36Denis d’Halicarnasse dans son Traité de l’arrangement des mots, dit qu’il y a trois caractères qui distinguent tous les Ecrivains, de quelque nature qu’ils puissent être ; le prémier convient à merveilles à notre Spectacle ; c’est celui qu’il appelle austère, c’est-à-dire rude & négligé, qui sent moins l’art que la nature. […] Qu’on éxplique, si l’on peut, cette Enigme : …………………………………………………… Soyés sûr que dans notre ménage, Si votre bien dépend de moi, Vous, le vôtre de ma future, L’amour, l’amitié, la nature, Seront pour nous une loi. […] A force de vouloir peindre la Nature, il donne dans le bas & dans des négligences de stile impardonnables. […] De tous ceux qui courent dans la carrière du Spectacle Moderne, il est le seul qui éxcelle à peindre la Nature dans sa vraie simplicité. […] Il est de la nature des Drames burlesques de ne contenir rien d’essentiel ; au lieu que les ouvrages que j’ai cité doivent parler au cœur comme à l’esprit.
la piété n'est que la nature ! […] Les miracles sont des opérations passagères, contraires ou supérieures aux lois de la nature, forment-elles un sein, même dans un sens métaphorique ? […] quelles lois de la nature y renverse-t-on ? […] Le mariage, qui fait seul le bonheur de l'homme, est le vœu de la nature. […] où est donc la liberté, si la nature s'élève au-dessus d'elle-même ?
Les disgrâces qui entrecoupent les grands desseins ; contentent, parce qu’elles excitent la miséricorde dont la nature a mis les semences dans notre cœur ; elles servent de consolation à la misère des affligés, et de lustre à la fortune des plus heureux : la magnificence des Théâtres, les changements des scènes ; la beauté, les ornements des personnages, contribuent beaucoup au plaisir, et une secrète sympathie fait que les mouvements du cœur sont plus forts, néanmoins plus doux, en ce qu’ils paraissent plus justes étant communs dans les assemblées. […] Mais parce que la fin de la comédie est de délecter, et que les pratiques de la vertu ne sont pas celles qui plaisent le plus à notre nature, on les a quittées pour représenter ce qui peut être dans la complaisance des passions, et l’on se propose pour dernière fin, une volupté qui est l’amorce commune de tous les vices ; et d’autant que ces acteurs veulent donner de l’admiration, ils vous font voir des prodiges de méchanceté, des usurpateurs qui s’élèvent dessus les trônes par toutes sortes de crimes, en mettant sous leurs pieds, tous ceux qui ne peuvent servir autrement à leur fortune : des inimitiés éternelles ; des vengeances toujours extrêmes ; la cruauté n’épargne ni l’âge, ni le mérite, ni le sexe ; elle s’étend jusques aux derniers degrés d’une famille, et jusques aux cendres des défunts ; ce ne sont que duels, que guerres, qu’assassinats, où pour donner plus de compassion, l’innocence demeure toujours opprimée. […] Leur face nous semble déjà bien sévère, la nature n’appréhende que trop leurs difficultés, sans qu’on leur ôte tout ce qui leur reste de crédit, en faisant voir leurs entreprises, et leurs fins toujours malheureuses : déjà les hommes ne sont que trop portés, à l’ambition, à l’ennui, aux vanités, aux colères, aux vengeances, aux injustices qui cherchent leur propre intérêt dans la ruine des autres, et qui pensent bien acquérir tout ce qu’ils peuvent usurper ?
