Vous ignorez sans doute, en parlant ainsi, les défauts que le théâtre a réformés. […] Bien-loin d’instruire & de reprendre les grands, le théâtre entretient, flatte, augmente tous leurs défauts, l’oisiveté, la paresse, la frivolité, la raillerie, la mollesse, le luxe, la hauteur, l’ambition, la dissimulation, &c.
La prison l’a corrigé de ses défauts ; il en revient plus doux, plus patient, plus humain, plus équitable. […] On aura de la peine à me croire ; mais ce n’est que par défaut de vertu que cette vérité paroît nouvelle & peu croyable.
Le défaut ordinaire de notre Tragédie est de n’être point assez Pathétique, & de remettre presque toujours à la fin, l’Ame dans sa tranquillité. […] Les Poëtes Tragiques, pour augmenter les malheurs d’Œdippe, lui en donnent quatre, assez éloignés de l’enfance, d’où il résulte un défaut de vraisemblance.
Les critiques et les apologies qu’on a faites de la Tragédie du Cid, me dispensent d’en parler en détail : quelque défaut qu’on puisse y remarquer, le Cid sera toujours une Pièce remplie de beautés. […] J’ai exactement tenu parole, et si mes Lecteurs en doutaient, il me serait aisé de les détromper, et de leur faire voir qu’il y a nombre de Pièces qui pêchent par des défauts d’imagination et de conduite, que je me suis bien gardé de relever : suivant ce principe, je dirai librement ce que je pense sur l’Astrate de M.
Un philosophe, un homme libre, voit nécessairement plus de défauts dans son ami, que nous n’en voyons dans celui que le plaisir offre à nos cœurs dans le tourbillon des amusements et des affaires. […] La première pensée, la réflexion constante d’un sage, que le mécontentement vient à désabuser de cette chimère de perfection, qui l’avait séduit dans son ami, c’est j’étais libre, et je ne le suis plus ; vos défauts, que je suis obligé de supporter, sont des chaînes qui s’appesantissent chaque jour. […] Informez-vous de l’excès où s’emporta Mademoiselle Lecouvreurc dans les derniers temps de sa vie : vous saurez que furieuse d’une infidélité que lui faisait le Comte de Saxed, et le voyant entrer dans l’orchestre un jour qu’elle jouait le rôle de Phèdre, dans le moment qu’elle dit à Hippolyte, au défaut de ton bras, prête-moi ton épée ; elle sauta sur Hippolyte, lui arracha son épée, et la lança dans l’estomac du Comte, à la face de trois mille âmes.
Ils ont une difficulté à vaincre que n’avaient pas les Tragiques Grecs, & que n’éprouvent point les Auteurs modernes des grands Poèmes Dramatiques ; leurs Héros étant pour ainsi dire sous nos yeux, nous pouvons comparer la copie à l’original, nous en sentirions bientôt les défauts.
A leur âge, ils ne sont pas en état de suivre l’intrigue d’une Pièce, ni de faire des réflexions sur l’instruction qu’on peut tiret des défauts d’un caractère : ils n’ont des oreilles que pour entendre ce que l’on dit ; et ce qu’ils auront entendu, ils le répéteront sans cesse, et ne l’oublieront jamais.
[NDA] On ne peut s’empêcher de remarquer que c’est un défaut dans l’Avare de ce que la cassette se retrouve ; la passion favorite d’Harpagon étant l’avarice, il aurait fallu pour rendre la Pièce instructive, que cette avarice eut été punie, et Harpagon ne l’étant que du côté de son amour, qu’il est forcé de sacrifier, s’en console bientôt avec son argent.
L’Auteur des trois siecles, l’un de ses admirateurs, dit pourtant : Comment Moliere, Auteur seulement de trois ou quatre pieces achevées, & de tant d’autres dont le denouement est si peu naturel & les défauts si sensibles, comment avec une prose si négligée, des vers si peu exacts des caracteres outrés, est-il parvenu à se faire regarder comme le premier Poëte comique de tous les théatres connus… Ses comédies sont les seules qui aient eu le pouvoir de reformer les mœurs. […] Il est des défauts qui n’ont besoin que d’être fidélement retracés, pour ouvrir les yeux à ceux qui en sont atteints… Il a quelquefois avili ses talens en les faisant descendre à des plaisanteries basses. […] Cet excès de flatterie surprend dans un Ecrivain qui a de l’esprit, du goût, de la sincerité, de la sévérité, même dans le temps qu’il reconnoît ses défauts, & dans un homme qui avoit beaucoup moins de religion qu’un grand nombre d’autres qu’il poursuit dans tout son livre, non seulement avec zele, ce qui est très-louable, mais avec acharnement. ce qui ne l’est pas ; non-seulement Moliere n’a pas reformé les mœurs, mais il les a corrompues, plus que les nouveaux Philosophes, cet Ecrivain est un amateur du theatre, Auteur lui-même, qui s’entortille dans les éloges pour ne pas déplaire à ses amis, ni trahit tout-à-fait la vérité, & se déchaîne contre ses adversaires qui ne lui ont que trop donné prise, & l’ont cruellement offensé. […] Ce défaut dans les femmes est fort rare, on devroit bien plutôt attaquer les femmes ignorantes qui ne savent pas les élemens de la religion, ni les affaires de leur ménage, & ne connoissent que l’art de la parure, les jeux, les spectacles, la coqueterie ; elles sont en très-grand nombre, & font un très grand mal.
La raison n’a point été tellement éteinte en eux qu’ils n’aient bien connu les défauts les uns des autres : mais comme les sentiments, qui sont les suites des impressions qu’on a reçues des objets sensibles ont toujours prévalu dans le courant du Monde, personne durant plus de quatre mille ans n’a pu se connaître soi-même. […] De sorte qu’on ne peut mieux définir la Comédie, qu’une « assemblée de railleurs ou personne ne se connaît, et où chacun rit des défauts qui les rendent tous également coupables et ridicules ». […] On convient que la Comédie ne fait pas des Saints ; mais elle est, dit-on, un remède naturel à nos défauts, elle peut du moins réformer les dehors jusqu’à ce que la grâce réforme le dedans. Un Comique a le secret de montrer aux hommes leurs défauts sans qu’ils s’en puissent fâcher ; il y en a même qui assurent que ses bouffonneries avalent mieux que les plus morales et les plus sérieuses prédications.
Qu’on compte s’il est possible, la multitude d’acteurs, d’auteurs, de pieces qui ont paru depuis un siécle, ou verra si ce métier est fort difficile, les enfants mêmes font quelquefois entr’eux de petites représentations très comiques, & communément copient très-bien, & très-plaisamment leurs maîtres & leurs condisciples, connoissent leurs défauts, & se disent leurs vérités. […] Ce seroit un bien mince éloge pour tous les deux ; mais l’histoire dement tout cela, Ce Pontife de la maison de Médicis, dont on a beaucoup parlé, & en bien & en mal, qui eut en effet tous les défauts de sa maison, ne fut point un protecteur de la majeste tragique, & Bernard Bibiana que quelques-uns nomment Turcati, homme obscur, son domestique, tel que le Cardinal du Bois auprès du Duc d’Orléans Régent, sçut gagner ses bonnes graces, n’a ni chassé, mais plutôt attiré les histrions, ni introduit la bonne comédie, ni ne s’est embarrassé de la bonne, ni de la mauvaise, que pour servir les plaisirs de son Maître, à qui il devoit toute sa fortune. […] Quelques Papes ont été plus vicieux, comme Alexandre VI, un de ses prédécesseurs, aucun n’a approché de son luxe & de son faste ; ce défaut dont on ne se défend pas, dont on se fait gloire, que le public se fait honneur d’imiter, fut-il exempt de vice grossier, ce qui n’arrive jamais, est plus nuisible au bon gouvernement, que le vice même qu’on cache, qu’on punit dans les autres, & qu’on n’affecte pas d’imiter. […] Il en donnoit lui-même d’une autre espece, qu’aucun Souverain que je sçache n’a jamais donné. il étoit naturellement railleur, & se divertissoit de tout : le théatre avoit nourri, & beaucoup augmenté en lui ce défaut. […] Les deux caractères réunis de la Palui & de son rôle, s’aident mutuellement, rendent plus saillants & plus plaisants les traits des personnages ; ils se mocquent en même tems du défaut qu’on joue, & de leurs compatriotes.
