Cependant vous savez bien qu’il n’y a personne qui veuille souffrir des peines sans sujet, ni qui les puisse endurer constamment sans l’assistance divine.
Tous ces esprits libertins qui travaillent pour vous donner du plaisir, tirent leurs sujets des actions déshonnêtes qu'ils attribuent à vos Dieux; Quand vous voyez jouer les pièces divertissantes d'un Lentulus, et d'un Hostilius, dites-moi si ce sont vos Farceurs, ou vos Dieux qui vous font rire; vous y entendez parler d'un Anubis impudique, d'une Lune de sexe masculin, et d'une Diane qui a été fouettée; On y récite le testament d'un Jupiter qui est mort; On y fait des railleries des trois Hercules affamés. […] On peut justement appeler les Théâtres, et la carrière des courses publiques, une Chaire de pestilence ; Car tout ce qui se fait en ces Lieux est plein de confusion et d'iniquité : Ces assemblées ne fournissent que trop de sujets d'impureté, où les hommes et les femmes étant ensemble, s'occupent à se regarder : C'est là où se tiennent de pernicieux conseils, lors que les regards lascifs excitent de mauvais désirs ; et les yeux étant accoutumés à regarder impudemment les objets qui sont auprès d'eux, se servent de l'occasion qui se présente pour satisfaire leur cupidité.
Que deviendrait enfin cette propriété de rire qui se retrouve en l’homme à la distinction des autres animaux, s’il ne se rencontrait quelque objet légitime pour donner exercice à cette puissance : C’est selon l’avis de GUILLOT-GORJU pour cette raison que nous estimons fous et insensés ceux qui rient pour rien et sans aucun sujet légitime : Si on veut donc condamner le plaisir de la Comédie, il faut aussi désapprouver le plaisir du Cours, des promenades, du récit gracieux des Histoires, de la Musique, des Tableaux et mille autres récréations qui ont été inventées, pour assaisonner les actions de la vie. […] Dictionnaire de L’Académie française (1694) : « On appelait autrefois, Cause grasse, Une cause que les Clercs du Palais choisissaient ou inventaient pour plaider entre eux aux jours gras, et dont le sujet était un peu libre et licentieux ».
Je reponds en général que la législation humaine suit la condition de l’homme : l’infaillibilité n’a jamais été promise aux puissances temporelles, comme à l’Eglise : quelquefois les Princes multiplient les impôts, font courber leurs Sujets sous un joug arbitraire, convertissent les Républiques en Monarchies, les Monarchies en Despotismes : les Dictateurs Romains se sont faits Empereurs, les Califes se sont érigés en tyrans, un sceptre de fer a plus d’une foi remplacé une domination raisonnable.
La poësie l’a célébré sur le ton burlesque : c’étoit en effet un vrai sujet de Calot.
Je n’en veux pas dire davantage sur ce sujet, en ayant parlé ci-devant assez amplement, joint que les deux Auteurs que je viens de produire, Salvian et Tertullien s’en sont suffisamment expliqués, pour faire connaître à un chacun que les spectacles et les théâtres ne doivent jamais passer chez les vrais Chrétiens pour divertissements, puisqu’ils traitent ceux qui y assistent d’apostats, de prévaricateurs des Sacrements, de gens qui retournent vers le diable leur premier maître, qui préfèrent le démon à Dieu, qui font banqueroute à la foi de Jésus-Christ, qu’ils sont plus criminels que les païens, qu’ils sont sans Religion, qu’ils ne cherchent qu’à repaître leurs yeux adultères ; gens enfin qui se jettent volontairement dans le fort et la citadelle où se commettent toutes sortes d’impuretés.
4 Mars 1772, l’auteur des affiches, qui n’est pas fort entousiasmé de Voltaire, dit, en parlant de la derniere piéce, les Pelopides ou Atrée & Theste, sujet heureusement traité par Crebillon, & mieux que par Voltaire ; cet auteur pour faire sentir la foiblesse de Voltaire, dans les scénes les plus pathétiques, dit ingénieusement, ah que vingt ans plutôt Voltaire auroit peint admirablement cette situation unique ! […] Ils seroient dans l’erreur : espereroient-ils par là d’intéresser la Noblesse, & d’ennoblir leurs sujets, par la condition des personnages ? […] C’est pour lui une expression délicieuse, que Crebillon a mieux connu qu’un autre la vraie tragédie, que rien n’approche de la vengeance d’Atrée ; mais que la négligence du stile, la monotonie des plans, son mauvais choix des sujets, dégoutent & inspirent de l’horreur ; que Voltaire lui meme n’est tragique que dans le quatrieme acte de son Mahomet. […] Arnaud veuille que le sombre, le terrible, l’horrible, le diabolique soient des sujets tragiques, à la bonne heure ; mais que ce soient les seuls, on en rira : aura-t-on grand tort ?
