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34. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE IV. Apologie des Dames. » pp. 119-155

« Au fond les femmes ne savent rien » : à qui la faute ? Elles savent tout ce que vous leur montrez, Messieurs les hommes : et que leur montrez-vous ? […] Ton cœur ne sait-il pas me rendre mieux justice ? […] Oui, Seigneur, je sais tout, et je vous parle instruit. […] Quand on n’est qu’un Magot, il faut s’en tenir à l’amour Platonique : que sais-je ?

35. (1731) Discours sur la comédie « TROISIEME DISCOURS » pp. 304-351

Donc l’Ecriture ne saurait plaire sur le Théâtre des Comédies sans y être altérée ou corrompue. […] En vérité, Messieurs, je ne sais comment on peut supporter l’idée de cette nouvelle sorte d’interprètes, lesquels s’appliquant principalement à faire des Comédies, ne peuvent être appelés que des interprètes comiques. […] Elles savent qu’entre les mains de ceux qui travaillent pour le Théâtre, l’Ecriture sera toujours altérée ; altérée, parce qu’ils ne l’entendent pas, parce qu’ils ne peuvent se dispenser d’y mêler de la galanterie, parce qu’ils veulent exciter d’autres mouvements que ceux que l’Ecriture inspire, parce qu’ils choisissent des sujets, qui, sans les précautions que le Théâtre ne saurait admettre, s’altèrent nécessairement dans l’esprit des gens du monde ; enfin parce qu’on ne saurait souffrir sur le Théâtre l’Ecriture expliquée et entendu comme elle le doit être. […] Vous vîtes le mois passé dans les Lettres de saint Ignace, que ce glorieux Martyr dit qu’il s’attache à l’Ecriture, comme au corps de Jésus-Christ, et tout le monde sait que saint Augustin parle souvent le même langage. […] avec quelle adresse trompe-t-il les hommes, et sait-il leur faire prendre pour un bien, ce qui est un mal véritable ?

36. (1759) Lettre d’un professeur en théologie pp. 3-20

Je sais trop vous rendre justice, Monsieur, pour penser que le desir de calomnier vous ait fait avancer ces propositions. […] Mais il ne me convient pas de prendre ici la défense de Messieurs de Genève ; vos ouvrages parviendront jusqu’à eux, & ils sauront y répondre, s’ils le jugent à propos. […] Newton, Leibnitz & Wolff sont, comme vous savez, nos maîtres en philosophie ; nous nous appliquons à profiter de leurs lumieres ; & nous nous faisons une gloire de marcher sur leurs traces, sans cependant nous croire obligés d’adopter servilement tous leurs principes. […] Ceux qui pensent autrement, nous les comparons à des hommes qui refuseroient de croire que le feu brûle, parce qu’on ne sauroit leur donner une notion exacte de la nature du feu ; qui nieroient l’existence de la boussole, parce que nous ne saurions leur rendre une raison suffisante de l’action de l’aimant ; qui contesteroient que César eut vécu, parce qu’on ne sauroit le prouver par une démonstration géométrique. […] Nous redoublons de respect & de soumission, lorsque l’Etre suprême parle de lui-même, de sa nature, de ses qualités & de ses attributs ; puisque nous savons qu’un Dieu, à tous égards compréhensible aux hommes, cesseroit par cela même d’être Dieu, & ne pourroit mériter nos hommages.

37. (1715) La critique du théâtre anglais « AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. » pp. -