Les défauts de Montagne n’ont pas échappé aux Anglois : le Spectateur, tom. […] Défauts si communs à tous les poëtes, sur-tout dramatiques, & à tous les suppôts de la Scène. […] Après avoir satyrisé les défauts & les vertus des autres, il publie aussi-tôt la part qu’il y a eu. […] On croit qu’il à formé le mot Egoïsme pour tourner ce défaut en ridicule ; & il est vrai que ce mot aujourd’hui reçu ne se trouve point dans les Auteurs qui ont écrit avant lui. […] Ciceron avoit ce défaut : il parloit toujours de lui-même ; on s’en moquoit à Rome, aussi-bien que d’Hostemus son rival, qui, par un égoïsme d’action aussi ridicule, étoit sans cesse tout occupé de sa parure, pour faire remarquer ses graces.
La familiarité, défaut ordinaire des personnes qui réfléchissent peu, est une sorte de frivolité pratique qui vient de la façon légère d'envisager les choses et les personnes, sans s'embarrasser de leur prix et de leurs droits. […] Il est si difficile de séparer les droits de la place des défauts de la personne.
J’avouerai qu’à l’examiner dans toute la sévérité de la règle, la critique est raisonnable ; mais s’il fallait s’en tenir à cette parfaite unité qu’on me demande, on aurait à reprocher ce défaut presque à tous les Ouvrages de Théâtre.
Reste donc à examiner si ces sortes de divertissements sont licites, et s’ils ne sont point accompagnés de circonstances et défauts qui les rendent illicites et condamnables ; et pour cet effet considérons-les, et les regardons dans l’esprit, et selon la règle des plus saints hommes qui nous aient précédés.
Au reste le dessein que je m’étais proposé, quand j’ai travaillé sur les Tragédies, a été de les examiner du côté des mœurs ; afin de bannir du Théâtre de la réforme toutes les Pièces où la passion d’amour est portée à des excès qui peuvent être préjudiciables plutôt qu’utiles : mais, en travaillant selon mon plan et, pour ainsi dire, en chemin faisant, j’ai trouvé que les désordres de l’amour étaient souvent si mal imaginés par les Poètes, qu’il m’a été quelquefois impossible de ne pas relever des défauts que j’ai cru apercevoir dans leurs Ouvrages ; et c’est sur cela que je crois devoir prévenir mon Lecteur, et lui faire connaître ce que je pense.
On conçoit, ou plutôt on a vu jusqu’où cela a été, surtout dans la classe la plus nombreuse de la société, après que ce frein naturel, déjà privé de l’appui de la religion, a été rompu aussi : on a vu que les enfants ont manqué de soumission et de respect à leurs parents, non seulement pour cause d’avarice, mais encore sous prétexte d’autres défauts qu’ils leur trouvaient : on a vu la contagion des mauvais exemples seconder partout le théâtre qui a ainsi dénaturé la majeure partie des jeunes gens, lesquels ont vieilli et sont devenus pères à leur tour, après avoir laissé contre eux mêmes à la génération suivante l’exemple de mépriser et insulter ses parents, et ainsi jusqu’à nous : enfin tout le monde doit voir aujourd’hui qu’au lieu de ces avanies publiques que Cléante fait à son père, avanies qui éveillent ou délient et mettent à l’aise les passions naissantes des enfants, il eût été bien plus sage de faire entendre à Harpagon, à l’insu de son fils, ou sans éclat, sans peinture irritante, ces paroles persuasives que j’emprunte d’un académicien célèbre : « Vos enfants sont vertueux, sensibles, reconnaissants, nés pour être votre consolation ; en leur refusant tout, en vous défiant d’eux, en les faisant rougir du vice honteux qui vous domine, savez-vous ce que vous faites ? […] Leurs valets se ligueront pour dérober à votre avarice les secours que vos enfants n’ont pu obtenir de votre amour ; la dissipation et le larcin seront le fruit de vos épargnes ; et vos enfants, devenus vicieux par votre faute et pour votre supplice, seront encore intéressants pour le public que vous révoltez. » Et pour compléter la leçon et en assurer mieux le succès, il aurait fallu de l’autre côté encourager aussi à la vertu la famille de cet avare, lui rappeler qu’il est du devoir absolu des enfants de respecter leur père, de supporter patiemment ses défauts sur lesquels ils doivent, à l’imitation du bon fils, jeter le manteau du respect et de l’amour ; que cette patience est l’exercice le plus noble, le plus méritoire que des enfants bien nés puissent faire de leur vertu ; que non seulement la voix du sang et celle de l’honneur, mais l’humanité et la religion, qui recommandent l’indulgence envers tous nos semblables, leur en font un devoir bien plus rigoureux envers leur père. […] Oui, d’après toutes les traditions qui les concernent, la douce harmonie d’un commerce pur régnait dans ces assemblées composées de l’élite du sexe, de femmes douées des plus belles qualités de l’âme, dont les petits défauts qu’on leur reprochait tenaient, pour la plupart, à ces qualités supérieures. […] En effet, ne faut-il pas être doué d’une excessive vertu, d’une extrême délicatesse, être bien austère, bien rigoriste, avoir beaucoup d’humeur et plus d’impatience encore qu’Alceste ; c’est-à-dire, être plus grand Misantrope, pour s’abandonner à gourmander, à satiriser indistinctement les personnes, ou leurs vices, leurs défauts, leurs travers et les goûts, les habitudes, les écrits, des paroles, des mots, des frivolités ; à frapper sans mesure, sans égards, des traits cruels du ridicule, la cour et la ville, hommes, femmes, tous les rangs, tous les ordres ?
Moliere fit lui-même la critique de la piece, moins pour en excuser les défauts que pour en tourner en ridicule les censeurs. […] Point d’état où il y ait plus de peines, de dangers & de devoirs : lien indissoluble, qui ne finit qu’avec la vie : obligation de travailler au salut l’un de l’autre, à celui des enfans & des domestiques, dont on doit rendre compte à Dieu, par conséquent d’instruire, veiller, corriger, édifier par une vie chrétienne : se supporter mutuellement dans ses défauts ; à quoi n’expose pas un mari une femme ambitieuse, des enfans dérangés, avec lesquels il faut passer la vie ? joindre l’usage des plaisirs permis avec l’éloignement parfait des illicites, la modération avec la liberté, le soin des biens au détachement du cœur : aimer tendrement sa compagne, sans partager ses défauts.
, aiment la vérité, lorsqu’elle leur montre sa lumière, et qu’elle brille à leurs yeux, et ils la haïssent, lorsqu’elle leur représente leurs défauts, et qu’elle les pique jusqu’au vif ; ils l’embrassent, lorsqu’elle leur découvre ses agréments et sa beauté, et ils ne la peuvent souffrir ; lorsqu’elle les découvre à eux-mêmes, parce qu’elles veulent asservir cette vérité à leurs affections, et non pas leurs affections à la vérité, et que l’amour de l’amour-propre l’emporte sur l’amour de la vérité. […] Si elle a quelque défaut naturel, on supplée à tout, les poudres changent la couleur des cheveux, le fard et les pommades unissent les visages, qui ne le sont pas ; les corps de jupes sont pleins d’artifice, pour corriger les défauts, et pour couvrir les difformités de la taille ; on charge ensuite le corps de rubans, dont la diversité des couleurs répond à la diversité des passions.
