Ils pourraient se vanter d’avoir à leur tête un Philosophe fameux, si ce Sage ne montrait qu’il se plaît plutôt à avancer des propositions singulières, à soutenir des systêmes bisares, qu’à suivre tout simplement les lumières de la raison : cet homme de génie a la gloire de dire des choses uniques, & d’être presque le seul de son avis. […] Que peut-il y avoir de dèshonorant à venir réciter en public les Ouvrages des Hommes de génie ?
Il s’agit maintenant, sur notre Théâtre Français particulièrement, d’exciter à la vertu, d’inspirer l’horreur du vice, & d’exposer les ridicules : ceux qui l’occupent, sont les organes des premiers génies, & des hommes les plus célèbres de la Nation ; Corneille, Racine, Molière, Renard, monsieur de Voltaire, &c. leur fonction exige pour y exceller, de la figure, de la dignité, de la voix, de la mémoire, du geste, de la sensibilité, de l’intelligence, de la connaissance des mœurs & des caractères, en un mot, un grand nombre de qualités, que la nature réunit si rarement, dans une même personne, qu’on compte plus de grands Auteurs que de grands Comédiens.
On s’épuise depuis si long-tems à parler de Corneille & de Racine, on débite sur cette matière tant de paradoxes outrés, on s’écarte si fort de la vérité par enthousiasme ou par esprit de contradiction, que c’est rendre un vrai service au Public, que de lui remettre sous les yeux ce qui a paru de plus sagement pensé & de mieux écrit sur les productions & sur le génie de chacun de ces deux Poëtes.
Les génies Français formés par eux appellent du fond de l’Europe les Étrangers qui viennent s’instruire chez nous, ce qui contribue à l’abondance de Paris : nos pauvres sont nourris du produit de ces ouvrages, qui nous soumettent jusqu’aux nations qui nous haïssent : tout bien pesé, il faut être ennemi de sa patrie pour condamner nos Spectacles.
J’entreprends de chanter une ample Apologie ; N’est-ce pas trop tenter pour un petit génie ?
des génies du premier ordre, la gloire de la Nation, les restaurateurs de la vraie science, & les bienfaiteurs de l’humanité . […] Pardon, Génie heureux & bienfaisant, si la crainte (pag. 264.) […] m’écrirai-je bien volontiers avec toi, n’apprendrons-nous jamais combien mérite de mépris & de haine tout homme qui abuse pour le malheur du genre humain, du génie & des talens que lui donna la nature ? […] pour que nous brisions contre l’Egide que tu nous présentes à l’aide de cette seule raison, le talisman d’imbécillité auquel est attachée la puissance de ces génies malfaisans , nous ennemis déclarés de toute autre Religion que de la nôtre, laquelle est précisément celle qui ordonne de réduire en poudre ce talisman ? […] Vous voilà donc enfin aussi persuadés que moi de la défaite du théâtre de nos jours, ce vrai Amalécite ennemi de la gloire de notre Dieu… Pardon, Génie François, avez-vous pû ne le pas être ainsi que moi dès l’instant que vous avez vu confondus nos Bayles, nos Spinosas, nos Epicures ?
Mais, enfin, quelle institution humaine n’est pas marquée à ce coin de faiblesse, qui force le plus orgueilleux à reconnoître des limites à son génie ! […] Or, quel caractere de grandeur & d’énergie, des idées bornées ou extravagantes, peuvent-elles imprimer à l’esprit, au génie, au sentiment ? […] A la place de l’Avarice, supposez que c’est le Génie du commerce qui parle, & vous aurez une juste idée de l’activité qu’il exige de tous ceux qui suivent son parti. […] Que d’admirateurs oisifs, que d’Ecrivains qui rétrécissent, & même avilissent la sphere de leur génie & de leurs talens, rappelleraient encore Thalie s’ils en avaient le courage ! […] Mais lorsque ce genre sera celui des Hommes de génie & des belles ames, on n’aura aucun sujet de s’en plaindre.
Plusieurs Incas composerent des pieces ; & ceux qui n’avoient pas, ou le loisir ou le génie poëtique, faisoient examiner sévérement celles qu’on présentoit, & y présidoient eux-mêmes. […] Je ne prétends juger ni des Auteurs ni des regles, mais il est vrai que la Perse, l’Inde, la Chine, le Japon, cent fois plus vastes que la France, ne se rejouissent pas moins, ne font pas paroître moins de génie. […] Quand on lit les tragédies de Corneille, on est frappé de la grandeur qu’il donne à ses héros, on se sent élevé avec son génie, on est intéressé & attendri par l’art de Racine, qui touche, pour ainsi dire, toutes les cordes de l’ame, & en exprime tous les tons du sentiment. […] Sa puissance, sa sagesse, sa bonté infinie ont-elles besoin du secours de l’art, & de la force du génie ? […] Rotrou étoit un homme que le théatre ne méritoit pas ; sans en être amateur, il avoit le génie dramatique, & une grande facilité à faire des vers.
Tous deux licencieux dans leurs peintures, du moins Mignard ne s’avilissoit point à des méprisables bouffonneries, Moliere n’est le plus souvent qu’un Tabarin ; & ces deux artistes, supérieurs dans l’art de peindre, mis dans une balance équitable, on trouvera plus de génie, plus de poësie, plus d’esprit, plus d’agrément dans le Dôme du Val-de-Grace & la Galerie de Saint-Cloud, que dans le Théatre de Moliere. […] Il n’y a rien où leur génie se montre avec tant d’éclat. […] Peu d’auteurs, même les plus célebres, qui n’y manquent : chacun fait parler ses personnages selon son génie. […] Mercier, dans sa préface, après avoir été selon l’usage l’écho du Théatre sur le génie du divin Moliere, avance quelques paradoxes. 1°. […] Ce puissant génie n’est point du tout créateur, non-seulement parce que ses Fables & ses Contes sont pris dans quelques auteurs, mais parce qu’ils ont tous le même habit, le même visage.
Qu’on vante tant qu’on voudra son génie, qu’il ait été si l’on veut comme Ennius, appellé par Ovide ingenio maximus, il a certainement été comme lui arte rudis. […] Maffei : Il semble que la même cause qui prive les Anglois du génie de la Peinture & de la Musique, leur ôte celui de la Tragédie ? […] Ils mettent, dit-il, tout leur esprit dans leur Cérémonial, & manquent de ce génie qui anime notre Théâtre ; ils sont très-corrects, & nous endorment, de même que ceux qui dans la Société ne savent faire que des civilités, sont fort insipides.
Ces grands génies auraient-ils mis tous leurs soins à faire dire à leurs Personnages des choses frappantes & sublimes, s’il n’avait été nécessaire que de combiner une intrigue ?
Il a baigné de larmes des lauriers qu’il devait plutôt au génie qu’au travail.
Vous en appelleriez à vos Casuistes, qui prétendent qu’on doit moins s’arrêter à ces bons Docteurs, pour ce qui est de la Morale, qu’à vos nouveaux Auteurs qui ont mieux connu qu’eux le génie de ces derniers siècles.