C’EST la demande qu’un pauvre Aveugle fait au Sauveur du monde dans l’Evangile de cette semaine ; Fils de David, soit que vous soyez un Prophete, ou le Messie que nous attendons, soit que, comme un autre Moyse, vous ayez reçû la puissance de faire des prodiges, voicy un objet digne de vôtre compassion, accordez-moy par pitié, ce que la nature m’a refusé en me donnant la vie, & qui, par ce refus, m’a privé de toutes les joyes que l’on peut avoir en ce monde ; ouvrez mes yeux qui ne sont ouverts qu’aux larmes, étant fermez à la lumiere du jour. […] Mais aprés tout, pour grand que soit le bien que nous avons reçû de la nature, par la faculté de voir les objets qui frapent nos yeux ; je ne sçay si en ce temps les Chrétiens ne devroient point faire à Dieu une priere toute contraire, & dire avec le S. […] Comme la passion qu’on a pour ces sortes de choses est naturelle & violente, on s’efforce aussi de la justifier par toutes les raisons, que l’amour propre ne manque pas de suggerer ; jusque-là qu’à moins de rendre absolument criminels tous les divertissemens, de quelque nature qu’ils puissent être, on croira toûjours que ceux-cy doivent être comptez entre les plus innocens. […] Or ces spectacles ausquels vous courez, sont de cette nature, eû égard à vôtre foiblesse, à vôtre âge, & à vôtre naturel susceptible des passions les plus dangereuses ; vous commettez donc un peché mortel. […] En effet, que voit-on autre chose dans un bal, que des personnes qui cherchent à plaire en dansant de bonne grace, & parées de tous les ajustemens, dont l’art peut enrichir la nature, pour en augmenter la beauté ?
On peut voir innocemment & sans risque les beautés de la nature, la magnificence des cieux, les richesses de la campagne, une prairie émaillée de fleurs, un ruisseau qui serpente, &c. […] & de quelle nature sont ses reproches ? […] Pressée par le plaisir qu’elle ressentoit ; elle se soulagea par des soupirs, j’étudiai tous ces mouvemens que la nature produisoit en elle, je lui vis faire pendant cette pièce qui est assez variée un petit cours de sentimens, je n’en connois guère dont son cœur n’ait fait l’épreuve dans les trois heures que nous fumes là. […] Pour rire des choses du monde, il faut en quelque façon en être dehors, & la comédie vous en tire, elle vous donne tout en spectacle comme si vous n’y aviez point de part ; la nature nous a donné une merveilleuse facilité à nous moquer des autres & de nous-mêmes dans le temps qu’une partie de nous fait quelque chose avec ardeur & emportement, une autre partie s’en moque, & souvent une troisième se moque de toutes les deux. […] C’est à la vérité suivre le cours de la nature ; mais ne pouvoit-on pas se passer de le répéter si souvent ?
Mais aprés tout, pour grand que soit le bien que nous avons reçû de la nature, par la faculté de voir les objets qui frapent nos yeux ; je ne sçay si en ce tems les Chrétiens ne devroient point faire à Dieu une priere toute contraire, & dire avec le S. […] Comme la passion qu’on a pour ces sortes de choses est naturelle & violente, on s’efforce aussi de la justifier par toutes les raisons, que l’amour propre ne manque pas de suggerer, jusque-là qu’à moins de rendre absolument criminels tous les divertissemens, de quelque nature qu’ils puissent être, on croira toûjours que ceux-cy doivent étre comptez entre les plus innocens. […] Or ces spectacles ausquels vous courez, sont de cette nature, eû égard à vôtre âge, & à vôtre naturel susceptibles des passions les plus dangereuses ; vous commettez donc un peché mortel. […] En effet, que voit-on autre chose dans un bal, que des personnes qui cherchent à plaire en dansant de bonne grace, & parées de tous les ajustemens, dont l’art peut enrichir la nature, pour en augmenter la beauté ? […] Paul, peut servir de resolution au cas de conscience que vous me proposez ; car je veux que le bal, la comedie, & les autres spectacles de cette nature, soient comptés entre les choses indifferentes, ou qu’ils passent pour tels à l’égard de ceux qui ne courent aucun hazard d’y commettre le peché ; si neanmoins par-là l’on donne occasion aux autres, qui n’ont pas la même force, ni une vertu à l’épreuve, de s’exposer au danger d’en commettre, ne devenez-vous pas coupable du scandale que vous leur donnez, & n’êtes-vous pas responsables des pechez qu’ils y feront ?
