Si les Français n’étaient pas aussi attachés à leur Roi, le langage fier et républicain du cothurne produirait de mauvais effets.
Il est vrai qu’on ne les nomme pas, & qu’il est bien des femmes dans le monde qui leur ressemblent : mais ce sont leurs traits, leur langage, leurs allures ; personne ne peut s’y méprendre. […] Langage muet que le goût du plaisir a réduit en art, & que la Sallé avoit portée à une si grande perfection, qu’elle peignoit tous les transports, tous les rafinemens, toutes les nuances de la volupté ; de l’abondance du cœur la bouche parle, les yeux, les mains, les pieds, l’attitude ne parlent pas moins.
Tel est le langage de Tertus.
L’écrivain amateur, & plein du théatre, a parlé naturellement son langage, sans songer qu’il auroit du faire parler Abaillard, comme on parloit de son tems 2°.
n’est-ce pas le langage commun de tous les théatres ?
Les Payens ont tenu le même langage ; la raison le leur dictoit : Contra naturam vivunt qui commutant cum fœminis vestem.
S’ils ne faisoient que corrompre le langage en le remplissant de calambourgs, en augmentant sans cesse le dictionnaire de nos expressions basses ; s’il n’y avoit à déplorer que cette manie des pointes et des jeux de mots, qui a subjugué tous les états sans en excepter les plus distingués ; si les suites de ce vertige se bornoient à un excès d’admiration pour des platitudes, à la décadence de la Tragédie et de la Comédie ; à des innovations malheureuses dans les arts, on plaindroit une nation chez qui tout devient peuple.
Nous applaudissons à son zèle, nous admirons ce patriotisme éclairé, vigilant et courageux ; cette éloquence noble et simple, qui n’a rien d’inculte et rien d’étudié, où la douceur et la véhémence, les images et les sentiments, le ton philosophique et le langage populaire sont mêlés avec d’autant plus d’art, que l’art ne s’y fait point sentir. […] Quand on peint des femmes bien nées, il faut bien qu’elles aient des principes d’honnêteté, de vertu, d’humanité : la nature leur tient, je crois, le même langage qu’à nous ; le monde leur donne les mêmes connaissances ; et il est vraisemblable qu’elles l’étudient avec d’autant plus d’attention, qu’elles sont moins préoccupées. […] Je pardonnerais tout au plus ce langage au flatteur d’un Roi conquérant.
Mais j’aurais dû sentir que ce langage n’est plus de saison dans notre siècle. […] Le Théâtre a ses règles, ses maximes, sa morale à part, ainsi que son langage et ses vêtements. […] De la manière que je conçois cette passion terrible, son trouble, ses égarements, ses palpitations, ses transports, ses brûlantes expressions, son silence plus énergique, ses inexprimables regards que leur timidité rend téméraires et qui montrent les désirs par la crainte, il me semble qu’après un langage aussi véhément, si l’amant venait à dire une seule fois, je vous aime, l’amante indignée lui dirait, vous ne m’aimez plus, et ne le reverrait de sa vie. […] S’il se mêle à tout cela quelque propos licencieux, il ne faut point trop s’en effaroucher : les moins grossiers ne sont pas toujours les plus honnêtes, et ce langage un peu rustaud est préférable encore à ce style plus recherché dans lequel les deux sexes se séduisent mutuellement et se familiarisent décemment avec le vice. […] L’amour, l’amour même prend son masque pour la surprendre ; il se pare de fort enthousiasme ; il usurpe sa force ; il affecte son langage, et quand on s’aperçoit de l’erreur, qu’il est tard pour en revenir !
Le Mercure de septembre 1769 (art. de l’Opéra) distingue les danses vives & voluptueuses (dans le langage reçu voluptueux est le sinonime gazé de licentieux).