Si le grossier et le scandaleux est retranché des pièces sérieuses, ou s’il y est plus finement enveloppé, elles n’en sont que plus dangereuses, parce que le poison y est mieux déguisé, et que les personnes qui ont naturellement l’honneur en recommandation, ne s’en défiant pas, y ouvrent leur cœur sans résistance.
Je suis ici comme une pauvre biche poursuivie d’une meute de chiens affamés dont les uns ne demandent que de faire curée de mon honneur, les autres sous le spécieux nom de mariage persécutent mon intégrité, et les uns et les autres me sont en horreur comme contraires au dessein que j’ai fait depuis le temps que j’ai eu du ciel quelque lumière de connaissance de n'être jamais à autre époux qu’a Jésus-Christ Crucifié.
De jeunes personnes qui se font un point d’honneur de plaire, et qui sont gagéesb pour exprimer de la manière la plus vive une passion ; des gens qui n’ont d’autre gloire que de se distinguer sur un théâtre, en inspirant la passion qu’ils expriment ; des voix douces et insinuantes, accompagnées de mille manières séduisantes, mêlées de paroles tendres, et de vers composés avec art, pour inspirer l’amour ; tout cet assemblage prodigieux de dispositions, et de choses, dont la moindre, prise séparément, est une tentation, ne sera tout au plus, au sentiment des mondains, qu’un amusement indifférent, un divertissement licite et innocent des gens du monde.
C’est là que, s’accoutumant à regarder un chimérique honneur comme le bien le plus précieux, il apprend à tout sacrifier pour se le conserver ou le réparer, sans égard pour les droits même les plus inviolables du sang et de l’amitié ; et il l’apprend d’autant plus volontiers que c’est un père barbare qui met lui-même un fer assassin entre les mains de son fils, et lui ordonne de tuer ou de mourir.
C’est donc une très juste défense que j’entreprends ici contre un très injuste agresseur ; et c’est aussi pourquoi j’en espère la gloire et l’honneur, favorisé premièrement du droit et de l’équité, et secondement de l’honorable présence de tant de beaux esprits, de solides jugements, que j’implore pour arbitres de ma cause.
Lorsqu’on fait dire à Aristote que l’objet de la Tragédie est de purger la Pitié ; on fait penser à un fameux Philosophe d’Athenes, qu’il faut endurcir les hommes, & purger leurs cœurs de la Compassion, c’est-à-dire, de cette Vertu qui sous ce nom Ελεος avoit à Athenes cet Autel qui fait tant d’honneur à la Grece, dont la Divinité n’étoit point représentée par une Image, parce qu’elle habite dans les cœurs, comme le dit Stace dans la belle description qu’il a faite de cet Autel, Nulla autem effigies, nulli commissa metallo Forma Deæ : mentes habitare & pectora gaudet. […] Mais quand il ne nous émeut que pour des sujets dignes de larmes, il excite en nous un sentiment qui ne peut ne nous porter qu’au bien, & qui nous fait honneur. […] Dangers dont les suites funestes à l’honneur, au repos, & à la fortune des Familles, peuvent causer des désordres qui intéressent l’Etat ; dangers qui se trouvent dans la Représentation même d’Athalie, Piéce qui n’eût jamais paru sur le Théâtre public, si les intentions de l’Auteur, & celles de sa Famille, avoient été suivies.
Nous faisons le plus grand cas, comme on a pu le voir, dans le Chapitre précédent, de l’Auteur de Zaïre ; nous savons même que cette haute idée que nous avons de lui, est commune à tous ceux qui ont quelques connoissances, & quelque ombre de goût ; mais une estime aveugle lui feroit peu d’honneur.
Ce dernier se fait un honneur d’avoir eu l’autre pour maître.
Le véritable honneur m’attire bien moins sur ses pas que la passion des femmes & la soif des richesses.
Bien loin de détester cette impression, on met son plaisir à la sentir, & son honneur à suivre les mouvemens qu’elle inspire : & pourquoi s’y abandonne-t-on ?