« Bien des gens disent fort sérieusement à Paris que Molière a plus corrigé de défauts à la cour et à la ville, lui seul, que tous les Prédicateurs ensemble, et je crois qu’on a raison, pourvu qu’on ne parle que de certaines qualités qui ne sont pas tant un crime qu’un faux goût, comme l’humeur des prudes et des précieuses, de ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en Marquis, qui ont toujours quelque pièce de leur façon à montrer, etc. Voilà les défauts dont les comédies de Molière ont un peu arrêté le cours, car pour la galanterie, l’envie, la fourberie, l’avarice, la vanité, et les autres crimes, je ne crois pas qu’elles leur aient fait beaucoup de mal. […] Mais c’est un des endroits de Corneille qui pèchent contre le jugement, et ne ravissent que ceux qui se laissent abuser aux faux brillants. » Soit défaut de jugement ou de piété, cette faute est ordinaire dans toutes les pièces où l’on s’avise de parler religion et vertu.
Les anciens législateurs qui ont inventé le spectacle ont moins songé à amuser ceux de leurs citoyens qui vivaient dans l’oisiveté qu’à instruire le peuple en le portant, par des exemples, à la haine du vice et à l’amour de la vertu : et effectivement, rien ne peut plus contribuer à guérir l’homme de ses défauts que de les exposer, comme on fait dans la comédie, à la risée et à la censure publique.
Il n’y a presque point de Tragédie qui ne satisfasse d’abord ces différentes dispositions de notre ame ; & c’est peutêtre en partie par cette raison que l’on voit plusieurs pieces de Théâtre avoir un succès surprenant dans les premieres représentations, tomber bientôt après, & échouer enfin dans l’opinion publique, parce que notre esprit n’étant plus soutenu par la nouveauté & la singularité de l’évenement, remarque bien plus les défauts qui se trouvent, ou dans la conduite de la Piece, ou dans les mœurs, ou dans l’expression. […] Il y a peu de cœurs absolument mauvais, comme il y en a peu d’absolument bons ; un homme qui n’auroit que des vices sans aucune trace de vertu, seroit une espece de monstre dans la nature ; un homme qui n’auroit que des vertus, sans aucune ombre de défauts, seroit un véritable prodige ; mais le monstre & le prodige sont également rares, ou plutôt on n’en trouve jamais de semblables dans le monde ; on remarque dans tous les hommes un mêlange de bien & de mal, une inclination naturelle pour l’ordre, une pente encore plus forte pour le désordre : ceux mêmes qui s’y laissent le plus entraîner, ne le font pas toujours, & à l’égard de toutes sortes d’objets : ils ont des intervalles de lumiere & de raison, pendant lesquels ils ne sont pas insensibles aux attraits de la Vertu. […] On est charmé de voir que l’ambition, que le desir de la vengeance, que les foiblesses de l’amour ne soient pas toujours incompatibles avec ces vertus, qui nous plaisent d’autant plus dans les héros du Théâtre, que nous les y trouvons souvent jointes à nos défauts. Que si le Poëte ose attaquer jusqu’à ces défauts, il ne cesse pas de nous intéresser par sa censure même. […] Ainsi par des effets contraires, mais qui naissent de la même cause, la Comédie nous inspire l’estime de nous-mêmes par le mépris des défauts dont nous croyons être exempts, & la Tragédie ne nous l’inspire pas moins par l’admiration des vertus que nous nous flattons de posséder, ou dont nous trouvons au moins les semences dans notre ame.
Ces derniers, dont il nous reste des représentations sur une infinité de monumens antiques, n’ont aucuns des défauts dont nous venons de parler.
Il est si vrai, que la Comédie, tant criminée par les Misomimes de tous les siècles, travailla néanmoins toujours a la correction des mœurs, que Dion-Chrisostome demandait aux Alexandrins, s’ils n’avaient pas quelque Poète comique, qui pût reprendre leurs défauts ; & le Réformateur-Comédien cite (page 83) l’exemple d’un homme corrigé par une Comédie personnelle, dont la Représentation avait été autorisée par le Souverain. […] Les Dramatiques doivent se rendre attentifs, avant de combattre un usage, un défaut apparent dans les mœurs, à considérer s’il ne tient pas à des vertus qu’on blesserait en le détruisant : il faut quelquefois laisser les mauvaises herbes dans son champ, de peur d’arracher avec elles les plantes salutaires. […] Les couleurs sombres & funestes, que donne aux passions l’Auteur du Drame, ne peuvent blesser personne, pas même ceux sur lesquels elles ont le plus d’empire ; l’amour-propre y met bon ordre, sans que l’effet du correctif en devienne moins efficace : ces défauts, ou ces vices trop réels qu’on se dissimule, frappent, au Théâtre, ils effraient ; on s’examine enfin, & l’on bannit peu-à-peu des imperfections, auxquelles on ne croit que fermer la porte de son cœur. […] L’amour-propre, quelque grand qu’il soit, ne nous fait jamais regarder nos défauts comme des qualités ; un laid visage est aussi laid pour celui qui le porte, que pour les autres. […] Les Comédies-Farces sont reléguées dans la onzième Classe, ainsi que les Pièces de simple amusement, & généralement presque toutes celles des Auteurs-Comédiens, dont l’inutilité morale ferait toute seule un assez grand défaut, quand le trop libre de l’Actricisme & de l’expression, ne les rendrais pas repréhensibles.
Ils choisissent ceux qui ont des caracteres analogues à leurs rôles : ce qui assure aux enfans un défaut & quelquefois même un vice pour toute leur vie. […] Les jésuites, dans l’instruction des jeunes régens, suivoient cette idée pour sujet des discours qu’ils leur donnoient à composer : ils choisissoient une matiere opposée à leur défaut. […] de concentrer leurs défauts dans leur caractere ? […] Mais, sur le théatre public comme sur celui de collège, il résulte de ce choix le même inconvénient ; la représentation repêtrit le caractere & concentre les défauts, une fille galante se fortifie dans son libertinage, l’acteur prince est plus orgueilleux, le valet, la soubrette plus faquins & plus indécens. […] Tous les jours les défauts, les foiblesses, l’ignorance d’un précepteur décréditent ses instructions, en rendant sa personne méprisable, & l’on veut qu’un enfant respecte un chien & un âne, se forme à son école, & qu’il prenne pour vrai ce qui n’est pas même vraisemblable, ou plutôt ce qui est contre la nature & l’état des choses qu’il connoît le mieux !
On trouve de fort beaux morceaux dans cet ouvrage, que ses fautes ne doivent pas empêcher d’estimer, comme aussi le phénomene de la réputation ne doit pas aveugler sur ses défauts. […] Les circonstances font la vogue plus que le mérite, & causent la chûte plus que les défauts. […] C’est à peu-près le défaut de tous nos dramatiques. […] Mais le silence qu’il garde sur ses défauts essentiels, & l’excès de ses louanges, fait soupçonner l’Auteur d’avoir fourni l’extrait au Journaliste. […] De tous les temps le Théatre est partagé entre les grands & les petits, les Princes & le peuple ; on ne rit pas des défauts des grands, quoique souvent très-ridicules, on rit de ses inférieurs & de ses semblables ; on plaint les malheurs d’un artisan, on loue ses vertus, souvent très-respectables ; mais on ne chausse pas pour lui le cothurne, comme on ne couvre pas un Roi de haillons, ni un paysan de la pourpre.