Mais qu’il y a peu de génies créateurs, même de futilités ! […] Ce sont les traits les plus faillans, les coups de théatre, les ressources les plus ordinaires de leurs drames, ce qui marque une grande stérilité de génie ; car après tout, de quelque maniere qu’on diversifie le masque, c’est toujours le même fonds. Presque tous les ouvrages dramatiques ne sont que des réchauffés, des répétitions, des copies les uns des autres ; rien de neuf, d’original, point de génie créateur. […] Pour exprimer ce double talent, un Peintre l’a représenté entre les deux Muses de la tragédie & de la comédie, ayant un air gai du côté de Thalie, & un air triste du côté de Melpomène, riant & pleurant à même temps ; & ce qu’il y a de singulier, ce n’est point un effort d’imagination, un trait de génie dans le Peintre, ce portrait ressemblant est fait d’après nature.
Convenons-en de bonne foi, si tout le génie de Sophocle & de M. de Voltaire n’a pu rendre leur artifice vraisemblable, des Auteurs, qui n’ont ni leur tact ni leur esprit, y réussiroient-ils ? […] Dans le second cas, ces génies n’ayant plus rien de nouveau à decouvrir, à admirer, rentreront dans la classe du commun des spectateurs ; tout au plus leur dégoût ne sera pas glacé, dédaigneux & insultant, comme dans ceux-ci.
Le génie d’une Nation se connaît rarement par les Ouvrages d’un ou de deux de ses Ecrivains ; il faut les comparer tous ensemble. […] Vadé, qui en fut l’inventeur, le perfectionna tout d’un coup ; il mourut à la fleur de son âge en 1757, & son génie la peut-être suivi dans le tombeau.
Plaute fut le premier Poëte qui montra aux Romains ce que c’est que le Génie. […] Ces Ris & ces Jeux ne furent point ramenés sur le Théâtre par Térence Carthaginois, qui acheté comme Esclave par un Senateur Romain, & ensuite affranchi, sur plaire aux Grands de Rome, & si particuliérement au Fils de l’Ancien Lælius, & à Scipion le jeune, qu’on l’accusoit d’être secouru par eux dans ses compositions, plus que par son génie. […] Il parle toujours assez froidement des Poëtes de Rome, & reconnoît que c’est aux Grecs que les Muses ont accordé le Génie & l’Harmonie, Graiis ingenium, Graiis dedit ore rotunde Musa loqui.
Mazarin se piquait encore de goût et de magnificence, et quoique bien inférieur en génie et en noblesse de sentiments à Richelieu, son prédécesseur, il crut devoir l’imiter dans son amour pour les spectacles. […] Il n’avait ni le goût ni le génie de son prédécesseur, il n’en donna point le canevas ; il chargea le Secrétaire d’Etat de Lionne de la faire composer, et Lionne en chargea Quinault, qui commençait à paraître. […] Ces frivoles amusements occupèrent si bien ce Prince, qu’il n’eut pas même l’éducation convenable, et ne dut qu’à son génie les grandes choses qu’il fit durant son règne.
Elle avoit un génie & des lumieres supérieures ; mais bien loin d’être Comédienne, & d’employer ses talens pour le théatre, elle avoit horreur de la comédie, & n’y alloit jamais. […] Vanter sans cesse Moliere, mépriser tout le reste, parce qu’il ne lui ressemble pas, si ce n’est pas la passion & la malignité qui veulent autoriser leur critique, c’est du moins montrer un génie borné, & rétrecir celui des autres. […] Elle excelloit sur tout dans les pantomimes de la danse ; elle y peignoit toutes les passions, & ajoutoit de génie sans préparation aux desseins que ses maîtres lui avoient déjà tracé. […] Les autres Danseuses ses compagnes, & celles qui l’ont suivie, en savent bien autant qu’elle pour la danse proprement dire ; elles ont autant de force, d’agilité, de finesse, mais il y en a bien peu qui sachent si bien réussir & accommoder, varier & proportionner ses mouvemens à l’action & au chant, qu’elles fassent en dansant une scene pittoresque, sans dire mot, qui soit aussi vive, & peut-être même plus vive que les paroles, & sur-tout comme elle composer, créer des pas, des gestes, des attitudes, des mouvemens, des figures, & danser de génie, & toujours d’accord avec l’orchestre & la scene. […] Un poëme bien conduit, bien dialogue, une intrigue arristement filée, régulierement dénouée, un lieu élevé, bien décoré pour la faire représenter par des Acteurs salariés, c’est la perfection de l’art, le chef d’œuvre du génie, & les derniers efforts des Sophocle, des Corneille, des Moliere.
Le génie perça cependant quelquefois dans ces siècles dont il nous reste si peu d’Ouvrages dignes d’estime ; la Farce de Pathelin ferait honneur a Molière.
Jupiter, Hercule, Orphée, Apollon, Esculape, Argus, Mercure, des Génies, des Zéphyrs, des Songes, la Renommée, la Discorde, les Furies, en sont les principaux Acteurs : L’Innocence, la Vérité, la Religion, n’y paraissent que pour être déshonorées.
Si Moliere revenoit à la tête de cette troupe orgueilleuse, il seroit obligé d’ajuster son génie sur la mesure de leur ignorance. […] Le privilége exclusif rend les comédiens maîtres absolu des pieces nouvelles, qu’ils reçoivent, les rebutent ou sont échouer à leur gré ; & par conséquent dégoûtent les auteurs, réfroidissent & enchaînent le génie . […] Elles prouvent que cet auteur non-conformiste croyoit pouvoir allier la science du Théatre & le génie dramatique, avec la morale sévere dont il faisoit profession & arboroit les apparences : il se trompoit dans l’un & dans l’autre. […] Dans l’orgueil que lui inspirent des applaudissemens, elle a confondu l’art de rendre les pièces, avec le génie qui les crée, avec le talent, peut-être non moins rare, de les apprécier. […] D’ailleurs, la propriété des ouvrages de génie, la plus recommandable de toutes peut-être, forme du vivant de leurs Auteurs le patrimoine le plus naturel dont ils puissent jouir.
Dans un pareil esprit, les idées coulent rapidement, & ne lui laissent pas le tems de s’occuper du style qui suit naturellement l’impulsion du génie. […] C’est au génie, & non au soin de plaire, à les placer.
Il vit alors à Leipsick de fameux Philosophe Leibnitz, homme d’un génie & d’un savoir étonnant, mais malheureusement sans religion, qui pensoit & parloit fort librement, & avoit inspiré ses sentimens à plusieurs Princes d’Allemagne Ce qui n’est que trop vrai pour la Cour & l’Académie de Berlin, dont il fut le Président & le Fondateur, & où ils regnent encore. […] Le Czar , ajoute Voltaire qui a aussi écrit la vie de ce Prince, avoit les mêmes sentimens sur la religion & sur la destinée ; mais il en parloit plus souvent & ouvertement, & avoit la supériorité de génie, l’étude de la philosophie & le don d’éloquence au-dessus de Charles, qui ne savoit que se battre (l’éloquence & l’étude du Czar étoient médiocres).
Deux génies sur des nuages soutiennent l’écusson de M. le Chancelier ; il eût été mieux placé à la main de la justice, dont il est le chef. […] Deux génies portoient deux flambeaux allumés, dont la flamme se réunissoit sur ses aîles ; le Temple des Graces étoit couronné par trois figures de femmes, couvertes d’un voile léger, qui paroissoit être le jouet des vents ; trois femmes toutes nues, couvertes d’un voile léger, qui paroissoient être le jouet des vents, sont-elles bien dans la décence, dont de graves Magistrats font profession ? […] Cupidon ne fit jamais porter son flambeau par des génies, & n’eut jamais qu’un flambeau ; & il est très suffisant pour 30 Sénateurs.
ce grand maître, ce modelle parfait, ce génie supérieur, cet homme unique, manquer à l’honnêteté publique ! […] Les beaux esprits travaillèrent sur ce riche fonds : Sophocle, Eurypide, Aristophane, &c. y prodiguèrent les efforts d’un génie qui méritoit d’être mieux employé. […] Le théatre veut si bien qu’on connoisse ses mœurs & sa malignité, qu’il a peint son génie & ses talens sous l’emblême de Satyres avec des pieds de chèvre, des cornes, des oreilles pointues, un masque à la main, un ris caustique, des attitudes indécentes.
