Qu’on ne nous croie donc point trop sévères, si dans un siècle si corrompu, et dans l’état où sont les bals, et les danses de ce temps, nous n’osons point excuser de péché ceux qui les fréquentent, puis qu’Alexandre de Halès Auteur célèbre, Parte 4. citat. […] Il est donc évident que ceux-là pèchent grièvement qui vont aujourd’hui au bal, et qui fréquentent la danse, à cause des dangers qui en sont inséparables, et auxquels ils s’exposent : car quand il pourrait se rencontrer quelque bal où l’on n’appellerait que les seuls parents, ou les seuls amis ; néanmoins il est vrai de dire absolument qu’il n’y peut avoir aujourd’hui aucune assemblée pour la danse où il n’y ait du danger, à cause de la corruption du siècle et des mauvaises coutumes qui s’y sont introduites, ne se tenant plus aucun bal où la jeunesse ne se rende, et où elle n’entre de gré ou de force ; et cet usage a si fort prévalu, que si on fait quelque assemblée pour la danse où on veuille faire ce choix des personnes honnêtes, parentes ou amies, et fermer la porte aux étrangères, on heurte insolemment, et on fait mille outrages et mille affronts au maître de la maison.
Le grand saint Charles Borromée Archevêque de Milan, qui vivait au siècle passé, en plusieurs endroits de ses actes et de ses Conciles, les a très étroitement défendues à son peuple, et même en toute sa province ; Il rapporte aussi qu’anciennement on imposait trois ans de pénitence à ceux qui avaient dansé, voire même qu’on les menaçait d’excommunication. […] Puis après il dit : « que le diable est auteur des danses, et que celui qui a appris la fornication et l’idolâtrie, c’est le même qui a appris à danser ; et celui-là n’a pas mal rencontré, qui a dit, que la danse est un cercle où le diable fait le centre et le milieu, et ses Anges la circonférence. » Je ne puis omettre ici en passant le sentiment sur ce sujet d’un grand personnage, qui vivait il y a plus de trois cents ans, c’est de François Pétrarque, un des plus grands esprits de son siècle.
Qui connut jamais mieux le cœur humain et qui porta plus loin l’art de tourner en ridicule les vices les plus accredités de son siècle ?
On ne fut pas longtemps à s’apercevoir que le talent de censurer le vice, pour être utile, devait être dirigé par la vertu ; & que la liberté de la Satyre accordée à un malhonnête-homme, était un poignard dans les mains d’un furieux : mais ce furieux consolait l’envie : voila pourquoi dans Athènes comme ailleurs, les Méchans ont trouvé tant d’indulgence, & les Bons tant de sévérité : témoin la Comédie des Nuées ; exemple mémorable de la scélératesse des envieux, & des combats que doit se préparer à soutenir celui qui ose être plus sage & plus vertueux que son siècle… […] De ces trois genres, le premier est le plus utile aux mœurs, le plus fort, le plus difficile, & par conséquent le plus rare : le plus utile aux mœurs, en ce qu’il remonte à la source des vices, & les attaque dans leur principe ; le plus fort, en ce qu’il présente le miroir aux hommes, & les fait rougir de leur propre image ; le plus difficile & le plus rare, en ce qu’il suppose dans son Auteur une étude consommée des mœurs de son siècle ; un discernement juste & prompt, & une force d’imagination qui réunisse sous un seul point de vue les traits que sa pénétration n’a pu saisir qu’en détail. […] Quant à l’origine du comique attendrissant, il faut n’avoir jamais lu les Anciens, pour en attribuer l’invention à notre siècle.
Donc il faut nécessairement conclure que ce serait abuser de ces exemples, qui sont Saints, et dignes de vénération, de vouloir s’en servir pour excuser les usages de ce Siècle corrompu, et qu’on ne peut point les alléguer pour autoriser ces pratiques séculières ; « de peur, comme dit S.
