Quelle différence d’admettre par grace, une femme parmi des Lutteurs qui combattoient nuds, ou d’introduire une femme nue au milieu d’une foule de Spectateurs de l’un & de l’autre sexe ! […] Il est certain que les combats de Gladiateurs produsoient ce double effet ; la moitié des spectateurs y frissonnoit d’horreur.
Ce sont de pareilles leçons qu’on donne dans les Comedies, où l’on ne remplit que de mauvaises choses l’imagination des spectateurs. […] Elle est une assemblée, dont le Démon fait le centre, & dont la circonference est environnée de plusieurs autres Démons, tous occupez à suggerer aux spectateurs mille pensées sales, mille desirs criminels.
Les Auteurs & les Acteurs, ont à subir les Arrêts d’un Tribunal commun : celui des spectateurs, qui jugent à même tems de la composition de la piéce & du jeu des Comédiens. […] C’est aux comédiens qui en veulent, & ne veulent rien représenter, s’il ne flatte leur libertinage, & celui des spectateurs.
Si tout à coup on y montroit l’image d’un Dieu mourant, percé de clous, déchiré de fouets, couronné d’épines, couvert de sang, Acteurs, spectateurs, devenus tout-à-coup désespérés, hors d’eux-mêmes, prendroient la fuite. […] Le diable remue toutes les passions des Acteurs & des spectateurs, & en fait un monstrueux assemblage.
Tels sont les plaisirs que vous préférez cependant au spectacle ; la médisance des femmes, l’ivrognerie habituelle des hommes, vous paraissent moins dangereux pour les mœurs que la vue d’un spectacle décent, où la Magistrature aurait eu l’attention d’établir la modestie, le respect et la décence, tant de la part des Acteurs que de celle des spectateurs. […] Car en supposant que quelques jeunes spectateurs en abusent comme ils abuseraient des meilleures choses, et qu’au lieu d’écouter Zaïre ils ne fassent qu’une attention luxurieuse à ses charmes, ils ne pécheront au moins que par pensées ; mais dans vos Cercles on est exposé à pécher par pensées, par paroles, par actions et par omission.
Nos Actrices, moins fardées, moins découvertes, moins vénales, sont devenues des Lucrèces ; nos Acteurs & nos spectateurs grossiront bien-tôt le catalogue des Saints. […] On se trompe : ils tombent sur une infinité de gens, auxquels chacun des spectateurs en fait l’application. […] Je l’avoue en gémissant, aucune nation n’a fourni tant de Comédiens & de si habiles, tant de spectateurs & de lecteurs, & de si éclairés ; j’en rougis pour ma patrie, aucune n’a imaginé tant de genres de décoration, de machines, de spectacles, aucune n’enfante tant de musiciens, instrumens, danseurs, sauteurs, machinistes, tabarins, &c.
S’il nous est ordonné de ne pas donner de mauvais exemples à la jeunesse, c’est parce que les enfants, n’ayant pas assez de lumière pour juger des choses par eux-mêmes, ni assez de force pour combattre leurs désirs, se laissent entrainer par les impressions de l’exemple, et ne peuvent, pour ainsi dire, éviter de se corrompre, si les exemples, qu’ils ont devant les yeux, sont mauvais : ajoutons que les Grands, les personnes élevées en dignité, les vieillards, etc. ont un grand ascendant sur l’esprit des enfants par le respect qu’on leur inspire pour eux, et que leur faiblesse leur fait naturellement concevoir : ainsi, lorsqu’ils voient assister au Théâtre toutes ces personnes respectables, ils ne peuvent s’empêcher de prendre, pour les Spectacles, un goût et un attachement proportionnés à l’idée avantageuse qu’ils se sont formés des Spectateurs.
Ils ont exigé des précautions qu’il faut croire que Racine prenait avec ses élèves, et que l’on prend dans les communautés et les collèges, mais que certainement ne connaissent pas sur le théâtre les gens sans mœurs qui les donnent à des spectateurs, dont la plupart n’en ont pas davantage, et avec des accompagnements qui les feraient perdre à ceux qui les auraient les plus pures. […] Les danses, les chants, le mélange des sexes, les discours libres, les parures indécentes, les postures, les gestes, les mœurs des spectateurs et des auteurs, d’un exercice de religion firent un scandale. […] Si l’on donne quelque pièce pieuse, ce qui est très rare, est-ce la piété qu’y cherche et le spectateur et l’acteur ? […] quel spectateur y va pour glorifier Dieu, s’instruire et s’édifier ?
Peut-on rendre les héros plus méprisables, et renvoyer les spectateurs plus indignés et plus scandalisés ? peut-on plus grossièrement manquer le but même de la tragédie, qui consiste 1.° à montrer les héros estimables par la grandeur d'âme et les victoires qu'ils savent remporter sur leurs faiblesses ; 2.° à renvoyer les spectateurs avec le goût, l'amour, l'impression de la vertu et la haine du vice. […] Le spectateur aurait été plus vivement frappé, s'il n'eût pas été prévenu sur le Frère Euthime. […] Il n'est pas besoin des agréments, de l'artifice, de la délicatesse du pinceau ; aux yeux de la plupart des spectateurs, le vice n'est point un monstre.
.… Du Théâtre, elle s’est fait un Temple, que chaque Spectateur craint de profaner ; on n’entend plus l’aigre sifflement de l’envie, & l’incommode trépignement de la cabale : le Public, sur son compte, pense comme moi, & craint de rien perdre de ce qu’elle dit.