On me dira que les différens climats fesant varier le génie, l’instinct des Habitans de chaque Contrée ; il est peut-être impossible aux différentes Nations de s’imiter les unes-les-autres. […] Ainsi, emporté par son génie, le fameux Citoyen de Genève compose de la musique Française ; & soutient ensuite, par une contradiction singulière, que la Langue Française n’est point absolument susceptible de musique. […] Le même genre de mélodie ne saurait être universel, parce que le génie des Langues fait nécessairement varier la mélodie ; au lieu que la musique instrumentale de tel Pays peut avoir de grands rapports à celle qu’on estime dans tel autre.
Doué d’un génie peu ordinaire, il était néanmoins atteint de la folie de la monarchie universelle. […] A quoi donc lui servit son génie et son esprit ? […] Lorsqu’on critique les plus fameux personnages, on est plus exigeant envers le grand génie qu’envers les autres hommes.
En effet l’invention du Théâtre qui aujourd’hui (faute d’y réfléchir) n’est pas regardée avec l’admiration qui lui est dûe, cette invention, dis-je, supposait dans l’esprit où elle a pris naissance, des idées confuses du merveilleux, où les grands Hommes ont peut-être toujours voulu atteindre, mais où ils n’ont pû réellement parvenir qu’après un nombre infini de réfléxions, d’examens et de rapports combinés, qui supposent nécessairement de longues études, une tête bien faite, et surtout un génie supérieur.
Ne pourrait-on pas avec art, avec délicatesse, secouer un joug qui accable le génie, & contraint d’épargner le vice le plus ordinaire dans la Société ?
On a déjà vu, que c’est d’Aristote que ce Père a pris l’étymologie de l’eutrapélie : ainsi en toutes manières, il le regardait dans cette homélie, et ceux qui connaissent le génie de Saint Chrysostome, dont tous les discours sont remplis d’une érudition cachée sur les anciens Philosophes, qu’il a coutume de reprendre sans les nommer, n’en douteront pas.
Caractère abrégé d’Eschyle, 41 La Chasteté de l’expression dans ce Tragique, 42 Le génie et la conduite de Sophocle dans ses poèmes où la chasteté règne toujours, 45 Caractère d’Euripide différent des deux premiers, 49 La pureté de son style, là même.
Danses pour les cieux, des Dieux, des Héros, des Génies, des Fées ; pour les enfers, Démons, Furies, Magiciens. […] Mahomet voyant que l’on dansoit dans les Eglises, fit danser dans les Mosquées : il étoit plein de génie. […] Cahusac, qui rapporte & admire ces prétendus efforts de génie, convient de bonne foi que ce n’est rien moins qu’un prodige de chasteté.
D’autres n’en font point, parce qu’un certain Public n’en veut plus, (& notez que l’on calomnie les femmes d’être ce Public-là) : il a tort ; un Ouvrage sans Préface est un Château sans avenue, un Jardin sans allées, un Apartement sans porte, une Femme sans toilette ; & quiconque ne les lit pas, est un génie superficiel, un ignorant paresseux, une tête à l’évent, un suffisant présomptueux ; ou tout cela en un seul mot, un Petit-maître. […] Celles qui ont cultivé l’esprit plus que le corps, ont préféré les Spectacles où on voit les ressources du génie & les ressorts des passions. […] Enfin il semble que ceux dont les Troupes dépendent immédiatement, pourraient y faire règner un ordre exact, sans employer la voie honteuse des châtimens, qui ne serait propre qu’à rétrécir le génie, & à abâtardir le talent : des hommes & des femmes comme la plupart de nos Comédiens formés, ne sont pas des machines qu’on ne remue que par la force : ils ont de l’esprit, du bon sens ; & la manière la plus efficace avec des gens de cette trempe, ce serait des distinctions flateuses, lorsqu’ils quitteraient le Théâtre.
Le divin Moliere, cet immortel Racine, cet incomparable Voltaire, ce dieu du goût, du génie, cette déesse des graces, cette adorable actrice, sont-ils plus sensés ? […] Le théatre perdit un homme illustre, un beau génie, qui avoit de très-belles qualités. […] Tout cela sent bien le théatre : mais il est vrai que le Tasse avoit un esprit supérieur, un génie fécond, un talent surprenant pour la poësie. […] Il est moins brillant, moins ingénieux ; mais plus décent, selon le génie de la langue & la politesse du siecle. […] Plus heureux que le Tasse, qui, avec autant d’esprit & beaucoup plus de science & de génie, moins de corruption dans les mœurs & d’irréligion dans la créance, fut après lui fort bien dans cette cour, mais lui déplut enfin, & y reçut les plus mauvais traitemens.
Térence est bien différent de Plaute ; son génie était à peu près le même que celui de quelques Auteurs de nos jours ; plusieurs de ses Comédies inspirent autant la tristesse que la joye ; je me contenterai de citer l’Andrienne.
Ce Poème quelque succès qu’il ait eu n’est qu’un essai qui ne donne tout au plus qu’une faible idée de la perfection à laquelle des génies plus élevés que le mien pourraient à peine parvenir.
Si, dans les ouvrages de belles Lettres, les Savants ont soin de laisser au Lecteur intelligent le moyen d’occuper son esprit, soit en devinant, ou même en ajoutant quelque fois aux idées qui lui sont présentées, et que l’Auteur, dans cette intention, n’aura pas tout à fait développées, j’ai cru que je ne pouvais rien faire de mieux que d’imiter une conduite également sage et utile ; parce qu’elle ne dérobe rien au Lecteur ignorant (pour qui il y en a toujours assez) en même temps qu’elle procure un vrai plaisir au Lecteur de génie et de goût, qui est bien aise de pouvoir mettre quelque chose du sien à sa lecture.
Tous n’ont eu sur ce point qu’une même voix ; tous, dans tous les siècles, ont prêché la même morale, et nous savons qu’outre la sainteté qui nous les rend vénérables, c’étaient les premiers génies du monde : nous avons en main leurs écrits, et nous y voyons la sublimité de leur sagesse, la pénétration de leur esprit, la profondeur et l’étendue de leur érudition. […] Et cela, par la même raison que celui qui s’est trouvé au milieu de la contagion, et qui a eu le bonheur de s’en sauver, est plus en état d’en faire une description exacte… Je l’avoue donc avec sincérité, je sens, dans toute son étendue, le grand bien que produirait la suppression entière du Théâtre, et je conviens sans peine de tout ce que tant de personnes graves et d’un génie supérieur ont écrit sur cet objet. » Le Théâtre, selon Riccoboni, était, dans son commencement, le triomphe du libertinage et de l’impiété ; et il est, depuis sa correction, l’école des mauvaises mœurs et de la corruption. […] Dieu a daigné éclairer entièrement mes ténèbres, et dissiper à mes yeux tous les enchantements de l’art et du génie. […] n’apprendrons-nous jamais combien mérite de mépris tout homme qui, pour le malheur du genre humain, abuse du génie et des talents que lui donna la nature ?