On ne s’apperçoit que trop dans Corneille de ce défaut d’élégance dans le tour & dans l’expression, qui influe beaucoup sur le fond des choses. […] Il y en a une infinité dans les Tragédies de Racine, & qui n’ont pas comme celui dont il est ici question, le défaut d’approcher un peu trop du comique ; entr’autres le demi-vers de Pyrrhus, lorsque ce Prince déterminé malgré lui à contenter les Grecs, à leur livrer Astyanax, & à recevoir la main d’Hermione, rencontre sur ses pas, au lieu de la Princesse qu’il cherchoit, Andromaque éplorée qui se jette à ses pieds, & qu’attendri par ses larmes & par sa beauté, mais gêné par la présence de son Ministre, les premiers mots qui sortent de sa bouche sont ceux-ci, va m’attendre, Phœnix. […] Cette imperfection, qui n’est pas médiocre, est peut-être l’unique défaut de cette excellente Tragédie. […] Cette tragédie seroit sans défaut, si le sauvage Hippolyte n’aimoit, au lieu d’Aricie, que son arc, ses javelots & son char. […] Ses défenseurs, au contraire, n’ont eu ni la force de l’abandonner sur ses défauts, ni le courage d’attaquer ceux de Corneille, qui sont les mêmes en matière d’Amour, j’entends l’abus qu’ils en ont fait l’un & l’autre ; & de trancher la dispute, en disant hardiment qu’Athalie est le chef-d’œuvre du Théatre, & de l’esprit humain.
Si dans la comédie ce ridicule n’étoit jeté que sur les vices, elle n’en deviendroit pas pour cela tout-à fait excusable ; parce qu’elle a en elle-même des défauts que rien ne peut couvrir aux yeux de la religion. Mais que faut-il en penser, si ce ridicule est le plus souvent répandu sur la vertu même ; ou si en épargnant les vices les plus criminels, on se contente de blâmer des défauts ou des usages qui ne sont incompatibles ni avec la probité, ni avec la religion ? […] Et cependant, on ne rougit point de mettre un tel homme au nombre de ceux qui ont le plus illustré leur siècle ; on porte la prévention & le blasphême jusqu’à dire qu’il a plus corrigé de défauts que les Ministres mêmes de la parole de Dieu.
Absalon fils de David, si cher à son pere, & si peu digne de l’être, passoit pour le plus bel homme du Royaume d’Israel de la tête aux pieds, il étoit sans défauts, sa chevelure extrêmement longue faisoit sa plus grande beauté ; il en étoit trés-curieux. […] C’est-là que l’orgueil succombe, C’est-là que le masque tombe, Qui couvroit tous les défauts. […] C’est le revenant bon de leur chaste métier ; on a partagé cette tête creuse, on en a conservé le derriere, en le perfectionnant ; ce n’est plus qu’une calote ; elle avoit autrefois des cheveux empruntés, soit en peinture, ou en plâtre, ou réellement attachés, ce qui faisoit des chevelures blondes, noires, bouclées, frisées au gré de l’acteur, aussi-bien que les sourcils & la barbe, selon son goût ; on a conservé le derriere qu’on a rendu plus commode par des perruques à reseau, qu’on porte par-tout, aulieu que les anciens masques ne pouvoient servir que sur le théatre ; ils auroient été aussi incommodes que ridicules, par ce moyen, à peu de frais, & sans embarras, le vieillard rajeunit, la laide s’embellit, l’abbé, le magistrat se déguisent, la femme se travestit en homme, & l’homme en femme, on prend comme sur le théatre, les attributs du rôle qu’on veut jouer, & ce qui est très-commode, la moitié de la toilette se fait chez le baigneur, d’où l’on porte une très-belle tête toute faite, qu’on adapte au visage qu’on vient de fabriquer, ainsi se continue la comédie ; car la vie d’un joli homme, d’une jolie femme, n’est dans l’exacte vérité, qu’une comédie perpétuelle, où l’on joue les mœurs, la Réligion & le bon sens ; ces masques mobiles de la tête, font quelquefois sur le théatre & dans les piéces, les plus ridicules, le spectacle le plus comique, César qui étoit chauve, ne trouva d’autre coëffure pour cacher ce défaut, qu’une couronne de laurier.
Le seul défaut, mais léger, est un style trop élevé pour des paysannes, & des traits de la sable qu’elles ne connoissent pas : tels que le jugement de Paris & la pomme d’or donnée à la plus belle des déesses. […] La description voluptueuse des graces & de la parure des Rosieres, les sentimens amoureux qu’elles excitent & qu’elles éprouvent, le langage galant qu’on leur tient, leur facilité à l’écouter & à y répondre, les rivalités qui forment l’intrigue, jusqu’à la maniere ingénieuse si opposée au caractere des paysans : défaut qu’on reproche avec raison aux églogues de Fontenelle. […] Cette condition combat sa piece & celle de son éleve, qui toutes deux donnent aux parens de leurs Rosieres de grands défauts, même des vices.
On soutient contre lui, que la comédie préserve de beaucoup de défauts & même de vices. On répéte ce propos usé, « que Molière a plus corrigé de défauts à la cour, lui seul, que tous les prédicateurs ensemble ».
Avec trop de régularité on mérite le reproche que Pline le jeune faisoit à un Orateur de son tems : « Il n’a pas d’autre défaut, disoit-il, que celui de n’en avoir point ; & c’en est un très-grand. » Il n’y a guére d’homme de sens qui ne préférât des traits de génie, suivis de quelques fautes, à une composition qui ne seroit que réguliére.
Ce défaut paraît surtout dans les Ouvrages d’Euripide, & particulièrement dans son Iphigénie.
Enfin, je soûtiens qu’elle produit un effet extrémement fâcheux en tournant de certains défauts en ridicules.
Il faut encore que l’entrée & la sortie des Acteurs n’ayent rien de gêné ; l’homme d’esprit s’en moquerait autant que s’il appercevait un pareil défaut dans une Tragédie en récit, ou dans une Comédie. […] Il est donc naturel que cette Divinité bienfaisante vienne au secours de ceux qu’elle chérit ; & nous ne tombons pas tout-à-fait dans le défaut de la Tragédie des Grecs. […] L’unité de lieu n’est point observée dans le grand-Opéra ; j’ôse avancer qu’elle y ferait un défaut. […] 59 Les Poèmes chantans qu’on a représenté depuis quelques années à la Cour, ont sur-tout le défaut de la sécheresse & des anti-thèses.
« C’est un moyen, dit-il, de dire la vérité aux Grands, à qui tout la déguise, et que tout s’empresse de flatter : on peut, sous des noms empruntés, y tourner leurs défauts en ridicule, et les en corriger. » L’expérience dément en tout ce raisonnement. […] Bien loin d’instruire et de reprendre les Grands, le théâtre entretient, flatte, augmente tous leurs défauts, oisiveté, paresse, frivolité, raillerie, mollesse, faste, luxe, hauteur, ambition, dissimulation, intrigue, etc. bien plus dangereusement que pour la bourgeoisie et le peuple, parce qu’il leur en fait un mérite, un air de dignité, un devoir d’état, un apanage de la naissance, surtout il nourrit leur vanité.
Véritablement quelques personnes s’étaient avisées de dire que Molière avait plus corrigé de défauts à la Cour et à la Ville lui seul, que tous les Prédicateurs ensemble : mais comme a dit fort judicieusement l’Auteur de la République des Lettres Avril. 1684. p. 201. […] Que l’Apologiste des Comédiens apprenne donc même des gens du monde, à n’attribuer à la Comédie qu’un très petit avantage par rapport à quelques affectations ridicules et à quelques défauts purement extérieurs : ce qui n’est rien en comparaison des maux réels et souvent irréparables qu’elle produit dans les consciences.
Linguet, après avoir soutenu avec courage le parallele des deux scènes de Paris & de Madrid, dans le détail des ornemens, ballets, intermedes, actrices, sifflets, &c. attaque avec la même intrépidité les légions dramatiques de cette puissante monarchie, il en critique les défauts : longueur énorme des pieces, ridicule des habits contraires au costume, par l’attachement aveugle de la nation à ses usages, mépris des regles, point d’unité, d’action, de lieu, de temps, enfant au premier acte, & barbon au dernier . […] Les unes sont cachées par la vanité de leurs éditeurs, qui déguisent leur emprunt ; les autres défigurées par les copistes mal habiles, qui les chargent de leurs défauts. […] Son ouvrage, quoique avec des défauts, n’est pas indigne de l’accueil que lui a fait le public.
