Un Peintre mécontent de Stratonice, Reine de Syrie, femme d’Antiochus, fit un tableau pour se venger, où il la peignit dans une posture très lascive ; mais il la peignit très-belle.
Une femme contente de sa toilette seroit bien mortifiée de ne produire que l’effet superficiel d’un bon livre ou d’un bon tableau ; elle veut faire des conquêtes, gagner des cœurs, inspirer des passions, c’est-à-dire, séduire & perdre.
Déshonore-t-on la peinture, parce qu’on vend des tableaux sur le pont-au-change et sur le port au bled ?
Et ensuite, au lieu de toutes les fictions scandaleuses que présentent presque tous les Drames, il propose d’autres objets bien capables d’émouvoir & d’amuser utilement des ames honnêtes ; tels sont, par exemple, le spectacle de la nature, l’histoire des Nations, & le tableau de la scene du monde où l’on vit. […] Aussi, pour l’ordinaire, y est-on lynx pour appercevoir les vices & les ridicules que l’on n’a pas, & taupe à l’égard de tout ce qui pourroit représenter ceux que l’on a : L’avare des premiers rit du tableau fidele D’un avare souvent tracé sur son modele, Et mille fois un fat finement exprimé, Méconnût le portrait sur lui-même formé. […] « La Tragédie, disent les partisans du Théatre, prétend que toutes les passions dont elle fait le tableau, nous émeuvent ; mais elle ne veut pas toujours que notre affection soit la même que celle d’un personnage tourmenté par une passion. […] Les dangers que peut produire le tableau d’une passion contagieuse, répondent les Apologistes de la Scene, sont prévenus par la maniere de le présenter : l’amour qu’on expose au Théatre, y est rendu légitime, son but est honnête ; souvent il est sacrifié au devoir & à la vertu ; & dès qu’il est coupable, il est puni. […] Que si l’on veut les corriger par leur charge, on quitte la vraisemblance de la nature ; & le tableau ne fait plus d’effet.
On peut douter si le jardinage a beaucoup gagné à cette anglomanie, désavouée peut-être par les anglois mêmes, qui vient de bouleverser tous nos jardins, proscrire la ligne droite, l’ordre simétrique, les formes régulieres, avec les décorations & les points de vue qui en résultent ; offrir des rivieres sans eaux, des montagnes faites à la main, des palais déguisés en masures, des irrégularités étudiées, des accumulations grotesques d’objets disparates, parodier d’une maniere mesquine & bisarre le grand tableau de la nature, tourmenter cette nature, sous prétexte de s’en rapprocher, la contrefaire aulieu de l’imiter, la défigurer pour l’embellit : voilà le théatre, les drames à deux, à quatre, à cinq actes, ces fragmens qui font un ouvrage de marqueterie à pieces rapportées, ces malheureux qui se tuent en chantant & en dansant, ces bergers qui fredonnent des ariettes, ces paysans ingénieux & courtisans, ces héros petits-maîtres, ces actrices prudes, ces conversations en sentences, cette philosophie que personne n’entend, cette licence modeste, cette malignité bienfaisante, &c.
Tous ces Ouvriers, tous ces Marchands sont dans le même cas, chacun cherche à faire valoir son commerce, & l’on peut abuser de tout ; du Serrurier, on fait de fausses clefs ; du Tailleur, on fait des habits immodestes ; du Peintre & du Sculpteur, on fait des statues & des tableaux très-indécens.
On ne vit plus que meurtres & brigandages dans les mœurs, & le tableau ne fut plus de nature à pouvoir être imité sur le théâtre.
La Comédie, comme la Peinture, a éprouvé diverses vicissitudes ; on a vu des siècles, où les Peintres étaient si ignorants et si grossiers, qu’après avoir achevé leur ouvrage, ils étaient contraints d’écrire au haut du Tableau, Ceci est un homme ; Ceci est un cheval ; afin qu’on les pût distinguer, tant leurs figures étaient mal dessinées : De même la Comédie dans de certains temps, ne consistait qu’en de simples récits, dont les sujets étaient pris de la vie, ou du martyre de quelque Saint : Ces récits étaient dénués d’ornements, sans être soutenus de décorations, ni de la magnificence des habits, dont les Comédiens ont accoutumé de se parer maintenant.
Les serments ne leur sont pas moins familiers que ces énormes souhaits : ils partent en toute rencontre de la bouche impie de toutes sortes de personnes ; des gens de condition aussi bien que de la canaille, des braves aussi bien que des lâches : l’amour ou la haine, le bon ou le mauvais succès, le sang froid ou l’emportement ne sont jamais représentés sans quelque jurement qui soit comme l’âme et le coloris du tableau.
On y voit les tyrans dévorés de remords ou punis par les supplices, l’infâme Athalie égorgée aux portes du Temple de l’Eternel, Oreste déchiré de remords d’avoir crû Hermione qui s’immole de désespoir, le sanguinaire Hérode en horreur, Gustave triomphant du perfide Christierne, Polifonte poignardé par le Successeur légitime de Cresfonte, l’Enfant prodigue dévoré de remords, revenu au sein de sa famille implorant les bontés de son père, l’avarice, l’hypocrisie, l’envie, la médisance, l’orgueil sont les tableaux que la Comédie expose sur la scène. […] Ajoutez à cela des desirs luxurieux que le vin précurseur de la licence, excite, & que la raison troublée ne peut réprimer : quel tableau pour des Enfans !