C’est le pere de la Tragédie, & un génie sublime. Par un décret public, ses pieces furent remises sur la scéne, les Auteurs alloient l’invoquer sur son tombeau, & déclamer leur piece à son ombre, comme ce soldat qui aiguisoit son sabre sur le tombeau du Maréchal de Saxe ; comme si sa valeur & son génie eussent dû venir par là jusqu’à lui : cet entousiasme, cette superstition, ce délire, font le génie du théâtre, il est idolâtre, il est fou de lui-même. […] Ronsard a mille traits de génie, qui a été plus loué que lui.
De tous les genres de poësie la dramatique est celle qui demande le plus de génie & de talent, de sagesse & de dignité, sans quoi l’on se rend méprisable & pernicieux. […] Il semble aussi que c’est éteindre le feu du génie dans l’Auteur & dans l’Acteur, de bannir l’amour, qui fut toujours leur unique Apollon. […] Nous avons en petit ce que nos pères avoient en grand, mais diversifié selon le génie des peuples : courses de taureaux en Espagne, & de chevaux à Rome, combats des bêtes en Angleterre, gladiateurs en Allemagne, lutteurs athlètes en Toscane, sur-tout des théatres par-tout, moins vastes à la vérité, mais en plus grand nombre, plus amusans, plus diversifiés, & des représentations incomparablement plus fréquentés qu’à Athènes & à Rome.
« Vous n’avez jamais vu qu’une fois l’Auteur d’Atrée et de Catilina, et ce fut pour en recevoir un service : vous estimez son génie et vous respectez sa vieillesse ; mais quelque honneur que vous portiez à sa personne, vous ne devez que justice à ses pièces ; et vous ne savez point acquitter vos dettes au dépens du bien public et de la vérité. »cc Ne dirait-on pas que vous êtes un de nos Académiciens et que par conséquent, juge éclairé de la Littérature Française, vous ayez été forcé par état de prononcer contre les écrits de votre bienfaiteur, et que les ordres de la Cour vous aient mis dans le cas d’opter entre le ménagement que vous lui deviez et l’accomplissement de vos devoirs ? […] Et c’est justement en cela, comme en bien d’autres choses, que M. de Voltaire doit voir comparer son génie à celui de Corneille, de Racine et de Crébillon, puisque comme eux c’est par la prospérité du crime qu’il a su rendre son personnage encore plus abominable. […] J’estime son génie et respecte sa vieillesse ; mais, quelque honneur que je porte à sa personne, je ne dois que justice à ses Pièces, et je ne sais point acquitter mes dettes aux dépens du bien public et de la vérité. » cd.
Enfin, à quoi comparerons nous les combats de Taureaux en Espagne et tant d’autres Jeux de la même espèce, que toutes les Nations de l’Europe ont variés suivant leur génie et le climat de leur pays.
La réfléxion vient bientôt déssiller les yeux ; elle fait sentir combien l’on a tort de chercher à briser les chaînes que la Raison & la Nature donnèrent au génie, afin qu’il puisse toujours les suivre.
Notre passion pour eux, ne fit que nous aveugler, & en croyant les suivre, nous nous égarâmes, comme les autres, jusqu’au tems où deux Poëtes conduits par leur génie plus que par l’étude, entrerent dans la véritable route de la Tragédie & de la Comédie.
Le sieur le Kain, acteur célebre, dont le ton tragique, & la déclamation énergumene en imposeroient à ceux qui oseroient penser différemment, a fait l’annonce de la piéce, & témoigné au nom des comédiens : leurs sentimens d’admiration, de reconnoissance, de pieté filiale envers leur pere, leur bienfaiteur, l’homme de génie, qui a illustrè la scène Françoise ; il a déclaré en même-tems, que le produit de la représentation de cette piéce étoit destiné, par les comédiens, à ériger la statue de Moliere, & qu’ils esperent le secours de la nation pour consommer ce grand ouvrage ; démarche & quête mesquine ! […] Sorcelerie, évocation, tour usé, de femelette, d’un génie sterile, aussi bien sur le théatre qu’à la place Maubert. […] La France doit cherir en lui l’homme de génie, qui le premier a combattu sur la scéne, les vices, les ridicules & le faux bel esprit, & qui a été le premier Législateur de la société & du goût ; si les personnes les plus considérables, si les amateurs des lettres & des arts se réunissoient pour faire achever ce monument, à la gloire de Moliere, cet exemple seroit peut-être suivi en faveur des grands hommes qui ont illustré la scéne. […] Les directeurs de l’opéra pour relever leur spectacle qui est assez méprisé, & très-méprisable, sur-tout par l’énorme libertinage des acteurs & des actrices, danseuses, chanteuses, figurantes, ont fait insérer dans le Mercure d’Octobre 1772, une lettre de six mortelles pages, d’un caractère très-menu, à eux prétendue écrite de Vienne en Autriche, de la part d’un certain Goutéch, musicien Allemand, dont les talens, le génie, le succès sont des prodiges du premier ordre.
Dans Heraclius, Sujet & Incidens, tout est de l’invention du génie fécond de Corneille, qui pour jetter de grands intérêts, a multiplié des incidens peu vraisemblables. […] Une telle peinture ne seroit pas assez vive pour frapper la multitude qui s’assemble dans les Théâtres, parce que ce seroit leur peindre une chose très-éloignée de leurs Mœurs : le Poëte Dramatique se sent peu de génie pour exprimer cette tranquillité d’ame. […] Il faut donc que le Poëte qui a su rendre théatral un pareil caractere, ait eu un génie très-rare : ce qui devroit faire changer de langage ceux qui ne savent que dire, le sublime Corneille & le tendre Racine, parce qu’ils n’ont étudié ni l’un ni l’autre. […] Si l’Auteur est un de ces hommes heureux & si rares, il ne pechera jamais contre la quatriéme Partie de son Poëme, qui est pour lui la plus facile ; s’il n’a pas la force de la bien exécuter, il n’a point de génie, il n’est point Poëte, & il est certain qu’il n’a pas bien exécuté les trois autres Parties, qui sont plus difficiles.
L’orateur y peut déployer toutes les ressources du génie. […] Le génie restaurateur qui plane maintenant sur toutes les parties de la France régénérée, nous en offrait depuis longtemps le doux espoir. […] Ainsi donc, sous l’empire d’une loi sage, unique, appropriée au génie d’un peuple moderne, nous n’aurons d’autre lumière que celle qui doit jaillir de cette source féconde. […] Grâces au puissant génie qui maintenant préside à la Franceat, nous avons échappé aux fureurs d’une guerre étrangère et civile. […] NDA Il ne faut pourtant pas croire que ce soit au théâtre que le génie de nos auteurs ou de nos compositeurs se soit le mieux développé.
& seq. veut que les Pantomimes soient très-utiles, non pour enseigner les regles de la vertu, ils ne parlent point ; mais pour amuser une multitude de spectateurs dans les Fêtes publiques ; qui ne pouvant pas entendre, pensent voir de fort loin, (la finesse du geste, du coup d’œil, des traits du visage, &c. ne vont pas plus loin ni si loin que le son, ce n’est peut-être que de gros Lazzis ;) on ne connoît pas les grandes ressources du génie pantomime, on peut en faire un spectacle intéressant, (il faudroit être fort habile pour en faire autre chose que de l’amusement,) il est vrai qu’il veut le faire accompagner d’une musique de génie représentative, & très expressive ; car les airs, dit-il, ne sont que l’expression d’une passion cachée, il faut en représenter le motif & la cause, ce qui met dans la nécessité d’un recitatif joué par le pantomime, ce qui eut ramené non les paroles, mais seulement, & même rarement le sentiment. […] Le génie Espagnol plus fécond, plus profond, plus varié que le nôtre, a formé la littérature Française, Lamusa à instruit Lingendes & Bourdaloue, Sainte Therese, Louis de Grenade, Alvares, sont les modeles des livres de dévotion : Suares, Vasques ont été les premiers théologiens des derniers siécles : François Xavier le guide des Apôtres : Ignace des fondateurs d’Ordre : Ximenes des Richelieu & des Mazarin.