Les premiers Poëtes dramatiques, dit-il, n’étoient pas regardés à Athènes, & ne se regardoient pas eux-mêmes comme des gens stériles, uniquement faits pour amuser le public ; c’étoit une espèce de Magistrats, de Censeurs, chargés de conserver les bonnes mœurs par la représentation théatrale, de calmer les passions par la terreur & la pitié, & de corriger des moindres défauts par le ridicule (c’est beaucoup donner à ce peuple, le plus corrompu & le plus frivole). […] Mais elle néglige les vices, la flatterie, la bassesse, l’ambition, le libertinage, la fourberie, le mensonge : défauts bien plus essentiels que les ridicules dont elle s’amuse. […] Mais s’il s’y trouve quelqu’un de ces défauts, on pèche mortellement.
Warwick a plu malgré la critique, qui prouve qu’une piéce a des grandes beautés si elle a des défauts ; & l’Auteur doit être bien encouragé par des succès qui lui en promettent de nouveaux.
Le moyen que je viens de proposer, pour rendre utile le Théâtre-Ephébique, n’est pas le seul ; il en est un autre, peut-être moins avantageux pour les jeunes Acteurs, mais dont l’effet serait plus présent pour le Public : Qu’on abandonne tout-à-fait le mauvais genre de Pièces, adopté, faute de pouvoir mieux par le Néomime soumis au caprice des Grands-Comédiens : au lieu d’intrigues communes & triviales, de passions froides, dont l’expression est aussi gauche que messéante dans la bouche des Enfans-acteurs, qu’ils jouent de petites Pièces plus proportionnées à leur âge ; par exemple, que ces nouvelles Atellanes peignent les passions, les goûts, les défauts de l’Enfance : qu’on prenne encore des sujets naïfs dans les Fables de Lafontaine de Lamotte &c.
Ses cinq ou six pieces ont quelques beautés, mais bien des défauts. […] Au défaut de raisons solides, j’appelois à mon secours tous les grands & frêles raisonnemens des apologistes du théatre.
Je conviendrai encore, que si j’avais voulu soutenir le contraire, on aurait eu sujet de se moquer de moi ; ses plus grands partisans n’auraient pû s’empêcher de rire des éfforts qu’il m’aurait fallu faire, pour prouver que des défauts sont des beautés. […] Quand j’ai montré les défauts de stile des Drames Modernes ; j’ai tiré tous mes éxemples des meilleurs Poèmes du nouveau Spectacle ; je vais prendre aussi mes remarques dans les plus célèbres Auteurs.
Il jouoit plus souvent dans les Comédies que dans les Tragédies, soit qu’il fût mécontent des Tragédies Romaines, soit qu’il lui fût plus aisé dans la Comédie de cacher le défaut de ses yeux, qui étoient de travers. […] Horace a sans doute raison dans sa seconde critique ; mais comment le défaut qu’il trouve dans les modes de Plaute, pourroit-il nous frapper aujourd’hui, puisque du tems même d’Horace tout Romain n’étoit pas bon Juge de cette partie de la Poësie ?
Rolin, ancien Recteur, et toute sa vie Professeur de l’Université, après avoir détaillé les embarras des Régents, la difficulté de composer des pièces, de trouver des écoliers propres, et de les contenir quand ils se croient nécessaires, la dépense du spectacle, le peu de succès, le risque pour la santé, la perte du temps deux ou trois mois à l’avance, l’inutilité de tant de peines, les écoliers oubliant le lendemain ce qu’ils ont appris, le soin de corriger les pièces, de les mutiler, en retranchant les rôles des femmes, ajoute fort sensément : « Il peut y avoir dans cet usage un défaut commun aux bonnes et aux mauvaises tragédies. […] Au défaut de paroles, elle s’exprime par l’énergie de ses pas ; son air enjoué et modeste, vif et réglé, fait entendre le reste.
D’ailleurs, les hommes se montrent quelquefois, au théâtre, dans leur grandeur naturelle ; Sertorius et Pompée n’ont rien de gigantesque, et le siècle précédent vit naître deux Héros que Corneille peut-être avait pris pour ses modèles, « sans se proposer pour objet ce qui n’est point, ni laisser, entre le défaut et l’excès, ce qui est. » S’il est vrai qu’à force de vouloir instruire les spectateurs, on ne les instruit plus ; il faut convenir que toutes les productions de l’esprit auront du moins le même sort, et qu’on doit cesser d’écrire ; et ce n’est certainement pas l’avis de vos lecteurs. […] Je rejette une foule de Pièces dont les beautés8 et l’utilité surpassent les défauts et les inconvénients ; dans le dessein où je suis de traiter, quelque jour, cette matière plus amplement.
Au défaut de solides raisons, j’appellois à mon secours tous les grands & frêles raisonnements des Apologistes du Théâtre ; je tirois même des moyens personnels d’Apologie de mon attention à ne rien écrire qui ne pût être soumis à toutes les Loix des mœurs : mais tous ces secours ne pouvoient rien pour ma tranquillité.
J’aime mieux attribuer au défaut de mémoire l’omission que je vous reproche : vous avez oublié une partie du Cathéchisme que vos parens chrétiens n’ont pas négligé de vous inculquer dès l’enfance ; ce grand nombre de Vers que vous sçavez par routine se trouveroit embarrassé des maximes de notre sainte Religion ; c’est un contraste qu’on ne peut soutenir long-temps, & l’on retient plus volontiers les choses dont le poids est moins pénible.
On peut, d’après Juvenal, dire des Français, dignes émules des Romains : Ce peuple si supérieur aux autres peuples, qui donne le ton de l’élégance et des grâces, des sciences et des arts, de la littérature et de la parure, après avoir vaincu le monde, est à son tour vaincu par la comédie, et borne tous ses désirs à avoir du pain et des théâtres : « Qui dabat olim imperium … fasces, legiones, duas tantum res anxius optat, panem et circenses. » Les papiers publics en font chaque semaine une honorable mention, les Mercure, les affiches, les journaux, les feuilles de Desfontaines, de Fréron, de la Porte, transmettent à la postérité les événements importants du monde dramatique ; on célèbre le début d’une Actrice, les hommages poétiques de ses amants, les compliments d’ouverture et de clôture ; on détaille avec soin les beautés, les défauts, les succès, les revers de chaque pièce ; on en présente à toute la France de longs morceaux avec les noms fameux de Valère et de Colombine.
Puisque les Modernes ne savent parler que de l’amour sur la Scène, ce qui est la marque certaine, ou d’une corruption générale, ou d’un défaut de génie dans le plus grand nombre des Poètes ; outre qu’ils ne devraient jamais traiter cette passion que dans la vue d’instruire les Spectateurs ; ils pourraient encore joindre à cette passion, devenue instructive, plusieurs autres espèces d’intérêts que la raison et les devoirs autorisent : ainsi on pourrait traiter des sujets de l’amour conjugal, de l’amour paternel, de l’amour filial, de l’amour de la Patrie : voilà des intérêts tendres et vifs, qui seraient nouveaux et très convenables au Théâtre ; intérêts qui peuvent avoir leurs degrés, suivant les circonstances dans lesquelles on peut les saisir, et suivant les différents caractères des hommes que l’on introduirait sur la Scène : par exemple, l’imprudence, la faiblesse, la fermeté, la complaisance, la colère, et toutes les autres passions qui s’associent dans le cœur humain à la passion dominante, ne feraient-elles pas paraître, dans la personne qui serait occupée de quelques-uns de ces sentiments, une infinité de caractères marqués et différents entre eux, qui seraient combattus par la force du raisonnement et par l’ascendant du caractère ?
