aimer : Et comme la lampe divine, Qui brillant, éclaire, illumine Elle reluit sans consommer. […] [NDE] Comprendre : Minerve tient la pensée enlacée, la vertu tient l’âme enlacée.

11. (1692) De la tragédie « De la tragédie ancienne et moderne. » pp. 148-162

On aura de la peine à me persuader qu’une âme accoutumée à s’effrayer sur ce qui regarde les maux d’autrui, puisse être dans une bonne assiette sur les maux qui la regardent elle-même. […] Que de mettre la perturbation dans une âme, pour tâcher après de la calmer par les réflexions qu’on lui fait faire sur le honteux état où elle s’est trouvée ? […] Notre crainte n’est le plus souvent qu’une agréable inquiétude qui subsiste dans la suspension des esprits ; c’est un cher intérêt que prend notre âme aux sujets qui attirent son affection. […] C’est qu’on doit rechercher à la Tragédie, devant toutes choses, une grandeur d’âme bien exprimée, qui excite en nous une tendre admiration. Il y a dans cette sorte d’admiration quelque ravissement pour l’esprit ; le courage y est élevé, l’âme y est touchée.

12. (1689) Le Missionnaire de l’Oratoire « [FRONTISPICE] — Chapitre » pp. 19-20

) Et si l’expérience qui est la maîtresse des fous, a quelque pouvoir sur l’esprit des sages, demandez, s’il vous plaît, à toutes les bonnes âmes qui se sont bien données à Dieu, demandez à tous les religieux qui ont été autrefois du monde, si en leur confession générale ils ne se sont pas repentis et accusés d’avoir été au bal. […] Magdalenæ de Pazy.), il est dit qu’un jour Notre Seigneur lui fit voir, en extase, un bon nombre d’âmes religieuses qui brûlaient dans des flammes effroyables, et qui étaient tombées dans ce malheur infiniment déplorable, pour avoir mal usé des récréations que la religion donne. […] Dans ces plaintes elle disait d’une voix funeste : Ô âmes religieuses, misérables ! […] que ce qui est permis aux religieux pour une sainte récréation, leur donne la mort de l’âme, et leur cause une peine épouvantable et d’une éternelle durée !

13. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 12. SIECLE. » pp. 187-190

Quant à la vue des Spectacles vains, que sert-elle au corps, ou quel bien apporte-t-elle à l'âme et Certes vous ne trouverez point que l'homme tire quelque profit de la curiosité. […] L'oisiveté est l'ennemie de l'âme, qui la dépouille de toutes ses inclinations vertueuses ; C'est pourquoi un très savant homme donne ce conseil : Que l'ennemi du genre humain, dit-il, vous trouve toujours occupé, afin qu'avec autant de bonheur, que de prudence, vous vous couvriez de vos occupations, comme d'un bouclier contre toutes ses tentations : Il faut fuir l'oisiveté comme une dangereuse Sirène ; et cependant les Comédiens nous y attirent. […] Un homme d'honneur ne doit point regarder les Spectacles, et particulièrement ceux qui sont déshonnêtes, de peur que l'incontinence de sa vue ne soit un témoignage de l'impureté de son âme ; C'est avec raison que Périclès étant Préteur reprit Sophocle son collègue, en ces termes: Il faut qu'un Magistrat n'ait pas seulement les mains pures, mais les yeux même ; C'est pourquoi un homme à qui la puissance Royale donnait une grande licence, faisait cette prière à Dieu: Détournez mes yeux afin qu'ils ne regardent point la vanité; car il savait bien qu'il est certain que la vue cause une infinité de maux ; ce que le Prophète Jérémie déplore dans ses Lamentations ; Mes yeux, dit-il, ont ravi mon âme comme une proie.

14. (1686) Sermon sur les spectacles pp. 42-84

N’est-ce pas là que tout l’art s’épuise à raffiner les plaisirs, à faire entrer le luxe et la volupté, par les oreilles et par les yeux, pour en remplir l’âme, et pour les faire triompher ? […] que ma langue s’attache plutôt à mon palais que d’employer des figures et des expressions, qui pourraient réveiller dans vos âmes, des idées qui n’auraient jamais dû y être. […] Le Démon a tâché dans tous les temps de corrompre les âmes, et d’éblouir les esprits. […] La vérité ne doit-elle donc se faire entendre qu’au moment où l’on ne peut presque plus parler, et faudra-t-il perdre son âme pour un respect tout humain ? […] Si vous ne les trouvez pas assez touchants, et si vous aimez ces événements qui intéressent l’âme qui remuent le cœur et qui arrachent des pleurs, ah !

15. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CINQUIEME PARTIE. — Tragédies à rejeter. » pp. 235-265

Racine dans la Tragédie de Bérénice fait consister la grandeur d’âme de Titus à triompher de l’amour, et à sacrifier sa Maîtresse à l’Empire de Rome. Au contraire Corneille dans Rodogune a placé cette même grandeur d’âme dans le sentiment opposé, et l’on voit Antiochus et Séleucus renoncer également à l’Empire, pour conserver leur Maîtresse. […] Rodogune de son côté ne me paraît pas avoir plus de grandeur d’âme que sa rivale, lorsqu’elle prend le parti, pour se venger, de faire assassiner Cléopâtre : ainsi tout ce que ces deux femmes entreprennent, ne me paraît point s’accorder avec la grandeur des personnages tragiques. […] Voir Alexandre attendri, soupirant, doucereux auprès d’une femme, il semble que cela ne s’accorde point avec la haute opinion que nous avons de ce Héros ; Alexandre n’est connu généralement que du côté de la grandeur d’âme, de la magnanimité et du courage, et le faible de la passion d’amour paraîtra toujours en défigurer le caractère. […] On trouve à chaque instant dans Bajazet les expressions les plus vives et les plus touchantes : elles font, pour ainsi dire, l’âme de la Pièce, qui par conséquent, ne peut jamais faire dans l’âme des Spectateurs d’autres impressions, que celles de la molesse et de la corruption ; je ne la crois donc point susceptible de correction, ni digne en aucune manière du Théâtre de la Réforme.

16. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXXIII.  » p. 493

La véritable piété ne peut subsister sans une crainte salutaire, que l'âme conçoit à la vue des dangers dont elle est environnée. […] L'expérience de tant d'âmes qui se perdent à ses yeux, et le dérèglement général qui règne partout, lui fait connaître qu'il n'y a rien de plus rare, que la vertu chrétienne; rien de plus facile, que de se perdre; rien de plus difficile, que de se sauver. […] N'est-il pas visible que comme l'effet naturel de la Comédie est d'étouffer cette crainte si salutaire; aussi l'effet de cette crainte doit être d'étouffer le désir des divertissements inutiles; et de faire conclure à l'âme qu'elle a bien d'autres choses à penser et à faire dans ce monde, que d'aller à la Comédie : que le temps que Dieu lui donne est trop précieux, pour le perdre malheureusement dans ces vains amusements ?

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