Voici qui fera connoître le génie des Rosieres du théatre & de leurs adorateurs. […] Les arietes sans nombre qu’on met dans la bouche des acteurs, selon le génie italien, ne sont certainement pas du caractere des paysans, ni pour la musique, ni pour la poësie. On devroit établir un prix de sagesse dans une grande ville entre des filles de condition : on pourtoit alors donner l’essor au génie.
La maison paternelle n’échappa point à ce ridicule ; ils ne virent plus que des tyrans dans les respectables auteurs de leurs jours, et s’imaginèrent, pour combler la mesure, que le hasard, ou un génie tutélaire, leur révélerait un jour une naissance illustre. […] L’esprit occupé de ce mont, que la fiction des poètes du premier âge a consacré au génie de tous les temps, je repassais dans ma mémoire tous les grands hommes que la reconnaissance des siècles a placés sur la double colline. […] La sottise et ses sœurs usurpent la place du génie… J’allais continuer sur ce ton, quand la réflexion vint me calmer ; je vis bien que le Montparnasse, de nos jours, ne ressemblait que de nom aux routes fleuries du Permesse, et je ne m’étonnai plus d’y voir figurer des charlatans.
Ainsi donc, après avoir mis à part, avec l’admiration et tous les égards qui leur sont dûs, l’esprit, le génie et l’art qui brillent dans la satire du Tartufe, et qui ont aveuglé le public sur ses défauts, comme la pompe et les richesses l’aveuglent ordinairement sur ceux des riches, on peut dire que son instruction s’est bornée à donner aux honnêtes gens l’avis qu’on pouvait les tromper sous un masque noir comme sous un masque blanc, ou sous l’habit ecclésiastique comme sous l’habit de laïc ; ce qui ressemble au soin de leur apprendre que les brigands et les voleurs, qui se mettent en embuscade aux coins des édifices profanes, pour surprendre et dépouiller les passants, se cachent aussi derrière les temples, quand ils croient y être plus avantageusement placés ; or, l’on n’attendait pas après une telle révélation ; tout le monde en conviendra ; donc la plus savante, la plus ingénieuse attaque dramatique a été dirigée contre un moulin à vent. […] Il résulte donc confirmativement que ce fut sans aucune nécessité qu’un grand homme employa toute la force de son génie et toutes les illusions du théâtre pour présenter un de ces faux frères aux honnêtes gens, de manière à les faire frémir d’indignation et rougir d’être hommes, de manière à leur ôter toute liberté d’esprit et de jugement, à leur rendre odieux et insupportables, non seulement le personnage, mais même son masque ou le costume dont il s’est servi, l’attitude, les manières qu’il a prises, les gestes qu’il a faits, toutes ses expressions qui le retraçent à leurs yeux sans cesse et malgré eux, où qu’ils se trouvent, lors même que ces traits leur attestent réellement la présence de la vertu qui, hélas, n’en ayant pas d’autres sensibles, je le répète, se trouve ainsi condamnée à être continuellement prise pour l’imposture et traitée comme telle !
Arrêtons-nous à un seul, dans lequel tout porte l’empreinte du génie de l’auteur. […] La Le Couvreur enterrée sur les bords de la Seine, & L’Olfids à Westminster à côté de Newton & des rois, forment un contraste singulier & caractérisent le génie des deux nations.
Je ne parle pas de l’esprit faux et frivole qu’inspire et qu’entretient l’étude continuelle des fables et des chimères, du mauvais goût que donne le tissu de folies et de crimes dont on se repaît comme de quelque chose de bien merveilleux, des entraves qu’il met au génie, en persuadant que tout le beau, le sublime, l’agréable est renfermé dans ce petit nombre d’objets sans cesse répétés et ressassés, qui n’ont plus que de la fadeur. […] Que pense, que dit ce Poète, aussi méprisable par son irréligion, que célèbre par son génie ?
Elle n’éxige pas que ses Auteurs soient doués d’un grand génie, puisqu’ils ne composent que d’après le plan qu’ils ont sous les yeux.
Nous avons dit personæ grandiores ; car on tolère et on peut tolérer, même dans les églises, les anges, les génies qui sont représentés sous la forme de petits enfants.
Je me contenterai d’en donner un seul exemple que je tirerai même du Théâtre du grand Molière, que j’admire si fort du côté de l’esprit et du génie.
C’est un phénomène, esprit fin, génie élevé, des grâces, des vertus pratiquées dans la Cour la plus voluptueuse ; elle ramena à son Dieu le Prince le plus libertin. […] Cet ouvrage est écrit d’un style aisé, libre, simple, d’un homme de Cour que donne l’usage du grand monde plus que l’étude, le travail & même le génie, mais plein de traits hardis & mordans contre tout ce qu’il y a de respectable : le premier y donne du poids, mais le second les décrédite, ils sont préférables à quantité d’autres Mémoires qui ne sont que des romans, il y a réduit en système la morale lubrique ; les principes des actions humaines ne sont pas, selon lui, le vice ou la vertu, la tentation ou la grâce, le bon ou le mauvais usage de la liberté, ce sont les appetits naturels ; les passions ou la raison, le tempérament ou la fortune & l’habitude ; un vrai méchanisme ; distinction peu philosophique, les passions ne sont que les appetits naturels portés à l’excès ; l’un & l’autre effet naturel du tempérament, c’est à quoi il attribue tout ce qui s’est passé dans les événemens qu’il raconte, il suppose dans la Cour de France le système suivi du despotisme absolu dont il attribue le principe à Henri IV, malgré sa popularité souvent poussé trop loin par Richelieu, par Mazarin, & enfin consommé par les Colberts & Louvois & autres Ministres de Louis XIV pendant un long règne qui y a accoutumé pour toujours un peuple foible & docile. […] Les Anglois, tout admirateurs qu’ils sont de Shakespear, ne l’ont jamais mis en parallèle avec Nevton, quoiqu’il ait d’aussi grands traits de génie que Corneille, & que la décence qui lui manque ne soit pas un défaut sur le théatre Anglois. […] Shakespear a des traits de génie étonnans, égaux & supérieurs aux plus beaux endroits de Corneille ; mais ce ne sont que des traits momentanés, rien de suivi, rien de soutenu, rien d’achevé ; ces éclairs éblouissans laissent dans la plus profonde obscurité.
Il ne seroit pas étonnant que, sur un théatre qui ne fait que de naître, le génie d’une nation très-libre & très-indépendante ne secouât imperceptiblement le joug des regles. […] Bien plus, il est supérieur à Corneille, à Racine, à Despreaux, non-seulement pour l’élévation du génie, mais par l’élégance, la noblesse, la correction du style. […] ce génie créateur, cet écrivain inimitable, si fécond, si charmant, si amusant, il faut des ordres pour le faire jouer, des invitations pour le faire écouter quatre ou cinq fois l’année ! […] Le fonds est très-peu de chose : il a fallu pour fournir trois actes implorer le secours du machiniste, & faire jouer toutes les machines, magiciens, démons, dieux, génies, pluie de feu, foudre, tremblement de terre ; on a même fait venir une épisode des amours de Bacchus & d’Ariadne, qui tient un acte, par une belle entrée triomphante qu’on leur accorde.
