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38. (1759) Lettre de M. d'Alembert à M. J. J. Rousseau « Chapitre » pp. 63-156

Elles développent et fortifient par les mouvements qu’elles excitent en nous, les sentiments dont la nature a mis le germe dans nos âmes. […] L’effet de la morale du Théâtre est donc moins d’opérer un changement subit dans les cœurs corrompus, que de prémunir contre le vice les âmes faibles par l’exercice des sentiments honnêtes, et d’affermir dans ces mêmes sentiments les âmes vertueuses. […] Il faut à ces âmes rudes, concentrées et grossières, des secousses fortes pour les ébranler. […] Mais quand ce spectateur regarde au fond de son âme, et approfondit le sentiment triste qui l’occupe, qu’y aperçoit-il, Monsieur ? […] L’amour, si on en croit la multitude, est l’âme de nos Tragédies ; pour moi, il m’y paraît presque aussi rare que dans le monde.

39. (1687) Instruction chrétienne pour l’éducation des filles « CHAPITRE XIII. Des jeux, des spectacles, et des bals, qui sont défendus aux Filles Chrétiennes. » pp. 274-320

Ces révoltes continuelles dureront autant que vos jours, la mort seule vous en délivrera entièrement, lorsqu’elle séparera l’âme de votre misérable corps de corruption. […] Chacun de son côté fait diverses postures de son corps, l’âme se répand toute par les yeux qui sont pleins de douceurs et d’œillades lascives : on s’échauffe dans cet exercice : on cherche à se plaire l’un à l’autre, et on s’empresse de se rendre mutuellement des témoignages de l’estime et de l’affection dont on se trouve possédé. […] N’appréhendez-vous pas pour elles que leurs âmes ne soient blessées mortellement, et qu’elles ne soient prostituées, quand leur corps demeurerait chaste ? […] Ils y voient un spectacle, qui flatte tous les sens, qui remplit leur esprit de vanités, qui amollit leur cœur par le son ravissant des violons et des instruments, qui flattent les oreilles, et qui charment et enlèvent l’âme par une douce et agréable violence. […] Nous voyons bien, dites-vous, que votre intention est, qu’on se sépare absolument des compagnies dangereuses, et que l’unique nécessité est d’obéir à Dieu, de sauver son âme.

40. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XVI. Des périls auxquels on s’expose en allant au bal. » pp. 97-118

Certes une fois, lorsque nous étions encore jeunes, et dans les études, nous contraignîmes un Philosophe fort modeste, et d’un jugement fort solide, d’aller au bal avec nous, lequel après avoir bien remarqué toutes les circonstances de cette assemblée, et des actions qui s’y faisaient, fut saisi d’étonnement, et nous dit sur le champ que c’était une invention du diable pour perdre les âmes, et pour corrompre les mœurs des fidèles. […] « Ne regardez point aucune fille, dit-il, de peur que sa beauté ne soit une occasion de ruine pour votre âme. […] Propter speciem mulieris multi perierunt, et ex hoc concupiscentia quasi ignis, exardescit. » Et si après ces autorités expresses nous passons aux exemples que la même Ecriture nous met devant les yeux ; celui de David est terrible, et capable de faire trembler les âmes les plus pures, les plus mortifiées, et les plus saintes. […] Mais ceux qui sont en autorité pour gouverner les peuples, ne sont pas moins coupables, lorsqu’ils ne travaillent point à détruire cet abus, et qu’ils ne donnent aucun secours aux âmes qui leur sont commises, pour les retirer de ces pratiques dangereuses, et de ces engagements, dans lesquels ils voient qu’elles périssent malheureusement. […] Il n’est pas à propos de nous en expliquer davantage, ni encore de nous étendre sur cet abus déplorable, qui n’est que trop connu, et qui fait gémir toutes les bonnes âmes ; je veux dire sur cette coutume malheureuse de perdre le temps le plus saint, et les jours qui sont consacrés à la piété dans les divertissements mondains, et profanes.

41. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XV. Les spectacles éteignent le goût de la piété. » pp. 133-137

Comme on n’y apprend à juger des choses que par le sens, et à ne considérer comme subsistant et réel que ce qui les frappe et fait impression sur eux, c’est dans ces sens aussi que l’âme s’accoutume à se répandre toute entière. […] L’esprit de prière, comment le conserver, après que tant d’objets profanes ont fait sortir l’âme d’elle-même, quand elle n’est remplie que de fantômes ; et la prière qu’on adresserait à Dieu au sortir de ces représentations, supposé qu’on en fît, ne serait-elle pas plus propre à l’irriter qu’à le fléchir ? […] L’harmonie de l’âme est entièrement dissipée à la comédie, puisqu’on y perd ordinairement les sentiments de la pudeur, de la piété et de la religion, si on y va souvent ; et elle est fort ébranlée, pour peu qu’on y aille, parce qu’elle excite et réveille les passions ; parce qu’elle fait ou doit faire cet effet dans tout le monde ; parce que c’est son but, sa fin et son dessein, et que ce n’est que par accident qu’elle ne le fait pas toujoursbd.

42. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — XXXIV.  » p. 494

Un des premiers effets de la lumière de la grâce est de découvrir à l'âme le vide, le néant, et l'instabilité de toutes les choses du monde, qui s'écoulent et s'évanouissent comme des fantômes, et de lui faire voir en même temps la grandeur et la solidité des biens éternels : et cette même disposition produit dans toutes les âmes chrétiennes une aversion particulière pour les Comédies; parce qu'elles y voient un vide et un néant tout particulier.

43. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — II.  »

Comme la passion de l'amour est la plus forte impression que le péché ait faite dans nos âmes, ainsi qu'il paraît assez par les désordres horribles qu'elle produit dans le monde; il n'y a rien de plus dangereux que de l'exciter, de la nourrir, et de détruire ce qui la retient. […] On apprend à la souffrir et à en parler, et l'âme s'y laisse ensuite doucement aller en suivant la pente de la nature.

44. (1675) Traité de la comédie « III.  » p. 277

Comme la passion de l'amour est la plus forte impression que le péché ait faite sur nos âmes, ce qui paraît assez par les désordres horribles qu'elle produit dans le monde, il n'y a rien de plus dangereux que de l'exciter, de la nourrir, et de détruire ce qui la tient en bride et qui en arrête le cours. […] On apprend à la souffrir et à en parler; et l'âme s'y laisse ensuite doucement aller en suivant la pente de la nature.

45. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XVII. Que les danses sont condamnées dans l’Ecriture, et par les Pères. » pp. 119-141

Commençons par ce passage de l’Ecclésiastique ; « Ne fréquentez jamais une femme, ni une fille qui aime la danse, et n’ayez nulle communication avec elle, de peur que ses attraits ne soient une occasion de ruine pour votre âme. » Cap. 9. […] « Vous savez, dit-elle, Seigneur, que je n’ai jamais eu d’inclination pour aucun homme, et que j'ai conservé mon âme pure de toute sorte de convoitises. […] Et certes c’est avec beaucoup de justice que les Saints ont combattu ces divertissements avec tant d’ardeur, puisque suivant le jugement qu’ils en ont porté dans la lumière de Dieu, ce sont des choses opposées à l’honnêteté et à la vertu, et des inventions du démon pour perdre les âmes. […] « C’est une chose exécrable, dit-il, de danser les jours des Fêtes, puisque dans cet exercice les âmes de ceux qui y assistent, tombent dans les pièges du démon, et contractent beaucoup de taches par la vue, par l’ouïe, par le goût, et par l’attouchement. » Bernardinus ser. 10. de observant. […] Il appelle les danses un divertissement du Diable, parce qu’il s’en sert pour surprendre les âmes, et pour les perdre ; et il les condamne avec tant de fermeté, qu’il prouuve qu’elles sont contraires à tous les commandements de Dieu, et qu’elles anéantissent tous les fruits de nos Sacrements.

46. (1694) Réfutation d’un écrit favorisant la Comédie pp. 1-88

C’est un scandale actif de paraître dans une Église d’une manière immodeste, quoique chacun puisse détourner ses yeux pour peu qu’il ait soin de son âme. […] L’autre chose où il faut prendre garde, est de ne pas oublier entièrement la gravité de l’âme. […] 1. « En même temps que vous étiez au Bal (c’est la même chose de la Comédie) plusieurs âmes brûlaient en enfer pour des péchés commis en pareille occasion. […] Mais pourrai-je me taire, et m’empêcher de parler contre l’impiété des Théâtres, pour faire rentrer en eux-mêmes ceux qui y montent au péril de leurs âmes ? […] pour montrer que nous le devons passer en nous appliquant à la sanctification de nos âmes.

47. (1838) Principes de l’homme raisonnable sur les spectacles pp. 3-62

Quiconque assiste à leurs représentations, contribue donc, pour sa part, à les retenir dans un état habituel de péché, et coopère à la perte éternelle de ces âmes rachetées du Sang de Jésus-Christ. […] Ne serait-il point téméraire de croire que des Ministres, appelés aux fonctions redoutables de l’instruction et de la conduite des âmes, ignorassent sur ce point leurs obligations essentielles ? […] Dieu attache quelquefois le salut de certaines personnes à des paroles de vérité qu’il a semées dans leur âme vingt ans auparavant, et qu’il réveille pour leur faire produire des fruits de vie. […] Il s’élevait souvent des nuages dans mon âme sur un art si peu conforme à l’esprit du Christianisme ; et je me faisais, sans le vouloir, des reproches infructueux que j’évitais de démêler et d’approfondir. […] J’adjure tout homme sincère de dire s’il ne sent pas au fond de son âme, qu’il n’y a dans ce trafic de soi-même quelque chose de servile et de bas.

48. (1675) Traité de la comédie « VIII.  » p. 283

Il y a bien des degrés avant que d'en venir à une entière corruption d'esprit et de cœur ; et c'est toujours beaucoup nuire à l'âme que de ruiner les remparts qui la mettaient à couvert des tentations. […] Les chutes de l'âme sont longues ; elles ont des préparations et des progrès, et il arrive souvent qu'on ne succombe à des tentations que parce qu'on s'est affaibli dans des occasions de peu d' importance.

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