Le Misanthrope dont nous venons de parler, n’est pas une Pièce où cette passion paraisse avec les défauts contre lesquels je me suis si fort révolté ; les Amants de la Coquette aiment plutôt en petits Maîtres et en étourdis, qu’en hommes véritablement amoureux : Célimène fait son métier, et le Misanthrope, quoique passionné, traite l’amour suivant son caractère qui influe beaucoup sur sa passion, ce que le grand Molière n’a pas négligé en travaillant : je cherchais donc dans une Comédie un de ces excès de la passion d’amour qui portent les Amants à tout tenter pour se satisfaire : qui les rendent aveugles : en un mot un de ces excès qui font regarder les Amants comme des insensés, et qui leur attirent tout à la fois l’indignation et la compassion des Spectateurs, et je l’ai trouvé à la fin.
Défaut trop commun chez les peintres, les sculpteurs, les imprimeurs-libraires, soit parce que ces ouvrages flattent leurs passions, soit parce qu’ils se débitent mieux, & sont mieux payés que les autres. […] Cet homme à part, cette subite métamorphose sont un vrai galimatias ; ce talent suprême, cette rareté, cet esprit, ce caractere distinctifs sont des excès de ridicule ; sa naïveté sans doute est une grace, quand elle est placée à propos : mais elle a ses défauts aussi, & n’a jamais joui, non-plus que les autres talens, du privilége d’être exempte de discussion. […] Ses meilleures pieces ont de grands défauts, ses farces ne méritent pas même la critique.
et même de nos jours, ne voyons-nous pas ces mêmes défauts dans quelques-unes des Comédies les plus nouvelles? […] Mais, comme dit le grand Evêque que je viens de citer ae : "Pour changer leurs mœurs, et régler leur raison, les Chrétiens ont l’Eglise, et non pas le Théâtre" : l’amour n’est pas le seul défaut de la Comédie, la vengeance et l’ambition n’y sont pas traitées d’une manière moins dangereuse.
On appelle Bienséances, en morale, l’art de dérober la connoissance des défauts ou des vices mêmes, à des yeux qu’ils pourroient choquer, ou à des cœurs qu’ils pourroient féduire.
44, une critique judicieuse des drames espagnols, qui ne tombe pas moins sur les pieces françoises ; où, selon les brochures innombrables qui tous les jours innondent les théatres de Paris, se trouvent les mêmes défauts & de plus grands qu’à celui de Madrid, l’auteur se jette sur la morale, & dit : L’aversion que j’ai pour les comédies de notre temps, n’est pas moindre que celle que j’ai toujours eu pour les livres de chevalerie.
Ce défaut est très-commun dans les Tragédies, sur-tout aux prémiers Actes ; ce qui rend l’éxposition froide, & d’une longueur affreuse.
Son jugement sur les Théatres, & incidemment sur les défauts de l’Eloquence de notre siecle, 256. […] Défauts ordinaires des Poëtes, b, 90. […] Défauts de nos Tragédies, 49. […] Défauts de nos Pieces de Théatre, tant pour la morale que pour leur constitution littéraire, 374-387.
Cette femme célebre, soi-disant vierge, eut tous les défauts des femmes : fatuité du faste, idolâtrie de sa beauté, fureur des conquêtes, jalousie d’amour, rivalité de graces, emportement de colere, licence de privautés, & même leur imprudence, malgré sa politique. […] En mourant elle défendit de toucher à son corps, & de le voir nud, afin qu’on ne perdit pas l’idée qu’on avoit de sa beauté, & qu’on ne fut pas instruit de ses défauts cachés qu’on dit avoir été grands. […] Chez les femmes la beauté est le plus grand mérite ; il efface tous les défauts. […] C’est un grand défaut dans un Prince, en qui la libéralité, la générosité doivent être comme naturelles, & sont si faciles, puisqu’il a des trésors à distribuer, & qu’on lui tient compte des moindres choses.
Il y a d’ailleurs de grands défauts dans Héraclius. […] Le Spectateur emporté par la Représentation rapide d’une Action touchante, ne s’en apperçoit pas ; mais le Lecteur qui juge avec tranquillité, & que des Vers médiocres rendent encore plus tranquille, parce qu’ils le refroidissent, s’apperçoit des défauts des autres Parties, méprise la Piéce, & ne la reprend pas pour la lire ; cependant lui-même, s’il retourne à la Représentation, y sera peut être encore ému, ce qui ne prouve pas que l’Ouvrage soit celui d’un bon. […] Elles ne sont jamais non plus comptées par la voix publique, parmi les bonnes : mais le Spectateur, quand même il est instruit de leurs défauts, les leur pardonne, en faveur du plaisir qu’elles lui causent quelquefois dans la chaleur de la Représentation.
Il ne connoît de perfection que les mouvemens de la tendresse : la satisfaction couvre tous les défauts, & donne tout le mérite. […] Cette piece, qui a bien des défauts, est écrite avec élévation.
& n’est-ce pas précisément ce qu’on se propose, en découvrant, en livrant les défauts & les ridicules à la risée du public, au mépris des mondains, aux traits empoisonnées de l’irréligion ? […] Il faut prendre un époux par devoir, non par choix, Ramper sous son pouvoir, obéir à ses loix, Supporter ses défauts, honorer ses caprices, Le chérir, respecter jusqu’à ses injustices.
Les Comédiens voulurent supléer à ce défaut par de mauvaises Farces, le plus souvent insipides, ou remplies d’obscénités. […] Pendant que le Théâtre Français se rétablissait, que l’on y réparait ainsi tous les défauts qui l’avaient fait tomber autrefois dans le mépris ; que les nouvelles Pièces de Corneille, celles de Racine, de Quinault et de Molière, y ajoutaient tous les jours quelques agréments et quelques nouveaux degrés d’estime et d’honneur, les Vénitiens inventèrent chez eux les Opéra.
J’ai parlé ailleurs des amours surannés de Philoctète et de Jocaste :12 étant à Londres je lus ma Dissertation à M. de Voltaire qui, s’y trouvant nommé et critiqué, ne cessa pas de convenir que j’avais raison ; et qui me pria d’annoncer, lorsque je la ferais imprimer, qu’il était d’accord avec moi de tout ce que je disais : il ajouta qu’il avait senti lui-même ce défaut dans le cours des représentations, et qu’il était dans le dessein de le corriger, en retranchant le personnage de Philoctète pour y substituer Créon frère de Jocaste, ainsi que Sophocle l’a placé dans son Œdipe. […] Les Modernes pourraient critiquer l’Auteur de la Tragédie de Géta ; parce que ce Prince, ainsi que Justine sa maîtresse, sont représentés trop vertueux, sans donner lieu à la compassion des Spectateurs de s’affaiblir par la vue de quelque défaut, suivant qu’ils soutiennent que les Anciens ont fait : je pense, pour moi, que les Anciens n’ont jamais songé à diminuer la compassion des Spectateurs ; car ce serait avoir entrepris de faire violence à la nature, chose qu’on ne peut leur reprocher.
Fort de la pureté de mes intentions et de la certitude que mon opinion nouvelle, en cas d’erreur, et du reproche imminent d’avoir négligé ce précepte : Sumite materiam vestris qui scribitis æquam viribus , ne peut causer aucun mal, et pourrait encore, au contraire, donner quelques indications neuves et faire naître des idées utiles à d’autres écrivains plus exercés, qui considéreraient ce sujet sous de nouveaux points de vue ; j’aurai le courage d’écrire, de soumettre à la discussion la plus solennelle, et au jugement des hommes les mieux éclairés ce que je crois avoir remarqué de plus, en continuant de chercher de bonne foi, et sans d’autre passion que celle du bonheur commun, comment il s’est fait que, malgré toutes nos lumières et nos belles institutions, malgré nos immenses bibliothèques renfermant tant de plans et de systèmes, ou de bons livres destinés à nous améliorer, comme ceux qui paraissent encore tous les jours sous toutes les formes ; et malgré les exemples, les efforts successifs et continuels des orateurs les plus éloquents et les plus vertueux, et des sages les plus instruits, les plus persuasifs, secondés par les plus vigoureuses satires et censures ou critiques vivantes de nos personnes, de nos défauts et de nos vices, nous soyons toujours tombés en effet de plus en plus dans le relâchement, et soyons arrivés sitôt au degré de cette effrayante dissolution de mœurs dont un parti accuse aujourd’hui avec si peu de discernement ces moyens mêmes de réformation.
