Cette règle ne sçaurait trop être suivie à la rigueur. […] Les meilleurs Auteurs modernes s’attâchent à mettre dans leurs ouvrages de Théâtres cette règle nécessaire, qu’on ne sçaurait enfreindre sans détruite toutes les autres. […] Je pense même qu’une Pièce est mieux dans les règles lorsqu’elle finit sans que ses personnages se soient démentis un seul moment. […] Les règles que contient ce Chapitre leur sont indispensables. […] On est persuadé de l’importance de cette règle, qui tire son origine du genre même du Théâtre-moderne ; chaque jour on la met en usage avec le plus grand succès.
Le mariage règle la concupiscence, mais il ne la rend pas réglée ; elle est toujours déréglée en elle-même et ce n'est que par force qu'elle se contient dans les bornes que la raison lui prescrit. Or en excitant par les Comédies cette passion, on n'imprime pas en même temps l'amour de ce qui la règle: les spectateurs ne reçoivent l'impression que de la passion, et peu ou point de la règle de la passion: l'auteur l'arrête où il veut dans ses personnages par un trait de plume ; mais il ne l'arrête pas de même dans ceux en qui il l'excite.
« Les règles du Duo, & en général de la Musique à deux parties, sont les plus rigoureuses pour l’harmonie ; ces règles étaient bien plus sévères autrefois ; mais on s’est relâché sur tout cela dans ces derniers tems où tout le monde s’est mis à composer. […] La plus-part des Compositeurs, de la nouvelle musique sur-tout, observent-ils toujours ces règles judicieuses, puisées dans la Nature ? […] On me dira que les Symphonies des entre-Actes ont été imaginées afin de délasser par intervale les Spectateurs ; mais l’usage des chœurs intimement liés au sujet, était bien plus délicat & plus dans les règles de l’art. […] D’ailleurs, la plus-part des Savans qui ont écrit sur les règles théâtrales, l’ont conseillé au Poète Dramatique. […] Mais il ne s’agit point de considérer si une règle est difficile ; il faut seulement observer si elle est importante, & si elle mène à la perfection.
Le mariage règle la concupiscence, mais il ne la rend pas réglée. […] Or en excitant cette passion par les Comédies, on n'imprime pas en même temps l'amour de ce qui la règle. Les spectateurs ne reçoivent que l'impression de la passion, et peu ou point de la règle de la passion.
Quand je propose des règles si sévères et si sublimes, je n’ai pas la présomption de croire que je les ai entièrement remplies dans la composition de Judith. […] J’avouerai qu’à l’examiner dans toute la sévérité de la règle, la critique est raisonnable ; mais s’il fallait s’en tenir à cette parfaite unité qu’on me demande, on aurait à reprocher ce défaut presque à tous les Ouvrages de Théâtre. Si Monsieur de Corneille se fût imposé cette règle, que serait devenue cette belle Scène que Rodrigue fait avec Chimene quand il la va trouver chez elle ? Que s’il faut justifier mon Ouvrage en particulier, il me suffit du moins pour établir l’unité morale que ce commerce qui est entre la Ville et le Camp pour l’exécution de ce qui se passe sur la Scène, se puisse faire vraisemblablement dans moins de temps qu’il ne faut pour satisfaire à la règle de vingt-quatre heures ; et d’ailleurs cette unité de Scène se doit expliquer plus favorablement pour mon Ouvrage, puisque la proximité du Camp et de la Ville était absolument nécessaire dans les Sièges du temps de Judith où l’on ne pouvait battre les murailles de la Ville assiégée, qu’avec des machines. […] Je répondrai encore moins à la critique qui est fondée sur le goût et non pas sur la règle.
L es Auteurs qui ont entrepris de donner des règles sur le Théâtre, ont été jusques à marquer combien on pouvait faire parler d’Acteurs dans une même Scène. […] Voici les règles que je proposerais, si ma voix était comptée pour quelque chose. […] Mais je n’ose appuyer sur cette règle, dans la crainte qu’elle ne soit trop contredite. […] Voila, je l’avoue, un oubli marqué des règles.
