Cette délégation qui ne sait trop de quel côté se tourner, attache beaucoup d’importance à cet établissement ; c’est la dernière ressource pour consoler les Peuples, c’est l’émétique donné aux malades, ou comme l’Extrême — Onction aux moribonds quand il n’y a plus d’espérance ; elle a porté son zèle jusqu’à céder le bel appartement du palais Radsivil où elle tenoit ses séances pour faire place aux Comédiens du Baron de Karti qui doivent y donner des spectacles d’un genre fort différent. […] Il ne faut pas d’autres spectacles, celui qu’on y donne est un spectacle national, les Acteurs en sont excellens ; il y a du comique & du tragique, on reconnoît sans peine parmi eux les Arlequins, les Scaramouches, les Pantalons, &c de la grande troupe & les valent bien : sous ces noms ils désignent parfaitement & caractérisent clairement tous les Seigneurs qui composent cette assemblée ; les Ministres des Puissances co-partageantes la grande affaire de la division du Royaume, les Peuples qui en sont la victime ; rien de plus piquant pour les Polonois, il l’est moins pour nous qui ne connoissons pas les personnages ; mais rien de plus vrai & de plus juste, le Roi de Prusse y joue un grand rôle. […] Cet ouvrage est écrit d’un style aisé, libre, simple, d’un homme de Cour que donne l’usage du grand monde plus que l’étude, le travail & même le génie, mais plein de traits hardis & mordans contre tout ce qu’il y a de respectable : le premier y donne du poids, mais le second les décrédite, ils sont préférables à quantité d’autres Mémoires qui ne sont que des romans, il y a réduit en système la morale lubrique ; les principes des actions humaines ne sont pas, selon lui, le vice ou la vertu, la tentation ou la grâce, le bon ou le mauvais usage de la liberté, ce sont les appetits naturels ; les passions ou la raison, le tempérament ou la fortune & l’habitude ; un vrai méchanisme ; distinction peu philosophique, les passions ne sont que les appetits naturels portés à l’excès ; l’un & l’autre effet naturel du tempérament, c’est à quoi il attribue tout ce qui s’est passé dans les événemens qu’il raconte, il suppose dans la Cour de France le système suivi du despotisme absolu dont il attribue le principe à Henri IV, malgré sa popularité souvent poussé trop loin par Richelieu, par Mazarin, & enfin consommé par les Colberts & Louvois & autres Ministres de Louis XIV pendant un long règne qui y a accoutumé pour toujours un peuple foible & docile. […] Tous les grands mots de l’intérêt public, du bien du Royaume, du salut des peuples, ne sont qu’un vain son ; tous ces prétendus politiques ne sont que des libertins mis en mouvement par les passions, c’est un théatre où l’amour fait mouvoir les cordes, les poids, toute la machine ; ce n’est point le Machiniste, le Décorateur, c’est Cupidon qui donne le spectacle, c’est Cupidon qui bat la mesure à l’orchestre. […] Les Seigneurs Romains & les Césars donnoient à leurs dépens les spectacles au peuple ; les Princes modernes les afferment, & en tirent un profit considérable.