Lors que tant, et tant de siècles et générations seront consumées d’un feu. […] La querelle sur le théâtre exprime l’opposition entre les calvinistes et les jésuites, qui en 1607 désirent s’établir puissamment et Lyon et négocient avec le consulat qui gouverne la ville l’élargissement du collège (voir Les Jésuites à Lyon, XVIe-XXe siècle, dir. […] [NDE] Référence à Lucien de Samosathe (120-180 circa), satiriste et auteur de dialogues humoristiques et d’éloges paradoxaux très en vogue au XVIe et XVIIe siècles. […] [NDE] Apollinaire l’Ancien, rhéteur du IV siècle, adapta l’Ancien Testament en hexamètres dactyliques pour former une épopée de 24 chants, aujourd’hui perdue.
S’il ne fallait que l’autorité pour décider cette question, une foule d’Ecrivains de tous les pays et de tous les siècles se réuniraient aisément pour accabler le théâtre de leurs anathèmes. […] Qu’on rabatte, à la bonne heure, de la grossièreté de ces termes, qui en effet ne sont pas du goût de notre siècle, qu’on accorde de la politesse, de la civilité aux Acteurs de Paris ; mais les mœurs des troupes sont toujours les mêmes, et les Etats du royaume n’auraient pas moins de doléances à faire que dans le seizième siècle. Le théâtre, comme tout le reste, doit sans doute, selon le génie des nations ou des siècles, le goût de la Cour ou de la ville, la diversité des modes, la variété des circonstances, le caractère des Auteurs, prendre des tons différents de modération ou de débauche, de différentes nuances de décence ou d’effronterie ; mais ce n’est que changer d’habit, le fond est toujours le même, c’est toujours une troupe de gens sans religion et sans mœurs, qui ne vit que des passions, des faiblesses, de l’oisiveté du public, qu’il entretient par des représentations le plus souvent licencieuses, toujours passionnées, et par conséquent toujours criminelles et dangereuses, et qui enseigne et facilite le vice, le rend agréable, en fournit l’objet, et y fait tomber la plupart des spectateurs. […] Finissons par l’autorité de Théodoric, Roi des Goths, très grand Prince, malgré la barbarie de sa nation et de son siècle, et par celle de Cassiodore son Secrétaire d’Etat, l’un des plus habiles et des plus vertueux Ministres.
N’est-il pas les délices des Grands de notre siècle, & des personnes d’esprit ? […] Isabelle Andréini, Comédienne célèbre, native de Padoue, la plus belle, la plus spirituelle, la plus vertueuse Femme de son siècle, agrégée à l’Académie des Intentis de Padoue, dont les vers sont estimés. […] Un Historien peut aussi suppléer quelquefois, transplanter un événement vieilli par des siècles : voilà le grand art : qui le démentira ? […] le ravissant spectacle de voir un balet figuré par des siècles. […] Isaac Lasaubon, un des plus Savans Hommes de son siècle, nâquit à Genève, sa profonde Erudition lui valut l’estime d’Henri IV, & de Jacques Premier, Roi d’Angleterre.
Qui eût pu conjecturer que de ce qu’une fille tracerait sur la muraille l’ombre de son amant, il en résulterait la Peinture pour être portée par les Raphaël, les Rubens, les Corrège et les Le Moine au degré auquel elle est parvenue depuis deux siècles. […] Que de siècles n’a-t-il pas fallu à tous les arts pour devenir ce qu’ils sont !
Aujourd’hui donc, pour nous restreindre au sujet que nous nous proposons de traiter, nous sommes forcés de tourner tous ensemble les feuillets de cette histoire de quinze siècles de sang pour arriver à l’époque où nous vivons. […] Ils pensaient, ces amis de la religion, que les prêtres auraient suivi, au moins de loin, les progrès que l’esprit humain a faits par les discussions philosophiques de tout un siècle, et par l’éloquence persuasive et retentissante de la presse ; qu’ils auraient banni ces controverses absurdes ou inintelligibles que, dans des temps d’ignorance, les avaient soutenues le fer et la flamme à la main. […] Telle a été la puissance de ces productions du génie, qu’elles ont traversé des siècles d’ignorance et de barbarie, et sont parvenues jusqu’à nous pour nous être données comme modèles dans nos études. […] elle a été ternie pendant les dernières années de sa vie, et ce sont les chefs-d’œuvre de Corneille, de Racine et de Molière qui ont valu à son siècle le nom de siècle de Louis XIV.