Au reste, ce ne sont ici que des opinions particulières, qui ne tirent point à conséquence, & qui importent fort peu au Poète qui veut s’instruire des règles du Drame. […] Je dirai au sujet de la coutume la plus usitée par ces diverses Nations, qu’un homme d’esprit m’a soutenu qu’il était plus naturel & selon les règles de réduire les Drames en général au nombre fixe de trois Actes. […] La règle sévère à laquelle nous l’assujettissons n’est point prise dans la nature. […] Qu’on ne se moque pas de la nouvelle règle que je propose. […] N’arrêtons jamais les progrès d’un art par des règles trop rigoureuses ; permettons-lui de les enfreindre, lorsque sa témérité le conduit à des beautés nouvelles.
» Ajoutons à ces autorités celle du troisième Concile de Milan dans la quatrième partie des Actes de l’Eglise de Milan page 485. qui s’exprime en ces termes : « Que le Prédicateur ne cesse de reprendre ces assemblées qui servent d’amorce aux péchés publics, et que les hommes accoutumés au mal comptent pour rien ; qu’il tâche d’en inspirer la plus grande horreur ; qu’il fasse voir combien Dieu y est offensé, combien de maux, de calamités publiques, et de dommages ils attirent sur les Royaumes ; qu’il témoigne en toute occasion combien on doit détester les spectacles, les Comédies, les jeux publics qui tirent leur origine des païens, et qui sont entièrement opposés à l’Evangile et aux règles de la discipline chrétienne ; qu’il représente souvent les châtiments publics que ces désordres attirent sur le peuple chrétien ; et pour fortifier les fidèles dans une doctrine si importante, qu’il emploie l’autorité très respectable des Pères, tels que sont Tertullien, Saint Cyprien, Salvien, Saint Chrysostome. […] » Sur ces règles si saintement établies pour l’utilité des Chrétiens, par la tradition de tous les siècles, il est aisé de voir quel jugement on doit faire de la Comédie qui a pour titre le Festin de Pierre ; comme il n’y en a point qui soit plus remplie d’obscénité, d’impureté et d’impiété, on peut dire qu’elle porte sur le front sa condamnation. […] Ainsi les Confesseurs qui se souvenant qu’ils sont les dispensateurs des Mystères de Dieu, ont refusé l’absolution, ont très bien fait, puisqu’ils ont suivi les règles de l’Eglise, qui n’admet point à la participation de ses Sacrements les gens de cette Profession, comme on le voit dans le corps du Droit Canon, chap. […] Ceux donc qui consultent, trouvent dans cette règle du Rituel de Paris la conduite qu’ils doivent garder, et de quoi remercier Dieu de la grâce qu’il leur a faite de ne s’être point écartés de la règle de l’Eglise. Qu’ils s’en tiennent à cette règle qui est celle de toute l’Eglise, puisque le Rituel de Paris ne fait qu’exécuter ce qui est dit dans les chapitres que nous avons cités, Pro dilectione, et Scenicis.
On ne sait pas bien sur quoi ces Décorations étaient peintes ; mais il est certain que la perspéctive y était observée ; car Vitruve (Lib. vij) remarque, que les règles en furent inventées & mises en pratique dès le temps d’Eschyle par un Peintre nommé Agatharcus, qui en laissa même un Traité. […] Les Décorations de pur ornement n’ont de règle que le goût. […] Le manque de Décorations entraîne l’impossibilité des changemens, & celle-ci borne les Auteurs à la plus rigoureuse unité de lieu ; règle gênante, qui leur interdit un grand nombre de beaux sujets, ou les oblige à les mutiler.
Les règles des Jésuites y sont absolument contraires, ces règles célèbres, si bien combinées pour un gouvernement despotique, que le Cardinal de Richelieu, ce grand politique, disait qu’ « il n’en voudrait pas davantage pour gouverner tout un monde », et pour cette raison ne donna aux Jésuites aucune entrée, ni dans sa conscience, ni dans les affaires de l’Etat, et fit renvoyer de la Cour le P. […] Que cette règle est sage ! […] ), qui semble avoir copié la règle des Jésuites. […] Sur la garantie de leur règle, de leur sagesse, de leur piété, j’ai droit de m’inscrire en faux contre toutes les imputations de leurs ennemis. […] Que si sous les yeux et la discipline de maîtres pieux, on a tant de peine à régler le théâtre, que sera-ce dans la licence d’une troupe de Comédiens, qui n’ont de règle que leur profit et le plaisir des spectateurs ?