Il ne s’agit plus que de les soutenir dans la même action, ce qui n’est pas difficile avec un peu de génie. […] De pareils traits de génie & de gout, distinguent les ouvrages des grands hommes.
On y voit des paysages, des foires, des portraits de toute espece, chaque Peintre suit son génie, sur-tout dans ce qui n’est fait que pour se divertir. […] Son génie fut favorablement secondé par l’excès auquel les ridicules étoient portés de son temps. […] Les Auteurs étoient des honnêtes gens, qui, malgré les écarts & la frivolité du génie, respectoient la religion & la vertu.
Les Généraux François découvrirent alors le génie de ce Roi, M. de Bellisle m’a dit souvent qu’il n’en avoit pas été la dupe : mais il comptoit que l’armée françoise le forceroit à être fidele. […] J’admire la hardiesse d’un génie si vanté. […] La routine suffit à l’Officier subalterne, il faut du génie au supérieur.
Me plonger dans l’amour, m’y concentrer sans cesse Vient s’emparer de toi la moitié de toi-même… Que peuvent la raison, la grace, le génie ? […] Il est sans génie & sans esprit ; tout son génie est un instinct ; ce n’est qu’une bête, il l’ignoroit lui-même ; il étoit sublime sans le savoir .
Quand les plus célébres Poëtes ont médité les principes de l’art toute leur vie ; quand ils ont passé les jours & les nuits à consulter les Anciens, à se nourrir des beautés de leurs ouvrages ; quand ils ont puisé les plus grands traits de leurs Poëmes dans ces sources ; quand après des refléxions profondes, des veilles opiniâtres, & avec un génie brillant, ils se sont à peine crus en état de porter ce noble fardeau, & n’ont proposé leurs découvertes qu’avec modestie, & que comme des doutes ; nous verrons des enfans sans principes, sans connoissances, s’abandonner à une yvresse aveugle, & se croire supérieurs à tout ce qu’exige le Théatre ?
A présent tout s’y trouve conforme au génie délicat du siécle ; les portraits sont tirés d’après nature, il régne dans toute la piece une illusion séduisante ; le cœur qu’elle a le don d’intéresser, se suppose volontiers en la place des interlocuteurs, & puise des vices réels dans le spectacle des passions imaginaires.
Collier ne s’en formalisera point, lui qui connaît toute la délicatesse, et du langage et du génie Français.
Entre tous les genres de Poésie, celui qui demande particulièrement un talent naturel, et un génie supérieur, c’est la Poésie dramatique.
[NDA] Observation sur la Comédie et sur le génie de Molière.
C’est ainsi qu’un homme à qui la corruption de son cœur tient lieu de génie, enfantera sans peine des Scènes lubriques ; et que la facilité du métier invite apparemment tant de personnes à s’en mêler. […] De sorte que son génie heureux semble l’abandonner dès qu’il veut en faire un indigne usage. […] en ce Génie dont il suivait les lumières pour se gouverner. […] C’est ici un plan sans modèle, un système de génie, un nouveau champ d’iniquité que personne avant nos Poètes n’avait imaginé.
Mon dessein n’est point de le mettre en parallele avec les Génies célèbres dont je parle ici. […] Un Poète doué d’un génie vaste & profond, ne se soutient pas toujours ; à côté d’un morceau plein de chaleur & de force, on voit souvent un endroit faible.
La vertu doit diriger les talens & guider le génie : sans elle ils sont aveugles, & ne peuvent qu’égarer.
Nous tâcherons d’apprécier ces brillantes qualifications de génie, de sublime, de grand, de chef-d’œuvre, si aisément prodiguées aux auteurs, aux acteurs, aux musiciens, aux danseurs, aux décorations, aux machines.
Pour les auteurs étrangers, il ne loue que Neuton, grand génie, il est vrai, & digne de l’eloge : mais il n’est pas le seul ; l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ont les leurs. […] Ce cercle lui donne libéralement le goût, les graces, les talents, le génie, le discernement & toutes les connoissances, Entraîné par le tourbillon de ces suffrages, & par le vent d’une gloire si brillante, il n’imagine pas seulement qu’il puisse faire des fautes, & qu’il puisse exister ailleurs quelque merite. […] Les ballets ne veulent point de paroles, on n’y parle que par les bras & les jambes : mais il faut un génie poëtique pour l’inventer, être peintre pour le dessiner, être musicien pour l’animer & l’approprier à ce qu’on doit représenter.
Les Coëffeurs des Dames traitent le métier des Perruquiers d’art méchanique, & mettent leur profession au rang des arts libéraux ; ils appellent leurs ouvrages des création de génie, des chef-d’œuvres d’invention & de goût. […] Tout cela demande un tact, une intelligence, un génie pour lequel il faut être né. En vain à la toilette un médiocre baigneur pense de la coëffure atteindre la hauteur, s’il ne sent point du ciel l’influence secrette, dans son génie étroit il est toujours captif.
Les auteurs tragiques sont donc obligés, s’ils veulent exprimer une idée forte, de tourmenter leur génie pour la couvrir du voile de l’allégorie. […] Et l’on oseroit ainsi fermer la carriere, limiter le nombre des concurrens, et fixer des bornes à l’industrie, au talent et au génie. […] La connoissance de la hiérarchie dramatique étoit véritablement une science difficile à acquérir, et l’on ne sauroit trop admirer le génie fécond du ministre de Paris, pour trouver le moyen d’accorder de nouveaux priviléges sans enfreizidre les anciens.
Je l’avoue donc avec sincérité ; je sens dans toute son étendue le grand bien que produiroit la suppression entiere du théatre, & je conviens sans peine de tout ce que tant de personnes graves & d’un génie supérieur ont écrit sur cet objet ». […] On sait que Quinault & Lamothe ont baigné de leurs larmes les lauriers qu’ils devoient plus au génie qu’au travail.
Nos Réflexions fourniroient à un homme de génie des matériaux pour plusieurs volumes. […] C’est l’ouvrage d’un homme d’esprit qui n’a point l’usage du monde, du moins dont son état tient le génie enchaîné dans un cercle étroit de sévère bienséance.
Ce serait, en conscience, trop mal penser de leur génie.
Le génie des pièces comiques est de chercher la bouffonnerie : César même ne trouvait pas que Térence fût assez plaisant : on veut plus d’emportement dans le risible ; et le goût qu’on avait pour Aristophane et pour Plaute, montre assez à quelle licence dégénère naturellement la plaisanterie.
Selon le génie des peuples & les usages des temps, la scène a signifié une tente, un pavillon ; c’étoit l’habitation des premiers hommes, tout se passoit dans les tentes ; les israëlites dans le désert, les soldats dans les armées, les scythes sur leurs charriots. […] Le comte de Rochefort étoit du nombre, & méritoit d’en être ; il ajoute fort naïvement, quoiqu’on aït accoutumé d’admirer tout ce que dit le Roi, nous étions trop chagrins pour avoir envie de rire : mais, comme le génie françois est d’oublier les maux dès qu’ils sont passés, nous ne nous en souvînmes plus à la premiere auberge ; nous ne parlâmes plus que de faire bonne chere ; & ces messieurs ayant trouvé le vin bon, ils en prirent tant qu’ils eurent besoin d’aller reposer . […] Il a beau être un génie supérieur, un écrivain inimitable, le premier des beaux esprits, qui n’a ni prédécesseur, ni successeur, ni égal ; il est rélégué dans le coin d’un cabinet, avec les rats & les vers, dont il a si bien décrit les hauts faits, avec lesquels il continue de s’entretenir encore. […] Elle est inutile aux poëtes, il suffit d’avoir du génie, de l’imagination, de la verves de sentir, d’imaginer fortement.