« Il faut donc nécessairement qu’il y ait six parties à la Tragédie, lesquelles constituent sa nature & son essence. […] Elles sont fondées sur la nature de chaque espece de Poëme. […] Quelle est la nature d’une pareille Médecine ? […] La Nature nous a donné un cœur compatissant à tous les maux de nos semblables : ce qui nous porte à nous secourir les uns les autres. […] Ce cœur si disposé à la pitié, est un heureux présent de la Nature, qui permet que notre facilité à nous laisser attendrir, aille même jusqu’à la puérilité.
Or il est certain, que pour juger des compositions de cette nature il faut prendre l’esprit de Bourgeois, & quitter celuy de Courtisan : Il faut estre accoustumé à l’égalité & au bon ménage de Venise, & n’auoir pas dans la teste le luxe & les superfluitez de Paris. […] Nous auons veu la Nature falsifiée, & vn Monde, qui n’est point le nostre. […] Ils n’ignoroient pas ces bons Romains, la nature & les proprietez de chaque chose : Et comme ils estoient trop intelligens en l’art de la guerre, pour bastir des Citadelles dans les vallons, ils auoient trop de connoissance des ouurages de l’esprit, pour employer le haut stile & les éuenemens illustres dans les sujets populaires. […] Au contraire, comme il a esté dit que la Nature n’est jamais si grande que dans les petites choses, il me semble qu’on pourroit dire icy le mesme de l’Art, & conclure à l’auantage du moindre sur le plus grand, ou certes à l’égalité de l’vn & de l’autre. […] Le troisiesme Acte estant à la fin venu, où Cynthio vouloit continüer de discourir de la nature des passions ; & s’estant tiré le mieux qu’il auoit pû d’vn point de Morale, s’alloit jetter à corps perdu dans vne question de Physique, la patience échapa tout d’vn coup au bon Senateur.
Le Roi de Prusse, aussi bien que l’Eglise Catholique, ordonne la publication des bans & la bénédiction du Ministre devant des témoins, deux conditions nécessaires pour empêcher la clandestinité, chose la plus opposée à la nature d’un état que tout doit rendre public dans la société pendant toute la vie, publication d’ailleurs nécessaire pour découvrir les empêchemens du mariage, instruire les personnes intéressées à s’y opposer, à mettre en sûreté les hypotheques des créanciers. […] L’un & l’autre est bizarre, contre la loi universelle, la raison & la nature. […] C. voulut que le mariage fût la figure de son union avec la nature humaine par l’Incarnation, & avec son Eglise par la Rédemption, ce que S. […] Dieu ne s’est point uni à deux différentes natures, ni à deux diverses Eglises ; il ne s’en séparera jamais. […] Cette idée est injuste & scandaleuse, contraire à la religion & à la nature.
Vous connoissez Madame *** elle a de l’esprit, & elle s’en pique, quand, disoit-elle, quelque chose de la nature porte au peché, on ne peut pas en user librement sans peché ; cela parle de soi sans autre preuve à un esprit, qui a seulement un petit raion d’intelligence : est-ce que la Comedie, qu’on represente ici, donne de soi-même quelque penchant au peché ? […] Je me trouvai l’autre jour chez vôtre ami Monsieur *** Nous parlâmes sur le fatal present de la Comedie qu’on a fait à la ville : cependant, me dît-il, les fauteurs de la Comedie soûtiennent, que saint Thomas leur est favorable, en ce qu’il semble dire, que la profession des Comediens n’est pas mauvaise de sa nature, & que l’on peut même contribuer à leur subsistance, pourvû que ce soit d’une maniere moderée : j’aurois souhaité, que nôtre cher ami nous eût donné la solution à cette objection ; car quoique je sois convaincu, que cet Ange de l’Ecole n’a jamais approuvé les Comedies, telles qu’on les représente aujourd’hui ; cependant il faut le montrer à ces gens, qui se saisissent de toute couleur pour couvrir leur passion.