Un petit scrupule cependant nous arrête et nous empêche d’y donner notre entière adhésion : c’est, et ce sera toujours la difficulté de la coopération au maintien d’une profession que l’Église regarde comme un obstacle à la réception des sacrements, même à l’article de la mort, suivant Mgr Bouvier lui-même qui, comme nous l’avons vu plus haut, dit que les acteurs et les actrices ont été regardés, jusqu’à présent, comme excommuniés, du moins en France. […] C’est donc une profession incompatible avec le salut ou la sanctification chrétienne, puisqu’on est obligé d’y faire renoncer les acteurs et les actrices à l’article de la mort, qu’ils soient aujourd’hui excommuniés ou non. Mgr Gousset, bien qu’il ne paraisse pas les regarder comme excommuniés, ne les oblige pas moins à cet acte de renonciation à l’article de la mort. […] Voici comment Mgr Gousset s’exprime sur ce point : « Lorsqu’un acteur est en danger de mort, le curé doit lui offrir son ministère. […] Ce qu’on a semé dans la corruption ne produit que des fruits de mort et de corruption, c’est-à-dire la démoralisation, le règne impérieux des sens avec des passions inassouvissables.
Vous savez qu’en toute l’action aucun ne fut vu qui représentât la personne de Dieu, comme distincte de celle de Jésus-Christ, et qu’un seulement exhiba celle de Jésus-Christ comme de Dieu et homme, juge des vivants et des morts. […] Mais à bon escient, qui sont ces neuf ou dix acteurs de compte fait, qui effrayés sont depuis morts ? […] Pour nous, qui n’avons bougé de Lyon depuis, nous sommes assurés du contraire, certains que de tous ceux qui étaient présents en l’action, soit acteur, soit spectateur, aucun n’est mort comme ayant été effrayé du foudre, ou du tonnerre. […] Et si pour être morts de ce mal ils sont morts effrayés du foudre, ou du tonnerre, dis encore que ceux qui en sont trépassés en Suisse et au fond des Allemagnes, en Italie, et en plusieurs parts de la France en sont trépassés ; dis que le ministre d’Oullinsaq en a été si épouvanté, et plusieurs du Consistoire de Lyon si grièvement malades, qu’à grand peine ont ils pu se relever du lit bagues sauvesar. Dis que Guillaume la Chanaas et autres, qui en sont morts, et que tu sais n’avoir guère fréquenté les jésuites, pour avoir été de même religion que toi.
de l’oubli de la mort. Cet Auteur sombre, énergique & sublime, plein d’une bonne morale, parle ainsi du théatre : nos théatres, nos divertissemens même retracent l’idée de la mort. […] Cette réflexion dont l’objet est commun à quelque chose de neuf dans son application au théatre, où personne ne songe à la mort, quoique tout la rende présente. […] Ces Acteurs célebres ces actrices brillantes, Baron, la Chammellé, les Gaussins, ces musiciens, ces danseurs, Pecourt, Lulli, Rameau dont vous voyez les tableaux ou les bustes, ont brillé sur la scéne, bientôt comme eux vous serez la proie du tombeau, pulvis es & in pulverem reverteris : par-tout on pense à la mort : on veut mourir, on attend la mort, le dénouement est quelque mort, les Cinna, les Pompées, les Cesars, les Titus, &c. […] Bien plus cette sœur barbare y employe la religion ; & par des sacrifices & des libations sacrileges, demande aux Grecs la mort de sa mere, & le courage pour son frere, d’en être le meurtrier.
Dans la comédie il conduit à une union légitime ; s’il est criminel ; il donne la mort ; s’il ne l’est pas, il fait un mariage. […] Son secret fut découvert à sa mort. […] A sa mort son Pensionnaire n’ayant plus intérêt à le louer, a découvert le mystere de sa politique. […] Les passions sont les maladies de l’ame, elles conduisent à la mort éternelle. […] O aveuglement de l’homme, qui trouvant la mort de tous côtés, lui prête de nouvelles armes, ouvre son sein à ses coups, aiguise le poignard, & se le plonge lui-même dans le cœur !
Je veux représenter Oreste vengeant la mort de son pere sur Clytemnestre sa mere. […] Ainsi nous sommes touchés de la mort de Britannicus ; mais quoiqu’il ne mérite pas ses malheurs, nous nous rappellons ses imprudences : ce qui adoucit la douleur de sa mort, & nous instruit. […] Un Juge, par exemple, qui pour être compatissant ne voudroit pas prononcer la mort d’un coupable, se rendroit coupable lui-même. […] Un homme, quoique persuadé que l’Histoire d’Hippolyte est fabuleuse, pleure en lisant le recit de sa mort, & les Spectateurs pleurent lorsqu’ils entendent le recit de cette mort, quoiqu’ils n’ignorent pas que l’Acteur qui a fait devant eux le rôle d’Hippolyte, est occupé, pendant qu’ils le pleurent, à partager l’argent qu’ils ont laissé à la porte, pour être attendris. […] Après la mort de sa Maîtresse, il faut donc nécessairement ou qu’elle se donne aussi la mort, ou qu’elle justifie l’innocence calomniée.
