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97. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE VII. Suite de l’Indécence. » pp. 138-160

Moliere, dans le Bourgeois Gentilhomme, avoit donné l’idée de faire agir & parler des Turcs pour élever aux dignités un homme infatué de noblesse ; mais il n’y parut que des hommes qui ne disoient rien d’indécent. […] Dans la comédie-ballet les Hommes, de M. de Saint-Foix, homme d’esprit, mais qui ne donne pas ces drames ingénieux pour des leçons de chasteté, on voit beaucoup de statues à demi nues d’hommes & de femmes que Prométhée anime avec le flambeau dérobé à Jupiter, dont la flamme s’insinue & leur donne la vie. […] Aussi ont-ils une ame spirituelle, libre, raisonnable ; l’homme n’a que l’instinct pour le plaisir : c’est tout l’homme. […] Cela seul devroit décider tout homme de bonne foi. […] La saine philosophie n’a-t-elle plus pour objet la sagesse & la félicité des hommes ?

98. (1666) Seconde Lettre de Mr Racine aux deux apologistes des Hérésies Imaginaires « De Paris ce 10. Mai 1666. » pp. 193-204

Vous ne manqueriez pas encore de vous écrier, que je ne me connais point en Auteurs, « que je confonds les Chamillardes avec les Visionnaires  » : et que je prends des hommes fort communs pour de grands hommes ; aussi ne prétendez pas que je vous donne cet avantage sur moi ; j’aime mieux croire sur votre parole que vous ne savez pas les Pères, et que vous n’êtes tout au plus que les très humbles serviteurs de l’Auteur des Imaginaires. […] Cet homme ne manque point de hardiesse, il possède assez bien le caractère de Port-Royal, il traite le Pape familièrement, il parle aux Docteurs avec autorité ; que dis-je ? […] J’avoue que ce n’est pas une petite entreprise, car que dire à un homme qui ne prend rien en raillerie, et qui trouve partout des sujets de se fâcher ? Ce n’est pas que je condamne sa mauvaise humeur ; il a ses raisons, c’est un homme qui s’intéresse sérieusement dans le succès de vos affaires, il voit qu’elles vont de pis en pis, et qu’il n’est pas temps de se réjouir. […] En effet, Messieurs, quand vous raisonnerez de la sorte, nous n’aurons rien à répondre, il faudra se rendre, car de me demander comme vous faites, si je crois la Comédie une chose sainte, si je la crois propre à faire mourir le vieil homme, je dirai que non, mais je vous dirai en même temps, qu’il y a des choses qui ne sont pas saintes, et qui sont pourtant innocentes : je vous demanderai si la Chasse, la Musique, le plaisir de faire des Sabots, et quelques autres plaisirs que vous ne vous refusez pas à vous-mêmes, sont fort propres à faire mourir le vieil homme, s’il faut renoncer à tout ce qui divertit, s’il faut pleurer à toute heure ?

99. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VIII. Sentimens de S. Chrysostome. » pp. 181-192

On y apprend au peuple à devenir cruel, comme une bête féroce, à la vue de ces hommes massacrés, de ces membres déchirés, de ce sang répandu. […] Quand vous voyez ces spectacles, quand vous entendez ces airs lascifs, ces scènes amoureuses, quand vous voyez sous ce masque qui déguise les deux sexes, des hommes en femmes, ou des femmes en homme représenter leurs criminelles passions, qui est-ce qui au milieu de tant d’objets voluptueux peut demeurer chaste ? […] L’homme sage au contraire, qui sait donner un frein à cette passion, & comme un athlète plein de courage sait la combattre & la vaincre, en ressent la plus pure joie. […] Chrysostome traite au long toutes ces racines & toutes ces branches de la corruption de l’homme & de la scène, qui en est tour à tour l’effet & la cause. Mais c’en est assez pour connoître l’esprit de cet homme admirable, & d’après ses oracles porter sur le théatre le jugement que dictent la raison, la religion & la conscience.

100. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre [V].  » pp. 156-192

Le bonheur ou le malheur éternel de l’homme. […] Les graces naturelles suffisent au besoin de l’homme. […] Tout est beau dans un élégant ; que l’homme simple disparoisse. […] Telle les Sirenes qui perdoient les hommes par la douceur empoisonnée de leur voix. […] A quoi aspirent-elles qu’à plaire aux hommes, & leur inspirer de l’amour ?

101. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Du Législateur de Sans–souci. » pp. 93-109

L’homme est le plus fort, il faut des cables pour l’attacher. […] Un homme ivre se souvient-il d’avoir fait une promesse ? […] L’homme accepte cette compagne, il s’unit irrévocablement avec elle : c’est la chair de ma chair & l’os de mes os , dit-il ; l’homme quittera pour sa femme son pere & sa mere. […] Que l’homme ne soit pas assez téméraire pour séparer ce que Dieu a joint. […] Même ressource pour un homme qui a fait des promesses dans le vin, nous en parlons ci-dessus.

102. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre I. Continuation des Mêlanges. » pp. 7-31

Ce temps fut bien court, & trop rempli d’autres objets, pour laisser au premier homme le loisir d’en fournir des mémoires au Parnasse. […] Toute la masse des hommes, à l’exception de la Très-Sainte Vierge, ne l’est-elle pas par le premier péché ? […] Voilà à quoi s’expose un poëte, homme de Théatre, qui se mêle de faire le théologien : il tombe à tous momens dans quelque hérésie. […] C’étoit un homme de société, un homme aimable, qui avoit de l’esprit. […] Est-il rare qu’après avoir été la veille à la Comédie, on aille le lendemain voir rouer un homme, & qu’après avoir assisté à l’exécution on aille à la Comédie ?

103. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

Les hommes seroient vertueux, s’ils étoient bien élevés. […] Il faut métamorphoser des hommes, & paîtrir d’une pâte nouvelle des Acteurs & des spectateurs. […] Et si les hommes d’aujourd’hui abandonnent la scène, une nouvelle génération s’en accommodera. […] Tout se ressemble, les hommes, les objets, les moyens de se satisfaire. […] Pour aimer, il suffit d’être homme.

104. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE II. Le Théâtre purge-t-il les passions ? » pp. 33-54

L'homme aura toujours des passions. […] est-il rien de si hideux qu'un homme sur la roue ? […] Mais l'homme veut être ému. […] Il faut du temps à l'homme pour agir, et à l'âme pour s'échauffer. […] Que ce métier doit coûter à un homme vertueux !

105. (1804) De l’influence du théâtre « DE L’INFLUENCE DE LA CHAIRE, DU THEATRE ET DU BARREAU, DANS LA SOCIETE CIVILE, » pp. 1-167

Se peut-il qu’un livre si sublime et si simple tout à la fois, soit l’ouvrage des hommes ? […] Sans appui, sans ressource, elle appelle en vain la compassion des hommes. […] et tu n’es pas même homme ! […] L’on fit Dieu trop longtemps à l’image de l’homme. […] N’en est-il pas réellement de l’homme moral comme de l’homme physique ?

106. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CONCLUSION, de l’Ouvrage. » pp. 319-328

En effet l’invention du Théâtre qui aujourd’hui (faute d’y réfléchir) n’est pas regardée avec l’admiration qui lui est dûe, cette invention, dis-je, supposait dans l’esprit où elle a pris naissance, des idées confuses du merveilleux, où les grands Hommes ont peut-être toujours voulu atteindre, mais où ils n’ont pû réellement parvenir qu’après un nombre infini de réfléxions, d’examens et de rapports combinés, qui supposent nécessairement de longues études, une tête bien faite, et surtout un génie supérieur. […] Le Théâtre devant réprésenter des actions humaines, soit les actions éclatantes des grands Hommes telles qu’on en voit dans la Tragédie, soit les actions communes des hommes ordinaires comme dans la Comédie, il est évident que l’art principal de ce Spectacle doit consister à imiter la nature, en sorte que le Spectateur croit voir ceux qu’on lui représente, et soit affecté de la même manière qu’il le serait si l’action représentée se passait réellement devant ses yeux. […] La passion d’amour fait impression sur tous les hommes, et non seulement une impression vive, prompte et indélibérée, mais encore une impression durable et permanente, pendant que les autres passions ne font qu’une impression passagère, comme si la passion d’amour, plus homogène et naturelle à l’homme, tenait de plus près que toute autre à l’humanité. Pour se livrer à l’envie, à la vengeance, à la colère, au soupçon, etc. il est nécessaire d’être mal né, d’avoir un mauvais caractère et souvent le cœur corrompu : pour aimer il suffit d’être homme.

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