On se trompe si on veut parler de la tragédie : car ce qui nous reste des anciens païens en ce genre-là, (j’en rougis pour les chrétiens) est si fort au-dessus de nous en gravité et en sagesse, que notre théâtre n’en a pu souffrir la simplicité. […] Platon ne pouvait souffrir les lamentations des théâtres qui « excitaient, dit-il, et flattaient en nous cette partie faible et plaintive, qui s’épanche en gémissements et en pleurs ». […] Voilà ce que dit celui qui n’avait pas ouï les saintes promesses de la vie future, et ne connaissait les biens éternels que par des soupçons ou par des idées confuses : et néanmoins il ne souffre pas que la tragédie fasse paraître les hommes « ou heureux ou malheureux » par des biens ou des maux sensibles : « Tout cela, dit-il, n’est que corruption »De Rep. lib. 10.
La bonne police ne devrait pas souffrir qu’on livrât cette profession auguste à la risée du public, non plus que l’état ecclésiastique et religieux. […] Les Parlements, ni même les Cours inférieures, ne le souffriraient pas ; mais devrait-on souffrir qu’ils fréquentent assidûment le spectacle, qu’ils y perdent leur temps, l’esprit de leur état, les mœurs, la gravité, la décence, qu’ils y forment des liaisons et des intrigues, qui les déshonorent, avec des Actrices qui les corrompent ? […] Les connaît-on, les souffrirait-on à la comédie ? […] Louis en souffrait dans Paris, et on ne soupçonnera pas qu’il les approuvât. […] 30.), autant et plus sévère que les Casuistes, décide que les Magistrats ne peuvent en conscience souffrir les Comédiens dans leur ville, et doivent empêcher les citoyens d’aller à la comédie, sans quoi ils se rendent comptables devant Dieu de tous les péchés qui s’y font ?
Aussi de souffrit-on pas longtemps ces sortes de jeux, et lorsque quelques personnes voulurent les renouveler sous François I. le Parlement de Paris s’y opposa avec beaucoup de zèle. […] Saint Charles qui ne pouvant détruire les Théâtres, obtint qu’on les rendit moins dangereux, ne voulut jamais souffrir qu’on représentât des Histoires saintes et le savant et pieux Mariana Jésuite écrivit pour l’Espagne, qu’il valait encore mieux permettre aux Comédiens des sujets profanes, que de souffrir qu’ils en représentassent de saints. […] , regardait comme une chose indigne, que dans un temps de disette on eût souffert à Rome un aussi grand nombre de danseurs et autres gens de cette nature, qu’il y en avait auparavant. […] saint Charles, et quelques autres Saints, ont souffert qu’il y eût des femmes de mauvaise vie dans les grandes Villes ; mais ces malheureuses femmes étaient notées d’infamie, et l’on ne permettait pas qu’elles se trouvassent dans les assemblées de dévotion avec les femmes pieuses. […] Ne pouvant faire cesser le mal, elle fait publier par ses Ministres, que ce qu’on souffre est un mal.
Les Pieces ambiguës ont besoin de reforme, il n’est pas permis de les joüer, de les entendre, ny mesme de les souffrir. Je parleray de la composition dans le Discours de la lecture ; je repete qu’il n’est pas permis de les souffrir qu’aprés qu’elles auront esté corrigées par des personnes de sçavoir, & de pieté. […] Dieu condamne Jerusalem à souffrir tous ces malheurs, parce que Jerusalem a commis tous ces crimes. […] Puissances du monde, vous n’avez pas assez de zele pour l’Estat, si vous souffrez des entreprises qui ruinent, ou qui menacent ceux qui en sont l’appuy : vostre salut n’y est pas moins interessé que l’Estat ? […] Ne souffrez point que les Comediens inspirent au public ce que vous ne pouvez supporter dans vos personnes, ny qu’ils s’efforcent de ruïner ce que vous estimez avec le plus de raison & de justice.
Tertullien traitait d’idolâtres les Chrétiens qui prononçaient seulement les noms des fausses divinités des Païens, et il ne pouvait souffrir que les Maîtres d’Ecole enseignassent les Poètes à leurs Disciples, à cause qu’ils sont pleins de ces fausses divinités, quel sentiment aurait-il de nos Poètes Français, qui se sont imaginés qu’on ne saurait faire de bons vers, si on ne les relève par les noms de ces divinités ? […] Ils verraient clairement qu’il faut obéir à Dieu en tout, qu’il faut obéir aux puissances établies de Dieu en toutes les choses, où Dieu ne nous défend pas de leur obéir, et là où il nous le défend, s’il ne faut pas obéir, il faut souffrir, De sorte que la devise d’un vrai Chrétien à l’égard des Puissances, est d’obéir ou de souffrir.