Victimes de nos applaudissements insensés, n’apprendrons-nous jamais combien mérite de mépris et de haine tout homme qui abuse, pour le malheur du genre humain, du génie et des talents que lui donna la Nature ? […] Rendre le Misanthrope amoureux n’était rien, le coup de génie est de l’avoir fait amoureux d’une coquette. […] La société des deux sexes, devenue trop commune et trop facile, a produit ces deux effets ; et c’est ainsi que l’esprit général de la galanterie étouffe à la fois le génie et l’amour. […] [NDA] Les femmes, en général, n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun, et n’ont aucun génie. […] J’estime son génie et respecte sa vieillesse ; mais, quelque honneur que je porte à sa personne, je ne dois que justice à ses Pièces, et je ne sais point acquitter mes dettes aux dépens du bien public et de la vérité.
Les Français, au contraire, veulent que le Drame marche d’un pas égal avec la Musique dans leur Opéra : leur génie peu musical1, sent qu’Euterpe ne lui suffit pas ; il faut que Melpomène ou Thalie se joignent à Terpsychore pour l’accompagner, & qu’on leur parle trois langages à la fois. […] Cette conséquence est juste & sévère ; mais ce qui doit en adoucir la dureté, c’est que le Mimisme est le plus perfectible de tous les dons de la nature par le travail & par l’art : il dépend moins du génie, que de sens exquis, délicats, faciles à ébranler ; les jeunes-gens sont tous capables d’imiter ; & pour peu qu’on cultive ce don, il deviendra, dans la plupart d’abord un talent, ensuite un art parfait. Je dis plus ; comme le génie dédaigne l’imitation, qu’il veut tout créer, si l’on en découvrait un parmi la jeunesse, il faudrait l’éloigner du Théâtre ; il y réussirait difficilement. Quel avantage pour la Nation, si des Citoyens éclairés, en même-tems qu’ils chercheraient le talent ordinaire de l’imitation, parvenaient à découvrir, dans quelques jeunes Elèves, les caractères du génie qui fait les grands hommes ! […] Les Ouvrages de Corneille, de Racine, de Crébillon, de Molière, paraissent être des productions mâles, sorties d’un cerveau mûr ; & ceux de quelques Auteurs modernes, des saillies brillantes, des éclairs de génie que laisse échapper une bouillante Jeunesse.
Le champ à moissonner sera toujours fertile, lorsque le Souvérain échauffera du feu de ses regards les germes du talent & du génie prêts à éclore. […] Il y a une infinité de génies qui n’attendent, pour se déclarer, que leurs ordres & leurs graces ». […] Supposés au contraire une société formée de jeunes éleves, venant déployer les graces naturelles de la jeunesse, devant le corps entier de la nation rassemblée ; le goût le plus sûr alors éclairera les talens ; les jugemens seront unanimes & sans contradiction ; l’émulation deviendra générale ; & le préjugé, d’accord enfin avec l’opinion, ne retiendra plus les productions du génie.
Il avoit un génie extraordinaire pour la guerre, mais rien ne le touchoit que son plaisir ; une bourgeoise l’amusoit aussi bien qu’une fille de qualité. […] Malgré ce génie prétendu extraordinaire pour la guerre, il ne réussit qu’à se faire dépouiller deux fois de ses États par la France, & emprisonner par l’Espagne & mourir en fugitif.
Cette Pièce fut représentée avec un succès prodigieux, que dès ce coup d’essai, l’on reconnut l’excellent génie de ce nouvel Auteur, et l’on jugea qu’il allait remettre la Comédie en crédit. […] Cela l’obligea d’associer à son privilège une personne de qualité d’un génie très singulier pour les machines de théâtre, et le Sieur Champeron qui était fort riche.
Le théâtre, comme tout le reste, doit sans doute, selon le génie des nations ou des siècles, le goût de la Cour ou de la ville, la diversité des modes, la variété des circonstances, le caractère des Auteurs, prendre des tons différents de modération ou de débauche, de différentes nuances de décence ou d’effronterie ; mais ce n’est que changer d’habit, le fond est toujours le même, c’est toujours une troupe de gens sans religion et sans mœurs, qui ne vit que des passions, des faiblesses, de l’oisiveté du public, qu’il entretient par des représentations le plus souvent licencieuses, toujours passionnées, et par conséquent toujours criminelles et dangereuses, et qui enseigne et facilite le vice, le rend agréable, en fournit l’objet, et y fait tomber la plupart des spectateurs. […] Jules-César avait le génie trop élevé pour s’amuser de bagatelles théâtrales, non par religion et par vertu, il ne fut jamais un modèle de sainteté, mais par grandeur d’âme, étendue d’esprit, vues profondes de politique ; il en méprisait jusqu’à la partie littéraire, il ne trouvait point dans les meilleures pièces connues de son temps, qu’on donne pour des chef-d’œuvres, le degré de perfection du bon comique, qu’il appelait vis comica, qui en effet est très rare, et qu’on ne trouve que très peu même dans Molière, malgré tout l’encens que brûlent sur ses autels ses vicieux adorateurs.
L’Apôtre d’une morale opposée au génie, au caractère, au gouvernement d’une nation, en est communément ou le jouet, ou le martyr. […] C’est le génie, c’est l’art du Poète qu’on admire, et qu’on applaudit dans la peinture du crime, comme dans celle de la vertu. […] » Si cela est, elles en sont moins capables des fortes productions du génie : mais tout cela est-il essentiel au goût des Arts ? […] Où sont même parmi les hommes les génies brûlants dont vous nous parlez ? […] Sans doute les talents et le génie ont un objet plus noble que le salaire du travail.
Enfin donc votre Academie Va faire un couvent de dévots ; L’art de penser & le génie En sont exclus par des cagots. […] On y voit quelques sentences utiles, quelques descriptions assez naturelles, mais le fond est très-peu de chose ; nul trait de génie, nulle élevation, une infinité de choses pillées de Boileau, de Moliere, de Voltaire, de Montesquieu, plutôt par reminiscence que par un plagiat affecté, une monotomie de pensées, de termes, de rimes, qui marque la plus grande stérilité.
143.) disent : Si l’on ôte au théatre cette modesti nécessaire aux bonnes mœurs, si on cherche à corrompre l’esprit & le cœur par des peintures agréables du vice, comme dans tous les maquignonages de Dancour, avec quelque génie qu’on exécute un dessein si pernicieux, on doit être regardé comme un empoisonneur qui donne un goût agréable à des liqueurs mortelles. […] Le spectacle Espagnol est plûtôt dans le romanesque de la chevalerie que dans la bassesse de l’obscénité ou la petitesse de la bouffonnerie : goût analogue au génie de ces peuples, dont les amours héroïques, filés au clair de la lune, sous les fenêtres d’une invisible, sont l’original des aventures de Don Quichotte, & d’ailleurs délicats, jaloux & constans, ne s’accommodent ni de la vénalité des Frétillons, ni de la légèreté des Zéphirs (noms de guerre de la… & du…), & n’accéderont jamais à des traités de société & de partage où on ne jouit qu’à son tour au prorata de la mise.