Pour moi sitôt que j’appris par le Journal de Londres, la nouvelle de cette guerre littéraire, j’eus une impatiente curiosité de lire l’ouvrage qui l’avait causée : je l’attendis longtemps, et il me tomba enfin entre les mains par je ne sais quel hasard, et dans le temps que je n’y pensais plus. […] Evremond qui se cite tout seul, et qui de son propre aveu n’avait nulle teinture de la langue Grecque. « Pour le style de Plutarque, dit-il en quelque endroit, n’ayant aucune connaissance du Grec, je n’en saurais faire un jugement assuré. » Il est donc vrai qu’on saura au juste et pour la première fois par cette Traduction ce que c’est que le Poème Dramatique en Angleterre. […] On sait que ce genre d’écrire est marqué à un coin différent des autres ; qu’il ne consiste pas, comme l’histoire, par exemple, dans un récit simple et fidèle ; qu’il y faut je ne sais quel brillant qui serve comme de parure au solide, certains tours particuliers soit pour la pensée, soit pour l’expression ; certaines figures qui le caractérisent. […]  « Heureux, si le Théâtre au bon sens ramené, N’avait point, de l’amour aux intrigues borné Cru devoir inspirer d’une aveugle tendresse Aux plus sages Héros la honte et la paresse : Peindre aux bords de l’Hydaspe Alexandre amoureux, Négligeant le combat pour parler de ses feux, Et du jaloux dessein de surprendre une ingrate Au fort de sa défaite occuper Mithridate : Faire d’un Musulman un Amant délicat Et du sage Titus un imbécile, un fat, Qui coiffé d’une femme et ne pouvant la suivre Pleure, se désespère, et veut cesser de vivre … … … … … … … … … … … … Mais on suppose en vain cet amour vertueux : Il ne sert qu’à nourrir de plus coupables feux L’amour dans ces Héros plus prompt à nous séduire, Que toute leur vertu n’est propre à nous instruire. » Au regard des Anglais, que la paix multiplie chaque jour dans le Royaume, ils seront bien aises d’avoir un excellent Auteur de leur nation traduit dans une langue qu’il leur est nécessaire de savoir pour vivre en un pays étranger avec quelque plaisir et quelque satisfaction.

38. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XVIII. Eprouver par soi-même si les spectacles sont dangereux, c’est vouloir tomber dans les dangers qu’ils offrent. » pp. 154-163

Ils ne savent pas que cette curiosité est déjà un grand mal, et que c’est être tombé aux yeux de Dieu, que de se laisser affaiblir par la tentation de juger de ses commandements par sa propre expérience. […] Il a tout son effet sans être aperçu ; et, comme on n’est point instruit de ce qui est essentiel à la droiture et à l’innocence du cœur, on ne sait point aussi jusqu’où il s’affaiblit et se corromptbp.  « Entre les jeunes gens qui vont aux spectacles, y en a-t-il qui connaissent toute la pureté de l’Evangile et toutes les obligations du baptême ; qui sachent dans quel abîme de corruption l’homme est tombé, et par quel remède Jésus-Christ veut le guérir ? […] Si elles savaient en quoi consiste la vraie vertu, elles tiendraient un langage bien différent. […] Mais n’est-ce pas le comble de la misère de ne pouvoir trouver de plaisir que dans ses propres maux, de récompenser ceux qui savent les entretenir ?

39. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « PENSEES SUR LES SPECTACLES. » pp. 1-12

Ils ne savent pas que cette sorte de curiosité est déjà un grand mal, et que c’est être tombé aux yeux de Dieu que de se laisser affaiblir par la tentation de juger de ses Commandements par sa propre expérience. […] Il a tout son effet sans être aperçu ; et comme on n’est point instruit de ce qui est essentiel à la droiture et à l’innocence du cœur, on ne sait point aussi jusqu’où il s’affaiblit et se corrompt. […] Entre les jeunes personnes qui vont au Spectacle, y en a-t-il qui connaissent toute la pureté de l’Evangile, et toutes les obligations du Baptême ; qui sachent dans quel abime de corruption l’homme est tombé, et par quels remèdes Jésus-Christ veut le guérir ? […] On s’était livré à tout ce qui pouvait agiter l’âme, et lui faire sentir du plaisir par cette agitation ; et rien ne découvre mieux cette volonté secrète, que l’indignation contre les personnes qui n’ont pas su troubler notre repos. […] L’âme était déjà si languissante et si faible lors même que les objets étaient éloignés, et elle était si touchée de leur seule idée lorsqu’ils n’étaient présents qu’à sa mémoire ; que sera-ce donc quand sa faiblesse sera livrée aux passions des autres, et qu’elle sera assez imprudente pour admettre dans son cœur tant de mouvements étrangers, et assez aveugle pour savoir gré à tous ceux qui les lui ont inspirés ?

40. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « EXTRAIT DE QUELQUES PENSEES SAINES. Qui se rencontrent dans le livre de J.J. Rousseau contre le Théâtre, ou condamnation de son système par lui-même. » pp. 66-77

savoir, l’esprit, le courage, ont seuls notre admiration ; et toi, douce et modeste vertu, tu restes toujours sans honneurs ! […]  » « Les Anciens parlaient de l’humanité en phrases moins apprêtées ; mais ils savaient mieux l’exercer. […] les Athéniens savent ce qui est honnête, mais les Lacédémoniens le pratiquent." […] faut que chacun sente qu’il ne saurait trouver ailleurs ce qu’il a laissé dans son pays ; il faut qu’un charme invincible le rappelle au séjour qu’il n’aurait point dû quitter ; […] il faut qu’au milieu de la pompe des grands Etats, et de leur triste magnificence, une voix secrète leur crie incessamment au fond de l’âme : Ah ! […] " » « On voulut recommencer la danse, il n’y eut plus moyen : on ne savait plus ce qu’on faisait, toutes les têtes étaient tournées d’une ivresse plus douce que celle du vin.

41. (1691) Nouveaux essais de morale « XXI. » pp. 186-191

La raison prétendue par laquelle on veut justifier la Comédie d’aujourd’hui, savait qu’elle est épurée de toutes les ordures et de toute l’idolâtrie, qu’y mélaient les anciens, est une raison si faible, qu’elle n’est pas digne du moindre petit Ecolier de Théologie, ni d’un homme tant soit peu versé dans la connaissance de la Morale de Jésus-Christ, et dans celle du cœur de l’homme. […] Tertullien traitait d’idolâtres les Chrétiens qui prononçaient seulement les noms des fausses divinités des Païens, et il ne pouvait souffrir que les Maîtres d’Ecole enseignassent les Poètes à leurs Disciples, à cause qu’ils sont pleins de ces fausses divinités, quel sentiment aurait-il de nos Poètes Français, qui se sont imaginés qu’on ne saurait faire de bons vers, si on ne les relève par les noms de ces divinités ? […] C’est pourquoi ce Docteur est si en peine de savoir comment on peut accorder les commandements que Dieu fait d’obéir aux Puissances, avec ces paroles de saint Pierre : « Qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». […] Elle savait qu’elle ne les portait que par son autorité, et qu’elle ne s’en devait servir que selon ses ordres.

42. (1675) Traité de la comédie « XXXIII.  » pp. 328-329

L'âme ne saurait conserver une véritable piété sans le secours d'une crainte salutaire, qu'elle conçoit à la vue des dangers dont elle est environnée. […] Elle sait, comme dit saint Paulin, que toutes les créatures corporelles qui attirent nos cœurs par l'entremise de nos yeux, sont autant de rets dont le Diable se sert pour nous prendre ; autant d'épées dont il tâche de nous percer le cœur. Elle sait qu'elle marche au milieu de ses ennemis et de mille pièges, et qu'elle y marche sans lumière et sans force, parce qu'elle ne voit que ténèbres dans son entendement, que faiblesse dans sa volonté, que révolte dans ses sens.

43. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Je me restreins donc à l’examen d’une seule des questions discutées par vous, à savoir « si les Spectacles sont bons ou mauvais en eux-mêmes ». […] « L’effet moral des théâtres ne saurait jamais être salutaire, ni bon en lui-même ; puisqu’à ne compter que leurs avantages, on n’y trouve aucune sorte d’utilité réelle sans inconvénients qui la surpassent. […] Vous savez encore quelle influence ont les mœurs des Rois sur les mœurs des Sujets ; que l’esprit, que les goûts des Princes deviennent ceux de leur siècle ; et vous sentez, comme moi, toute l’importance de purger en eux des passions funestes à tant de milliers d’hommes. […] Il savait qu’une erreur ancienne devient sacrée ; qu’avec de l’esprit, on peut faire goûter aux hommes quelques vérités ; mais qu’avec plus d’esprit encore, on s’abstiendrait de les leur découvrir toutes : il savait que ces préjugés de naissance, que cette chimère, plus ridicule que celle des Fables, née de l’orgueil, nourrie par la flatterie, défendue par l’opinion, et couverte du voile épais des siècles, ne pouvait être attaquée impunément : il savait que les Grands lui pardonneraient de peindre leurs vices et leurs ridicules, et non de les dépouiller d’un éclat étranger, mais imposant, qui leur tient lieu du mérite qu’ils n’ont pas : il savait enfin qu’on aimait le merveilleux au théâtre, et c’est peut-être ce qui l’a déterminé à donner au vertueux Dom Sanche un père couronné. […] Si Alexandre, en lisant l’Iliade, conçut le dessein de surpasser les exploits d’Achille, qui sait combien la clémence d’Auguste, depuis sa première représentation, a conservé de têtes dans l’Europe ?

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