J’ajoute que ceux qui ces saints jours vont au spectacle, la transgressent, et qu’on ne devrait pas y souffrir parmi des Chrétiens les représentations théâtrales, mêmes dans les collèges. […] le souffrirait-on ? […] C’est si bien un métier et des plus serviles, qu’on n’y a jamais employé que des esclaves, tandis que l’esclavage a été souffert, et depuis qu’on l’a aboli, on n’y a jamais vu que des gens de la lie du peuple, ou si quelquefois le libertinage a fait entrer un honnête homme dans quelque troupe, il n’a fait que se dégrader en y entrant ; et je demande aux plus grands amateurs s’ils voudraient se déshonorer jusqu’à se faire Comédiens, ou souffrir que leurs femmes, leurs enfants, leurs parents s’en fissent ? […] Pontas dans son Dictionnaire, au lieu cité, décide que le Seigneur justicier et le Juge pèchent, s’ils souffrent les spectacles dans leur paroisse les jours de fête. […] peut-elle souffrir qu’on le soit ?
Je conviens que, dans la plupart des projets de réformation, on rencontre les difficultés, et on court les risques que les politiques nous font envisager par leurs subtiles réflexions ; mais je soutiens que le projet de la réformation du Théâtre n’est sujet à aucune des contradictions fâcheuses, que l’entreprise de la réformation des mœurs a souffertes en tant d’occasions. […] Les Spectateurs ne la demanderont jamais : ils sont persuadés, surtout à Paris, que la Scène n’a plus rien de contraire aux bonnes mœurs, ni à la saine morale, depuis qu’on en a retranché et qu’on n’y souffre plus les grossièretés ; et la plus commune opinion des hommes est que, parmi les amusements qui sont permis ou tolérés, celui du Théâtre doit être regardé comme le plus innocent. […] Les Comédiens de profession ne s’aviseront pas d’en faire l’épreuve ; et, s’il s’en trouvait qui y pensassent sérieusement et qui voulussent l’exécuter, ils verraient bientôt leur Théâtre désert ; et, à l’exception d’un petit nombre de personnes sages et raisonnables, tout le monde se moquerait d’eux et les abandonnerait : la misère suivrait de près leur entreprise ; et, s’ils n’avaient pas la constance de la souffrir patiemment, ces mêmes Comédiens, si bien intentionnés, se trouveraient réduits à la nécessité de revenir à leur ancienne méthode, et peut-être avec plus de licence et de désordre qu’auparavant, pour se dédommager du tort qu’ils se seraient fait à eux-mêmes par leur sagesse, et par leur retenue.
Vous-mêmes élevez jusqu’au Ciel ceux qui ont souffert courageusement. […] Nos femmes et nos enfants se moquent des Croix et des tourments, montrent un visage assuré devant les bêtes farouches, enfin souffrent la douleur sans gémir, par la patience que Dieu inspire. Cependant vous savez bien qu’il n’y a personne qui veuille souffrir des peines sans sujet, ni qui les puisse endurer constamment sans l’assistance divine.
« Il viendra un temps où les hommes ne pourront plus souffrir la saine doctrine. » rend="i">II Ep. de S. […] Ils ne peuvent souffrir son langage qu’autant qu’il est tempéré par un langage plus doux, et racheté par des maximes qui s’accordent mieux à leurs faiblesses. Ils veulent être remués, agités, vivement excités, à condition toutefois que ce ne soit pas en leur inspirant des remords, en faisant porter leur terreur et leur pitié sur leur propre misère, mais seulement en les attachant à de vaines fictions, où l’ombre qu’ils poursuivent puisse leur faire oublier la réalité ; où on les intéresse par le spectacle de passions et de malheurs qui ne soient ni trop loin d’eux ni trop près, et qu’ils puissent envisager sans un retour douloureux et pénible sur leur propre cœur ; à condition encore que, si on veut les forcer à rire de leurs propres faiblesses, ce soit sans ôter à leurs passions les espèces de dédommagements qui leur importent le plus sans faire souffrir leur orgueil, si ce n’est peut-être dans la peinture de quelques vices que tout le monde abhorre, et qu’on charge si bien que personne ne peut s’y reconnaître. […] La raison pour laquelle presque toutes les pièces de théâtre sont fondées sur une intrigue amoureuse, c’est que les femmes, qui parent les spectacles, ne veulent point souffrir qu’on leur parle d’autre chose que d’amour.
Voilà la plus grande et la meilleure partie de vous-mêmes, si l’on vous veut croire, qui a faim et soif, qui est travaillée de pauvreté et de misère : Et Dieu le souffre et le dissimule, ou il ne veut pas secourir les siens, ou il ne le peut ; de sorte qu’il est, ou impuissant ou injuste. […] Mais laissons ces petites choses : voici des supplices, des tourments, des Croix, non plus à adorer, mais à souffrir, des feux que vous craignez et que vous prédisez aux autres.