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117. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Le Président Henault est un homme aimable & plein d’esprit, il s’est fait un nom par un abrégé de l’histoire de France, où regne beaucoup d’ordre & de méthode, semé de réflexions fines & judicieuses, d’un style élégant & naturel, d’un ton de modération & d’impartialité ; quoique dans le fonds, flatteur, courtisan & nationnal ; il vouloit plaire & il a plû. […] Les Français dont les larmes couloient avec Bérénice, dédaignent aujourd’hui les passions douces & naturelles. […] On y explique les régles de la pudeur artificielle & de l’amour factice, ajouté au désir naturel. […] Des erreurs instructives, des erreurs amoureuses, forment le fonds de ce Roman ; mais nous doutons qu’elles soient instructives, à moins que le tableau du libertinage ne soit matiere d’instructions, & la vue du vice puni, ne fasse naître l’horreur, ce qui n’arrive pas toujours, sous quelque forme qu’on présente le vice, s’il est peint avec chaleur, il réveille nos penchans naturels, & développe le levain caché de nos passions. […] La Roman de Bélisaire, dans son style noble, éloquent, harmonieux, est défiguré par des milliers de vers qui naissent sans y penser sous la plume poétique de l’Auteur, a pris de fort mauvais principes sur la Réligion, qu’il réduit à la loi naturelle, anéantissant presque la révélation.

118. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

Aussi piquant qu’Aristophane, & aussi peu chaste ; aussi ingénieux que Plaute, & aussi bouffon ; connoissant les mœurs aussi bien que Térence, aussi rempli d’intrigues amoureuses, & aussi licencieux dans les tableaux qu’il en fait : Moliere valoit-il mieux par le naturel, ou par l’art ? […] Faire remarquer comment ce beau génie a su animer ce squelette décharné, lui donner des chairs vives, & des couleurs naturelles. […] M. de la Chalotais paroît dans son écrit, avoir peu de Réligion ; il la met au dernier rang des choses nécessaire à l’éducation, & la rélégue à la fin de son ouvrage ; le peu qu’il en dit ; ce n’est même qu’une Réligion naturelle, dont les Déïstes même le piquent. […] C’est pour la commodité du spectateur qu’on fait un partage en divers actes, à peu près de même longueur, comme un sermon dont la division en une exorde & deux ou trois parties égales n’est point naturelle, mais nécessaire à la foiblesse de l’auditoire. […] C’est au gènie de l’auteur à mènager des épisodes, à amener des circonstances, à prolonger ou à abreger le discours, à faire paroître ou disparoître à propos des acteurs, pour trouver d’une maniere naturelle une durée convénable.

119. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre VIII. Du Clergé comédien. » pp. 176-212

Sa naissance, le crédit de sa famille, ses talens naturels auroient pu le rendre utile ; il aima mieux vivre & mourir dans son Epicurisme & sa philosophie antichretienne, que St.  […] On s’est borné à louer l’aménité naturelle de son caractere, les graces de son imagination, la délicatesse de son état, qui déméloit les plus légeres nuances, la gaieté de son commerce, la souplesse de son esprit qui le faisoit rechercher dans les sociétés, sa douceur qui ne sentoit point l’amertume de la satyre, & désarmoit ses ennemis. […] Un naturel plein de douceur & d’humanité rend très-probales les aumônes dont en parle, quoiqu’on assure qu’elles étoient cachées, & n’ont été connues qu’après sa mort, par les regrets de ceux qui perdoient ses secours ; mais il faut convenir que le refus de bonne heure des premieres dignités de l’Eglise a grand besoin d’être étayé du témoignage des deux Prélats. […] C’étoit un homme de plaisir, vrai Gascon par sa gayeté & sa vivacité naturelle ; il avoit quelques teintures des belles lettres & faisoit des vers facilement, ce qui lui donna entrée dans les compagnies où on ne veut que s’amuser. […] Les Drames de ce Chanoine se ressentent de sa fécondité, il est bas, bouffon, souvent guindé, sans regle, négligeant le naturel, la vérité, la vraisemblance, ignorant l’histoire & le costume ; il faut acheter cherement des traits heureux, des intrigues bien conduites, c’est à-peu-près le Poëte Hardi que l’on a cru en france qui faisoit bien ou mal une comédie tous les huit jours.

120. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre II. L’Exposition, le Nœud & le Dénouement. » pp. 183-210

Celle de la Comédie est plus vive, plus naturelle. […] Il ne suffit pas que l’intrigue soit nouée avec chaleur, il faut encore qu’elle soit naturelle. […] Le Vaudeville deviendrait alors d’une difficulté prodigieuse, j’en conviens ; il aurait aussi plus d’agrémens, il plairait d’avantage en paraissant plus naturel.

121. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre I. Du Théâtre des Anciens. » pp. 2-24

il retombe au sein de ces atômes, que sa force naturelle alloit franchir. […] La musique qui produisoit de si grands effets sur le Théâtre Grec, fut fort négligée des Latins, qui lui substituerent la déclamation, comme plus naturelle & plus propre que le chant, selon eux, à ces représentations ; ils ne l’employerent que comme nous, dans les intermédes, sans la lier au sujet.

122. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre IV. Histoire de l’Opéra-Bouffon, autrefois Opéra-Comique & ses progrès. » pp. 50-66

Il est donc naturel de regarder les Italiens comme les inventeurs de l’Opéra-Bouffon, puisqu’il était dans son principe l’assemblage de plusieurs couplets ou vaudevilles. […] Un de ses Auteurs eut encore recours à un autre stratagême : comme il était dit que les Acteurs de l’Opéra-Comique ne parleraient point sur le Théâtre, il s’avisa de les faire parler en l’air ; dans la Pièce intitulée Les Perroquets, il était naturel de voir tous les personnages sur des arbres.

123. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quatorzième Lettre. De madame D’Alzan. » pp. 260-274

. — C’est la chose la plus naturelle : mille fois on a vu… — En vérité, lorsqu’elle s’exprimait, je croyais vous entendre ; & maintenant que vous parlez, je crois que c’est elle : ce ton intéressant… Pardonnez, Madame, cette attention à vous chercher dans une autre pourrait m’attirer de votre part…  — Ah Monsieur ! […] Elle lui dit qu’une curiosité fort naturelle à son âge, lui avait fait desirer de voir les Pièces qu’on donnait, & dont elle avait entendu parler avec éloge.

124. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [C] » pp. 391-398

Ce premier Tragique avait pour ainsi dire raproché les passions des Anciens, des usages de sa Nation ; Racine, plus naturel, mit au jour des Pièces toutes Françaises : guidé par cet instinct national qui avait fait applaudir les Romances, la Cour-d’Amour, les Carrousels, les Tournois en l’honneur des Dames, les Galanteries respectueuses de nos Pères, il donna des Tableaux délicats de la vérité de la passion qu’il crut la plus puissante sur l’âme des Spectateurs pour lesquels il écrivait. […] Il créa le Théâtre Anglais, par un génie plein de naturel, de force & de fécondité, sans aucune connaissance des règles : on trouve dans ce grand génie le fond inépuisable d’une imagination pathétique & sublime, fantasque & pittoresque, sombre & gaie ; une variété prodigieuse de caractères, tous si bien contrastés, qu’ils ne tiennent pas un seul discours que l’on pût transporter de l’un à l’autre.

125. (1666) Seconde Lettre de Mr Racine aux deux apologistes des Hérésies Imaginaires « De Paris ce 10. Mai 1666. » pp. 193-204

Voyez à quoi l’on s’expose quand on force son naturel, il n’a pu rire sans abuser du plus saint de nos mystères, et la seule plaisanterie qu’il fait, est une impiété. […] Il leur faut des gens connus et des plus élevés en dignité, je ne suis ni l’un ni l’autre, et par conséquent je crains peu ces vérités dont vous me menacez, il se pourrait faire qu’en me voulant dire des injures, vous en diriez au meilleur de vos amis, croyez-moi, retournez aux Jésuites, ce sont vos ennemis naturels.

126. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

Quand les poètes comiques auront pris soin de jeter de la haine, du mépris, ou du ridicule sur les crimes, sur les vices et sur les défauts que produit ou l’injustice, ou la paresse, ou la vanité, il sera bien plus facile aux Poètes sérieux de mettre en œuvre à l’égard des spectateurs le ressort ou le motif de la belle gloire ; car il faut bien que l’homme marche vers quelque espèce de gloire, ou de distinction entre ses pareils ; c’est son penchant naturel, c’est un de ses grands plaisirs de se sentir distingué parmi ceux avec qui il a à vivre ; ainsi quand les bons Comiques nous auront bien dégoûtés de toutes les sortes de distinctions qui gâtent le commerce, nous marcherons naturellement vers la distinction vertueuse qui naît de l’acquisition des talents et de la pratique des vertus qui rendent le commerce agréable. […] Je doute qu’ils eussent souffert à Racine d’employer tout son art à diminuer l’horreur naturelle que nous devons avoir du crime de Phèdre, je doute qu’ils lui eussent permis d’inspirer contre les bonnes mœurs au commun des spectateurs une sorte de compassion pour le sort malheureux de cette abominable créature.

127. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XVII. Du gouvernement & de la Police intérieure du Théâtre. » pp. 12-18

Il paroissoit assez naturel, dans les commencemens, comme nous l’avons déjà dit, que les propriétaires d’une maison, y ordonnassent à leur gré, tout ce qui y avoit rapport.

128. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XIII. La Comédie considérée dans les Acteurs. » pp. 26-29

Elles, que leur sexe avoit consacrées à la modestie, & dont l’infirmité naturelle demandoit la sûre retraite d’une maison bien réglée.

129. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre IV. Si la Musique Française est plus agréable que la Musique Italienne. » pp. 287-291

Ne suffit-il pas que la musique Italienne bannisse le naturel & ce beau simple qui fait briller les Ouvrages en tout genre, pour n’être digne que de la seconde place dans notre estime ?

130. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. L’Arétin, le Tasse, l’Arioste. » pp. 38-79

La versification même est dure, entortillée, sans graces, sans naturel, quoique dans une langue douce, coulante. […] Il eut plusieurs enfans naturels, & bien loin d’en rougir, il leur donnoit de grands noms : il appella une de ses filles Austria, comme si elle eût été de la maison d’Autriche ; une autre Adrienne, du nom de l’Empereur Adrien. […] Il faut que notre théatre ait été à son école, & qu’il y ait appris ses railleries, son indifférence sur le mariage, l’adultere, les galanteries, les enfans naturels, le divorce, le célibat, le libertinage, &c. […] Deux autres imaginations furent, ou la cause, ou l’effet de sa folie : il s’imagina que la cause de son mal & la source de ses talens sublimes, n’étoient pas naturelles ; il se crut ensorcelé, & le jouet d’un esprit-follet qui le tourmentoit. […] Quoiqu’il en soit de la vérité de ce mot, on ne peut du moins disconvenir de sa justesse : il peint au naturel ce cahos.

131. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. Madame de Longueville. » pp. 40-83

Le cardinal de Retz traite ces assemblées de comédies ; & ce grand acteur, si bon juge, prétend dans ses Mémoires que, par les agrémens, qu’elle répandoit sur toutes ses paroles, même dans la langueur qui lui étoit naturelle, elle eût été la meilleure actrice du monde. […] Une de ses filles naturelles s’étoit faite Religieuses, & son pere par son crédit l’avoit fait nommer Abbesse. […] Qui peut mieux aprécier les spectacles à la balance de la religion & de la vertu qu’un grand Prince qui en avoit été éperduement épris, & qui réunissoit tant de connoissances acquises à ses connoissances naturelles ? […] Il avoit fait un testament où il avoit laissé une bonne partie de son bien à son fils naturel, appellé le Chevalier de Longueville. […] Elle étoit accoutumée à de pareilles œuvres de charité, puisqu’elle avoit eu la plus grande attention pour la fille naturelle de son mari, Abbesse de Maubuisson ; quoique même sa conduite répondit mieux à sa naissance qu’à sa dignité.

132. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre III. Du Bal. » pp. 178-183

Il n’est rien de si galant qu’une dance Cavaliere, qu’un port naturel ; pour peu d’instruction qu’on y adjoûte, on en sçait assez pour le Bal : & il n’en faut pas d’avantage pour y reussir & pour plaire.

133. (1802) Sur les spectacles « RÉFLEXIONS DE MARMONTEL SUR LE MEME SUJET. » pp. 13-16

Le public comprend trois classes : le bas peuple, dont le goût et l’esprit ne sont point cultivés, et n’ont pas besoin de l’être, mais qui, dans ses mœurs, n’est déjà que trop corrompu et n’a pas besoin de l’être encore par la licence des spectacles ; le monde honnête et poli, qui joint à la décence des mœurs une intelligence épurée et un sentiment délicat des bonnes choses, mais qui lui-même n’a que trop de pente pour des plaisirs avilissants ; l’état mitoyen, plus étendu qu’on ne pense, qui tâche de s’approcher, par vanité, de la classe des honnêtes gens, mais qui est entraîné vers le bas peuple par une pente naturelle.

134. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE IV. Des Femmes de Théâtre. » pp. 42-48

Il n’en était pas de même des Mimes et des Pantomimes, ni de ces Farces Atellanes, que nous venons de nommer, où les Acteurs parlaient et dansaient à visage découvert et dans leurs figures naturelles.

135. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE III. Immodestie des Actrices. » pp. 57-84

Indépendamment de la religion & de la pudeur naturelle qui en firent toujours un devoir, la honte d’une telle situation feroit rougir l’humanité, trahiroit la pruderie, alarmeroit la vertu, dégraderoit la dignité, deconcerteroit l’orgueil, les besoins, les infirmités, le travail, la propreté, l’intempérie des saisons, l’aiguillon des insectes, &c. en feroient une nécessité, & la vanité se feroit un intérêt d’en relever l’éclat, & d’en cacher les difformités par la parure ; & que deviendroient alors les minces titres de ceux dont quelques aunes d’étoffe font la grandeur & le mérite ? […] Qu’on vienne nous parler de l’amour Platonique, si différent du penchant naturel & physique des deux sexes l’un pour l’autre, de cet amour moral, le seul que Madame la Marquise de Lambert s’imagine avoir ressenti, & dont elle fait un portrait si ingénieux, si subtil & si sublime, qu’il échappe à nos regards (Métaphis. de l’amour), de ce goût épuré de la matiere, borné à l’estime, au devoir, à l’admiration, qui n’a pour objet que le mérite, le caractère, la beauté, l’esprit, la vertu. […] Tout n’est que vertu morale, loi naturelle, pur pélagianisme, qui attribue tout à la force de la volonté & de la raison, & trouve tout en soi-même : éducation toute profane, où le christianisme n’entre pour rien. […] Craignez, voilez-vous, dit Tertullien, pour vos enfans, si vous êtes mère ; pour vos frères, si vous êtes sœur ; pour vos domestiques, si vous êtes maîtresse : ni âge ni qualité n’exempte de tentation & de chûte, la parenté même, par l’affection naturelle, la prépare & la facilite : Vela corpus, si mater, propter filios ; si soror, propter fratres ; si domina, propter servos ; omnes in [te ætates] periclitantur.

136. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

Tout s’émousse dans l’habitude & la monotonie de la forme naturelle ; quel ennui d’être toujours avec soi-même ! […] J’avoue que c’est là l’image naturelle du monde, où la plupart des hommes ne se montrent qu’en masque, depuis le plus hupé courtisan jusqu’au plus petit bourgeois de village & à la derniere soubrette. […] Le goût naturel fait tout voir avec d’autres yeux. […] On ne prononce pas, même par jeu, les vilains discours, les mots sales du peuple ; & on prononce des blasphèmes & des impiétés ; on ne se permettroit pas des actions naturelles dont la dégoûtante bassesse blesse l’honnêteté, & on se permet les crimes qui blessent la religion, l’honneur & la probité ; on rougit de paroître avec des habits sales, déchirés, avec de misérables haillons, & on se montre avec une conduite honteuse, scellérate, méprisable.

137. (1804) De l’influence du théâtre « DE L’INFLUENCE DE LA CHAIRE, DU THEATRE ET DU BARREAU, DANS LA SOCIETE CIVILE, » pp. 1-167

Organe de celui qui grava dans le cœur de l’homme ces lois naturelles qui sont le premier fondement de toute la morale et de toute la politique, vient-il dans la chaire évangélique discuter des intérêts qui nous soient étrangers ? […] Contemplez tous les maux de l’usure, qui, au mépris des lois naturelles et positives, dévore la fortune publique et celle des particuliers. […] On a fait la même chose dans la tragédie, pour suppléer aux situations prises dans les intérêts de l’état qu’on ne connaît plus, et aux sentiments naturels et simples qui ne touchent plus personne. […] Un effet naturel de ces sortes de pièces est donc d’étendre l’empire du sexe, de rendre des femmes et de jeunes filles les précepteurs du public, et de leur donner sur les spectateurs le même pouvoir qu’elles ont sur leurs amants. […] Dans sa discussion, tout doit avoir l’empreinte de la grandeur et de la majesté ; et si tout, rigoureusement considéré, n’y saurait être légitime, tout au moins doit porter avec soi son excuse naturelle : il défend son semblable.

138. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XX. Suite des prétendus talents du Comédien & de la Déclamation théatralle. » pp. 63-85

Enfin, la Déclamation, cette partie essentielle de l’Art oratoire, donne au discours , dit l’Auteur du Fils Naturel, tout ce qu’il a d’énergie . […] « La violence du sentiment, [Fils Naturel,] coupant la respiration, portant le trouble dans l’esprit, les syllabes des mots se séparent ; l’homme passe d’une idée à une autre ; il commence une multitude de discours, il n’en finit aucun, & à l’exception de quelques sentimens, qu’il rend dans le premier accès, & auxquels il revient sans cesse, le reste n’est qu’une suite de bruits foibles & confus, de sons expirans, d’accens étouffés, que l’Acteur connoît mieux que le Poëte.

139. (1632) Les Leçons exemplaires de M.I.P.C.E. « Livre III, Leçon X. LA COMEDIENNE CONVERTIE. » pp. 461-479

En Espagne comme le naturel est plus grave les représentants qu’ils appellent y sont plus modestes et plus sérieux, et outre qu’ils ignorent ce que c’est que Farce, ils ne représentent pour l’ordinaire que des Histoires véritables ou des feintes qui approchent de la vérité comme l’on peut voir par tant de riches pièces que Lopé de Vega Carpio le plus fertile et le plus estimé de tous les esprits Espagnols a données au public. […] Retirez-moi madame de la mer où je me noie du Labyrinthe où je me pers et faites de mon salut une perle à la couronne qui vous attend au ciel. » Les sanglots qui avaient souvent, mais de bonne grâce, entrecoupé son discours le tranchèrent ici tout à fait et sa voix étouffée dans ses soupirs et suffoquée dans ses larmes donna place à celle de la Reine qui la relevant doucement avec cette suavité naturelle et Française qu'elle sait si judicieusement mêler avec cette artificieuse gravité Espagnole, lui dit, « Ma fille, vous me demandez une chose si petite par de si grandes que je ne puis vous refuser sans être blâmée de tout le monde et comme je crois sans offenser Dieu, assurez-vous donc que je vous prends en ma particulière protection et que je ferai pour vous et de vous tout ainsi que vous voudrez.

140. (1666) Réponse à la lettre adressée à l'auteur des Hérésies Imaginaires « Ce I. avril 1666. » pp. 1-12

Il n’ignore pas que ce qu’il y a de plus fin dans l’éloquence, les grâces les plus naturelles, les manières les plus tendres et les plus capables de toucher, se trouvent dans ces sortes d’ouvrages. […] M. le Maître après avoir passé plusieurs années dans une grande retraite, et dans la pratique de plusieurs exercices de pénitence et de piété chrétienne : et après avoir joint à ses talents naturels des connaissances qui le rendaient très capable d’écrire sur les plus grandes vérités de la Religion, ne s’en est pas toutefois jugé digne par cette même humilité qui fait qu’il s’accuse de dérèglement et de crime ; quoique même avant sa retraite sa vie eût toujours été une vie fort réglée. […] Y a-t-il rien de plus naturel que cette demande qui sort de la plénitude de votre cœur ?

141. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE II. Des Spectacles des Communautés Religieuses. » pp. 28-47

Elles sont souffertes par la Police, le propriétaire n’est cause de rien, il tire de son fonds le revenu naturel du loyer. […] Il était naturel que comme dans la canonisation de S.  […] Maunoir, Jésuite, célèbres Missionnaires de Bretagne, rapportent certaines processions, où d’espace en espace on représentait au naturel quelqu’un des événements de la passion de Jésus-Christ.

142. (1675) Entretien sur les tragédies de ce temps pp. 1-152

Et que savons-nous si les Anciens ne désapprouvaient point eux-mêmes ces choses, qui ne se mettaient peut-être que pour plaire au peuple ignorant ; quand je lis les Tragédies d’Euripide, ou de Sophocle, et que je vois d’un côté des spectacles si peu naturels et des descriptions si basses, et de l’autre, des sentiments si héroïques, des passions si tendres, et des pensées si nobles, j’ai de la peine à comprendre comment un même Auteur aurait pu produire des choses d’un caractère si différent, s’il n’avait été obligé de mettre quelque chose sur le Théâtre en faveur du peuple, qui ne laissait pas que d’avoir de l’autorité dans une République. […] Cependant Euripide et Sophocle n’avaient qu’une probité naturelle. […] Ce sentiment pouvait produire le même effet que l’Amour, et il aurait été plus conforme au naturel dont les Maîtres de la Tragédie veulent qu’on représente ce Héros« Iracundus, inexorabilis, acer... […] Il y a toujours dans la peinture de ces Héros je ne sais quoi au-delà du naturel ; on trouve leurs sentiments trop relevés et trop merveilleux, et toute leur conduite trop éloignée du vraisemblable. […] Il pourrait désirer la gloire, et être délicat sur sa réputation ; car ces sentiments naturels étant combattus par sa Religion pourraient produire de fort belles choses.

143. (1731) Discours sur la comédie « Préface de l'Editeur. » pp. -

C’est un Traité du Discernement des effets naturels d’avec ceux qui ne le sont pas, avec l’Histoire Critique des Pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les Savants.