L’Œdippe de Sophocle traduit en Italien, fut représenté en 1585 sur le Théâtre Olympique, & le Palladio, mort quatre ans auparavant, ne fut témoin d’aucune Représentation sur ce Théâtre qu’il avoit fait à l’imitation de ceux des Romains, exécutant ce qu’il avoit lû dans Vitruve, pour orner la Ville qui lui avoit donné la naissance. […] Rinuccini, Poëte Musicien de Florence, ne fut pas non plus l’inventeur de l’Opera, puisque Muratori dans son Traité de la parfaite Poësie, nomme un Poëte Musicien de Modene, mort en 1605, qui après avoir le premier joint la Musique aux Piéces de Théâtre, mourut pour aller, comme il est dit dans son épitaphe, présider aux Concerts des Anges. […] Il brilla par plusieurs autres Ouvrages, & s’acquit un si grand nom, que l’honneur singulier qu’il reçut après sa mort, mérite d’être rapporté, pour faire voir que les Muses doivent être favorables à une Nation où elles sont si honorées. On portoit sans pompe le corps de Dryden à Westminster, lorsqu’un Milord passa & demanda le nom du Mort. […] Plusieurs Seigneurs y contribuerent, & Dryden, trois semaines après sa mort, fut porté en pompe à Westminster.
Quand quelqu’un de vos camarades est au lit de la mort, demandez-lui s’il ne se repent pas d’y avoir été, et s’il ne craint pas d’en être repris au jugement de Dieu. […] que ce qui est permis aux religieux pour une sainte récréation, leur donne la mort de l’âme, et leur cause une peine épouvantable et d’une éternelle durée !
voyons dans la mort la fin de tous nos maux. Grand Dieu, votre courroux devient même impuissant ; La mort met à vos coups un éternel obstacle. […] Le sage de sang froid doit regarder la mort. […] Ne voyons dans la mort qu’un tranquille someil A l’abri des malheurs, un songe sans reveil. […] De là le mot favori repeté en vingt endroits, qui dans le fonds est un galimathias, & dans son sens le pur matérialisme : l’Homme qui est mort n’a qu’été .
Ici la fille s’enfuit avec son amant, qui fait le mort. […] La jeune Sara avoit épousé successivement sept maris qui tous libertins, & ne cherchant dans le mariage qu’à satisfaire leur passion, avoient mérité d’être mis à mort le jour de leurs noces par le démon Asmodée. […] Deux mariages illustres, célébrés presque en même temps dans l’été de 1765, ont été troublés par les plus tristes événemens ; celui du Duc de Parme, par la mort de Dom Philippe son père, qui étoit dans une autre ville ; & celui de l’Archiduc Léopold, par la mort de son père, l’Empereur François I, qui étoit à la fête ; l’un & l’autre le lendemain des noces, au milieu des plus grandes réjouissances, des bals, des comédies, des festins, qu’elles changèrent en deuil. […] Dans le premier mariage, on venoit de la comédie, quand un courrier extraordinaire qui apporta la nouvelle de la mort du Prince, fit succéder une scène bien lugubre aux arlequinades dont on venoit de s’amuser. […] La confession, la communion, la comédie, la mort subite, sont quatre choses qui ne furent jamais faites pour être ensemble.
Brutus, dans La mort de César, reproche à celui-ci jusqu’à ses vertus. « Qui de ses attentats sont en lui des complices. » bu Si l’on admire le courage de Catilina quand il entre au Sénat, le Spectateur, bien instruit qu’il va mentir, ne voit en lui qu’un Scélérat détestable qui abuse de son éloquence, pour persuader tout ce qui peut opérer le ravage de Rome : la hauteur et l’insolence qu’il affecte et qui suspendent l’arrêt de sa mort, font regretter qu’il ne soit pas prononcé. […] N’avez-vous pas remarqué le sentiment de pitié dont la plupart de ceux qui le voient aller à la mort sont pénétrés ? […] Pourquoi ne pas puiser dans les pièces de mille Auteurs qui sont morts les preuves de votre système ? […] [NDE] Voltaire, La Mort de César, Amsterdam, [s. é.], 1735 [repr. 1743], Acte II, scène 5, p. 27 : « [Ton pouvoir, tes vertus, qui font tes injustices,] / Qui de tes attentats sont en toi les complices […] » bv.