C’est néanmoins celle où vous êtes réduite, et ce qui rend votre condition encore plus misérable, c’est que si vous surmontez aujourd’hui votre passion, elle se révoltera demain ; et vous aurez autant de peine à vaincre cette nouvelle attaque, que la première.
Cette nouvelle me pénétra du chagrin le plus vif.
Cette Compagnie ne se rendit pas pour cela, il fallut entamer une nouvelle négociation ; on sollicita, on pressa, on promit, on menaça, on mendia de toutes parts des autorités, et on fit venir du fond de l’Angoumois une lettre du vieux Balzac, célèbre Académicien, l’oracle de son temps, et qui méritait mieux de l’être que la plupart de ses contemporains.
Une nouvelle ridicule, une réflexion bizarre, un mot, un geste, un habit, une parure en rompt le fil et tourne ailleurs tous les esprits.
Or avec des inclinations si déréglées que les nôtres, quel peut-être l’effet des spectacles que de les réaliser en nous, & de leur donner une nouvelle force ? […] est-ce dans l’Ecriture ancienne, ou dans la nouvelle ? […] Ce seroit en vérité dans le Christianisme une chose bien nouvelle, qu’on nous montrât les auteurs, les acteurs & les partisans du spectacle devenus les plus vertueux & les plus Chrétiens d’entre nous.
Plus cette nouvelle voie menace d’engloutir de citoyens, plus elle doit fixer les vues et les opérations de l’autorité….
Oui ; si quelque chose est capable de nous avilir aux yeux des Sages, c’est l’importance que nous attachons à cet art frivole & dangereux ; c’est de voir que les comédies & les comédiens soient l’objet continuel de nos conversations comme de nos ouvrages périodiques, & qu’on soit en quelque sorte obligé de se bannir de la société, lorsqu’on n’est pas en état d’y rendre compte du bon ou du mauvais succès d’une pièce nouvelle, du jeu d’un acteur, de la figure ou de la voix d’une actrice.
On y reçoit des lettres, on y lit des Romans, on y donne de rendez-vous ; les adorateurs qui l’assiegent, auxquels on étale negligemment les charmes, y offrent leurs cœurs, & les brûlent à ces charmantes flammes ; on y reçoit des faveurs, on y prend des libertés, auxquelles l’état où l’on se montre invite, & qu’il facilite, en faisant semblant de refuser ; on loue, on admire, on éleve jusqu’aux cieux la beauté, les graces, les talens, les succès Dramatiques de la nouvelle Thalie, on avale à longs traits, on est ennyvré de la fumée de tant d’encens ; c’est un Ministre qui donne audience, c’est un Roi sur son Trône, qui reçoit des hommages, c’est une Déesse élevée sur l’Autel, à qui l’on rend un culte religieux, à quoi pense donc l’indiscret Daillion, d’abréger des momens délicieux, qu’on ne sauroit faire trop durer.
L’idée de Madame de Siaal n’est pas nouvelle.
Pourquoi ne pas dire que Venus étoit fille d’un premier Roi de l’Univers, que les hommes ne connoissoient alors que les loix de la nature, ignoroient ce que c’est que le choix & le goût, se livroient à leurs besoins sans délicatesse comme les animaux, & se multiplioient en aveugles, sans que jamais les pères reconnussent leurs enfans, & les femmes leurs époux (ce temps n’a jamais existé, un Chrétien qui croit à la Genèse n’avance point de si grossières absurdités) ; que cette Venus que le Ciel avoit doué d’une beauté divine, sentant des sentimens bien différens des femmes, le dessein de faire connoître aux hommes une union plus parfaite, qu’elle assembla les plus belles femmes, & que connoissant son sexe moins difficile à conduire que les hommes (peu de maris en conviendroient) : elle commença à publier par lui les loix, persuadée que les femmes porteroient bientôt les hommes à les suivre, lorsqu’elles se donneroient la peine de les en instruire (ces institutrices de chasteté sont à naître, à moins que ce ne soit les Actrices de l’opéra), dans cette nouvelle école cette Princesse leur fit voir l’horreur de se livrer à la nature sans que le cœur y prit aucune part ; que cette partie étant la plus belle & la plus noble, devoit conduire toutes les actions de la vie (quand on n’a que des sentimens platoniques, on n’en veut pas plus à la femme qu’à l’homme, la femme touche le cœur par d’autres endroits).