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7. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — IX. La Comédie donne des leçons de toutes les passions. » pp. 18-21

La haine que la vertu a pour le vice ne se borne pas à un seul, elle s’étend à tous. […] Si on en juge par les portraits qu’il en trace, rien de plus noble que ce vice, également réprouvé par la Raison & par la Religion. […] Il veut qu’on accorde son admiration à ceux en qui ce vice domine. […] Est-il permis de dissimuler aux yeux des Chrétiens la laideur, la difformité de ces vices ? […] Quel crime n’est-ce donc pas d’embellir ces vices cruels qui portent par tout le fer & le feu, qui vont jusqu’à faire répandre le sang de ses concitoyens, & souvent celui de ses proches ?

8. (1759) Apologie du théâtre « Apologie du théâtre » pp. 141-238

Mais en est-il ainsi des vices, et surtout des vices auxquels le public attache le ridicule et le mépris ? […] Il y a deux sortes de vices dans les hommes : les uns, vices des fripons, et les autres, vices des dupes. […] Mais en exposant à nos yeux le vice, l’a-t-il rendu intéressant ? […] Mais il est des vices qui ne nuisent qu’à nous, et que j’appelle les vices des dupes. […] Il hait le vice, il aime la vertu ; mais le vice et la vertu ne sont rien de réel, que relativement aux hommes.

9. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

où le vice ne l'emporte sur les maris, les pères, les maîtres. […] Le sort de la vertu et du vice lui est fort indifférent, pourvu qu'il remue. […] Si ces rôles sont étrangers à son cœur, il est bien à plaindre de se tourmenter pour peindre le vice. S'ils lui sont naturels, il est plus à plaindre encore de trouver le vice dans son cœur. […] Eh qu'y a-t-il à gagner de voir le vice et à le montrer ?

10. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE PREMIER. Comparaison des Théâtres anciens avec les modernes. » pp. 2-17

Quoique Plaute soit celui des deux qui ait le plus donné dans le vice des Atellanes, il y a deux de ses Pièces toutes entières dans le goût de la bonne Comédie : Les Captifs et le Trinummus : on n’a qu’à les examiner, et les mettre vis-à-vis de la plus modeste Comédie du Théâtre moderne ; et l’on verra, à notre honte, combien le Poète Payen l’emporte sur nous : tout y respire la censure du vice, et il n’y a rien qui favorise la corruption des mœurs. Malgré cette décadence de la bonne Comédie Latine, Plaute et Térence n’abandonnèrent pas le principal but de la Comédie, qui est celui de corriger en critiquant : mais, comme ces deux Poètes sentaient que, pour parvenir à corriger, il fallait plaire ; ils crurent devoir retenir quelque chose de l’Atellane ; et, sur ce principe, ils critiquèrent les vices qui dominaient dans leur pays d’une manière trop favorable à la licence. A Rome, la jeunesse était plongée dans la débauche des Courtisanes et des femmes esclaves ; l’on en fit l’objet de la critique et de la Comédie du temps : en sorte que ce qui nous reste du Théâtre des Latins, ne nous fournit que des intrigues de cette espèce ; et, comme les vices sont de tout pays, Térence, en transportant sur le Théâtre des Latins quelques-unes des Comédies du Poète Grec Ménandre, a choisi celles dont le sujet roulait sur le libertinage des jeunes gens, comme les plus convenables aux mœurs des Romains. […] L’Amphitrion de Plaute leur en fournit l’idée : ils crurent cependant qu’une femme telle qu’Alcmène, innocente et adultère tout à la fois, ne serait pas un objet assez piquant sur la scène ; on démasqua le vice en ôtant le verni dont le Poète Latin l’avait couvert. […] Si la Pièce de Molière, où ce caractère est représenté, ne corrige pas les Avares, qui, de peur de se reconnaître, éviteront sans doute d’aller au Spectacle lorsqu’on la jouera ; du moins on peut espérer qu’elle jettera dans le cœur des jeunes gens des semences d’horreur et d’aversion pour l’avarice qui les disposeront à se garantir de ce vice : et c’est là le grand bien que l’on doit attendre de cette Comédie.

11. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre IX. Sentiments de S. Cyprien et de quelques autres Pères. » pp. 175-201

On apprend l’adultère en le voyant jouer : « Adulterium discitur dum videtur. » Le vice est moins redouté par le crédit de l’autorité publique, qui en tolère l’image. […] C’est une folie de perdre son temps dans l’oisiveté et de le vendre au vice. […] C’est que le vice a toujours eu les mêmes torts, employé les mêmes prétextes, et porté aux mœurs et à la religion les mêmes atteintes. […] Dieu ne mène à la félicité que par le travail de la vertu : le démon mène à la réprobation par le chemin du vice. […] c’est une sirène qui corrompt et qui mène à tous les vices : ne fissent-ils d’autre mal, ne l’entretiennent-ils pas ?

12. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « X. » pp. 47-54

A la vue de ces ennemis elles prennent la fuite, et vont se cacher dans une retraite, où elles sont assiégées par les vices, qui les tirent de là, et les mènent enchaînées sur le Théâtre. Cette Scène et ce Théâtre ne peut être, par exemple, dans le Diocèse de Grenoble où votre Héros n’a nulle autorité, ni dans celui de Lavaur qu’il a quitté ; et le bon sens veut que ce ne puisse être que le Diocèse d’Aix, où paraissent, selon vous, tous les vices sur la Scène. […] Croyez-vous qu’un Ballet profane et follement idolâtre soit bien propre à persuader au monde que M. le Cardinal Grimaldi ait été de ces Pasteurs négligents et lâches qui n’ont nul soin de faire la guerre aux vices, et qui au lieu de faire régner la paix et la vérité parmi leurs peuples les laissent assiéger, comme vous dites, et enchaîner par les vices ? On sait, mes Pères, on sait que ce pieux Cardinal était rempli de zèle, mais d’un zèle Chrétien contre tous les vices. […] Voilà cependant par où votre Hercule a commencé à terrasser les vices, l’erreur, la violence, la discorde, l’impiété, la dissimulation, la calomnie, qui avaient vaincu, l’innocence, la paix et la vérité, et les menaient enchaînées sur le Théâtre du Diocèse d’Aix.

13. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE VII. Quelle doit être la Comédie après la réformation du Théâtre. » pp. 69-85

L’amour nous en présente dans les Comédies sous une forme bien différente : le vice se montre presque toujours à découvert ; et on n’en remporte souvent que des impressions capables d’allumer ou de nourrir dans le cœur un penchant dangereux. […] Je crois que, pour y parvenir, il serait à propos de renouveller ce genre de Comédie inventé par les Grecs, qui, se renfermant dans les bornes de la sagesse et de la modestie, ne se permit de fronder et de ridiculiser les vices qu’en général, sans aucune application personnelle. […] 7 Enfin les sujets des Comédies pourraient être en aussi grand nombre qu’il y a de vices et de passions inséparables de quelque ridicule. […] C’était avec grande raison que Dion Chrysostomeh reprochait aux Citoyens d’Alexandrie de ne pas avoir parmi eux quelque Poète comique qui reprît leurs vices, comme en avaient les Athéniens. […] Le Poète comique, qui marcherait par le chemin si rebattu et si dangereux de la Comédie de nos jours, ressemblerait, sans doute, à ce Médecin pernicieux : comme lui il apporterait, à une nombreuse assemblée de malades, au lieu d’un remède capable de les guérir en corrigeant leurs vices, il leur apporterait, dis-je, la mort, en les entraînant dans de nouveaux excès par ses discours et par ses actions.

14. (1768) Des Grands dans la Capitale [Des Causes du bonheur public] « Des Grands dans la Capitale. » pp. 354-367

Ici leurs vertus & leurs vices ont plus de liberté & de force. […] Comme les Grands ouvrent les canaux des vices, ils peuvent les fermer & tarir les sources de beaucoup de maux. Les Arts à leurs pieds, attendent le signal pour se consacrer aux bonnes mœurs ou au vice. […] L’école destinée, nous dit-on, à corriger les vices, est devenue l’écœuil de l’innocence, de la sensibilité, & des plus beaux talents. […] Les vices du Peuple ont pénétré jusques dans le sein des plus augustes familles.

15. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-4

Il pensa bien differemment dans la suite ; encore même dans la Préface de Phedre reconnoît-il une partie de la vérité ; & son fils, élêve de ses dernières années, où il avoit embrassé la piété, lui rend dans ses remarques un hommage sincère & funeste, qui farde le vice & défigure la vertu, école pernicieuse qui en donne & des leçons & des modèles ! […] Racine & les tragiques font excuser les vices & aimer les vicieux ; Moliere & les comiques font mépriser la vertu & hair les gens vertueux. […] Melpomene, toujours avec les grands, les ménage & flatte jusqu’à leurs vices ; Thalie vit avec les petits, se mocque d’eux, & méprise jusqu’à leurs vertus. […] Celle-ci apprivoise avec le vice, lie avec les coupables, l’autre arme contre la piété, la rend suspecte, tourne en ridicule ceux qui le pratiquent. […] Le vice perd-il, la vertu gagne-t-elle dans des sentimens si peu justes ?

16. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

Une piece, pour être bonne dans l’ordre des mœurs, doit être une leçon de vertu & une censure du vice. […] Ce vice dans les comédies Latines étoit bien le même, mais l’objet des amours étoit différent. […] Mais ce vice s’y montre toujours à découvert, & on n’en rapporte que des impressions funestes. […] Ce n’est pas avec austérité qu’il faut enseigner la vertu & reprendre le vice ; la dureté rebute & dégoûte. […] Tous les vices y trouveroient leur remède ; un vicieux par fiction en instruiroit un véritable.

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