En l’autre exemple, il y a des circonstances, qui doivent être bien considérées : Il était question de conserver l’honneur d’une Vierge, non de donner du plaisir à un peuple ; de sauver une pauvre colombe, environnée, comme parle S. […] Eph. 5 bm : Que le mystère de Jésus Christ et de son Eglise, est profané par tel déguisement, et qu’il est sanctifié, quand la distinction faite entre les sexes en la Création, est observée, tant en l’office, qu’en l’accoutrement de l’un et de l’autre : Sur quoi quelques-uns prennent occasion de blâmer les Amazones, et les femmes d’Egypte, qui trafiquaient en pays étrange, et leurs maris cependant filaient au logis, comme écrit Hérodotelib. 2 bn ; lequel pour mieux représenter la confusion de ce peuple, ajoute qu’aussi foulaient-ils la farine avec les pieds, en boulangeant ; et pétrissaient avec les mains le mortier, en bâtissantbo, etc. […] J’entends, que les Patrons des Comédiens, pour éluder la loi du Deuter. se prévalent de cet exemple, et de ce déguisement, que fit Michol, d’une image, pour représenter David ; concluent, ou l’approbation, ou la permission, ou pour le moins l’indifférence, de leurs déguisements Comiques et Tragiques : Mais devant que venir à cette conclusion, il faudrait avoir prouvé ces propositions : Qu’il n’y a point de différence entre une image de bois ; et l’homme, qui est l’image de Dieu : Que l’on peut faire de l’un, tout ce qu’on fait de l’autre ; Qu’il y a même raison, à aviser promptement, et par nécessité de quelque invention, pour éviter la furie d’un Tyran, et se déguiser et apprêter tout à loisir, pour donner du plaisir à un peuple ; Que tout ce qui se peut faire en la chambre d’un mari et de sa femme, se peut aussi faire en un Théâtre, et lieu public : Qu’une bouche, qui profère tantôt des saletés, tantôt des impiétés et blasphèmes, comme fait celle d’un bateleur jouant ses Comédies, et Tragédies ; ne diffère en rien, d’une chose muette et insensible, telle qu’était l’image de Michol. […] I. cap. 33 ci , quelle fureur est ceci, non pas erreur, que vous cherchez des Théâtres, y entrez, les remplissez, faisant choses plus folles qu’auparavant ; pendant que les peuples d’Orient, plaignent votre ruine, pendant que de grandes villes, en pays lointains, en mènent deuil public ? […] Lo ep : Et voyant, qu’à Constantinople, on jouait des jeux, auprès d’une statue de l ’Impératrice, et qu’à cette occasion, le peuple se détournait des assemblées Ecclésiastiques, il l’en reprend vivementSocr. li. 6 ca. 18. et Sozom. l. 8 c. 20 et 21 et 22 eq : on le calomnie envers l’Impératrice, qui l’avait déjà une fois banni de la ville ; il ne rabat rien de sa liberté, et sainte hardiesse : Elle ne pouvant supporter la vérité, et sévérité de ce S.
Telle a toujours été la conduite de l’Eglise à l’égard des abus qu’elle n’a pû abolir ; gémissant sur l’empressement que font paroître les peuples, & quelquefois même les Magistrats pour des pratiques condamnables, elle n’ose en venir à des extrêmités, & se contente d’ordonner à ses Ministres de travailler à désabuser les peuples, & à leur donner de l’horreur de tous les divertissemens dangéreux qui les enchantent. […] Saint Jean Chrysostôme, à ce sujet, disoit un jour à son Peuple : Je ne doute pas que plusieurs de ceux qui sont ici présens, ne se soient trouvés hier au spectacle, & ne comptent bien s’y trouver peut-être encore ce soir même. […] On se plaignit alors que les Magistrats & le peuple négligeoient le soin des affaires publiques ; la jeunesse quitte ses anciens exercices pour courir aux théâtres. […] Consultez encore les derniers Livres saints, & recherchez du temps des Macchabées la cause & l’origine de la perversion presque générale du peuple Juif. […] Le peuple d’Antioche le disoit de même autrefois à son sage Archevêque : Que répondoit le divin Chrysostôme ?
Celle que le Sphinx proposait au Peuple de Thèbes, Qui fut cause qu’Œdipe eut la douleur amère De faire des enfans à Madame sa Mère11, doit baisser pavillon devant l’espèce d’énigme dont je parle.
Car qui n’a horreur dans la course des chariots, de voir la fureur de tout un peuple, qui tempête et qui dispute ?