Qu’on dise de vous tout ce qu’on voudra, mais qu’on ne dise point que vous n’avez pas « quelques étincelles de ce feu qui échauffa autrefois ces grands Génies de l’Antiquité ». Vous ne craignez point de mourir comme eux, après avoir vécu comme eux, et vous ne pensez pas au misérable état de ces malheureux génies que vous regardez avec tant d’envie et d’admiration.
Au contraire, tout ce qu’il y a eu de Princes sages, vertueux, ou grands génies, Jules César lui-même, tout débauché qu’il était, l’ont méprisé, n’y ont paru que malgré eux et avec dégoût, ont supprimé les pensions des Acteurs, ont fait des lois sévères, sinon pour l’abolir, ce que la corruption des mœurs rendait presque impossible, du moins pour en réformer les abus, ce qui n’était guère plus facile. […] La voici, elle fera connaître le génie de l’Auteur, on y trouvera de très bonnes choses sur la comédie et les Comédiens de tous les temps.
Si monseigneur l’archevêque de Rouen avait eu pour le roi cette déférence qui doit germer et se développer dans le cœur de tout bon Français, et s’il eût pris l’avis du Gouvernement avec lequel il aurait dû se concerter sur le mandement qu’il a fulminé, certes, cet acte qui a réveillé tant de passions, tant de craintes et d’alarmes aurait subi de sages modifications ; la société n’en aurait pas été ébranlée aujourd’hui, car le gouvernement, qui connaît à fond le génie, l’esprit et le moral des Français, aurait, il n’en faut pas douter, fourni à ce prélat les moyens d’arriver à son but, sans heurter l’esprit du siècle et causer de nouveaux troubles.
Notre siècle qui ne croit pas être obligé de suivre votre jugement en toutes choses, nous donne tous les jours les marques de l’estime qu’il fait de ces sortes d’Ouvrages dont vous parlez avec tant de mépris, et malgré toutes ces maximes sévères que toujours quelque passion vous inspire, il ose prendre la liberté de considérer toutes les personnes en qui l’on voit luire quelques étincelles du feu qui échauffa autrefois ces grands Génies de l’Antiquité.
Quel service n’as-tu pas rendu au génie folâtre de la Chanson !
S’il est vrai qu’il y en a qui prétendent s’en faire un amusement pour l’utilité publique : j’admire leurs talents et leur beau génie ; mais je remercie Dieu de ne me les avoir pas donnés.
Après en avoir fait une politique, une guerriere, une héroïne, une reine, un génie supérieur, un orateur admirable, son historien, en bon janséniste, en fait une profonde théologienne, une habile controversiste, une interprête de l’Ecriture & des Peres. […] Ces trois mariages terminerent la piece avec sa vie ; & le Ministre le plus accrédité qui fût jamais, cet homme plus comédien que grand génie, alla sans doute recevoir dans le ciel des trésors plus précieux que les richesses immenses qu’il avoit ramassées sur la terre, & que ses nieces eurent bientôt dissipées. […] Ainsi tout se termine au tombeau dans les plus grands princes, dans les plus grands génies, dans les personnes dont la plus grande célébrité a répandu par tout la gloire.
J’ignore si un homme de génie peut inventer un genre de pieces, préférable à ceux qui sont établis ; mais ce nouveau genre, dites-vous, auroit besoin des talens de l’Auteur pour se soutenir, & périroit nécessairement avec lui. […] Il n’en est aucune qui n’entre dans la composition de leurs ouvrages, animées par le feu du génie elles acquierent cette force d’expression qui nous entraîne & nous subjugue. […] Le Comédien est un artiste imitateur ainsi que le Peintre, le Statuaire & le Musicien : il faut que comme eux le génie échauffe son imitation, & vivifie les productions de son art.
sans qu’aucune considération ait pu faire excepter de cette sévere loi ce prodige du siecle dernier, dont pour faire en deux mots le portrait, on pourroit dire ce que disoit un sage Payen d’un auteur tout semblable : qu’étant presque le seul qui pût mériter d’être vu & d’être écouté sur le théâtre, il étoit, d’autre part, le seul de tous ceux qu’on y voit, qui méritât de n’y jamais paroître : homme, en effet, qui, dans tout autre état que celui où son génie l’avoit jetté, eût été non-seulement l’honneur de sa patrie par la beauté de son esprit, non-seulement l’amour & les délices de la société par la bonté de son cœur, mais un modele de Christianisme même par l’austere probité & l’intégrité de ses mœurs. […] Un Auteur plus moderne, Courtisan célebre, l’un des plus beaux génies de son siecle, s’exprime à-peu-près dans les mêmes termes ; & que de mondains nous le disent encore tous les jours au lit de la mort !
Le génie sinistre qui semble diriger les opérations et fixer le goût de ce siècle, a imaginé de substituer des enfans aux comédiens, et de ne plus se servir de ceux-ci que comme d’instituteurs et de curateurs de ces jeunes baladins, qui parfaitement modelés sur le ton et les talens mimiques des anciens, ajouteroient aux attraits ordinaires des spectacles la candeur et l’intéressante naïveté de la jeunesse. […] Mais que dans l’essor de la première jeunesse, dans la crise du développement des qualités qui font le Chrétien et le citoyen, un enfant soit arraché à ses foyers paternels pour passer sous la puissance d’une troupe errante, pour faire avec le sacrifice de sa patrie celui de ses mœurs et de son honneur ; c’est un vol réel fait à l’Etat, c’est un crime de lèse-société humaine, aussi odieux en lui-même, qu’effrayant pour la contagion de l’exemple… Si dans une république où l’esprit d’intérêt étouffe les sentimens de la nature, où l’on vend et achète les hommes comme les ballots de toiles d’Inde, où la valeur n’est comptée pour rien, où le plus actif guerrier est moins considéré que le banquier le plus indolent, la législation ne s’occupe point d’un abus de cette espèce, c’est dans la nature même de son gouvernement et dans le génie de ses peuples, qu’elle trouvera les raisons de son indifférence.
La Bruyere est un Peintre qui fait la critique d’un portrait imposteur en lui donnant pour voisin le sien qui est très-fidèle, soit qu’inquiet, alarmé, embarrassé des suites, ce comique n’ait pas doné l’essor à son génie, soit qu’il se foit livré par goût au tabarinage qui chez lui l’emporte sur-tout ; il est certain que dans cette pièce comme dans toutes les autres, la moitié n’est que farce, & le portrait du sujet est croqué, la farce fait rire le peuple, l’irréligion applaudit au décri de la dévotion. […] Avant sa conversion il fréquentoit l’hôtel de Rambouillet, alors le rendez-vous des beaux esprits ; un génie aisé, un caractère aimable, une conversation amusante, beaucoup de facilité à faire des vers l’y firent goûter Voiture un des beaux esprits du temps en fut jaloux, & crut voir en lui un rival, & ne le traita pas bien.
Tout cela n’est ni de l’esprit ni du génie ; ce n’est qu’un grossier tabarinage que Moliere avoit cent fois entendu aux pilliers des Halles, où son père avoit sa boutique, & où il avoit passé ses premieres années, & dans les provinces, qu’il parcourut vingt ans en tabarin. […] Moliere a sacrifié les mœurs à son esprit, & son devoir à son génie.