Cette différence entre les Histrions ou Bateleurs, et les représentateurs des Poèmes Dramatiques a été si peu connue des Modernes, que depuis plusieurs siècles les plus doctes Ecrivains s'y sont lourdement trompés ; car ils ont attribué tous les défauts des Mimes et Bateleurs scéniques, aux Comédiens et Tragédiens ; ils en ont confondu les noms, l'exercice, le mérite, les qualités, la réputation, et généralement toutes choses ; et je me suis cent fois étonné qu'une infinité de savants critiques se soient laissés fasciner les yeux, sans discerner combien ces différents Acteurs ont été distingués parmi les Anciens.
Si quelque défaut ou infirmité obligeoit de les couvrir tout-à-fait, la coquetterie n’y perdoit rien ; le bas & le chausson étoient de la couleur de chair, d’un tein de lys & de roses, & les bandelettes qui les tenoient en laissoient voir toute la forme, à quoi les Dames sont fort attentives. […] Les biens, les honneurs dont en l’a comblé, le faste des personnes distinguées dont on l’illustre, ne sont qu’un masque pour en couvrir la difformité ; la vanité humaine n’est occupée qu’à reparer des défauts.
On n’aurait garde de leur reprocher un défaut qui ne dépend pas de nous, on leur en ferait même un mérite, si s’élevant au-dessus de leur naissance, ils la faisaient oublier par leurs vertus, et la rachetaient par des talents utiles ; mais tout en eux rappelle la bassesse de leur extraction et dégraderait la plus haute noblesse. […] Le défaut de ces actes, sans autre discussion, suffit pour faire condamner un faux noble.
On y verroit en quoi les uns se démentent & ce qu’ils pourroient faire de mieux ; enfin les défauts de l’ordonnance, & des ressorts qui partiroient trop tard ou trop promptement.
En louant les poëtes ses confreres, Voltaire n’épargne pas Louis XIV, dont ils ont été les plus outrés panégyristes, les défauts du Héros décréditent l’éloge dont ils montrent le faux, & celui qui le fait dont ils font sentir la bassesse.
La Salle de l’Opera est achevée : à quelques défauts près, que la critique a relevés, elle surpasse toutes les autres Salles de Spectacle que nous avions encore vues en France*.
Le Sauveur du monde les a déchargées des preuves auxquelles les maris avaient droit dans le Judaïsme, contre celles qui n’avaient pas conservé pour le mariage leur cœur tout entier et leur premier amour : Et ce défaut de sagesse aussi bien que de justice envers un mari qu’on avait trompé en l’épousant, n’était pas seulement un empêchement dirimanta du mariage ; il était même puni de mort, conformément à la loi qui condamnait ces jeunes et secrètes pécheresses à être lapidées.
Par ces Empiriques j’entends les Corneille et les Racine, qui prêchent la vertu, si vous voulez, mais une vertu de Théâtre, une vertu louche, et qui n’est point capable de déraciner les défauts des hommes.
Celui qui délivre son frère d’un si grand péril, se rend digne d’une récompense éternelle ; et celui qui néglige de l’aider, ne peut être que coupable devant Dieu ; parce que, comme dit saint Ambroise, celui qui pouvant empêcher le mal, ne l’empêche pas par négligence, sert à rendre plus hardi celui qui le commet, et participe par conséquent à son péché ; et celui-là semble commettre une mauvaise action, qui pouvant la défendre la souffre sans rien dire par lâcheté de cœur, et par défaut de zèle.
Mais tout change ; et je vois trompant leurs surveillants, A l’aide d’un Valet, intriguer deux amants ; Sous le masque des Ris, la fine Dangevilleq , Jouer d’après nature, et la Cour et la Ville ; Tantôt d’un jeune objet servant la passion, Ecarter un témoin qui n’est point de saison ; L’instant d’après, Coquette ou Bourgeoise à la mode, D’un mari tout uni faire un époux commode ; Ou lorgnant un Galant, retirée à l’écart, Pour lui rendre un poulet, minauder avec art ; Soubrette inimitable, adroite, gaie, unie, Pour la peindre en trois mots, rivale de Thalier, Cette immortelle Actrice est seule sans défauts ; Dumesnil a ses jours, et Grandvals des égaux ; Là, j’aperçois Gaussin t, cette charmante Actrice Déguisée en Agnès, d’un air simple et novice, Exprimer ses désirs par sa tendre langueur, Et peindre dans ses yeux les miracles du cœur ; Retrouver dans l’Oracle une mine enfantine, Ou du Comte d’Olban triompher dans Nanineu.
Elle fait le charme de sa vie ; donc elle est sans défauts… mauvaise conclusion.
Ils sont sujets à des défauts. […] Laurisio, de l’Académie des Arcades, sur les défauts des Théatres modernes, & sur le moyen de les réformer. […] Il inspire la paresse & les autres défauts aussi dangereux à la société. […] Loin de vouloir qu’on perfectionne les Théatres, je ressens une véritable joie de leurs défauts littéraires. […] Cependant cet Auteur ne se livre pas à son zele jusqu’à s’aveugler sur les défauts, les dangers & la corruption actuelle de nos Théatres.
Au reste, quand je dis que notre Opéra fut purgé de ses indécences, & rendu parfait, il faut entendre qu’on le corrigea de ses défauts autant que sa mauvaise constitution put le permettre.
D’ailleurs ce Poète avait des défauts ; il y avait chez lui de vieux mots, des discours quelquefois embarrassés, des endroits qui sentaient le déclamateur.
Clement ; mais que l’on croit du troisiéme siécle, qui quoique avec bien de défauts ne sont pas sans mérite, parlent souvent du théatre. […] Un aveugle sera plus affecté d’une bonne piece, qu’un sourd ne le seroit d’une bonne gesticulation ; l’aveugle ne seroit pas blessé du défaut du Costumé, de la décoration, des habits mesquins, de la laideur des actrices, qui défigurent une piece ; mais aussi seroit-il privé de l’agrément qui résulte de la perfection de toutes ces choses, dont l’assemblage forme l’illusion & le plaisir, quand elles sont bien assorcies, & par conséquent le danger pour les bonnes mœurs.
La poudre avec ses pommades & ses essences, forment sur la tête une pâte qui produit le même effet ; delà bien des migraines, des vapeurs, souvent d’apoplexies, par le défaut de transpiration à la tête, que cette pâte intercepte. […] Le fard est un reméde, & vous n’en avez pas besoin, vous n’avez ni tache à couvrir, ni défaut à réparer sur votre visage : Non ulla tuæ medicina figuræ ; l’amour n’aime point l’artifice, les ornemens de l’art loin de plaire, dégoutent : Amor formæ non amat artificium.
Mais, s’ils sont excessifs, déplacés, affectés, peu naturels, c’est un fard, c’est un défaut. […] Le fard, la parure, ne sont que des artifices pour cacher ses défauts ou son indigence.
C’est l’un & l’autre ; elle a les défauts de tous les deux, & n’est ni l’un ni l’autre, elle n’a les vertus d’aucun. […] On les suit dans toutes leurs démarches, toilette, jeu, bal, spectacles, visites, compagnies, habits, parure, fard, lettres, portraits, intrigues, passions, &c. elles y sont anatomisées, & toujours ridiculement : aucun de leurs défauts qu’on n’y retrace, laideur, âge, affectation, mollesse, dépenses, fainéantise, emportemens, esprits faux, médisance, malignité, caprices, bizarrerie, infidélité, tout y est représenté ; il n’y a point de comédie où on n’en dise quelque mal, où le mari, le frère, les enfans, les domestiques les voisins, les étrangers, les amans n’en fassent des portraits hideux.