Voici ce qu’il a dit sur les spectacles, il y a quelques années, dans un discours public : « Voyez les théâtres tenant école de corruption et de scélératesse… foulant aux pieds les vertus les plus saintes avec l’intention patente de faire aimer, choyer, admirer le duel, le suicide, l’assassinat et le parricide, l’empoisonnement, le viol, l’adultère, l’inceste, préconisant ces forfaits comme la fatalité glorieuse des esprits supérieurs, comme un progrès des grandes âmes qui s’élèvent au-dessus de la vertu des idiots, de la religion des simples et de l’humanité du commun peuple. […] Sans doute, la corruption a existé dans tous les siècles passés et existera dans les siècles futurs ; mais elle n’a traversé et ne traversera les siècles qu’avec des oscillations en plus et en moins, suivant le degré de foi religieuse des peuples. Il est une vérité incontestée et incontestable, c’est que quand la foi diminue chez un peuple, ses mœurs se corrompent à proportion : on ne pratique sincèrement que ce que l’on croit fermement, et on ne pratique plus dès qu’on ne croit plus.
Ce que sont les Pièces des différens Peuples. […] Je dirai peut-être encore ailleurs combien le goût d’un Peuple influe sur les actions de ses Drames ; mais j’espère qu’on me pardonnera de parler souvent du Théâtre de nos Voisins.
Et certes il n'y avait point d'apparence de souffrir que des âmes qui venaient de se purifier de leurs vieilles corruptions, qui s'étaient sanctifiées dans les eaux du Baptême, qui étaient parvenues à la connaissance du vrai Dieu, et qui par les mouvements du Saint Esprit, et en la présence des Anges avaient renoncé courageusement à Satan, à son service, et à toutes ses pompes ; que ces Ames, dis-je, témoignassent encore cette inclination à leurs premières impiétés, qu'elles fussent tous les jours abandonnées au culte des Idoles, qu'elles reconnussent un Bacchus et une Vénus, infâmes protecteurs des Ivrognes et des Débauchés, pour des puissances Divines, et qu'à la vue de tout un peuple, et à la face du Ciel et de la Terre, elles retournassent au service des Démons, dans le plus superbe lieu de leur Empire, et dans la plus glorieuse pompe que la superstition leur ait jamais consacrée. […] pour une Ville dont tout le peuple est mort, ou pleure ses calamités.
Le Grand Pompée qui s'est surmonté lui-même par la magnificence de son Théâtre, ayant bâti cet asile de toutes sortes d'impuretés, craignant d'en être un jour repris par les Censeurs, et de s'attirer par là quelque flétrissure injurieuse à sa mémoire, fit bâtir en ce lieu un Temple à l'honneur de Venus, et dans l'Edit qu'il publia pour appeler le Peuple à la consécration de cet Edifice, il ne lui donna point le nom de Théâtre, mais de Temple de Venus, au-dessus duquel, dit-il, nous avons mis des sièges pour ceux qui assisteront aux Spectacles: ainsi sous le titre d'un Temple, il éleva ce bâtiment détestable, employant la superstition pour se jouer de la discipline. […] C'est donc avec raison que nous qui faisons profession des bonnes mœurs, et de la pudeur, nous nous abstenons de vos voluptés, de vos pompes, et de vos Spectacles, comme de choses mauvaises, et consacrées à de fausses divinités, dont nous savons la naissance et l'origine, et nous les condamnons comme des corrupteurs agréables : Car qui n'a horreur dans la course des Chariots, de voir la folie de tout un Peuple qui se querelle: Qui ne s'étonne de voir dans les Jeux des Gladiateurs, l'art de tuer les hommes : La fureur n'est pas moindre au Théâtre ; mais l'infamie y est plus grande : car un Acteur y représente les adultères, où il les récite : Et un Comédien lascif émeut les passions des autres, en feignant d'en avoir lui-même.
c’est dans ces agréables divertissements que ces hommes trouvaient le charme de leurs ennuis, s’en servant aussi quelquefois comme d’un échelon pour arriver aux grandes charges en gagnant les volontés du peuple par ce moyen. […] Que s’ils donnent ensuite la comédie au peuple, c’est un effet de leur courtoisie qu’ils ne refusent à personne.