Le Roi daigna s’y trouver, on y tourne en ridicule le Pape, les Cardinaux, les Evêques, les Religieux, grossièrement par leur nom, la noblesse, la robe, tous les états, et on porte l’audace jusqu’à satiriser le Roi lui-même en sa présence, et taxer d’avarice la sage économie que faisait ce Prince de ses revenus pour ne pas fouler ses sujets, qui lui valut le glorieux titre de Père du peuple. […] « Messieurs, la discipline de notre Ordre, et l’honneur de notre profession, notre attachement aux véritables maximes, et notre zèle pour la religion, ne nous ont pas permis de garder le silence, ni de demeurer dans l’inaction au sujet du livre pernicieux intitulé, Liberté de la France contre le pouvoir arbitraire de l’excommunication, terminée par une consultation signée la Huerne de la Mothe, Avocat au Parlement. […] Omer Joli de Fleury, Avocat du Roi, a dit que l’exposé qui venait d’être fait à la Cour du livre en question, ne justifie que trop la sensation que la distribution avait faite dans le public ; que les Gens du Roi se seraient empressés de le déférer, il y a plusieurs jours, s’ils n’avaient été instruits des mesures que prenaient à ce sujet ceux qui se dévouent sous les yeux de la Cour à la profession du Barreau ; que leur délicatesse, leur attachement aux maximes saintes de la religion et aux lois de l’état, ne leur avaient pas permis de garder le silence ; et que dans les sentiments qu’ils venaient d’exprimer, on reconnaissait cette pureté, cette tradition d’honneur et de principes qui distingue singulièrement le premier Barreau du royaume ; que les Gens du Roi n’hésitaient pas de requérir que le vœu unanime des Avocats sur la personne de l’Auteur, qu’ils rejettent de leur corps, fût confirmé par le sceau de la Cour, et que le livre fût flétri, lacéré et brûlé par l’exécuteur de la haute justice au pied du grand escalier du Palais ; qu’il fût fait défenses à tous Imprimeurs, Libraires, Colporteurs, et autres, de l’imprimer, vendre et distribuer, à peine de punition exemplaire ; que ledit François-Charles Huerne de la Mothe fût et demeurât rayé du tableau des Avocats, qui est au Greffe de la Cour, en date du 9 mai dernier ; et que l’arrêt qui interviendrait sur les présentes conclusions, fût imprimé, lu, publié et affiché partout où besoin sera. » Les Gens du Roi retirés, la matière mise en délibération, la Cour rendit un arrêt entièrement conforme à leurs conclusions ; après quoi le Bâtonnier étant rentré avec les anciens Avocats, M. le premier Président leur fit entendre la lecture de l’arrêt, et leur dit, qu’« ils trouveraient toujours la Cour disposée à concourir avec eux pour appuyer de son autorité le zèle dont ils étaient animés pour tout ce qui intéresse l’ordre public et la discipline du barreau. » Nous n’avons rien à ajouter à un arrêt si sage ; il confirme tout ce que nous disons dans cet ouvrage, nous n’en avons même jamais tant dit.
.) ; il distingue quatre choses dans la comédie, le fond du sujet, le caractère des Acteurs, la manière de représenter, et le temps qu’on y donne. Les sujets sont tous des crimes et des passions, des satires, des bouffonneries, des friponneries, des enchantements. […] Louis, dit du Tillet, chassa de son royaume les Farceurs et Comédiens, comme une peste publique, capable de corrompre les mœurs de tous ses sujets. » Dupleix et Mézeray, qui le copie, disent sur Philippe-Auguste : « Ce Prince signala sa piété par l’expulsion des Comédiens, qu’il chassa de sa Cour, comme gens qui ne servent qu’à efféminer les hommes, flatter les voluptés, et remplir les esprits oiseux de chimères qui les gâtent, et à causer dans les cœurs des mouvements déréglés, que la religion et la sagesse nous recommandent si fort d’étouffer.
Richelieu avait une troupe d’Auteurs, aussi bien qu’une troupe d’Acteurs, à ses gages, leur fournissait des sujets, leur traçait des plans, composait des scènes. […] Que l’Etat soit perdu, que ma perte le suive, pourvu que mon amante vive… Les Rois ont des sujets, et n’ont point de parents »… quels sentiments ! […] Ce mélange de persécution et de faveur fit faire à Corneille, après la mort du Cardinal, ces vers singuliers, que tout le monde fait, et qui à travers un jeu de mots qui semble puéril, contiennent exactement la vérité : « Qu’on dise bien ou mal de ce grand Cardinal, Ma Muse toutefois n’en dira jamais rien : Il m’a fait trop de bien pour en dire du mal, Il m’a trop fait trop de mal pour en dire du bien. » Convenons donc avec tout le monde que la véritable raison de tous ces mouvements fut une basse jalousie de l’Eminence : « Il vit avec déplaisir que les pièces où il avait part, ou dont il avait donné les sujets et le canevas, étaient entièrement effacées par le Cid ; par cette raison il fut bien aise qu’on le critiquât, et il fut ravi qu’il y eût d’autres pièces (de Scudéry) à lui opposer. » L’instance fut donc portée et régulièrement poursuivie au Tribunal d’Apollon.