144. (1756) Lettres sur les spectacles vol. 2 «  HISTOIRE. DES OUVRAGES. POUR ET CONTRE. LES THÉATRES PUBLICS. — NOTICES. PRÉLIMINAIRES. » pp. 2-100

Ce mauvais naturel ne fit que le rendre plus propre à suivre la loi générale du genre comique, qui exige que le Poëte se conforme à l’inclination dominante du Peuple. […] Il étoit naturel que des hommes qui embrassoient un genre de vie tout-à-fait différent des usages du siecle, eussent des vêtemens particuliers. […] qui ont essayé de rendre ces fictions utiles aux mœurs, en n’y employant que des tableaux simples, naturels & ingénieux des événemens de la vie. […] En voulant peindre les hommes au naturel, on y fait des portraits trop charmans de leurs défauts ; & loin que de pareilles images puissent inspirer la haine du vice, elles en cachent la difformité pour le faire aimer ». […] Il y a du naturel, de la justesse.

145. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre III. De la Fable Tragique. » pp. 39-63

Aussi-tôt Orosmane, qui vient de recevoir d’elle, l’aveu le plus passionné, prend de l’ombrage d’un coup d’œil, qui n’avoit rien que de naturel. […] Je demande s’il est naturel que de pareils événemens aient été ignorés d’un Prince Grec, & qui, comme parent & ami de la famille de Laïus, y avoit un double intérêt.

146. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. —  CHAPITRE V. Tribunal des Comédiens. » pp. 128-140

L’art du pantomime, l’adresse à contrefaire, la vivacité à exprimer des sentimens par l’inflexion de la voix, les nuances du geste, les traits du visage, le feu des regards, ne sont qu’un instinct naturel, une sorte de méchanisme qui résulte de la configuration des organes, sans que l’esprit & les vrais talens y entrent pour rien. […] Que les comédiens seroient respectables, si en effet ils convertissoient, sanctifioient, ce prodige est encore à naître : ce prodige opposé de la dépravation est le seul dont ils peuvent se vanter, ou plutôt ce n’est pas un prodige, c’est l’effet naturel ordinaire, inévitable de leur métier infâme.

147. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE VI. Où l’on examine si le Bal public proposé par M. Rousseau ne serait pas plus préjudiciable aux mœurs de Genève, que le spectacle qu’il proscrit. » pp. 211-224

Car pour les grâces naturelles qui accompagnent les danses de toute l’Europe, croyez-moi, la scrupuleuse modestie y trouverait sans cesse à redire. […] « Le sage est sobre par tempérance, le fourbe l’est par fausseté. »fx Je dis, moi, que le sage est sobre et tempérant parce qu’il est sage, et qu’un fourbe n’est ni sobre ni tempérant par fausseté, mais par prudence et par tempérance naturelle, qualité louable qui n’exclut pas la fourberie.

148. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VI. Euphemie. » pp. 129-148

C’est un mouvement naturel de la passion, qu’on peut employer quelquefois ; mais c’est une puérilité de l’employer si fréquemment : stérilité d’action, qu’on remplace par des lazzis. 4.° Par-tout on tutoie Dieu. […] C’est un déiste qui ne connoît que la loi naturelle. […] De l’homme naturel reprenons tous les droits.

149. (1758) Lettre à M. Rousseau pp. 1-42

Relisez le Fils naturel e ; vous trouverez dans l’entretien qui suit ce Drame, et que vous citez dans l’errata de votre Livre, qu’une femme qui aimait beaucoup son mari, ayant appris un jour qu’il venait d’être assassiné par son beau-frère, chez qui elle l’avait prié d’aller, elle vola vers lui, et l’ayant trouvé expirant, elle s’élança sur ce cadavre adoré, en lui disant avec des transports incroyables : Hélas ! […] L’agitation de votre sang et la férocité de vos maîtres vous ont rendu sourd à sa voix : des maximes barbares ont prévalu sur des idées naturelles, et cela arrivera toutes les fois que l’on fuira la beauté…. […] [NDE] Les fils naturel ou Les épreuves de la vertu, Denis Diderot, 1757.

150. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre IX. Des Exercices, ou Reveuës Militaires. » pp. 197-204

Pour les Excuser, je veux croire qu’ils manquent plûtost d’habitude que de cœur, que leur defaut vient plustost de leur Ecole que de leur naturel ; & qu’enfin ils sont plus propres à la Galanterie qu’à la Guerre, parce qu’ils ont esté plus assidus à la Ruelle qu’au Camp, & qu’ils ont employé plus de temps à faire l’Amour qu’à faire leurs Exercices.

151. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE I. Condamnation de la Comédie par la sainte Ecriture, par les Conciles et par plusieurs raisons. » pp. 7-11

Mais quoique la Comédie ne soit pas condamnée dans la sainte Ecriture en termes aussi formels et aussi exprès, que nous voyons que l’adultère, l’idolatrie et l’homicide y sont condamnés, il ne faut pas laisser néanmoins de faire voir aux chrétiens, qu’elle fournit des principes d’où l’on tire sa condamnation par des conséquences qui sont justes et fort naturelles.

152. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. —  De la Comédie.  » pp. 267-275

Autant cette passion est étrangère à la Tragédie, autant on peut dire qu’elle est naturelle à la Comédie.

153. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CONCLUSION, de l’Ouvrage. » pp. 319-328

La passion d’amour fait impression sur tous les hommes, et non seulement une impression vive, prompte et indélibérée, mais encore une impression durable et permanente, pendant que les autres passions ne font qu’une impression passagère, comme si la passion d’amour, plus homogène et naturelle à l’homme, tenait de plus près que toute autre à l’humanité.

154. (1694) Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie « Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie. » pp. 1-45

A Dieu ne plaise qu’il soit de ces Esprits rustiques et peu sociables qui s’opposent à des plaisirs « innocents », tels que sont ceux de la Comédie. « Il sait vivre » : et au fond rien ne lui paraît plus élevé que les grands sentiments d’une vertu Stoïque ; rien de plus naturel que la tendresse d’un cœur qui brûle d’un beau feu ; rien de plus légitime que les autres passions qui naissent d’une haute ambition, et d’un amour bien allumé. […] C’est l’effet naturel des sentiments qui les remplissent. […] Les Bouffons promettaient d’exterminer le vice à force de le représenter dans leurs Comédies : et les sérieux promettaient de faire vivre la vertu à force d’en faire voir l’éclat dans leurs pompeuses Tragédies : tous aveugles qui ne voyaient pas que le vice leur était devenu naturel, et que la vertu n’était pas à leur portée. […] On convient que la Comédie ne fait pas des Saints ; mais elle est, dit-on, un remède naturel à nos défauts, elle peut du moins réformer les dehors jusqu’à ce que la grâce réforme le dedans.

155. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre [V].  » pp. 156-192

S. beauté, ses grâces naturelles l’exposoient souvent à ce danger. […] Dans les choses naturelles même, il faut user de tempérament. […] La beauté naturelle plaît sans-doute, elle est faite pour plaire ; mais renfermée dans les bornes de la modestie, elle n’excite point de honteux mouvemens ; ce n’est que l’indécence, la parure, les divers jours où la vanité la présente, qui la rend piquante & pernicieuse. […] que ne se tient-elle modestement dans son état naturel ? […] Les graces naturelles suffisent au besoin de l’homme.

156. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre premier. Remarques Littéraires. » pp. 11-51

L’abbé Millot en cite, & là-dessus bâtit un grand édifice de noblesse, de mérite, de célébrité, dont ni leurs mœurs, ni leurs ouvrages ne sont dignes : mais il est naturel à tout éditeur, traducteur, commentateur, compilateur de faire valoir son travail & son zele. […] Je suis persuadé cependant que peu-à-peu on surmonteroit cet obstacle, qu’enfin la prose regneroit sur la scène aussi-bien que les vers, qu’à la fin même elle chasseroit un langage qui n’est pas naturel dans la société, qui anéantit plus de beauté qu’il n’en met au jour, & augmente infiniment le travail de la composition. […] Il est naturel que la vanité, commune à tous les hommes, soit plus exaltée dans une tête dramatique : la plupart des gens de théatre ont un besoin pressant du succès, leur fortune, leur vie en dépend ; la scène leur donne du pain. […] Il s’est fait beaucoup de tableaux, beaucoup d’ouvrages sur l’état des hommes à la naissance du monde soit selon la vérité de l’histoire d’Adam & d’Eve, dans la Genese, comme Milton, &c. soit dans les fables de la mythologie, sous les noms de Promethée, de Pandore, de Deucalion, de Pyrrha, comme le théatre de Saint-Foix, & depuis peu Colardeau, poëme de l’homme, d’après l’histoire naturelle de Buffon. […] Ovide attribue à Venus le miracle de la statue de Pygmalion, & Colardeau fait honneur du sien à l’Amour & au penchant naturel des deux sexes Selon lui, l’un & l’autre éperdus, préoccupés, distraits, s’élevent, & d’un pied chancelant & timide, marchent abandonnés au destin qui les guide .

157. (1760) Lettre à M. Fréron pp. 3-54

cette pratique sage et naturelle ne leur ferait-elle par franchir insensiblement l’immensité de l’espace du mal au bien, et du bien à la suprême perfection ? […] Le jeune Auteur lut sa pièce en tremblant, rien n’est plus naturel devant un pareil Juge, mais quelle dut être sa satisfaction, lorsqu’il entendit Mr. de Crébillon prononcer ces paroles ? […] Gresset, cet art que les Prophètes ont rendu si respectable, cet art si justement appelé par les Païens le langage des Dieux : le mauvais usage qu’on en a pu faire ne doit pas le faire proscrire, ou bien il faudrait par la même raison, ne plus méditer sur les Saintes Ecritures ; puisque les hérétiques en ont abusé par les sens forcés qu’il leur a plu de donner à quelques passages : je sais bien que des spectateurs impies, au lieu de s’en tenir au sens naturel d’une pensée croient souvent voir une impiété enveloppée dans un vers très innocent en soi, ils veulent croire, par exemple, que nos Ministres Ecclesiastiques sont attaqués et la Religion outragée dans ces deux vers de la Tragédie d’Oedipe de Mr. de Voltaire, Nos Prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense : Notre crédulité fait toute leur Science. Quoi de plus naturel cependant que ces vers dans la bouche de l’Acteur qui les prononce ; au lieu de faire une allusion absurde, un bon Chrétien ne verrait dans ces mêmes vers qu’une pensée heureuse et très propre à démontrer l’imbécilité de la crédulité Païenne. […] A Dieu ne plaise que je croie que cet amour propre sait condamnable, il est au contraire très naturel de penser que Dieu a attaché du plaisir à bien faire et à faire mieux que les autres, tout ce qu’on fait.

158. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Suite des Mêlanges. » pp. 146-197

L’homme plante, l’homme machine, histoire naturelle de l’ame, ils souleverent toutes les sectes en Hollande où tout est toléré, & ont fait sa fortune en Prusse. […] Les Questions sur l’Encyclopédie le peignent au naturel. […] Gebelin : Le monde primitif analisé, comparé avec le monde monde moderne, considéré dans l’histoire naturelle de la parole, l’origine du langage & de l’écriture, avec des figures en taille-douce, & la réponse à une critique anonyme. […] On peut se passer de rien savoir, l’étude appesantit, éteint le feu naturel, émousse l’esprit, rend timide, desseche l’imagination, obstrue les veines de la poësie. […] Ce qui est plus naturel que ces niches ou armoires qui défigurent le théatre & font une diversion désagréable dans le temps où il n’y a personne.

159. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre II. Regrèts de ce qu’ARISTOTE n’en a rien écrit de considérable. » pp. 94-100

L’art de bien les faire est d’appliquer à un seul nom deux termes étrangers, sans compter sa définition naturelle ; c’est-à-dire, qu’il faut rencontrer un sens complet dans chaque partie d’un mot de plusieurs sillabes.

160. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « Corrections et additions. » pp. 364-368

pag. 128. lig. 18. après ces mots, qui se forme par dégrès, ajoutez cette note : (Une preuve frappante que l’harmonie & le chant nous sont naturels, c’est ce que Rameau lui-même, quoique intéressé à relever la supériorité de son art, rapporte dans son Traité sur la manière de former la voix.

161. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Sixième Lettre. De madame Des Tianges. » pp. 40-72

L’amusement le plus naturel, le plus proportionné à l’humanité, dont le premier des droits est sans doute de s’amuser d’elle-même. […] Notre Spectacle est le grand miroir moral où les deux sexes se voient au naturel ; tantôt jeunes, charmans ; tantôt laids à faire peur : ils doivent s’aimer, applaudir à leurs charmes, lorsqu’on les peint en beau ; se haïr, rougir d’eux-mêmes, quand on ne leur présente que leurs vices. […] Si des dons naturels & des talens acquis ne rendaient pas l’Acteur ou l’Actrice propres à leurs rôles, un Auteur pourrait-il jamais les leur faire énoncer de la façon qu’il le faut ?

162. (1764) De l’Imitation théatrale ; essai tiré des dialogues de Platon : par M. J. J. Rousseau, de Genéve pp. -47

Cette habitude de soumettre à leurs passions les gens qu’on nous fait aimer, altère & change tellement nos jugemens sur les choses louables, que nous nous accoutumons à honorer la foiblesse d’ame sous le nom de sensibilité, & à traiter d’hommes durs & sans sentimens ceux en qui la sévérité du devoir l’emporte, en toute occasion, sur les affections naturelles. Au contraire, nous estimons comme gens d’un bon naturel ceux qui, vivement affectés de tout, sont l’éternel jouet des évenemens ; ceux qui pleurent comme des femmes la perte de ce qui leur fut cher ; ceux qu’une amitié désordonnée rend injustes pour servir leurs amis ; ceux qui ne connoissent d’autre regle que l’aveugle penchant de leur cœur ; ceux qui, toujours loués du sexe qui les subjugue & qu’ils imitent, n’ont d’autres vertus que leurs passions, ni d’autre mérite que leur foiblesse. […] Par une analogie assez naturelle, ces réflexions pourroient en exciter d’autres au sujet de la peinture sur le ton d’un tableau, sur l’accord des couleurs, sur certaines parties du dessein où il entre peut-être plus d’arbitraire qu’on ne pense, & où l’imitation même peut avoir des regles de convention.

163. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IX. Sentiments de Tertullien. » pp. 180-200

Personne n'ignore que Dieu, créateur de toutes choses, les a faites pour l'usage de l'homme ; mais quand on ne connaît Dieu que par la lumière naturelle, on ne le connaît qu'imparfaitement et dans le lointain, on ne sait pas l'usage qu'il ordonne de faire de ses dons, ni les desseins de son ennemi, qui veut nous les faire profaner. […] Par une étrange inconséquence, ils n'osent en public satisfaire leurs besoins naturels, et ils violent au cirque toutes les lois de la pudeur. Ils ne souffriraient pas qu'une parole libre souillât les oreilles de leurs filles, et ils les mènent au théâtre, où les gestes et les discours sont licencieux ; ils tâchent d'apaiser les querelles dans les rues, et dans le stade ils applaudissent aux coups les plus violents ; ils ne voient qu'avec horreur le cadavre d'un homme mort d'une mort naturelle, et ils voient dans l'amphithéâtre des membres rongés, déchirés, nageant dans le sang.

164. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — QUATRIEME PARTIE. — Tragédies à corriger. » pp. 180-233

Si le Poète avait donné à cette Vestale un caractère convenable, et des sentiments d’une vertu sublime, il en aurait fait le personnage brillant de sa Tragédie : Justine en remerciant Géta de sa protection, et celui-ci ne lui déclarant son amour qu’en cette occasion, le Poète en aurait tiré une Scène admirable ; la surprise dont Justine serait frappée donnerait une grande vivacité au Dialogue, et son caractère ne perdrait rien de son innocence ; la mort même de cette Vestale concourrait parfaitement au but naturel de cette Tragédie ; elle mourrait sans qu’on eût à lui reprocher qu’elle se tue moins par vertu et par religion, que par désespoir de la mort de son Amant. […] La loi naturelle ne permet pas de se procurer un bien au préjudice d’un tiers, et la passion de Créuse, pour Jason ne tend qu’à ce but. […] Un tel exemple dispose les esprits aux infidélités conjugales ; et, si l’on dit que les hommes de tout temps ont un penchant naturel à le suivre, je répondrai que par cette raison même il est moins permis de l’exposer en triomphe sur la Scène ; et que, pour ne pas s’écarter d’une règle mal entendue, on ne doit pas courir le risque de scandaliser un seul Spectateur, quand on supposerait même qu’il y en a un nombre infini de corrompus.

165. (1634) Apologie de Guillot-Gorju. Adressée à tous les beaux Esprits « Chapitre » pp. 3-16

Il n’y a rien de si conforme au naturel de l’homme que le plaisir, et encore qu’un chacun le nie, on est contraint à la fin de l’avouer, ainsi que ce Berger dans Esope, lequel n’osant dire au Lion l’endroit du bois où s’était cachée la Biche, lui montrait du doigt. […] De cette raison GUILLOT-GORJU passe à une autre, et dit que puisque les animaux recherchent le plaisir avec tant de contention et d’ardeur, on peut conclure que c’est un bien convenable à leur nature : C’est pourquoi les Philosophes dans la division du Bien en ont fait de trois sortes : à savoir, un bien honnête, un utile, et un délectable : ou pour mieux dire, ce n’est qu’un même bien, qui a trois faces comme un corps naturel, trois dimensions lesquelles ne se peuvent séparer l’une de l’autre.

166. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE IX. Des entreprises de la puissance spirituelle ecclésiastique, contre la puissance temporelle séculière. » pp. 149-173

Le droit naturel est en effet bien distinct du droit divin. […] Si elle partage cette idée, qui est bien naturelle, en y réfléchissant, elle se déclarera incompétente, car elle ne peut rien ajouter à sa considération, en acceptant de pareilles fonctions.

167. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

Ce mari était d’un naturel rude qui n’avait que sa besogne en tête, et ne pouvait être arraché sans violence de son enclume et de son marteau : La Dame au contraire était d’une humeur enjouée, et avait toujours un pied en l’air pour danser ; on crut qu’on ne les pouvait mieux réduire à un juste tempérament qu’en les mariant ensemble. […] Nous avons tous besoin de cultiver notre naturel, et de le former à tous les devoirs de la société : L'étude et les affaires nous jettent insensiblement dans une humeur un peu dédaigneuse, et si nous ne veillons sur nous-mêmes, nous trouverons que plus nous sommes retirés, moins nous sommes hommes. […] Encore doit-elle bien prendre garde quelle sorte de Jeux, elle appelle : car quoique tous soient d’un naturel assez léger et inconstant, il en est pourtant quelques-uns plus brouillons et plus traîtres que les autres, et dont il vaut mieux se passer, que de se servir. […] Tandis qu’on s’est contenté d’en user pour le plaisir, il a passé comme un divertissement commun, mais sitôt qu’il fut souillé des mains de l’avarice, il perdit toute la bonté qui lui était naturelle : Depuis ce temps-là ce n’est plus qu’une semence de querelles et un négoce mercenaire. […] Pourquoi affecter une laideur qui ne nous est point naturelle.

168. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [A] » pp. 297-379

… Quant à moi, je me suis, le plus desintéressement que je l’ai pu, mise à la place d’un tiers, pour écouter toutes les objections que suggéraient, à mademoiselle De Liane, ses préjugés & ses lectures ; à Septimanie, une aigreur naturelle ; à toutes deux, cet esprit de contradiction dont on accuse les femmes. […] A la vérité, l’on y trouve peu de naturel ; des vertus outrées ; un tableau des champs… quel tableau ! […] Car au lieu d’attribuer l’invention de la Tragédie à la Satyre, n’aurait-il pas été plus naturel d’en voir l’origine, dans ces Combats où le victorieux était couronné ; Combats spectaculeux, ainsi que les Exercices de la Religion dont ils fesaient partie ? […] On sent combien cet usage rendait la profession du Théâtre infamante, & qu’il était tout naturel après cela, de regarder les Actrices comme des Prostituées. […] La joie nous est si naturelle, que les plus malheureux des hommes, les Californiens avaient aussi deux Fêtes célèbres, où ils se livraient aux plaisirs.

169. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre prémier. De la Comédie-Bourgeoise, ou Comique-Larmoyant. » pp. 6-13

Il nous a montré dans le Père de Famille & dans le Fils naturel l’idée que nous devions nous former de ce genre.

170. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « IV. S’il est vrai que la représentation des passions agréables ne les excite que par accident.  » pp. 10-18

 : mais au contraire, il n’y a rien de plus direct, de plus essentiel, de plus naturel à ces pièces, que ce qui fait le dessein formel de ceux qui les composent, de ceux qui les récitent, et de ceux qui les écoutent.

171. (1675) Lettre CII « Lettre CII. Sur une critique de son écrit contre la Comédie » pp. 317-322

Il faut couvrir l’un et découvrir l’autre : les expressions les plus délicates sont les meilleures pour le premier, et les plus grossières pour le second, parce qu’elles le font mieux connaître dans sa difformité naturelle.

172. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « La criticomanie. » pp. 1-104

Que doit-il résulter de ce scandale inouï pour les jeunes spectateurs, ou pour les enfants qui, d’instinct, d’après le mouvement de leur cœur, et d’après leur éducation, doivent regarder comme de droit naturel le devoir d’aimer leurs parents, et le précepte de les respecter comme indispensable, absolu et tel que leur propre intérêt et la honte d’y manquer devraient du moins empêcher des enfants d’aller jusqu’à outrager ainsi l’auteur de leurs jours ? […] On conçoit, ou plutôt on a vu jusqu’où cela a été, surtout dans la classe la plus nombreuse de la société, après que ce frein naturel, déjà privé de l’appui de la religion, a été rompu aussi : on a vu que les enfants ont manqué de soumission et de respect à leurs parents, non seulement pour cause d’avarice, mais encore sous prétexte d’autres défauts qu’ils leur trouvaient : on a vu la contagion des mauvais exemples seconder partout le théâtre qui a ainsi dénaturé la majeure partie des jeunes gens, lesquels ont vieilli et sont devenus pères à leur tour, après avoir laissé contre eux mêmes à la génération suivante l’exemple de mépriser et insulter ses parents, et ainsi jusqu’à nous : enfin tout le monde doit voir aujourd’hui qu’au lieu de ces avanies publiques que Cléante fait à son père, avanies qui éveillent ou délient et mettent à l’aise les passions naissantes des enfants, il eût été bien plus sage de faire entendre à Harpagon, à l’insu de son fils, ou sans éclat, sans peinture irritante, ces paroles persuasives que j’emprunte d’un académicien célèbre : « Vos enfants sont vertueux, sensibles, reconnaissants, nés pour être votre consolation ; en leur refusant tout, en vous défiant d’eux, en les faisant rougir du vice honteux qui vous domine, savez-vous ce que vous faites ? […] La révolution qui a ruiné tant d’honnêtes gens fournit nombre d’exemples d’une pareille conduite qui est naturelle, qui a été celle de beaucoup d’émigrés élevés dans l’aisance, et qui doit être imitée par tous les malheureux faits pour exciter l’intérêt des particuliers et mériter des applaudissements et l’estime publique. […] Enfin, elles ont essayé de prendre un parti mixte, en retournant aux sciences, particulièrement à l’histoire naturelle, surtout à la botanique, sans négliger l’affaire du luxe, les frivolités de la coquetterie.

173. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De l’Indécence. » pp. 21-58

Saint Augustin a connu le danger qu’on courait à des représentations trop voluptueuses des passions qu’inspirent l’amour ; « J’avais, dit ce grand homme(3), un penchant éxcessif pour les Spectacles du Théâtre ; ils me peignaient au naturel mes faiblesses, me les fesaient aimer ; vantant la douceur des flammes amoureuses, ils entretenaient le feu qui me dévorait ». […] Quand même il serait naturel qu’une femme poussat l’oubli de ses devoirs jusqu’à ce point, ce n’est pas au Théâtre qu’on doit nous peindre de pareils tableaux. […] est-il naturel qu’on s’y prenne de la sorte pour venir voir une fille à qui l’on n’a point encore parlé ?

174. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « Post-scriptum. » pp. 201-216

… J’entends ses plaintes amères ; il parle au nom de la nature, il accuse la société d’être trop méfiante d’un côté, et trop confiante de l’autre ; il lui reproche sa rigueur contre une loi naturelle dont elle aurait dû plutôt imiter la sagesse.

175. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre prémier. De l’éxcellence du nouveau Théâtre. » pp. 68-93

La manière dont il s’exprime laisse du moins entrevoir son idée ; qu’on en juge : « Ce n’est que le sang froid qui applaudit au Théâtre à la beauté des Vers. » La conséquence que j’ai tirée n’est-elle pas naturelle ? […] Ne cherchant, ne voyant, n’aimant que l’Opéra-Bouffon, n’est-il pas naturel qu’il s’introduise insensiblement par-tout ?

176. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre IV. Les spectacles inspirent l’amour profane. » pp. 32-50

La passion ne saisit que son propre objet, la sensualité est seule excitée ; et, s’il ne fallait que le saint nom de mariage pour mettre à couvert les démonstrations de l’amour conjugal, Isaac et Rebecca n’auraient pas caché leurs jeux innocents et les témoignages naturels de leur pudique tendresset. […] « En effet, continue ce spirituel courtisan, c’est une peinture si naturelle et si délicate des passions, qu’elle les anime et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l’amour, lorsqu’on la représente chaste et honnête.

177. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

Les Acteurs, qui jouent son rôle, ne prennent pas ce vêtement peu galant, qui donne un air féroce & feroit peur aux Déesses, mais ils prennent l’air doucereux de ce héros devant sa maîtresse, qui leur est en tout naturel. […] Qu’ils soient frisés, bouclés, tressés, en couronne, en pyramide, ce ne sont toujours que des cheveux autour du visage ; qu’on applique des mouches, du rouge, du blanc, du noir, du bleu, ce ne sont que des couleurs empruntées pour suppléer à la couleur naturelle ou la faire mieux sortir. […] L’illusion étoit complette, sur-tout au second acte, où la forêt étoit naturelle. […] Tous les hommes sont imitateurs, jusqu’aux enfans, qui quelquefois se copient, y font des gestes plus naturels & plus expressifs que les meilleurs Pantomimes.

178. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Remarques Angloises. » pp. 133-170

Dans le fond on voit sa statue en pied de grandeur naturelle de marbre de Carrare. […] L’auteur qui rapporte ce trait, l’embellit en protestant ennemi des Papes, exagere beaucoup ce défaut naturel, que la fréquentation & le goût du théatre avoit nourri dans ce Pontife depuis sa jeunesse, & met dans la bouche de ce prêtre les discours les plus insolens, qui n’ont jamais été tenus à des Papes, & n’ont jamais dû l’être ; quoique le théatre, qui gâte les hommes les plus sages, eût fait du tort à celui-ci. […] Il y auroit de tous côtés, sur des piedestaux, des poupées représentant des actrices habillées à la mode, dont on leur donneroit le nom, qu’on tâcheroit de peindre au naturel, pour conserver leurs traits à la postérité. […] L’envie de dormir ouvre plus la bouche, on bâille plus aisément, & d’un air si naturel qu’on entraîne les autres, & on a moins envie de rire.

179. (1769) Dissertation sur les Spectacles, Suivie de Déjanire, Opéra en trois actes, par M. Rabelleau pp. -71

Des salles somptueuses dans lesquelles la jeunesse de la Nation de l’un & de l’autre sexe, appellée par sa naissance ou par des dispositions naturelles & des talens supérieurs, à des emplois publics, ou destinée à paroître à la Cour, viendroit à la sortie des classes & des couvents, apprendre à s’énoncer avec décence & avec graces, & représenter des jours mémorables choisis dans l’histoire, devant une multitude de spectateurs qui n’auroient acheté le droit d’y entrer, que pour contribuer aux sommes immenses que produiroit ce droit, seroit peut-être le projet le plus beau que l’on pourroit exécuter, pour la renaissance des lettres qui ont dégénéré, pour l’éducation de la jeunesse encore imparfaite, & pour le bien & l’avantage général de la Nation. […] Ce spectacle cependant considéré en lui-même, peut être aussi naturel & aussi conforme à la vraisemblance, que les autres. […] Supposés au contraire une société formée de jeunes éleves, venant déployer les graces naturelles de la jeunesse, devant le corps entier de la nation rassemblée ; le goût le plus sûr alors éclairera les talens ; les jugemens seront unanimes & sans contradiction ; l’émulation deviendra générale ; & le préjugé, d’accord enfin avec l’opinion, ne retiendra plus les productions du génie. […] Cyr, encore sous les yeux du Ministere chargé du soin de leur éducation, venir représenter sur ce théâtre avec toutes les graces naturelles de la jeunesse, soutenues de la noblesse de leur naissance.

180. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

Il est vrai qu’ils comptent leurs syllabes, qu’en les arrangeant ils observent une certaine mesure, & que dans cet arrangement de syllabes comptées, se trouvent des repos & des rimes : cependant quand un bon Poëte les fait parler, leur langage est si naturel, qu’on n’y sent ni contrainte, ni artifice, quoique ce soit cet artifice qui produise le plaisir de l’oreille. […] On a quelque peine à la rompre quand les Vers sont écrits dans un stile naturel, comme je l’ai observé sur les premiers Vers de Mithridate : je vais essayer de rompre celle d’un morceau poëtique de la premiere Scene d’Athalie. […] Il a été si naturel d’unir ainsi la Musique aux Tragédies, que celles des Yncas, comme je l’ai dit, avoient toutes des intermedes. […] Que cette plainte si touchante, soit déclamée avec des tons aussi naturels que le sont les Vers, que toute la Scene soit déclamée par d’excellentes Actrices, quel Spectateur retiendra ses larmes ?

181. (1781) Lettre à M. *** sur les Spectacles des Boulevards. Par M. Rousseau pp. 1-83

Comment-ose-t-on comparer, encore, le cercle, peut-être peu nombreux, mais presque toujours choisi de Citoyens honnêtes & éclairés, que le desir naturel de s’instruire & de s’amuser conduit à nos Théatres ? […] L’union sociale consiste sur-tout dans cette conformité de principes, d’inclinations & d’habitudes dans tous les membres, laquelle ne peut se former qu’en gênant l’appétit naturel, qui rapporte tout à soi. Cette gêne n’est point un attentat contre la nature ; c’est une heureuse transformation de la liberté naturelle en liberté sociale, la seule qui puisse convenir à l’homme dans l’état présent des choses celui-là seule est vraiment libre, qui l’est selon les Loix. […] d’Alembert, le talent de développer dans tous les ouvrages de l’Art, ce qui doit plaire aux ames sensibles : Les Auteurs du Dictionnaire de Trévoux, une sentiment naturel de l’ame, indépendant des Sciences & des Arts : M. […] Regnard est bien au-dessous de Moliere pour le naturel, les caracteres & le vis comica, qui naît du contraste des caracteres, mais je le crois son égal, pour le comique d’expression.

182. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE IX. » pp. 158-170

Par cette conduite on convertit, dit Saint Thomas3, les productions de l’iniquité en des fruits de salut, on se fait des amis avec un lucre deshonnête ; les indigens que l’on assiste de ces biens, qui sont leur partage naturel, ouvrent aux pécheurs les célestes Tabernacles, quand ceux-ci ayant changé de vie, & fait pénitence, comme Zachée & Saint Mathieu, quittent enfin cette vallée de larmes & de miséres.

183. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre troisiéme. — Chapitre III. But que le Spectacle moderne doit se proposer. » pp. 123-132

Le dernier de nos Spectacles, & peut-être le plus naturel de tous, est l’Opéra-Bouffon.

184. (1643) Les Morales chrétiennes « Des Théâtres. » pp. 511-519

Néanmoins ces espèces sont mortes et trop limitées, pour rendre nos sens et nos esprits satisfaits ; c’est pourquoi les Théâtres entreprennent d’achever, ce qui manque à tous ces arts, et de nous faire voir les choses éloignées, avec des expressions plus vives, qui emportent même quelques avantages sur le naturel.

185. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE V. Eloge de Moliere. » pp. 154-202

Un débauché, soupçonné d’avoir épousé sa fille naturelle, brouillé avec elle pour un concubinage public, un corrupteur des mœurs publiques, qui se joue en impie de la religion, & meurt sur le Théatre en contrefaisant le mort, est-il le modelle du Christianisme ? […] quel naturel ! […] En pensant bien, il parle mal ; il se sert des phrases les plus forcées & les moins naturelles. […] Ces blasphêmes & ces folies, fruit assez naturel de l’invitation à prostituer des éloges de Moliere, à qui sont-ils plus injurieux ? […] Au reste mauvais Poëte, & médiocre Prosateur, qui a de l’esprit, qui de temps en temps lance des traits satyriques avec finesse, donne un coup de pinceau avec vérité, d’une maniere naturelle & plaisante.

186. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre I. La Rosiere de Salenci. » pp. 10-37

On ne connoissoit pas même ce que nous appellons noblesse : il n’y avoit dans les Gaules que trois sortes d’hommes, les Francs, qui avec Clovis en avoient fait la conquête, les Gaulois naturels du pays, qu’on nommoit Romains, parce que depuis Jules César ils étoient soumis à l’Empire, & les Esclaves. […] Il n’y a pas un seul exemple d’un crime commis par un naturel du lieu, pas même d’un vice grossier, encore moins d’une foiblesse de la part du sexe : on a même égard à la bonne réputation de la famille de la Rosiere, & les désordres de ses parens mettroient obstacle à son bonheur. […] Il est des naturels heureux portés à la vertu, qui ont moins besoin de secours : le nombre en est petit, & ceux-là même risquent tout, s’ils sont exposés aux dangers du monde.

187. (1822) De l’influence des théâtres « [De l’influence des théâtres] » pp. 1-30

Sur cent épreuves de ce genre, dans la société, on n’en voit pas deux réussir ; ce n’est qu’au théâtre, où il faut que la morale triomphe du vice, qu’on voit de ces guérisons, qui s’effectuent presque toujours aux dépens du naturel. […] Poussé par mon naturel curieux, je les suivis. […] La prétention a chassé le naturel, pris dans toutes ses acceptions.

188. (1640) Traité des Spectacles des Gentils « SAINCT CYPRIAN DES SPECTACLES. » pp. 155-193

Comme si ce n’estoit pas assés à l’homme d’estre aucunement porté de son naturel à la barbarie, sans reueiller encore ses humeurs & ses passiõs, & exciter dans son cœur vne funeste rage par céte leçon publique. […] Il raisonnera en passant sur l’vnion qui est entre les choses naturelles, il verra qu’elles conspirent vnaniment par des secrets diuers & ocultes, à accomplir les ordres de cette adorable prouidence.

189. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

La plus dangereuse est la peinture à faux, dramatique, de l’homme et de la société, ou cette infidélité des tableaux vivants qui sont censés être ceux des mœurs ou de la vie commune de tel rang, de telle corporation, ou de tel âge ou bien de telles personnes que la malignité désigne, et qui vont être décriées, flétries, peut-être mises au désespoir ; il consiste aussi dans la solennité et l’éclat des représentations, avec tous les prestiges du théâtre ; c’est encore en réunissant la fiction à la vérité, en accumulant à plaisir les vices, en les combinant et faisant supposer une liaison naturelle entre eux ; c’est l’éternelle image des passions humaines les plus honteuses sous les traits sacrés de la vertu qu’enfin on ne croit plus voir nulle part qu’en apparence, que l’on méconnaît et décourage par trop de défiance, ou qu’on insulte par malignité ; enfin, c’est en créant ainsi et faisant agir avec toute l’énergie possible, sous les yeux de la multitude des personnages monstrueux qui servent d’excuse et d’encouragement aux méchants, qui font horreur aux bons et, comme je l’ai déjà dit, portent l’agitation dans les esprits faibles, l’inquiétude ou l’animosité dans les cœurs, exaltent la tête de tous, et vont de la scène publique provoquer la persécution, porter les désordres dans les scènes privées de la vie, où toutes les passions excitées imitent la hardiesse des auteurs, cherchent à réaliser leurs chimères jusques sur la vertu la plus pure : « Là de nos voluptés l’image la plus vive ; Frappe, enlève les sens, tient une âme captive ; Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur. » Voilà plus clairement comme il arrive que ces critiques vantées manquent leur but, sont de nul effet contre le vice audacieux, sur l’hypocrite impudent qui atteste Dieu et la religion en faisant bonne contenance au rang des victimes nombreuses des aggressions aveugles et des calomnies effrontées. […] Tous les moyens leur sont permis à tous, et toujours ; ils peuvent les chasser sans ordre et le plus confusément, à cor et à cri, à tir et à courre, à traits de limiers, aux furets et à panneaux ; c’est-à-dire, pour parler sans figures, que l’effet de cette satire fut de transformer tous les individus composant un peuple, sans en excepter la plus vile canaille, en censeurs, en juges de religion et de moralité, en inquisiteurs et scrutateurs des consciences, et puis persifleurs amers, distributeurs aveugles de sarcasmes, de quolibets, de huées, de ridicules, de lazzis, lesquels traits, qui sont les moyens dramatiques de réforme, ils lancent depuis cette époque à tort à travers, faisant ensemble, par le concert naturel de l’aveuglement et de la malignité, un feu de file contre ces loups, vrais ou prétendus tels, qui sont mêlés aux brebis, aux hommes de bien, avec lesquels ils ont extérieurement une parfaite ressemblance, dont il est impossible de les distinguer !..

190. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Du Législateur de Sans–souci. » pp. 93-109

Le premier mariage brise tous les liens de la puissance paternelle ; cependant le droit naturel reconnoît toujours la même puissance ; le droit civil impose des peines à ces secondes noces. […] Parmi ces empêchemens, il en est de droit divin comme le premier degré de parenté ; il en est de droit naturel, comme l’erreur, la violence ; de l’objet & de la nature du mariage, comme l’impuissance ; de droit ecclésiastique, comme le crime, la difference de religion ; de pure discipline, comme le temps prohibé de l’Avent & du Carême, (que ce Prince a abrégé de son autorité), la publication des bans ; il en est qui sont secrets, tels que l’adultere avec la promesse du mariage, l’homicide pour se remarier ; qu’on n’ira certainement pas confesser au Secretaire d’Etat du Roi de Prusse, au risque de se faire pendre, &c.

191. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE II. Excellentes raisons qui ont porté les Pères de l’Eglise à condamner les Comédies, et à les défendre aux Chrétiens. » pp. 12-28

Le premier, est son esprit naturel ; et le second est l’esprit de grâce. L’esprit naturel est la lumière de la raison qui est commune à tous les hommes, et qui les conduit dans les actions ordinaires de la vie Civile.

192. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VIII. De la Folie. » pp. 163-179

C'est si fort l'aliment naturel du théâtre, l'air qu'on y respire, le langage qu'on y tient, l'objet qui y occupe, que selon Varron (de lingua Latina lib. […] La danse n'est pas parmi nous une simple effusion vive et naturelle de joie, qui s'exprime par des mouvements cadencés.

193. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre V. De la Musique ancienne & moderne, & des chœurs. De la Musique récitative & à plusieurs parties. » pp. 80-93

Tout cela demande des changemens dans les desseins, des irrésolutions, des pauses mêmes qui établissent une division fort naturelle entre les parties d’une action.

194. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre V. De la Parodie. » pp. 78-89

La Parodie attaque souvent la personne même, en la contrefesant, en l’imitant au naturel ; Aristophane en a plusieurs éxemples dans ses Pièces : les masques ressemblans qu’il fesait porter à ses Personnages, pour désigner les principaux Athèniens, en sont une preuve.

195. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Neuvième Lettre. De la même. » pp. 233-241

La conséquence est toute naturelle & fort juste.

196. (1710) Instructions sur divers sujets de morale « INSTRUCTION II. Sur les Spectacles. — CHAPITRE III. Qu'une Mère est très coupable de mener sa fille aux Spectacles. Que c'est une erreur de croire que la Comédie soit destinée à corriger les mauvaises mœurs. Que rien au contraire n'est plus propre à les corrompre. » pp. 65-75

« Quand les vices paraissent sous leur forme naturelle, on ne s'y laisse pas surprendre, au lieu qu'ils nous trompent quand ils prennent le masque, et l'apparence des vertus. » « Vitia non decipiunt nisi sub specie umbraque virtutum. » Hieron[ymus].

197. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « VIII. Crimes publics et cachés dans la comédie. Dispositions dangereuses et imperceptibles : la concupiscence répandue dans tous les sens.  » pp. 30-40

Quand ce ne serait que par tant de regards qu’elles attirent ; elles que leur sexe avait consacrées à la modestie ; dont l’infirmité naturelle demandait la sûre retraite d’une maison bien réglée : et voilà qu’elles s’étalent elles-mêmes en plein théâtre avec tout l’attirail de la vanité, comme « ces sirènes, dont parle Isaïe, qui font leur demeure dans les temples de la volupté »Is, XIII, 22.

198. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « PRÉFACE » pp. -

En reprenant mon état naturel, je suis rentré dans le néant.

199. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Christine de Suede. » pp. 111-153

Les passions au théatre rendent presque l’homme machine ; c’est un coup d’œil amusant de voir les attitudes, les gestes, les physionomies des Spectateurs pendant la représentation plus variées, plus naturelles, plus expressives que ceux des Acteurs même, si l’on pouvoit peindre tous ces objets innombrables, ce seroit un traité complet de pantomime : si on pouvoit pénétrer dans l’intérieur, que ne verroit-on pas ? […] Ce peuple sage dans sa grossiéreté craignoit qu’une jeune Reine si dissipée ne lui donnât quelque fils naturel qui attroit causé du trouble pour la succession, ou peut-être qu’un mariage bisarre formé par la passion ne fit monter sur le trône quelque amant indigne qui l’auroit déshonoré, ou quelque Prince étranger qui seroit venu gouverner l’État & enlever ses finances ; on souhaita qu’elle se mariât & qu’elle épousât le Prince Palatin, Charles, son proche parent, héritier présomptif de la couronne, mariage à tous égards très-convenable, qui assuroit le repos de la Suède, l’âge, la naissance, la religion, le mérite, tout étoit parfaitement assorti ; on le lui proposa, on l’en pria, on l’en pressa ; un mariage formé par la sagesse n’est pas du goût de Thalie, elle ne veut que les chaînes de la passion, ou l’indépendance du célibat, & quoique toutes les comédies se terminent par un mariage, la plupart des Auteurs, Acteurs, Actrices, Amateurs préfèrent au joug de l’hymen, la dissipation & le libertinage, elle avoit devant les yeux l’exemple récent d’Elisabeth d’Angleterre qui avoit refusé vingt-quatre mariages & joué la virginité pendant quarante ans. […] Le penchant d’un sexe pour l’autre est naturel à tout le monde, mais ce penchant a pour objet de s’en faire aimer & de goûter les plaisirs que la nature a attaché à leur union. […]  juin 1684) dit que Christine encore Reine de Suède, mit tout en œuvre pour avoir le naturalisme de Jean Bodin, qui n’étoit alors qu’un manuscrit très-rare, & qu’on tenoit fort caché ; on fit par son ordre bien des recherches, enfin on le trouva, elle en fit faire des copies, & en enrichit la bibliothèque royale de Stocholm ; il est intitulé : de abditis rerum sublimium arcanis, à l’exemple du fameux Médecin Fernel qui avoit donné plusieurs années auparavant son Traité de abditis rerum causis, dont Bodin a profité, mais très-mal ; en donnant dans les deux excès opposés d’une superstition puérile & d’une impiété audacieuse ; c’est à tous égards un fort mauvais livre où l’Auteur dans des dialogues mal écrits entre sept interlocuteurs, combat toutes les Religions, surtout la Chrétienne pour établir le Judaïsme, ou plutôt la Religion naturelle, ce qui l’a fait appeler le naturalisme de Bodin, à peu près comme de nos jours le système de la nature.

200. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Suite d’Anecdotes illustres. » pp. 184-225

La jeune d’Aubigné fut trop heureuse d’épouser Scarron, vieux débauché, bouffon, perclus, Cudejatte qui voulut bien la prendre, il n’étoit rien moins qu’un maître & un modèle de vertu : Je lui apprendrai bien des sottises , disoit-il, après la mort de cet homme burlesque ; ne sachant que devenir, elle fut reçue quelque temps chez Ninon Lenclos, la plus fameuse courtisanne à qui elle plut, & avec qui elle vécut si familièrement qu’elles couchoient ensemble ; ce qui n’étoit rien moins encore qu’une école de vertu : enfin la veuve Scarron entra comme une espèce de femme de chambre chez Madame de Montespan, autre modèle de vertu dont elle devint la confidente, la commissionnaire auprès de Louis XIV, & enfin la Gouvernante de ses enfans naturels, dont l’éducation lui fut confiée ; elle s’acquitta si parfaitement de tous ces emplois, qu’elle plût au Roi, supplanta sa maîtresse, la fit retirer de la Cour, & devint femme du Prince, le rendit pieux, & lui fit fonder la fameuse Maison de St. […] Cet ouvrage est écrit d’un style aisé, libre, simple, d’un homme de Cour que donne l’usage du grand monde plus que l’étude, le travail & même le génie, mais plein de traits hardis & mordans contre tout ce qu’il y a de respectable : le premier y donne du poids, mais le second les décrédite, ils sont préférables à quantité d’autres Mémoires qui ne sont que des romans, il y a réduit en système la morale lubrique ; les principes des actions humaines ne sont pas, selon lui, le vice ou la vertu, la tentation ou la grâce, le bon ou le mauvais usage de la liberté, ce sont les appetits naturels ; les passions ou la raison, le tempérament ou la fortune & l’habitude ; un vrai méchanisme ; distinction peu philosophique, les passions ne sont que les appetits naturels portés à l’excès ; l’un & l’autre effet naturel du tempérament, c’est à quoi il attribue tout ce qui s’est passé dans les événemens qu’il raconte, il suppose dans la Cour de France le système suivi du despotisme absolu dont il attribue le principe à Henri IV, malgré sa popularité souvent poussé trop loin par Richelieu, par Mazarin, & enfin consommé par les Colberts & Louvois & autres Ministres de Louis XIV pendant un long règne qui y a accoutumé pour toujours un peuple foible & docile.

201. (1733) Traité contre les spectacles « TRAITÉ CONTRE LES SPECTACLES. » pp. 145-246

Personne ne nie (puisqu’on ne peut ignorer, ce que la seule lumière naturelle nous fait connaître) personne, dis-je, ne nie, que Dieu ne soit le créateur de toutes choses. […] Mais quand on ne veut connaître Dieu que par la lumière naturelle, et non par le flambeau de la foi ; quand on ne le regarde que de loin, et non de près, on ne le connaît qu’imparfaitement. […] Je veux même qu’une personne assiste aux spectacles avec la gravité, et la modestie qu’inspire ordinairement une dignité honorable, ou un âge avancé, ou un heureux naturel ; il est néanmoins bien difficile, que l’âme ne ressente alors quelque agitation, quelque passion secrète. […] Celui qui se trouve saisi d’horreur en voyant le cadavre d’un homme mort d’une mort naturelle, se fait un plaisir dans l'amphithéâtre de repaître ses yeux de la vue d’un corps, dont les membres tout déchirés, et mis en pièces, nagent encore dans le sang qu’il a répandu.

202. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

Il me semble que voilà la meilleure manière et la plus sûre de trouver la vérité, et que cet ordre est le plus naturel, et le plus régulier que je puisse garder. […] Il est vrai qu'elle ne fait pas ces effets dans toutes sortes de personnes: mais il est vrai aussi qu'elle les fait dans un grand nombre, qu'elle les peut faire dans toutes, et qu'elle les doit faire même plus ordinairement, si on considère de bonne foi quel est l'empire naturel d'une représentation vive, jointe à une expression passionnée, sur le tempérament des hommes.

203. (1640) Lettre apologétique pp. 2-42

Sa plume qui est le truchement de ses pensées, et ses écrits le symbole de ses mœurs, font connaître, que ses œuvres sont l’image de son esprit, et son visage étant l’âme raccourcie de son naturel et le miroir de son cœur, montre par la débilité de son cerveau, que ses sens sont égarés, et que son jugement a sorti les bornesc de la raison, par ce grand débordement d’injures dont son libelle est rempli : Ce Casuiste semble avoir mal pris ses mesures, d’avoir voulu faire un parallèle, de la Profession des anciens Histrions, à celle des Comédiens ; d’autant qu’il n’y a aucune affinité ni correspondance entre leurs exercices, l’une étant un pur batelage et souplesse de corps, et l’autre une représentation d’une fortune privée, sans danger de la vie, comme témoigne Horace, en son livre, de Arte d, « Comedia vero est Civilis privataeque fortunae sine periculo vitae comprehensio » ; Je sais bien qu’il y en a plusieurs, qui ne sachant pas la différence de ces deux professions, confondent l’une avec l’autre, et sans distinction de genre, prennent leur condition pour une même chose ; Mais il y a une telle inégalité entre elles, qu’il est facile de juger par la diversité de leurs fonctions, qu’elles n’ont nulle conformité ensemble, car celle des histrions n’est comme j’ai déjà dit qu’une démonstration d’agilité de corps et subtilité de main, mais l’autre étant une action plus relevée, fait voir qu’elle est une école des plus belles facultés de l’esprit, et où la mémoire fait un office digne d’admiration ; l’antiquité nous apprend qu’autrefois les Romains avaient ces Bateleurs en quelque considération, à cause du divertissement qu’ils donnaient à leurs Empereurs, mais ayant abusé du crédit qu’ils avaient obtenus du Sénat, s’adonnèrent à toutes sortes de licences pernicieuses, ce qui obligea la ville de Rome de les chasser, et particulièrement un nommé Hyster, qui s’étant retiré à Athènes, fut suivi d’une bande de jeunes hommes, auxquels il enseigna ses tours de passe-passe et autres parties de son métier, et furent appelés Histrions, du nom de leur Maître, ces Libertins s’ennuyant de demeurer si longtemps dans un même lieu, prirent résolution de revenir à Rome pour exercer leurs jeux : Mais l’Empereur Sévère, ne pouvant souffrir ces Ennemis des bonnes mœurs, fit publier un Edit, par lequel ils furent pour la seconde fois bannis de tout le pays latin ; Lisez ce qu’en dit Eusebius, et Prosper Aquitanus, sur la remarque des temps et des siècles : Pour le regard des Mimes, ou Plaisanteurse, ils ont pris leur source d’un certain bouffon appelé Mimos qui signifie en langue grecque Imitateur, d’autant qu’en ses représentations il contrefaisait divers personnages, et imitait les façons des uns et des autres. […] S’il prend la peine de lire Theodoret, il verra que les fautes, lesquelles sont réprimées avec sévérité se rengrègentu d’autant plus que l’on croit les châtier ; la liberté qui nous est aussi naturelle que la vie ne peut souffrir de contrainte, dit S. 

204. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE II. Anecdotes de Théatre.  » pp. 41-71

Vous avez avec les gens de bien une querelle bien plus importante, dans le peu que j’ai parcouru de vos ouvrages, j’y ai bientôt reconnu que ces agréables Romans ne convenoient pas à l’austere dignité dont je suis revêtu, & à la pureté des idées que la Réligion nous prescrit ; réduit à m’en rapporter aux idées d’autrui, j’ai appris que vous vous proposiez une morale sage, ennemie du vice ; mais que vous vous arrêtiez souvent à des aventures tendres & passionnées, que tandis que vous combattez l’amour licencieux, vous le peignez avec des couleurs si naïves & si tendres, qu’elles doivent faire sur le lecteur une impression toute autre que celle que vous vous proposés, & qu’à force d’être naturelles elles deviennent séduisantes. […] Vous avez beau avertir du péril auquel vous vous exposez vous-même, le penchant naturel y entraînera malgré vous & vos maximes. […] Le mercure d’Août 1770, p. 173 rapporte que Madame la Dauphine a signalé son entrée en France en donnant une médaille d’or à Gardin, acteur de la comédie Italienne, dont le mérite est un jeu naturel & vrai.

205. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Faste. » pp. 154-183

Dans tous les temps & chez tous les peuples, les habits ont servi à distinguer les états des personnes par la forme & les richesses, & à faire paroître les agrémens naturels par l’arrangement & la propreté ; jusques-là rien que d’innocent, & même de convenable. […] C’est là que les femmes étalent toute la vanité de leur sexe, toute l’industrie de leur esprit aussi inventif, toute la présomption de leur naturel trop ambitieux, totam circumferunt in istis mulieritatem dit Tertulien. […] Cela n’est pas toujours vrai, & quand il le seroit de la beauté naturelle, la beauté artificielle ne le seroit pas ; ce n’est pas la nature qui la donne, c’est la passion, c’est le mensonge qui la fabrique, elle annonceroit bien plus sensiblement la corruption de l’ame.

206. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE IV. Traité de la Danse de Cahusac. » pp. 76-104

Je sais que la danse est un exercice naturel à l’homme, que sans que le démon s’en mêle, on a pu en faire un art, & la perfectionner, comme le chant, la peinture, les armes, &c. […] Aucun vestige dans les livres de la Genèse & de Job, les seuls monumens qui restent de la religion naturelle. […] Il est naturel que les cérémonies qui les honorent. offrent ce qui leur étoit le plus agréable.

207. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIII. De l’éducation des jeunes Poëtes, de leurs talents & de leurs sociétés. » pp. 204-218

Mais l’étude du grand monde, achevant de perfectionner leur goût naturel, ils augmentent le nombre des connoisseurs.

208. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIV. De l’usage de composer des Pièces, ou des Rôles pour un ou plusieurs Acteurs. » pp. 219-233

L’Auteur du Fils Naturel, nous objectera-t-on, dit : « Qu’il y a dans la composition d’une Pièce Dramatique, une unité de discours qui correspond à une unité d’accens…… S’il en étoit autrement, il y auroit un vice ou dans le Poëme ou dans la représentation.

209. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VII. » pp. 115-130

La galanterie est plus assortie à nos mœurs, on ne la veut point révoltante, elle a besoin d’une gaze pour paroitre aimable : une passion qui causeroit de l’horreur étant vue en son état naturel, devient intéressante par la maniere ingenieuse dont elle est exprimée : celle-ci sert à déguiser le poison que l’on fait prendre dans du miel, dit S.

210. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre II. Des Naumachies. » pp. 100-111

Car je n’ignore pas absolument que les Autheurs sont partagez, & que les uns veulent & s’obstinent en faveur de Tite, fondez soit sur le respect qu’il avoit eu pour son Pere, soit sur sa liberalité & sur sa galanterie naturelle.

211. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 3. SIECLE. » pp. 107-119

Si Dieu, qui est la souveraine vérité, fut entré dans ce détail, il aurait mal jugé du naturel de son Peuple, car l'expérience nous fait voir que souvent il vaut mieux ne point exprimer en particulier ce qu'on défend, pour ne pas donner occasion de le faire, puis qu'on se porte d'ordinaire aux choses défendues.

212. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies a corriger. » pp. 295-312

J’avoue donc que je ne connais aucun expédient qui soit absolument bon et sûr pour y parvenir ; cependant pour éviter toute espèce de reproche, je dirai librement mon sentiment, ou, pour mieux dire, je proposerai ce qui m’en paraît de plus simple, de plus naturel et de plus aisé ; le voici.

213. (1658) L’agent de Dieu dans le monde « Des théâtres et des Romans. CHAPITRE XVIIII. » pp. 486-494

Un politique usurpateur, se plaît en ces feintes, qui expriment sa conduite au naturel, qui la justifient par un applaudissement public ; ce que les autres prennent pour un divertissement lui est une étude, un secret conseil, où il corrige, retranche, ajoute beaucoup de choses par les promptes ouvertures de l’esprit, et ayant vu le dernier point où peut porter l’autorité dominante, il croit faire une grande miséricorde de n’aller pas à toutes les extrémités.

214. (1754) Considerations sur l’art du théâtre. D*** à M. Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Geneve « Considérations sur l’art du Théâtre. » pp. 5-82

C’est toujours le crime représenté avec les couleurs les plus fortes & les plus capables de redoubler l’horreur naturelle qu’il inspire. […] Si un sermon opere cet effet sur vous, devez-vous en accuser le Prédicateur, ou votre disposition naturelle à vous ennuyer de toute morale qui n’a pas été sublimée dans votre laboratoire ? […] Cet ordre naturel est, ainsi que tous les autres ordres, un juste partage reglé par une providence équitable. […] L’humanité doit de tendres égards aux vieillards qui radotent, parce qu’ils sont hommes ; mais ses respects sont réservés pour cette vieillesse vénérable qui a augmenté ses lumieres naturelles par le flambeau de l’expérience, qui longtems exposée aux assauts des passions, a connu la nature des forces que la raison peut opposer à leur fougue trop impetueuse ; qui par la pratique constante des vertus, sçait allier l’indulgence à la séverité, & connoît enfin par elle-même que la modération est la fin la plus sublime où puisse atteindre la sagesse humaine.

215. (1752) Essai sur la comédie nouvelle « ESSAI SUR LA COMEDIE MODERNE. » pp. 1-160

Combien de jeunes gens très assidus aux spectacles ne conserveraient aucune idée des bonnes mœurs, s’ils n’étaient soutenus, ou par des prédications saintes et éloquentes, ou par des sentiments d’honneur naturels, ou par une éducation avantageuse ? […] L’amour au Théâtre est toujours heureux, du moins dans les Comédies ; il y est peint comme un sentiment naturel, souvent comme une vertu. […] C’est un jeune homme dont l’excellent naturel est obscurci par quantité de défauts qui le rendent vicieux pour la société et pour le monde. […] L’amour n’est pas, dit-il, de ces passions peu naturelles, qu’on est sûr comme d’éteindre après les avoir allumées. […] On lui pardonne d’avoir cherché à justifier la Comédie ; il est naturel à un Auteur comique de s’intéresser à sa gloire.

216. (1760) Sur l’atrocité des paradoxes « Sur l’atrocité des paradoxes —  J.J.L.B. CITOYEN DE MARSEILLE, A SON AMI, Sur l’atrocité des Paradoxes du Contemptible J.J. Rousseau. » pp. 1-128

« Les deux sexes ont entre eux une liaison si forte & si naturelle, que les mœurs de l’un décident toujours de celles de l’autre. […] puisque le désordre des Actrices entraîne nécessairement celui des Acteurs, & que dans tous les pays les deux sexes ont entre eux une liaison si naturelle que les mœurs de l’un décident de celles de l’autre. […] Ses deux gendres rencontrèrent dans leurs épouses des caractères totalement éloignés de leur naturel & de leur humeur. […] Mainfroy, Fils naturel de l’Empereur Fréderic II, fut voir ce Prince qui était malade, & sous les déhors d’une feinte tendresse, l’étouffa dans ses bras en l’embrassant. […] Mamercius Janvarius leur Fils naturel, & à leur Cousine qui n’est point nommée dans l’inscription qui est conçue en ces termes : C.

217. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE III. Des Pièces de Collège. » pp. 48-67

Mais l’inconvénient le plus grand, parce qu’il nuit à la piété et aux mœurs, c’est le danger que ces exercices ne fassent naître dans l’esprit des maîtres et des écoliers, comme cela est naturel, le désir de s’instruire par leurs yeux de la manière dont on déclame au théâtre, de le fréquenter, et de prendre pour la comédie un goût qui peut avoir des suites bien funestes, surtout à cet âge. […] elles seraient l’effet naturel du plaisir des sens, de l’instinct et de l’intérêt ?

218. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IX. Sentiments de Saint Augustin sur les Spectacles. » pp. 180-198

de la Musique) après avoir montré que dans la plupart des Comédiens qui plaisent le plus par leur chant, il y a très peu de science, même de la musique, parce que ce n’est ordinairement que la beauté naturelle de la voix, une routine, un exercice, qui n’est qu’un pur mécanisme, où l’esprit a très peu de part, ce qui est très vrai, de même que dans la danse, les instruments et tous les arts, où l’on voit tous les jours que le plus grand Musicien chante désagréablement, le plus grand Poète débite mal, le plus savant Architecte ne taillerait pas une pierre, qu’ainsi quelque honneur qu’on veuille faire à la poésie, à la musique, les exécuteurs, c’est-à-dire les Comédiens, ne sont que de purs artisans, S. […] Augustin la musique était une science très profonde et très étendue, elle embrassait toute l’harmonie en général, non seulement des sons, mais de la poésie, de la prose, des nombres, des mouvements, des choses naturelles, etc., en un mot tous les rapports de proportion qui forment un bel accord, une harmonie.

219. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre VI. Du Cardinal Mazarin. » pp. 89-108

Le mot théâtre ne signifie là qu’une estrade élevée de quelques marches, où le Pape se plaça (pour recevoir les Ambassadeurs), et ensuite l’Empereur, lui donner l’absolution, et jurer la paix qui fut conclue entre eux : estrade sur laquelle il était naturel de placer ce Prince à la droite du Pape, et par honneur à la gauche le Doge, Souverain du lieu. […] Il y a deux relations différentes, rapportées tout au long par le Cardinal Baronius à l’année 1177, des circonstances de cette paix, l’une fort simple et fort naturelle par deux témoins oculaires de grand poids : Chroniq.

220. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

Nous ne pourrions pas de nos jours proposer de pareils modèles ; ou, du moins, nous ne devrions jamais le faire, parce qu’ils blesseraient nos mœurs : aussi la Tragédie de Phèdre est elle du nombre de celles que je rejette : mais, dans Andromaque, il ne s’agit que d’un amour tout naturel, et qui, eu égard aux personnes et aux circonstances, n’a rien en soi de criminel ; cependant cette passion, toute simple qu’elle est, se trouve portée à un tel point de violence, dans Pyrrhus et dans Hermione, qu’elle produit tous les excès que nous voyons. […] Je n’ai rien à dire non plus contre l’amour de Plisthène et de Théodamie ; c’est plutôt l’effet d’une sympathie naturelle, qu’une véritable passion ; puisqu’il se trouve à la fin qu’ils sont frère et sœur : cependant cet amour a servi infiniment à l’Auteur, que je trouve très louable de l’avoir imaginé, et encore plus d’en avoir sû faire un si bon usage : car, outre qu’il n’offre rien qui blesse la bienséance la plus austère, les deux Amants sont d’ailleurs occupés de motifs trop importants pour s’amuser à filer des Scènes de tendresse ; aussi l’Auteur les a-t-il évitées avec grand soin, et ne s’est servi de l’amour que pour donner plus de force à la compassion de Plisthène, qui sans cela ne devrait s’intéresser que médiocrement à la vie du père de Théodamie, ne sachant pas qu’il fût aussi le sien.

221. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

Jean Chrysostome1, qu’on est le plus éloigné de tout ce qui peut blesser la pudeur, il en coûte tant pour se conserver dans la pureté que Dieu exige de nous, de quel naufrage n’est-on pas menacé lorsqu’on s’expose sur la mer orageuse du Théâtre, & qu’on ajoute à l’inclination naturelle, l’art & l’étude de la volupté ?

222. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien premier. Sentiment du reverend Pere Bourdaloue de la Compagnie de Jesus, touchant les Bals & les Comedies en general. » pp. 8-16

Je ne dis pas que ç’a été une Morale de perfection seulement & de pur conseil : il n’y a qu’a peser leurs termes & qu’a les prendre dans le sens le plus naturel & le plus commun : sur quel autre sujet se sont-ils expliquez avec plus de rigeur ?

223. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V bis. Le caractère de la plus grande partie des spectateurs force les auteurs dramatiques à composer licencieusement, et les acteurs à y conformer leur jeu. » pp. 76-85

Des leçons pour apprendre les subtilités du vice, ou des exemples pour s’affermir dans le crime, ou des aliments des passions pour en repaître leur cœur, ou des peintures fabuleuses pour retracer à leur imagination de trop coupables vérités. » Le théâtre ne leur plaît qu’autant qu’on a soin de ne pas contrarier, jusqu’à un certain point, leurs penchants, qu’on y ménage, qu’on y flatte même leurs passions favorites, qu’on y donne aux vices qui leur sont les plus naturels un vernis d’héroïsme et de grandeur qui adoucisse à leurs propres yeux ce qu’auraient d’odieux des couleurs trop vraies et des images trop ressemblantes : comme ils sont plus susceptibles d’impressions nuisibles et dangereuses que d’impressions bonnes et utiles, une morale exacte, une raison sévère les ennuient et les rebutent.

224. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies à conserver. » pp. 276-294

Les mœurs des hommes en général sont l’objet naturel de la Comédie qui les critique pour les corriger ; mais il y a pourtant une espèce de mœurs, que la Comédie ne saurait peindre sans se dégrader, et qui n’appartient qu’à la farce ; si l’on savait traiter comme il faut la bonne critique, et distinguer ce qui convient à la farce, on ferait des ouvrages fort utiles à la République.

225. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV.  » pp. 113-155

On ne seroit pas surpris de voir à Catherine des mœurs dépravées ; le vice étoit héréditaire chez les Medicis, elle n’avoit vu que des objets & des exemples d’incontinence, sa famille étoit toujours farcie d’enfans naturels, dont plusieurs furent élevés aux premieres dignités, Les femmes n’étoient point en sûreté à Florence pendant la vie de son pere, ses palais étoient pleins de tableaux & de statues obscenes, on n’y respiroit que la volupté, la vie s’y passoit en fêtes & en comédie, c’étoient de vrais théatres ; on ne pouvoit plaire à cette Cour qu’en favorisant ce goût. […] Charles IX mourut jeune, & cependant laissa des enfans naturels. […] On sent combien le défit de faire sa cour, l’espérance d’une brillante fortune, l’air & les maximes, & l’exemple du grand monde, l’élévation de ceux dont on leur ordonnoit de faire la conquête, le penchant de la nature, la foiblesse du sexe, des passions naissantes & bien cultivées, le désir de plaire, & la coquetterie naturelle à toutes les femmes devoient faire écouter ces écolieres avec avidité, & goûter avec plaisir des leçons si agréables, & faire les plus grands progres dans leur art. […] Elle rioit volontiers de son naturel, étoit joviale, & aimoit à dire le mot.

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