Mais c’est confondre le littérateur, qui parlant à l’Académie, n’envisage que la perfection de l’art, & propose ses réflexions littéraires sur les défauts & les beautés des pieces, comme nous faisons dans tout le cours de cet ouvrage, sans avoir jamais voulu approuver le théatre, ni cru possible de le réformer. […] On ajoute qu’à défaut des Acteurs ou Actrices, les Actionnaires, leurs femmes & enfans se sort chargés dans le bail de remplir les rôles.
Loin de nous le faire entendre, lorsqu’il parle d’un Comédien de son tems, dont les graces étoient si grandes, que les défauts qui auroient choqué dans un autre, plaisoient en lui, dans l’énumération de ses défauts, il comprend la voix & le geste, des mains jettées en l’air, & des exclamations trop longues, manus jactare & dulces exclamationes theatri causâ producere.
Ce qu’on applaudit le plus dans le rôle de madame Pointu, qui est bègue, c’est que ce défaut lui faisant répéter deux fois la première syllabe des mots calamité et pitié, elle dit deux incongruités. […] Ils ne peuvent que concevoir une haute opinion d’eux-mêmes et se former une fausse idée de ce qui constitue le vrai mérite, lorsque les femmes perdues, avec lesquelles ils vivent habituellement, et qui souvent deviennent éprises d’eux, les louent sur quelques minces avantages qu’ils possèdent, ou même sur quelques défauts que des femmes estimables n’ont pas toujours le courage de haïr, savoir, l’étourderie, le faste, l’arrogance, les grands airs.
La lettre de ce Prince surprise par ses surveillans entre les mains de Zaïre, & remise par eux à Roxane, auroit sauvé ce défaut de vraisemblance, & produit le même effet.
Je me suis un peu plus étendu sur ce sujet que je ne pensais parce qu’il serait à désirer que l’Ancien usage de la Comédie et Tragédie qui était autrefois si célèbre étant repurgéc de tant de défauts et d’impuretés fût remis en son lustre pour le contentement et l’utilité publique.
Mais depuis cette époque, on les a joués comme les autres ; leurs défauts, leurs vices, ont été une mine féconde qui a puissamment contribué à enrichir notre littérature.
Descartes et Gassendi ont découvert des vérités qu’Aristote ne connaissait pas : Corneille a trouvé des beautés pour le Théâtre qui ne lui étaient pas connues : nos Philosophes ont remarqué des erreurs dans sa Physique : nos Poètes ont vu des défauts dans sa Poétique, pour le moins à notre égard, toutes choses étant aussi changées qu’elles le sont.
Est ce aux Spectacles des Boulevards, & des Foires, que l’on va apprendre à se corriger des ses ridicules, de ses défauts & des ses vices ? […] La fatuité, le plus insupportable de tous les défauts. […] Ceux qui y entrent avec quelques dispositions pour le Théatre, les perdent ; les jeunes personnes du sexe, qui y montent, ne servent qu’à recruter… Nul goût, nulle sensibilité, nulle finesse, nul tact, nulle intelligence, en un mot, nul talent : voilà en général les défauts les plus pardonnables que l’on est à portée de remarquer dans le grand nombre des sujets qui composent ces Troupes Foraines ; & en vérité, Monsieur, ce serait se livrer à un travail inutile, & perdre son tems, que de chercher à se distinguer aux Trétaux, par des talens supérieurs ; en faut-il donc tant pour jetter des ordures au nez d’un Public qui les saisit, & les dévore avec avidité ? […] D’ailleurs ces Ouvriers, ces Artisans ne sauraient aller dans ces endroits vagabonds, sans contracter avec le goût de la paresse, mille défauts qui les rendent incapables, non seulement d’exceller dans leur profession, mais même de l’exercer avec honneur & utilité, tant pour eux, que pour le Public : en se rendant à quatre heures au Spectacle, & n’en sortant qu’à huit ou neuf, voilà plus d’un tiers de leurs journée de perdu : s’ils n’y vont que la nuit, le mal est bien plus grand encore, car outre la matinée qu’ils perdent le lendemain, pour ne pas frustrer le sommeil du tems qu’ils lui donnent, ils dérangent l’ordre de leur maison, & offrent un mauvais exemple à leurs enfans. […] 2.° En supposant que cette populace n’eut pas la pénétration d’esprit nécessaire, pour apprécier les beautés & connaître les défauts des Ouvrages de nos grands Maîtres, croit-on qu’elle n’en aura pas toujours assez pour deviner l’indécence que renferme telle allusion, telle pensée, tel jeu de mots orduriers ?
Mais un Auteur amoureux d’une actrice, ne trouve de beau que ce qui sort de sa bouche ; un écrivain médiocre espére de trouver dans le jeu des acteurs, de quoi couvrir ses défauts, & remplacer des beautés qui lui manquent.
La fameuse Christine, qui avoit régné avant lui en Suede, & abdiqué le trône, par un coup de théatre que ne la place pas au Temple de la Gloire, Christine avoit été livrée à ses jeux dangereux & frivoles : elle en contracta tous les vices & tous les défauts.
Il y reste toujours un grand défaut, le mélange du sacré & du profane, des plaisanteries jusques dans les pieces prises de l’Ecriture, défaut qui se corrige difficilement.
Tous ces défauts un peu couverts par la parure, & réparés par le fard, étoient alors à nud sur une tête dans le plus grand désordre. […] Que ne fait-elle pas pour paroître belle, & cacher le plus petit défaut ?
Je vous fais connoître tous mes défauts : mais voilà l’homme. Ces défauts sont communs, ils ne sont que différemment combinés.
Ce visage sans défauts ne saurait être la cause d’aucune faute que le Ciel en le regardant ne doive pardonner. […] Mais nos Poètes qui se guindent ainsi contre le naturel ne rampent-ils point quelquefois par un autre défaut de jugement ?
Ce Journaliste son défenseur, en se bornant à la partie littéraire, oubliant les défauts essentiels d’irréligion & de morale, & même s’en rendant complice par une sorte d’approbation, fait-il bien son apologie ? […] Les principaux défauts qu’il releve sont ceux-ci. […] Est-ce un défaut ?
Si l’accident est triste en effet, une crainte machinale nous saisit : si c’est un défaut, un vice ; une sorte de compassion nous séduit : si le trait est noble au contraire, relevé, une espéce de jalousie nous tourmente : voilà l’effet naturel des événemens qui se passent sous nos yeux. […] Qu’on ne m’impute pas l’embarras d’un Acteur sur la Scène, au défaut d’habitude d’y paroître : ce seroit à tort ; quoiqu’on ne nie pas que ce ne soit un point à considérer en toutes autres circonstances. […] Au défaut de la nature il semble que l’Art nous tend les bras ; & de-là ne sort-il pas en faveur du Théâtre si non des motifs pressans d’établissement dans tous les endroits où il n’y en a pas, du moins un principe de considération puissante dans ceux où il y en a ?
Il est certain que ceux de la Comédie ne sont plus aussi abondans qu’autrefois, non par ce que les hommes se sont rendus meilleurs ; ils seront toujours méchans & enclins à mille faiblesses ; mais par ce que les grands défauts ont été saisis.
Bayle, cet écrivain si fameux par les indécences & les impiétés répandues dans ses ouvrages, & si cher aux libertins par ces endroits, Bayle lui-même se moque de ceux qui disent fort sérieusement que Moliere a plus corrigé de défauts à la cour, lui seul, que tous les Prédicateurs ensemble ; & il assure qu’il ne croit nullement que la comédie soit propre à corriger les crimes & les vices de la galanterie criminelle, de l’envie, de la fourberie, de l’avarice, de la vanité, de la vengeance, de l’ambition, &c.